Ma correspondance avec Freud

Cher Sigmund,

Je ne suis pas surpris de tes déceptions amicales. Ton projet a toujours
Été d’avoir des gens autour de toi pour les utiliser à avancer dans ton art,
Dans tes recherches. Et alors donc évidemment il t’a fallu envisager des
Concessions… D’ailleurs, n'est-ce pas le principe de ton métier ?

J’ai toujours aimé les diplomates, les politiciens manipulateurs. François
Mitterrand, par exemple, ah, ça lui, il m’a plu, surtout à partir de 1974.
Ensuite, dès 1981, c’était devenu  une autre histoire, on était dans la réalité,
On sortait du rêve, alors, tu comprends… Mais toi, mon cher Sigmund,
Comme tu peux te faire chier avec tous ces mecs qui tournent autour de toi.
Ils ne cherchent qu’une chose : casser du " Maître ". Tu dois en être
Conscient, mais, n’y a-t-il pas de ta part, de la complaisance, de la perversité
Ou pire, de la jouissance à les voir tourner en rond dans leurs cacas ?

Tu as un magnifique talent à faire le poisson. Tu sais très bien embobiner
Les uns et les autres afin d'arriver à tes fins, mais, je me demande, tout de
Même, si tous ces pseudo scientifiques, dont tu dis avoir tant besoin,
Ne te font pas perdre ton temps et ton énergie, que tu devrais consacrer,
De mon point de vue, sur le fond de ta recherche, et avancer un peu (sic).

Toutes mes amitiés à ta famille.



En décembre 1912, Ferenczi fait deux rêves. Il les décrit et les analyse.
Il parle de sa jeunesse, des conflits, des chocs et malheurs que même vous
Et moi avons connu aussi, il exagère en écrivant à Freud, tout comme si
Nous étions au confessionnal ! Seulement, il omet de nous parler de ce qui
Est advenu la veille pour comprendre son histoire, car sans cela comment
Voulez-vous vérifier la justesse de son analyse. Je m’explique. Tous les
Rêves que nous faisons ont pour origines un ou plusieurs évènements de
La veille, un point c’est tout, ce n’est pas la peine de douter là-dessus
Pendant des heures, c’est comme ça. Point.

La veille donc, il t’arrive des histoires que tu n’as pas eues le temps de
Regarder en face, d’en parler avec moi par exemple où, avec Gilles ou
Avec Marie. Tu as ça dans la tête et tu dors avec, sans te soucier que c’est
Justement ces trucs-là qui vont faire le ou les films de ta nuit.
Comme tu es un sacré cinéaste, tu ne vas pas revoir les événements de la
Veille, tels que tu les as vécus, ce serait trop facile, tu vas compliquer les
Choses en utilisant un autre langage pour dire ce que tu as vécu.
Ce n'est rien d'autre que ça.

L’interview.
. Sigmund, les morts ont cet avantage sur nous, c’est de pouvoir
Donner leur avis sans se soucier des vivants.
. En effet, tu as raison, nous n’avons plus peur, ni de la mort, ni de
La souffrance physique ni du quand dira-t-on.
. Alors, justement, profitons-en pour explorer aujourd’hui, certaines
Questions d’actualités auxquels tout le monde est confronté.
. Je veux bien essayer de répondre à tes questions, mais je dois dire
Avant tout, qu’il y aura obligatoirement dans mes propos une grande
Distance face à votre réalité ...
. Qu’importe !
. De quoi veux-tu que l’on parle ?
. Peut-être pourrions-nous commencer par la peur,
La peur de tout et surtout de la guerre.
. Et comment ne pas en avoir peur, n’est-ce pas la pire des choses ?
. Oui, mais cette peur n'est-elle pas justement à l'origine de la guerre ?
. Je ne comprends pas ta question, mon cher.
. Prenons un exemple. Les Juifs, les Arabes.
. Oui, quoi les juifs, les Arabes ?
. Comment faire la paix entre ces deux peuples ?
. Il faudrait commencer par ne plus employer ce mot terrible :
La " paix " car il est toujours associé dans l’inconscient avec son
Contraire la " guerre ". Tu as écrit toi-même, pour l’avoir découvert
Tout seul comme un grand, que l’amour et la haine c’était pareil.
Tu as tout à fait raison, c’est la même chose.
. Alors comment vois-tu la solution à ce problème ?
. Pour ce problème ou pour tous les autres ? Veux-tu un avis global
Ou seulement sur celui-ci ?
. Sur celui-ci d’abord, si tu permets.
. Il faut penser en terme de riches et de pauvres. Se mettre à la
Place de celui qui n’a rien d'une part et de son porte-parole ensuite.
Le porte-parole des pauvres est toujours riche ou du moins va
Le devenir sur le dos de son peuple.Les Orientaux par exemple,
Ont une philosophie qu’il faut connaître. Le chef se dit toujours
" Si tu donnes au pauvre un doigt, alors il te demandera la main,
Le bras tout entier. Résultat : faut le laisser dans sa misère "…

La fatigue, faut pas se tromper, est un métier, et
Comme tout métier faut savoir gérer.
J’errai, dans le dédale de la médecine, à la recherche
D’une solution honorable à mon problème et comme un
Pauvre malheureux, de spécialiste en spécialiste,
Je quémandais, à qui voulait bien m’entendre,
Un mode d’emploi à ma terrible particularité.
Eux, de la fatigue ils ne savaient rien, ce n’est pas dans
Les analyses de sang, pas encore répertorié,
Alors, ils m’ouvraient leurs grands yeux bleus
Pour me montrer qu’ils n’avaient pas de réponses.

Je voulus alors acheter un lit à baldaquin avec des tules blancs tout autour,
Blancs et en couleur aussi pour agrémenter ces moments-là. Je ne savais
Pas encore qu’ils allaient devenir mes meilleurs amis, mes compagnons
De route, je pataugeais dans la gadoue, pas heureux, pas heureux du tout.
Je n’ai pas acheté le lit en question, j’ai préféré écouter Maman et
J’en ai choisi un  branché à une prise EDF, non remboursé par la sécu.

Elle m'a dit : ça fait un peu hôpital ta chambre. Je ne trouve pas. C’est là
Que j’aime à me reposer, les jambes en l’air pour la circulation…
J’ai découvert avec le temps combien la fatigue pouvait être un avantage
Et pas seulement un inconvénient.

… Sachez, chers lecteurs, que de cette fatigue, il en fit une force.
N’ayant donc pas assez d’énergie physique pour être comme tout
Le monde, il dut avec ça faire quelque chose et ma foi, il y réussit
Tellement qu’au lieu de le plaindre, les gens se mirent à le jalouser,
Un peu, après pas mal. Accepter de souffrir est une chose facile à dire,
Mais faut-il encore savoir de quoi on parle. Il accepta de ne pas avoir
Une journée entière, allant de sept heures du matin à minuit, à pouvoir
Rester debout sans dormir, parce que c’est l’usage, faut pas déconner.
Il organisa ses journées en séquences, avec entre elles, des moments
De repos. Ce n’est pas très original, me direz-vous, certes, mais lui,
Sut en faire un avantage,  car au lieu de perdre son temps avec les
Fioritures de la vie quotidienne, il allait à l’essentiel.
En gros, il faisait des choix. Des choix tellement serrés, qu’un jour….

En écrivant ces quelques mots, je m'aperçois d'une chose bête, je suis
Assis là au Flore, à l'endroit même où Jean-Paul Sartre, en chair et en os,
Étalait sa pensée pour l'humanité ou mieux, parlait de tout et de rien à
Simone, dont certains ont dit qu'en tant que couple, tous les deux,
Ce n’était pas terrible, mais vous savez les gens sont méchants, rien
Que pour dire, ils remueraient ciel et terre …

Je ne suis ni Jean-Paul Sartre ni Simone de Beauvoir. Ils sont morts,
Et obligatoirement, n'écrivent plus, même s'ils le voulaient, ils ne le
Pourraient pas. Alors que moi vivant, j'ai cet avantage sur eux, certes
Ce n'est pas terrible, mais maintenant, j'écris à leurs places, je prends
Ma revanche… Quel drôle de sentiment ai-je là ?

J'éprouve un sentiment apaisant dû aux bienfaits de l'écriture.
J'ai l'impression d'être au début d'une aventure, quelque soit
L'art que je touche, c'est cette sensation physique qui domine,
Une jeunesse inébranlable me colle à la peau…
Même si parfois…
Amélie, tais-toi !

De toutes ces questions restées sans réponses, la science nous
Apportera plus tard quelques éclaircissements, mais pour l’heure,
Puisque nous sommes dans le flou, tout est permis même le pire et
Dans ce domaine, d’autres avant nous ne se sont pas privés de vous
Expliquer n'importe quoi sur tout, à commencer par les religions.
On a trop longtemps pensé qu’il y avait quelque part un ailleurs,
Tu parles, nous sommes un corps et il est composé de matière vivante,
Seulement que de ça et de rien d’autre… Ne comptez pas sur moi
Pour vous donner des illusions là-dessus.
N’oublie pas de prendre un châle, dehors il fait froid, apporte
L’appareil photo, nous cliquerons un peu, ensuite ma chérie,
Nous irons dans un bistrot parisien et nous parlerons de tout et de
Rien, comme d'habitude. En attendant, fais la bise à mémé de ma part.

Mon cher Sigmund,
Je relève avec beaucoup d’amusement, tes conflits avec tes amis.
Tu écris à Jung le 3 janv. 1913 : "  Il est convenu entre nous, analystes,
Qu’aucun de nous ne doit avoir honte de son morceau de névrose.
Mais celui qui, en se conduisant anormalement, crie sans arrêt qu’il est
Normal, éveille le soupçon qu’il lui manque l’intuition de sa maladie.
Je vous propose donc que nous rompions tout à fait nos relations privées ",
Et Jung t’écrit le même jour comme par hasard : " Je vous offre de
Déployer à votre égard les mêmes soins psychanalytiques que vous
M’offrez  parfois "…. Quand je te disais que tous les hommes sont des
Macaques, tu vois, je n’ai pas tort. De plus, tu dis à Ferenczi deux jours
Après :  " Le meilleur moyen de se préserver de l’amertume reste un état
D’esprit qui ne s’attend à rien du tout, c'est-à-dire au pire. " 
J’adore, toi au moins, tu es merveilleux ! Rien que pour cela, je vais te
Faire une confidence, je n’arrête pas de penser à l'aspect fantastique
Des rêves.
- Ah bon, et que veux-tu dire par là, mon fils ?


L’amour est un poids. Un poids lourd à porter, surtout
Depuis l’arrivée de Marie à la maison. Marie l’aimée.
Si, aller dormir n’a jamais été un problème pour moi
Maintenant, je ne dis pas que ce soit un calvaire, mais
J’ai des problèmes, car nous partageons le même lit.
Quelle idée nous avons eue là, c’est la règle, nous a-t-on assuré.
Nous avions bien entendu le choix de faire autrement, mais,
C’est délicat, vous savez, ces affaires-là.

L’amour n’est jamais très simple. Tout le monde le reconnaîtra ici.
Souvent me revient le mot "Aimer" comme un souvenir, une rémanence,
De quelque chose de passé, qui a eu lieu, mais n'est plus d'actualité.
L’amour, n’est sûrement pas que du bonheur, c’est autre chose aussi,
Parlons-en sérieusement, si vous les voulez bien.
Elle me dit toujours que je ne devrais jamais parler d’amour, car je ne
Sais pas faire. Tu parles comme elle est sympa… ma Nothomb.
Mon Amélie chérie, écoute-moi bien, si j’ai envie de parler de ça,
Je le fais sans même te demander ton avis, je suis un
Homme libre et je compte le rester…

L’humanité s’écroule et Marie toujours m’ennuie.
Hier soir, alors que nous étions confortablement
Installés devant l’écran de toutes les catastrophes,
Regardant comme des millions d’hommes et de
Femmes ce qui ne nous est pas arrivé, elle,
Elle, me fit toute une histoire au sujet de mes
Obsessionnalités concernant le thé de Chine.
Lui ai-je, moi, objecté quelques amendements sur sa façon
De voir les relations avec ses anciens amants ?
Nous les voyons arriver sans être prévenus
Et s’attablent à toutes heures du jour, mais pas de la nuit,
Je m’y suis refusé dès le départ, il y a des
Limites tout de même, faut pas exagérer.

Le monde s’écroule et nous voilà comme des
Idiots avec nos petites merdes de tous les jours.
Parfois, ces temps-ci, j’éprouve de la nausée,
De la nausée, vous dis-je,
Alors, puisqu'on nous le demande,
Donnons à la croix rouge.

Lire et écrire sont les deux mamelles de la démocratie.
L’école est le lieu pour la réalisation de ce grand projet
Et d'abord, c'est inscrit dessus : liberté, égalité, fraternité.
Bravo Messieurs, rangez vos cahiers, c’est l’heure de la récré.
L’école n'est pas une grosse Mama généreuse.
Elle pourrait aimer tout le monde, mais c'est en fait une vicieuse,
Une salope, une chienne qui note, qui trie le bétail, alors qu'elle
Devrait être là pour aider, sans jamais juger, sans jamais juger.

Si lire et écrire est formidable, pour y arriver, faut-il encore qu’à la
Maison ce ne soit pas le bordel avec tout le ramdam de la famille.
Le loyer qu’ils n’arrivent pas à payer et pour les coups, je me tais…

Mes copains disent : si tu lis, si tu écris t’es un P.D.. Alors, t’as pas
Intérêt à faire le malin avec eux, c’est pas le genre triple fillettes,
Eux, ils savent se faire respecter…
T’imagines pas la réalité sur le terrain, mon p’tit bonhomme !

1er Janvier 2005

Je perds mon temps tout le temps ou plutôt je ne le perds pas, je le
Gaspille comme un SDF brûle sa vie. Et s’il ne s’agissait pas de temps,
Mais d'une sensation, d'un sentiment de perte, tout simplement ?
Un laissé aller voluptueux dans lequel je glisse paresseusement, parfois.
Une perte volontaire, vertige accepté au détriment d'autre chose… Le
Désir de se plonger dans un travail plus conséquent. Phantasme
D’adolescent voulant atteindre un but, un lieu inexploré.
Comment une telle chose peut-elle persister encore dans la tête de
Quelqu’un comme votre très fidèle et très dévoué serviteur ?
Qu’aurais-je donc à faire de plus ? Faut-il à nouveau se lancer dans
Quelques nouveaux travaux d'inventaires, de tris, de bilans de placards
Vierges de tous immiscions ?

Si je ne l’avais déjà vécu, probablement en rêverais-je aujourd'hui...
Aller m’installer à la campagne comme d'autres artistes l'on fait
Bien avant moi. Lesquels ? Je n’en sais fichtre rien, mais là n’est pas
Mon propos, de grâce ne perturbez pas ma pensée, c’est déjà pas facile
Comme ça, si en plus vous venez mettre votre grain de sel, on n’est pas
Sorti de l’auberge. Donc, je disais, m’installer à la campagne pour ne pas
Etre happé par les tentations de la vie parisienne, mais suis-je sérieux en
Disant une telle bêtise ?
N'ayons pas peur des mots et continuons la suite de mes pensées :
La mort met un terme à la vie, nous sommes donc évidemment bien sûr
Dans un entre-deux. Je n'ai pas dit en attente, Godot l’a fait avant moi,
Évitons les redites, passons aux faits. Nous sommes le premier janvier 2005
Et ce matin, j’ai décidé de dater mes écrits. Est-ce pour faire journal de bord
Ou pour me souvenir un jour d'avoir écrit ces textes, lorsque plus tard
J’aurai perdu la mémoire… Mais pourquoi suis-je pessimiste, elle peut très
Bien rester stable jusqu’au dernier jour ?
In-chala, comme dit Hamed. Croire en Dieu ça aide !

Sur la maladie d’Alzheimer, j’avais émis l’idée, il y a quelques mois,
Que ça pouvait être un moyen, un ultime recours pour ne pas devenir fou.
Devant les événements insoutenables du passé, du présent, la mémoire peut
Être alors la pire chose qu’il soit.
Mais, rassurez-vous, je n’en suis pas là.

La mémoire j’en ai besoin, je veux qu’elle me serve : c’est une chérie
Que j’entretiens en amoureux. Je suis installé dans un café de bourgeois.
C’est là que les mots des autres parfois abondent, fusent, c’est l’avantage
De Paris, je n’en profite pas assez. Le mec à côté de moi, il est puant.
Pourtant lorsqu’il est entré, je l’ai trouvé plutôt sympa, genre écrivain
Reconnu par les médias, donc pas n’importe qui, il porte un chapeau
D’intellectuel. Comment c'est  un chapeau d’intellectuel ? Je ne sais pas,
Mais pour le cas de figure nous concernant, il tombe bien sur sa tête, ça fait
J’habite dans le sixième, pas la peine d’imaginer me voir ailleurs, le jardin
Du Luxembourg c’est mon jardin et toutes ces dames sont à mes pieds.
Je suis installé près d’une d’elles. Lui, s’en approche. Il reste debout,
Ils tchatchent, ce qu’ils disent ne m’intéresse pas des masses, moi,
J'essaye d’écrire. L'attention n'y est pas, il se décide à s’asseoir et à parler
Plus fort. Son téléphone sonne, c'est son ex-épouse. Leur conversation est
Très courte : non ça ira, je vais bien, ne t’inquiète pas. C’est vrai, il a bonne
Mine, et j’en ai pour preuve qu’il pose sur la table un livre écrit en anglais
Où il est question de sexe et d’autre chose… Mon interprète est
Actuellement en vacances, alors je ne peux vous en dire plus sur ce bouquin.
Il dit à la femme des choses du désir de l’homme, c’est très sexuel, mais ne
Soyons pas choqué, ça se fait maintenant d'avoir ce genre de conversation
En toute liberté, surtout dans un quartier comme celui-là et puis lorsqu'on
Drague, tous les coups son permis…
Ne perdons pas le nord, nous sommes le premier janvier.

Le 8 janvier 2005

La culture, madame, est un alibi au service du bourgeois.
Avec le temps, les choses ont changé en apparence, mais il n’en reste
Pas moins qu’un inventaire sérieux est à faire pour définir à qui servent
Ces lieux culturels dont la charge revient à nous tous, ne l’oublions pas.
Je ne vous dis pas rêver à nouveau de voir investir le Théâtre de Chaillot
Par tous les SDF de Paris avec leurs chiens et leur misère, mais enfin
J'y pense souvent et pourquoi vous le cacher, ce rêve je le fais par
Intermittence, régulièrement, trouvant cette architecture se prêter
Magnifiquement à la réalisation de cette idée, d'autant que quatre vingts
Dix pour cent du temps, il est inoccupé…
N'est-ce pas aux artistes que revient la mission d'ouvrir grande la gueule
Pour crier les maux des hommes faibles et sans pouvoir ?

Ai-je raison d’associer artistes et politiques ? Pourquoi rester dans la
Réserve lorsque du fond du cœur et des oreilles l'on entend de toutes parts
Des cris insupportables étouffés par l'alcool et la résignation. Pourquoi ne
Pas imaginer une grande action marquant les esprits du peuple, donnant
L’exemple au monde de ce qu’il est urgent de faire, de ce qu’il est possible
De réaliser avec peu : un déplacement d’affectation…
Pour ces hommes et ces femmes rejetés, ce serait un nouvel horizon et pour
Pous tous, ce respect à autrui, cette certitude qu’à partir de maintenant,
Plus personne ne sera dans la rue, ne pourra apporter que du bon, de l'espoir,
Mes frères … De mon point de vue, actuellement nous sommes dans la
Configuration de la non-assistance à personnes en danger.

Nous, artistes, nous devons entendre ce cri, donnons aux pauvres
Une part du gâteau national, donnons-leur tous nos théâtres, nos musées…
                   Pour l’art, nous verrons bien après…
Signé : art-psy, chef de file, militant.

 Le 10 janvier 2005

Si j’étais responsable de quelque chose, responsable d’humains,
Par exemple, j’aimerai les convaincre de ne pas croire en Dieu,
Pour une raison simple : il n’existe pas. Toutefois, reconnaissons que
Dire " Dieu n’existe pas " ne relève pas d'une foudroyante originalité
Et taper sur toutes les religions relève vraiment d’un tel conformisme !















Correspondance 1908-1914
Sigmund Freud - Sandor Ferenczi

19 janvier 2005

Mon cher Claude,
J’ai rêvé de toi tout à l’heure, juste avant de me réveiller. Quelle chance
Ai-je eu de te revoir après tant d’années de silence. Le rêve, m’a donc
Rappelé à ton bon souvenir et m’a remis dans le bain, je dis bien le bain
Si doux, si amical de notre relation ancienne et qui reste dans ma mémoire
À tout jamais. Je ne te dirais pas quelle est la fonction de ce songe, ne
Voulant pas te barber avec mes théories psychanalytiques, devenant de
Plus en plus obsessionnelles. Mon pauvre, si tu savais à quel point j'en suis
Arrivé… Je fais l’inventaire de ma bibliothèque dont une partie concerne
Freud et ses comparses. Le motif de ce film que je viens de faire de toi,
Je le devine, m’encourager à me lever du lit : c’est toujours fait pour ça
Les rêves du matin. C’était l’heure de mon petit-déj. et je me souviens
Très bien de la dernière séquence, je te demandais si tu voulais boire
Une tasse de thé ou un chocolat bien chaud.

Il est donc question d’atmosphère, de bain. J’étais bien là-dedans,
J’étais comme dans un bouillon, c’est flou, des bribes d’images me
Reviennent en vrac, par paquets. Je revois un manoir, une église,
Un jardin, une grande pièce. Nous devons monter un décor pour la
Représentation d’un spectacle, avec toi pour acteur. Tiens, comme par
Hasard, j’ai actuellement un ami acteur, mais mettons cette association
Très intéressante de côté pour l’instant, sinon on ne va rien comprendre
Du tout… Il était question de mise en place de meubles dans un hangar,
Tu as toujours aimé les meubles anciens, petit bourgeois, tu vois, je m’en
Souviens encore... Le sol est une dune, je cherche le meilleur endroit pour
Situer d'où les spectateurs auront le meilleur point de vue.
Comme tu peux le remarquer, avec te temps les choses ne s’arrangent pas,
Nonobstant, il faut bien s’occuper, occuper notre temps d’homme,
En attendant le prochain cauchemar.

20 Janvier 2005

 Nous sommes actuellement bombardés par cette campagne publicitaire :
" Téléchargez-moi légalement ". C'est la honte !
Sur l’Internet, ils sont tous venus de partout pour faire leurs affaires,
Mais aujourd'hui, ces rapaces s'attaquent à ce qui a fondé ce magnifique
Outil du XXe siècle : sa gratuité. D'ailleurs, l'inventeur du WEB a annoncé
La fin de cette aventure récemment, lorsqu'on voit la bouille de certains
Artistes à leurs bottes… Alors là, on peut se dire, c'est foutu, foutu !

Qui télécharge gratuitement ? Des gosses, les vôtres, les miens.
Ils aiment récupérer ce qu'ils peuvent pour leurs ordinateurs, leurs ipod…
Quelle magnifique chance nous avons là, de voir cette jeunesse si délurée,
Si dynamique, si cultivée. Tout cela n'est-il pas bénéfique pour la société ?

À 0,99 € la ritournelle … Tu rigoles ? Lorsqu'on sait qu'avec un ipod,
Tu peux mettre 10 000 morceaux, soit, si tu sais calculer le ridicule
Ça fait : 10 000 x 0,99 = 9 900 € (65 000 fr) pour remplir ce petit lecteur
De musique. Bravo Messieurs, Bravo vous avez gagné, mais gagné quoi ?

Pourquoi attaquent-ils les gosses et pas la maffia ?
On a eu la réponse à la télé : la maffia, on peut pas.
Pas de chance pour nos enfants… Enfin Renaud et d'autres sont là
Pour nous faire la morale ; ceux-là,
Je m'en doutais un peu, ils savent râler en chantant,
Mais quand il s'agit de leur porte-monnaie, on voit de quel côté ils sont,
À vrai dire, ils se sont fait avoir par leurs malins de patrons, eux,
Ça ne les dérange pas de salir l'image des artistes...

Ce sont des salauds, des salauds, que faire ?

22 Janvier 2005

Pour faire propre, enrayer les tags, ma commune a dépensé
750 000 € (5 000 000 fr.) pour la seule année 2003.
Après procès, ils ont pu récupérer de la famille d'un gosse,
La somme de 12 000 €. Bravo M’sieurs/dames !
Je voudrais prendre ce petit fait de société pour voir si
En se plaçant un peu différemment, en changeant
L’angle de vue, on ne pourrait pas faire des économies.
Des économies financières et des économies de haine.
Les tags sont-ils des œuvres d’art ?
Pour ma commune de banlieue parisienne, la réponse est
Evidente et d’ailleurs  " ils " ne se posent même pas la question :
Ces jeunes sont des voyous, un point  c’est tout, ils salissent notre
Environnement, ils polluent, ils font chier tout le monde, on en a ras
Les baskets … et d'ailleurs, ces jeunes, ne sont-ils pas aussi ceux qui
Téléchargent illégalement notre musique, nos films ? Hein ?
750 000 € pour ma commune, alors pour toute la France, ça fait combien ?

Soyons diplomates. Ne contrarions pas nos élus. Disons-leurs qu’ils ont
Raison : les tags ce n’est pas de l’art. Malgré tout, faisons, entre nous
L'hypothèse contraire. Il y en a plein les rues, quelle chance nous avons là.

Les tags c’est aussi bien que Matisse, Picasso, Rembrandt…
C’est même mieux, car c’est l’expression de vivants et non d’icones.
C’est le témoignage concret d'un vécu,  mes frères, l’expression d’une
Violence… Violence ressentie si fortement que ces jeunes ne peuvent faire
Autrement que de la dire sur les murs… Sur les murs de la ville.

N’oubliez pas, les vrais artistes ne se conforment pas aux normes
Ils en créent d’autres, faudrait revoir vos classiques et,
Ecouter Léo Ferré cracher le feu, ne peut vous faire de mal !

De l’école, de l’état, ils en ont été exclus et curieusement ces tags,
C’est aussi le signe qu’ils ne baissent pas les bras.
C’est par ce médium qu’ils ont choisi " de dire ", dire leur souffrance,
Celle qu’ils ont eu à supporter en amont : violence de notre société
Qui sélectionne à la va que j’te pousse.
Implacablement, il faut que tu sois rentable mon gars, sinon…

Ces jeunes, ne l’oublions pas, sont les enfants de parents que la
Société n’a pas toujours respectés, c’est de cela que leurs tags parlent.
Ils ont le courage de gueuler, n’est-ce pas un appel au secours, une alerte
Pour nous signifier l’inégalité des hommes entre eux ?
Et si l’art c’était justement cela, une alerte ?

Les reconnaître comme des artistes c’est les aliéner. Reconnaître leur
Discours c’est ouvrir un réel dialogue, pas pour les faire taire, mais pour
Les entendre dans ce qu’ils ont à nous apporter, pour nous enrichir tous.

22 Janvier 2005

Retour à la psychanalyse.
Cette correspondance entre Freud et Ferenczi, tome 2 – 1914 – 1918,
M'oblige à voir comment ces deux hommes ont géré cette période de
Guerre et pour moi, c’est aussi l’opportunité d’en apprendre un peu plus
Sur cette période. Le 23 août 1914, Freud écrit : " pour échapper à l’ennui,
Rank a entrepris d’établir un catalogue de ma bibliothèque, il va
Commencer dès demain et moi je me suis inventé une amusette semblable,
Je vais prendre mes antiquités, les étudier, les décrire, une par une "

Je ne suis donc pas le premier à me lancer dans un inventaire.
Cette occupation humaine est-elle choisie en période de crise ?
Y a-t-il un parallèle entre mon travail actuel sur ma bibliothèque et celui
Que Rank et Freud se sont imposés en un moment où tout pouvait être
Remis en cause ? Dès le début de cette guerre, Freud et Ferenczi déclarent
Combien ces évènements les perturbent fondamentalement et voient
D’heure en heure, leur humeur alterner …
En réalité, "les évènements" les rend malades et la psychanalyse n’a pas
Été là pour les caparaçonner, au contraire. Physiquement, mentalement,
Leurs corps se sont trouvées fragilisées par les émotions, les souffrances,
Les saloperies dont les hommes sont si généreusement capables, coupables.

La guerre c’est aussi ça, Freud dit : " nous sommes tous là, bouclés
À la maison, à faire des économies, ce qui est une occupation détestable ".

Pourtant,
C’est ce que vivent en permanence et de tout temps, des millions d’hommes
Et de femmes éparpillés un peu partout sur cette planète, que ce soit par le
Fait des guerres, de la misère ou d’une politique détestable de gouvernements
Incapables et de " chefs " peu scrupuleux.

24 Janvier 2005

Si j’ai passé plus de deux mois à la lecture du précédent tome,
Pour celui-ci, j’essayerai d’aller plus vite ; il y a tant de livres sur
Cette étagère psy de ma bibliothèque. Seulement, je m’aperçois avec le
Recul, de tout l’aspect positif de ce temps pris à faire ces associations
Jubilatoires du seul fait de cette installation dans la durée.
La mémoire de ce dyslexique que je suis s’est trouvée excitée par
La régularité de ces retrouvailles quotidiennes, et peut-être gardera-t-elle
Quelque chose d'incrit dans les neurones… Nous verrons bien !

Quand la lecture peut servir à écrire,
Alors cet objet, le bouquin, devient un outil,
Un alibi à créer à notre tour, à la suite de l’écrivain,
Une sorte de dialogue avec lui, avec soi.

Que le livre soit fait pour cela, voilà une bonne et noble raison de le voir
Encore et encore exister, malheureusement, le livre est un objet
Affecté d’une image culturelle interdisant à beaucoup son accès.
Le livre est trop souvent associé à " la culture ", qui est associée
À " c’est pour moi " ou " ce n’est pas pour moi ", reflet de ce que le
Pouvoir organise pour notre bien … (avis paranoäque, bien sûr !)

Vous avez remarqué, si vous avez bien lu mes écrits,
Vous avez remarqué, chères canailles, combien le sujet du pouvoir est
Récurrent chez moi, je le haïs. Je haïs tous les pouvoirs, mais c’est
Aussi, soyons réalistes, suspect de ma part, j’en suis conscient et,
Il faudra un jour, me mettre à réfléchir sérieusement sur
Les raisons me poussant à être ainsi…

26 Janvier 2005

Mon très cher Sigmund,

Je suis touché par ta lettre du 15 décembre 1904 adressée à Ferenczi  :
" Je suis plus que jamais isolé du monde maintenant, et je le serai plus
Tard, du fait des conséquences prévisibles de la guerre ; je sais que
J’écris actuellement  pour cinq personnes, pour vous et quelques autres.
L’Allemagne n’a pas mérité mes sympathies en tant qu’analyste, et
Mieux vaut ne pas parler de notre patrie commune. Mon gendre Max,
Lui aussi, est passé devant le conseil de révision à Hambourg ; il ne
Sera mobilisé que dans un temps indéterminé. Au printemps, quand
Arrivera le grand bain de sang, j’y aurai, pour ma part, trois ou quatre
Fils. Ma confiance après la guerre est fort réduite. D’ailleurs, nous avons
Appris aujourd’hui l’évacuation de Belgrade, occupée si spectaculairement
Il y a quinze jours. On nous entretient depuis trois mois de l’inévitable
Effondrement de la Serbie. Beaucoup de dégoût pour la façon dont nous
Menons les choses. "

Aujourd’hui, la guerre peut-elle être expliquée psychanalytiquement d'une
Façon convaincante ? Peut-on démonter la mécanique pouvant mener les
Hommes à en arriver là ? Peut-on expliquer l’inexplicable ? Je partirai
De deux postulats : l’âme humaine n'a aucune notion du temps d'une part, et
D'autre part, ne sait pas faire la différence entre le bien et le mal. Tous les
Sentiments humains cohabitent au même endroit, dans un volume restreint,
Appelé cerveau. Prenons un exemple, dans un rêve, il peut nous arriver
D'embrasser quelqu’un et de l’étrangler deux secondes après, nous n'avons
Aucun problème pour jouer ces deux sentiments opposés, l'amour et la haine
Et au réveil, nous ne sommes nullement choqués d’être un assassin,
Alors qu’en "vrai", nous ne ferions pas de mal à une mouche, nous sommes
Les plus gentils des hommes. 
Voyez comment la psy. explique tout, c'est un régal !

Mon cher collègue, ajoute à cela, la terrible question de Dieu. Les hommes
Y croient comme fer, je t’expliquerai une autre fois pourquoi il en est ainsi.
Dieu est le champion des champions. Sans lui, on ne ferait peut-être pas de
Guerres, et encore avec les hommes, on ne sait jamais rien d’avance …
Pour les Dieux, la mort des hommes n’est pas un problème, et je crois
Pouvoir assurer que ce concept philosophique est très contagieux en
Temps de crise… Toi, tu nous expliques qu'en nous réside une pulsion
De mort, avec lequel je ne suis pas du tout d’accord, mais enfin on ne va pas
Se chamailler pour si peu ce soir, pulsion de vie, oui, mais pulsion de mort,
Non. Nous aurons l’occasion d’en reparler une autre fois, calmement,
Toi et moi, en tête à tête.

Pour l’heure, donc, s’il n’y a pas de différence entre le bien et le mal,
On peut très bien comprendre la guerre, vécue comme un sport, une
Compétition géniale à sensations fortes, un film de guerre, un grand
Spectacle de Robert Hossein au Palais des sports, au Zenith avec Johnny.
Tout cela est comme un jeu, rien de plus, rien de moins : un rite, qui sait.
Si la guerre n’avait pas son lot de morts, ce coût terrifiant, alors en effet,
On pourrait imaginer tout ça avec recul, et nous verrions aux actualités,
Des militaires jouer les acteurs dans des rôles de héros, de salauds, de
Tueurs. Seulement, la guerre, c’est autre chose : c’est la pire des choses.

Pour sortir d’une crise, de toutes crises, il faut qu’un message
Soit envoyé par nous-même à nous-même, un message fort, dit
Avec autorité, avec fermeté. Se dire d’arrêter de faire des conneries,
Ça risque bien d’être entendu, seulement si ce n’est pas fait avec
Conviction, s'il y a dans votre discours un doute, une faille,
Vous pouvez toujours dire tout ce que vous voudrez…

27 Janvier 2005
 
Extrait du prochain prix Goncourt.

Le lauréat se leva,
La tête haute avec une gueule de bois due à
L’absorption de l’alcool ingurgité tout au long
De la soirée, la veille, en attente qu’il était de ce moment
Capital pour sa vie future et celles de ses amis.
Il y était allé pour sa famille, qui elle,
N’avait aucun espoir ni en lui, ni en personne.

Lorsqu’on s’approcha de lui pour lui donner le papier
De l’imprimerie nationale, il se leva et quitta la salle sans
Mot dire, d'ailleurs, personne ne fut surpris de son départ
Inopiné, et on fit comme s’il n’était, ni venu, ni pas venu.
De lui on s’en foutait complètement, comme disait souvent
Sa mère après une nuit d’accalmie, une nuit différente des
Jours qu’elle vivait au quotidien avec les siens… Ses seins,
Gonflaient de plus en plus, faudra bien un jour s’en occuper,
Mais de cela, elle ne voulait pas en entendre parler,
Du moins pas pour l’instant, tenaillée qu’elle fût par la
Superstition : " Et s’il m’arrive quelque chose pendant
L’opération ? " se disait-elle en permanence quand elle devait
Y penser, particulièrement lorsque ça lui faisait très mal
En plein milieu de la nuit et qu’elle ne voulait déranger personne.

Elle, des hommes, elle n’en n’avait pas une image très positive.
Peut-être l’avez-vous ressenti dès les premières lignes de ce récit
Qui commence comme il se terminera, c'est-à-dire n'importe
Comment. Avec lui, avec sa mère, on ne sait jamais où l'on va,
Ni non plus avec les autres personnages qui finiront bien par
Arriver dans le cadre de cette histoire qui n’en est pas une, en fait.
Il se disait souvent, qu’être là-dedans,
À mi-chemin entre ce jour-ci et puis demain, c’était sa vie à lui,
De quidam perdu dans cette ville chaotique et frileuse.
Alors, il voulut partir faire un grand voyage,
Et pour cela, silencieusement prépara sa valise.

Il avait décidé de tartiner des pages et des pages, tous les jours,
Histoire d’écrire des non-histoires que tout le monde attend
Ou n’attend pas, du lundi au dimanche, jours fériés inclus,
Il ne perdrait pas une journée, toutes compteraient, pourtant…
La question se posait de savoir ce qui le motivait, l’encourageait
À continuer dans cette voie, dans cette tache dont on ne voyait pas
Quel en était l’enjeu, la raison à trouver sens dans cette démarche
Artistique, mais dont la finitude ne cessa de questionner certains
Intellectuels de France, pays reconnu pour sa chaleur humaine et
Son don pour la collaboration, à tous les niveaux de l’histoire.

28 Janvier 2005

Cher Sigmund,

Ce matin, je me suis réveillé tôt, comme d’habitude
Et me suis dit qu’il fallait t’écrire pour te parler un peu,
Même si je l’ai fait, il n’y a pas si longtemps. La dernière fois,
Je ne t’avais pas demandé comment tu allais, mais je sais,
C’est ridicule de ma part d’avoir des questions de vivants
Lorsqu’on s’adresse à un mort, comme tu l’es toi, mon pauvre.

Moi, je vais bien, merci, je continue ma vie normalement,
Je m’active quotidiennement aux objectifs que je m’impose
Et parfois, je dois te l’avouer, je trouve tout cela un peu vain,
Grotesque, même si, je suis heureux dans l’ensemble.

1er Février 2005

Cher Sigmund,

Hier soir, Jeannette, avant d’aller dans sa chambre pour dormir,
M’a posé cette question : qu’est-ce que l’art ?
Je n’ai pas attendu Jeannette pour réfléchir à ça, alors,
Du tac au tac, je lui ai répondu : l’art c’est l’âme.
À ces mots, elle m’a regardé droit dans les yeux et
Voulut en savoir plus sur la question.

Je lui ai alors expliqué que pour la peinture,  par exemple, c’est
Ce qu’il y avait à l’intérieur du peintre qui sortait sur la toile à
Un moment donné. La musique, l’écriture, le théâtre, le cinéma
Et tous les autres arts, c’est toujours l’âme d’un artiste.
Tes traducteurs en langue française n'ont jamais aimés ce mot âme,
Avec la psychanalyse, faut être sérieux, il fait trop sentimental…

Mais revenons à Jeannette qui après réflexion me demanda
Si l’art était monnayable. Je te l’avoue, sur le coup je n’ai pas
Compris où elle voulait en venir, à quoi elle pensait au juste ?
Dans quel état psychologique était-elle pour entendre ma pensée ?
Devais-je lui dire que pour l'artiste l'art ne peut jamais être lié ni à
L'argent ni à la reconnaissance, seul compte pour lui la construction,
Œuvre après œuvre, de son grand ouvrage ?

7 Février 2005

 Cher Sigmund,

Tu devrais faire attention à certains des textes de ton ami Ferenczi
Et lorsque je te dis ami, je me comprends…
Dans un courrier de mai 1915, il te fait part de ses problèmes personnels
Dont tu n’as rien à faire et t’informe qu’il a quatre patients en cours :
Deux gratuits, un à 20 couronnes la séance et l'autre à 8 couronnes.
Permets-moi d'ouvrir une parenthèse, je trouve bizarre ce rapport à
L’argent que vous avez tous les deux… Fermer la parenthèse.
L'un d'eux souffre d'une hémiplégie, diagnostiquée organique par
Tous les médecins, survenue près un choc causé par la déflagration
D’une grenade. Lui, le psy de service, pense plutôt à une hystérie,
Les bras m’en tombent. Son avis m'apparaît trop léger devant un
Être humain ayant reçu la fin du monde en pleine figure…

Ne constatant aucun succès  thérapeutique, il élabore toute une
Théorie disant que peut-être il s’agirait d’une paralysie punitive
Pour de petits méfaits de l’enfance… on s’enfonce,
On offense la psychanalyse… Il est complètement dans le délire
Le pauvre Ferenczi, il va même plus loin dans sa lettre, disant
"Qu’elle" représenterait la peine de mort. Après, il t’informe
Qu’en fait, le patient aimait tirer sur les animaux avec sa carabine
Et sa grand-mère lui disait qu’elle se vengerait de lui…
Il va pas bien, Ferenczi,
Faut dire c’est la guerre, alors bon, on lui pardonne !

Le 8 juillet 1915, il te relate un fait de guerre.  Quarante et un officiers
Et mille soldats ont été tués ou capturés. Les Tcherkesses qui ont mené
L’attaque, ont coupé le pénis d’un jeune cadet et le lui ont mis dans la
Bouche. Cet acte de vengeance étrange, dit-il, est très répandu et explique
( il faut toujours qu’il explique, ça doit le calmer un peu ?),  mets cela
En rapport avec l’ambivalence sexuelle de la psyché des hommes … ? ?
« Le conscient n’est empli que de haine » dit-il ( Non, Monsieur Ferenczi,
C’est plutôt l’inconscient le fautif, mais nous verrons à étudier tout cela
En détail, ici même, un peu plus tard ).
Tu lui réponds alors le 10 juillet 1915 :
"Le petit bout de récit de guerre concernant votre régiment est horrible,
Bien qu’au fond, on doit être préparé à de tels évènements. Dans la nuit
Du 8 au 9 de ce mois, j’ai eu un rêve prophétique dont le contenu
Représentait clairement la mort de mes deux fils et d’abord celle de Martin".

Tu ne pouvais pas ne pas rêver ce genre de situation, car comment te cacher
À toi-même cette crainte de voir venir la mort, tant pour tes fils que pour
Ta personne et tous ceux qui t’entouraient ? La guerre est la pire des choses,
Nous ne le dirons jamais assez. Elle dévaste tout, retire tout ce qu’il peut
Y avoir d'acceptable en l’homme, de civilisationnel …
Elle fait place à la libération des pulsions refoulées de ce que toi tu appelles
L’inconscient, ce salaud dont nous ne cesserons d'explorer la folie.

Ce rhinocéros trouve sur ce champ de bataille toute sa raison d’exister,
Rien ne peut arrêter sa volonté de prendre le dessus sur sa raison,
Il prend sa revanche, règle ses comptes de sa vie quotidienne en tant
De paix, tout concours à son expression, c’est même pire, c’est une
Obligation ordonnée par " les maîtres du moment ".

J’espère, mon cher Sigmund, m’atteler un jour à expliquer ces
Comportements étranges à ma façon…
Je ne te dis pas le boulot !

9 Février 2005

Divertimento

" Faut avoir des ressources, bordel ! "  me dit-elle souvent pour mon bien.
Les lundis, les mardis et les autres jours de la semaine, c’est toujours la
Même rengaine. Comment ne pas me poser la question se savoir si
Elle m’aime encore. Elle qui reçut toute l’affection nécessaire au bon
Développement de son corps et de son esprit, reçu tout ça sans effort
Du temps de son enfance, de sa maman, là-bas, dans cette ville,
Si loin d’ici. Je ne parle pas pour l'instant de son père, c'est un homme
Ayant vécu à Pigalle …

" Tôt le matin, après le petit dej. ", je lui dis : je t’aime, le savais-tu ? Elle,
me répond toujours avec un léger sourire que je ne sais comment interpréter
Surtout après le petit dej., mais enfin, ne restons pas enfermé dans ce genre
De considération qui finit toujours par tourner en rond avec une personne
Comme elle… Passons rapidement aux choses ordinaires de la vie ordinaire.

" J’ai peur que la tour de Babel me tombe sur la tête ", ai-je rêvé
L’autre jour.  C’était exactement les mots formulés par elle, lorsque
Je me suis approché pour lui parler des problèmes d’argent que nous
Avions ensemble depuis pas mal de temps : les crédits s’amoncellent,
Les dettes auprès de la famille ne se comptent plus et la liste des choses
Restant à acheter pour monter notre ménage ne cesse de progresser.
Je ne dirais pas que Juliette n’est pas la femme idéale. Sur tous les points,
On peut affirmer qu’elle est bien celle que j’ai toujours cherchée et jamais
Trouvée. Notre rencontre, c’était un lundi, un mardi ou un autre jour de
La semaine, dans un quartier de Paris, je crois qu’il s’agissait de Pigalle,
Mais je n’en suis pas très sûr…

L’autre jour, j’étais avec Jean Robert, un ami à Juliette, un ancien amant.
Pourquoi vous le cacher, elle a connu d’autres hommes avant moi, mais
Depuis notre rencontre, elle m’a juré ne plus avoir besoin d’autre chose.
Jean Robert est charmant, il a deux ans de moins que Juliette, et moi, ça
Ne me dérange pas cette différence d’âge, l’essentiel c’est la fidélité…
Entre elle et moi, c’est bien.

"Parfois, je suis comme dans du coton " quand je les vois bras dessus,
Bras dessous, comme sur un nuage blanc, un tapis d’Orient, un voyage
Charter tout compris, une affaire à saisir, à ne pas louper, on n’a qu’une
Vie, faut en profiter, c’est ça qu’elle dit souvent et au fond elle a raison,
Sauf que Jean Robert exagère sur un point, il aime se faire entretenir …
Il a des qualités comme tout le monde, mais aussi des défauts. Elle fait
Tout pour les atténuer, les dissoudre dans la masse, mais pourquoi vous
Le cacherai-je plus longtemps, j'ai une confiance totale en vous, vous
Saurez garder ces confidences et en dehors de notre cercle d’amis
Communs, personne d’autre n’en saura rien. Donc, Jean Robert a
Quelques défauts dont un est d’aimer les voitures. Les BMW, le con.
Sa dernière, c’en est une ancienne, n'ayant pas les moyens d’en avoir
Une récente, faudrait qu’il travailla pour ça, mais ne grattons pas trop le
Fond, on ne sait ce qu'il pourrait en sortir, surtout que Juliette risque de
Me tomber sur le paletot si j’insiste.        

Il roule, il roule, il va vite, très vite. Tout en lui nous donne du bonheur,
Pensions-nous Juliette et moi, lorsqu’un flic nous a repérés et nous a
Poursuivi avec son fusil à l'épaule. Je suis tout en nage, sur le point de
Me réveiller, mais je n’en ai pas envie, pas tout de suite, je veux savoir
La fin. Je n’arrive pas à me souvenir du début, à savoir si nous étions
Juliette et moi seuls dans la voiture où si Jean Robert y était aussi, j’en
Ai parlé avec elle au moment du petit dej., mais elle m’a dit, histoire
De me contrarier de bon matin, ne pas avoir fait le même rêve que moi
Cette nuit. On s’aime, mais parfois il peut subsister entre nous,
Quelques discordances.

Rien n'est jamais terminé, tout recommence toujours, me dis-je souvent.
Combien d’aventures ai-je connues dans le dédale de cette vie ordinaire ?
Que dire de cette ville où tout est permis, permis mais payant, rien n’est
Gratuit… Mais enfin que voulez-vous, on n’a pas à se plaindre. Il y a les
Lundis, les mardis et les autres jours de la semaine pour oublier les soucis
D’antan. En temps normal, elle et moi, nous faisons nos courses dans le
Super marché du coin, mais quand il y a Jean Robert, elle préfère qu’on
Les fasses « Au Bon Marché » c’est plus chic, ça fait tout de suite plus
Dans le domaine du choix, et puis dit-elle, c'est d'une qualité irréprochable.
Un soir, après quelques verres de gin… Ils aiment tant ça le gin, mais ne
Nous attardons pas trop là-dessus, car j’en aurais des choses à dire…Un soir
Donc, il me fit une confidence alors que Juliette était allée au Water closet :
J’ai eu comme plusieurs vies, vois-tu, et maintenant j’aspire à me poser, je
Pense à me marier, c’est con, mais j’y pense souvent, et moi plein de malice
Je lui réponds : pour cela il te faut une femme. Tout à coup, j’ai eu mal, très
Mal, mon inconscient me jouait des tours… Des associations confuses se
Bidouillaient je ne sais où, mais j’ai eu peur un instant qu’il pensa bêtement
À Juliette, il l'a tant aimé le pauvre garçon, mais j’étais arrivé au bon
Moment pour qu’ils ne s’engloutissent tous les deux dans une affaire
Compliquée dont ni les uns, ni les autres n'en eussent été satisfaits.
Dans la vie, il fit…
… Plusieurs emplois, mais très rapidement il comprit que ce n’était pas
Une solution, il avait d’autres objectifs à atteindre dont celui de cajoler sa
Voiture rouge. Oui, elle était rouge. Il connut Françoise Sagan, mais cela
Ne dura pas longtemps, c’était juste avant sa mort, elle avait des problèmes
D’argent paraît-il, alors lui évidemment… Il aurait bien voulu connaître
Margueritte Duras, mais elle avait disparu avant qu’il ne fût en âge de
La satisfaire. De la psychanalyse, il ne connaissait rien et me demandait
Si je voulais bien lui donner le fauteuil, alors de temps en temps,
Je le laissais parler, histoire de faire plaisir à Juliette et équilibrer
Cette relation tendue.

" Qui dit emploi, dit fonction associée à cet emploi ". C’est ça qui l’obsédait
Le plus, qu’il n’arrivait pas à intégrer complètement, bien qu’il eut à ce sujet
Une idée derrière la tête, mais comment faire pour y accéder sans en avoir
Les clefs ? Un matin, il nous fit part d’un souci qu’il avait concernant la
Connaissance, le fameux « socle » dont nous rabâchait  les oreilles la télé
Achetée à la Fnac, un jour où fut décidé le renouvellement de  tout
Le matériel audio vidéo de la maison. Ce jour-là n’était pas un jour comme
Les autres, puisqu’il y eu cette décision, qu’au demeurant nous n’étions pas
Obligés de prendre. Tout fonctionnait tant bien que mal, jusqu’au jour où
Cela continua à fonctionner encore et encore sans jamais dé-fonctionner, et
Il s’en accoutuma comme on s’accoutume à tout et à n’importe quoi. Son
Ancien téléviseur était posé sur un socle rond permettant un pivotement
Vers la droite ou vers la gauche selon l'endroit où il avait décidé de
S'installer, bien qu’en général il préférait laisser en permanence son fauteuil
Au même endroit. Je suis contente de voir le résultat de tes efforts,
Lui avait dit une amie à Juliette, un soir, étrange soir, où il reçut du monde
Chez lui pour une Pizza partie. Ce n’était pas son genre ce genre de réunion,
C’était Jean Robert l’initiateur, il en avait eu l’idée à la suite d’un feuilleton
Américain qu’on regardait à trois, étalés que nous étions sur le magnifique
Sofa de Serge : il nous l’avait prêté avant d’aller s’installer définitivement à
Marrakech. Le plus désagréable de la soirée, ce n’était pas tant l’amie à
Juliette, je l’ai supportée toute la soirée sans mot dire, par contre la Pizza,
Elle était insignifiante. Il eu aimé faire une sublime association comme
Proust avec la madeleine, mais lorsqu’on est à plusieurs à partager un plat
Commun à tous, il pensa à cette toute première pizza de Calenzana en
Corse, pays où il n’allait plus à cause des bombes, c’est bête d’avoir des
Blocages comme ceux-là, mais que voulez-vous, on ne se refait pas.

J’ai eu de la chance de ne pas avoir reçu de bombes, pensais-je ce soir-là
Un brin déprimé lorsque me revinrent les images du V.V.F. de Calvi.
Je pensais à cet endroit merveilleux où j’avais été en famille, avant, bien
Avant Juliette, quand j’étais un homme normal comme tout le monde avec
Une BMW rouge, pas la même que celle de Jean Robert, ce con. Non, c’en
Était une d’occasion, achetée principalement pour bosser, putain de merde,
Quel mauvais souvenir. Lorsque je pensais à tout cela, j’avais de la
Nostalgie, certes, mais de la peine aussi. Je ne me suis jamais noyé dans
L’alcool, je me jetais plutôt à corps perdu dans les fourneaux de ma cuisine
Et fabriquais des pennes à la tomate et au piment de Cayenne ; un tsunami
Pour l’estomac. Bref, la télé finit par me tourner la tête, je mélangeais tout.

Juliette vient de me faire une confidence en mangeant de la confiture.
Une confidence qui fait mal aux dents : "j’aimerai partager ma vie avec lui"
Me fit-elle en me regardant droit dans les yeux, histoire de voir comment
J’allais le prendre. Il est sept heures du matin et la journée commence.
Je suis un non violent et la tête à Juliette, j’y tiens encore. Seulement,
Entendre des choses pareilles peuvent mener certains devant Monsieur le
Juge pour un divorce avéré. Mais lorsqu’on s'aime, on ne s’arrête pas
Sur les phantasmes de l’aimée, on s’arrête sur autre chose. Seulement,
Il y a les idées fixes, les p'tites obsessions, puis il y a la réalité, et
Juliette me dit alors…
Mais, je ne dirais rien sur ces aveux, cela reste secret entre elle et moi.
Et pour me remonter le moral et me raisonner un peu je me répète :
Acceptons que de temps en temps l’un de nous perde les pédales pour
Son équilibre et celui de notre union sacrée.
J’avais là assez d’arguments pour laisser faire Juliette.

14 février 2005

Cher Sigmund,

Depuis quelques jours, j’ai mis ma correspondance avec toi de côté
Pour me consacrer à d’autres qu’à toi. Je me suis remis à lire Kafka,
Je ne sais si tu connais, il vit dans ton secteur et il est aussi de ton époque,
Alors, tout est réuni pour vous croiser, vous rencontrer. Cet été, j’ai lu pour
La première fois "La métamorphose", texte récupéré sur Internet
Gratuitement, c'est pas comme tes consultations… Je te taquine, j’aime bien.
Dans mon esprit, Kafka, c’est une image de quelqu'un que j'aime vraiment,
Une icône, plus, un exemple à suivre, un concept, comme dirait notre ami
Deleuze, dont je comprends rarement les discours. À la lecture des
Premières phrases, j’ai ressenti de la répulsion : cet homme métamorphosé
En cafard, dans cette maison, cette chambre, ce lit, cet enfermement,
Cette schizophrénie. Je me suis accroché à cette lecture par la description
Qu’il faisait de sa relation avec sa famille, son chef de bureau et toutes ses
Obsessions névrotiques, psychotiques, je ne sais pas ce que tu en aurais
Pensé, c’est dommage que tu n’en aies jamais parlé…
Du moins d’après ce que j’en sais.
Chez Flammarion, tu as "La métamorphose" associée à un autre texte
"Description d’un combat". Je te le dis, dans le cas où tu voudrais
Le commander à la Fnac. J'ai eu du plaisir à lire ces textes, c’est fou.

Kafka, peut-il deviner qu’aujourd’hui, cette écriture est celle qu’on aimerait
Lire de la part d’auteurs contemporains ? C’est d’une telle actualité que j’en
Ai perdu mon latin, je veux dire, j’ai mis ta correspondance avec Ferenczi
De côté ! Je te signale aussi une chose importante : je viens de recevoir
Le tome 3 de cette correspondance recouvrant la période 1920 à 1933.
 Je ne sais pas pourquoi Calmann-Lévy, l’actuel éditeur en langue française
L’a appelé "Les années douloureuses" ? Lorsque j’aborderais sa lecture,
Je ne manquerai de t'écrire. Les salauds, ils ont sorti de je ne sais quel
Placard, une lettre de toi, écrite en 1933, concernant ton avis sur
L’installation des juifs en Israël. Bien qu’il y ait quelques espoirs de paix
Actuellement, je trouve ça scandaleux d’avoir montré cette lettre, alors
Que ta volonté était qu’elle ne le fut jamais, par personne d’autre que par
Celui à qui tu l’avais adressée à l’époque.
Pour moi, c'est un réel problème que ce problème-là :
Le non-respect des dernières volontés d’un être, après sa mort.
Sans vouloir t’ennuyer encore avec Kafka, lui, en dehors de la
"Métamorphose", il voulait que tous ses autres écrits soient brûlés
Ou détruits. Son éditeur était un ami et son exécuteur testamentaire…
Deleuze dit qu’il faut se méfier de ses amis comme de la peste,
Mais lui, faut dire est complètement parano. Passons. Donc, son éditeur
S’est permis de tout éditer et passer outre la volonté de son ami,
Bien qu'il l'ai averti de son vivant qu'il ne brûlerait jamais rien…
Que faut-il faire ?
Respecter ou ne pas respecter ?

15 février 2005

Cher Sigmund,

Dans la nuit du 8 au 9 juillet 1915, tu as fait un rêve où tu vois tes deux
Fils mourir au combat. Dans une lettre du 21, tu y reviens en signalant
Un fait réel : une balle a éraflé le bras droit de Martin et tu dis :
"Donc, la prophétie a déjà échoué". Tu donnes dans la superstition.
Ce sentiment est-il si archaïque que même toi, homme si averti,
Tu y succombes tout comme n’importe quel quidam rencontré dans
La rue ou au comptoir d'un bistrot de n'importe où.
La superstition, dans ton cas, à cette époque-là, est compréhensible :
C’est la guerre et un rêve vient annoncer une catastrophe. Alors, tout
Cela ne contribue pas à calmer ou apaiser tes peurs. Mais, est-ce
Conjoncturel ou pathologique de ta part ?
Le 18 janvier 1916, encore de la superstition, tu as souvent l’impression
De savoir d’avance l’année de ta mort… Tu as eu ce sentiment plusieurs
Fois dans ta vie, à différentes périodes de ton existence.

Ferenczi te fait part depuis des années de son homosexualité, tout en te
Parlant longuement de ses relations avec les femmes (une mère et sa fille)
Et ses difficultés sexuelles, auxquelles tu aurais pu rapidement mettre le
Haut là en lui renvoyant l'image de son homosexualité. Bien entendu,
Si tu avais été psy aujourd’hui, tu l’aurais envoyé faire un p’tit tour dans
Le quartier du Marais, et tout serait rentré dans l’ordre. Le pauvre garçon.

17 février 2005

Si vous cherchez dans google ces trois mots : abolition notes et école,
Vous trouverez facilement quelques-uns de mes textes sur la question.
Seulement, aujourd’hui, j’ai envie de trouver d’autres mots, aller dans
D’autres directions, explorer autrement. Curieusement, en France il y a
Peu d’amateurs pour se battre pour cette cause. Une chose est certaine,
Les enseignants ont pour "mission" d'éduquer les enfants, les leurs et ceux
Des autres. Pour cela, l’état leur en donne les moyens, les règles et le
Mode d’emploi à suivre : la compétition, la compétition, la compétition.
Si quelque chose doit changer dans l’école, c’est bien cela.
Sortir de la compétition et également sortir de la fameuse tarte à
La crème : "l'évaluation" (quel mot horrible, on va vous évaluer !).
D’autres pays, d’autres écoles pratiquent autrement. Aujourd’hui, est-il
Permis de se poser la question : que doit-on en attendre ?  Ce matin,
Devant mon ordinateur, je me le permettrai, qu’en obtiendrais-je ?

C’est la récréation, des enfants jouent entre eux, ça court dans tous les sens,
Dans un espace délimité où tout peut advenir, les joies, l’amitié, mais aussi
La violence et la haine. Des sentiments humains tous simplement.
Ils entrent dans la classe, et déjà là, il y a les dominants, les dominés,
Ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas. C’est toujours ainsi,
Lorsqu'il y a des êtres vivants… Tu as les docteurs et les malades, les
Maîtres et les élèves, les patrons et les employés… Et aussi,  les exploitants,
Les exploités, les aimants et les aimés, mais ça c’est une autre affaire,
Ne nous égarons pas. Rêvons plutôt qu’il n’y ait plus de notes,
Plus d’évaluation, plus de jugement…
Ils entrent dans la classe et ce n’est plus comme avant. Maintenant,
L’enseignant a pour fonction de permettre à chacun de découvrir,
Non pas un programme ou faire avaler "un socle de connaissance"
(quelle formule !), mais tout autre chose : il a pour fonction d’exciter
Chacun à chercher ardemment ce qui l’intéresse, à l’explorer d’une
Manière personnelle par tous les moyens qu’il aura à sa disposition
Et enfin, après, faire partager sa ou ses passions à tous ses camarades.
Prenons un exemple. Dans une classe, il y a trente gosses. Non, c’est trop.
Disons qu’il y en a vingt avec deux enseignants, ça c’est déjà mieux.
Un gosse apporte ce qui l’intéresse à la connaissance de chacun.
Les vingt et une autres personnes, présentes dans la classe, en font autant.
Ce bouillon de culture, aussi divers et disparate qu'il puisse paraître, ne
Peut-être que porteur d'énergie et c'est cela le plus important…
Cet acte de passage donnera tout son sens à la fonction de l’école.

Je suis un de ces élèves. Timide, on m’encourage à aller le plus loin possible
Dans ce qui m'intéresse. Là, on "respecte mon travail" et donc ma personne
En tant que faisant quelque chose pour moi et par ricoché pour les autres.
De tous ces travaux personnels, de ces passions exposées que peut-il en
Sortir, et comment les enseignants doivent les exploiter pour canaliser
L'ensemble de ces éléments pour en faire un tout ? Ces matériaux ouvrent
Les portes des possibles en lien avec l'écriture, la lecture, l'internet, les
Livres, les arts…. Cela devient une sorte d’araignée.

Ne plus noter, ne plus évaluer, ne plus juger c’est assurer à chacun une part
Réelle d’existence, avec le droit à l’erreur bien entendu, mais
N’est-ce pas cela que les "autorités supérieures" ne veulent pas ?

Noter, évaluer, juger c’est faire le tri. Le tri pour que la société fonctionne
Comme elle a toujours fonctionné. Lorsque j’entends le mot "changement",
J’entends "rien ne doit changer"… La peste des mots.

À vrai dire, ce n’est pas si facile qu’il n’y paraît, car repenser l’école
C’est aussi repenser la société dans laquelle nous sommes.
Si l’école agissait autrement, les règles ancestrales, archaïques,
Incrustées dans nos mémoires collectives de ce que doit être l’éducation
En rapport avec ce que nous avons vécu nous même, ce qui nous a été
Imposé par force et non par choix, tout serait chamboulé et c’est ça que
Tout le monde craint : la mise en cause des choses établies.

18 février 2005

Cher Sigmund,

Hier, je pensais bêtement à toi en marchant dans la rue. Je me disais :
Être ou ne pas être psychanalyste ? Ce n’était pas la première fois. Cette
Question m’est déjà venue à l’esprit plusieurs fois, elle est récurrente.
Un jour, je me suis amusé à faire un exercice, histoire de prendre de la
Distance. Cela consiste à imaginer une même personne dans des situations
Très différentes. Exemple.
Madame J. entre dans une boulangerie achète une tablette de chocolat,
Discute un peu avec sa boulangère de ses difficultés du jour brièvement,
Car il y a du monde dans la boutique. Ensuite, elle prend le métro, arrive
À son bureau et avec sa collègue, lui confit aussi ses difficultés,
Les mêmes que ceux évoqués chez sa boulangère. La journée passe,
Puis, vers dix-huit heures, après le turbin, Madame J. se rend chez
Son psychanalyste…  Pour lui faire part de ses difficultés du jour.
Bien entendu, ce qui compte pour elle c'est d'avoir fait chier
Au moins trois personnes dans la journée avec ses conneries,
Mais ce qui lui importe, ce sont les réactions de sa boulangère,
De sa collègue, de son psy…
Hier, je me suis imaginé que tous les gens visitant les psys étaient des
Emmerdeurs. Cette pensée, je ne la trouve pas sympa, ni pour les psy,
Ni pour ses clients, mais enfin que veux-tu, l’inconscient, c’est ça, il
Nous fait avoir des pensées que parfois on aimerait en avoir d’autres…
J’ai perdu le fil de ma pensée et me demande pourquoi je te dis ça ?
Je dois impérativement écrire à Amélie, car depuis ma nouvelle vie avec
Juliette, je l’ai mise un peu de côté. Il se trouve, que malgré tout, je l’aime
Toujours autant… D'ailleurs, j’aime tout le monde, c’est inquiétant !
 
21 février 2005

Cher Sigmund,

Il y a tout juste 88 ans aujourd’hui, tu exprimais à notre ami Sandor,
Un ras-le-bol de ses tergiversations sentimentales, dont je rappelle ici,
Pour te distraire, quelques lignes succulentes :
"  Je crois avoir ainsi reconquis la liberté de vous dire ce que vous auriez pu entendre plus tôt si vous n'étiez venu en analyse, à savoir que je ne pense rien de bon de toute cette affaire et que je tiens vos hésitations pour preuve qu'il n'en sortira rien. Cela dit, le fait que vous réagissiez au refus de Madame G. en recommençant à être malade me confirme encore dans l'idée que cette histoire est mal engagée depuis longtemps et ne peut plus être redressée. Je veux dire que vous ne devez pas vous évertuer à prouver que vous le voulez, malgré tout. Je ne vous croirai pas, et Madame G. agit très sagement, à mon avis, lorsqu'elle conclut de tout ce qui précède qu'elle ne doit pas s'y prêter. Naturellement, je n'ai jamais fait le moindre pas pour l'influencer, j'ai simplement prévu qu'elle agirait ainsi. "

Ta lucidité est le meilleur moyen d’avoir de la distance, mais ce rapport
Père/fils, maître/élève, que vous entretenez consciemment tous les deux,
Vous enlise dans une sorte de perversion menant vers une impasse :
Une incomplétude relation. Malgré tout cela, il continue à te "persécuter"
Avec ses fausses querelles intérieures. Je sais, je sais, je sais : faut pas être
Trop exigeant… Mais je me demande si finalement,
Le psychanalyste n'est pas le symptôme du patient ?

23 février 2005

Cher Sigmund,

1918, pour vous deux, c’est la guerre,  et par moment, tu confies à Ferenczi
Ou à sa future épouse, ton désir de voir ta vie arriver à son terme
Maintenant, devant les difficultés et l’horreur de la situation du monde.
Je ne sais à quel moment t’est venu le concept de l'instinct de mort,
Nous verrons ça plus tard, mais je tiens à te rappeler ceci : ce qui existe,
De mon point de vue, ce sont des moments de découragement.
Inutile de te faire un dessin sur les dégâts causés par ces moments-là...
Comment ne pas penser aux tentatives de suicide des jeunes en particulier
Et dont la psychanalyse devrait, si elle devenait un jour gratuite, être à
La portée de tous, mais les jeunes, qui s’en préoccupent ? Au pouvoir,
Tu n’as que des vieux chnoques.

Je n’ai pas écrit depuis quelques jours et cela me déprime.
Il a neigé toute la nuit et dehors tout est blanc. Je devais me rendre
Ce matin à l’hôpital pour des examens, car marcher devient pénible,
Alors, j’essaye de voir ce qui pourrait être encore sauvé…
Mais il n’y avait aucun taxi disponible pour m’accompagner,
J’ai dû annuler ce rendez-vous et rien que cela m’a donné
Un moment de découragement. C’est chiant.
A la moindre difficulté, je suis pompé, les surrénales…

Bizarrement, c’est dans ces moments-là que me vient l’envie
De créer ou de faire quelque chose que j’avais mis de côté.
Aujourd’hui, j’ai repris l’écoute des enregistrements de notre ami
Gilles Deleuze, à la lettre f. de son abécédaire, on a la fidélité.
Il parle de l’amitié.. J’aime beaucoup Deleuze, mais aurais-je
Pu m’en faire un bon camarade ?  Je n’en sais rien !






Bruno Bettelheim - Freud et l'âme humaine

4 mars 2005
 
Cher Sigmund,

Pour lire les deux premiers tomes de ta correspondance avec Ferenczi
1908-1914 et 1914-1918, il m’a fallu plusieurs mois, car je lis
Très lentement. Heureusement, ce temps m’a servi à entrer au sein
Même de votre relation, de votre amitié… À ce temps-là, s’est ajouté
Celui que j'ai consacré à t'écrire. Mon écriture s'est basée non par la
Volonté de faire un compte rendu de la chose lue, mais par l'emploi
D’une méthode dont tu as été l’un des principaux instigateurs :
Autorisation faite à soi-même d’associer selon son bon vouloir et dans
Tous les sens, les éléments ayant fait tilt quelque part grâce aux mots
De ces lettres parcourues, les tiennes et celles de Ferenczi. Mais, ces mots
Venaient s’ajouter à tous ceux de la vie courante de tous les jours,
À tous ceux lus dans des articles de journaux, entendus à la télé, mots
D’amis, d'amour et surtout ceux de la cousine Berthe, des soucis de
Jeanne, de Paul ou de Suzanne. Bref, cette lecture est devenue, avec ce
Fameux temps, ma vie même.

Dans la vie, il y a des choses injustes. Toi qui a toujours été à la recherche
D’un ami, un vrai, tu n’as pas connu Bettelheim. Lui, tu l’aurais beaucoup
Aimé, de plus il a si bien compris qui tu étais. Il a compris que tu parlais
D’âme sans le goût amer de la religion, il te savait juif, mais grâce à Dieu
Athé et amoureux des choses de l’intérieur de l’être humain.
Seulement, vous n’avez pas vécu au même moment, il y a eu un certain
Décalage lié au facteur temps… La vie est ainsi faite, il y a des loupés,
C’est ce qui fait probablement l’essentiel de son charme.  Bettelheim est
Un homme concret. Il relève qu’à la traduction de ton travail, de l’allemand
Au français, le mot « âme » manquait, il avait même complètement disparu
De la circulation, alors que tu l’as toujours beaucoup utilisé.
Il en explique la raison à sa manière, il dit, que si l’on veut être pris au
Sérieux dans nos pays, scientifiquement, vaut mieux éviter ce mot-là …

Pour te parler de lui (1903-1990), j’ai trouvé un texte retraçant sa vie, son
Oeuvre sur Internet (Karen Zelan).
Permets-moi de t’en donner ici quelques lignes choisies.

∑ Application des principes de la psychanalyse aux problèmes de l’éducation, de la société et de la famille. 
∑ …De même, Bettelheim s’est longuement attardé sur l’idée que les jeunes gravement perturbés doivent être isolés du milieu qui a favorisé l’apparition de leurs symptômes, pour séjourner dans un milieu thérapeutique spécialement conçu sur la base des principes psychanalytiques.
∑ Il exigeait de chaque enfant d’intenses efforts pour résoudre ses propres problèmes…
∑ … la psychanalyse est, aux yeux de Bettelheim, la voie royale de la réforme de l’éducation. Sigmund Freud n’aurait pu qu’en être d’accord…
∑ Bettelheim montre que les enfants de l’École, dont le passé se caractérisait par un refus d’apprendre, prenaient souvent goût à l’étude quand celle-ci s’appuyait sur leur vécu personnel.
∑ Alors qu’en général l’enfant normal se conforme, l’enfant atypique conteste.
∑ Comme Pestalozzi et Montessori, Bettelheim a compris que le programme et les méthodes spéciales d’enseignement sont de peu d’utilité « tant que l’enfant lui-même n’est pas convaincu qu’il doit apprendre pour son propre bien »
∑ … à l’École orthogénique, George était sujet à des épisodes régressifs. Or, on n’encourageait pas ce mode de fonctionnement en classe. Bettelheim comptait sur la classe pour favoriser l’expression par l’enfant de ses aspirations les plus matures. Beaucoup d’enfants cependant résistaient à l’apprentissage scolaire, parce que celui-ci impliquait qu’ils devaient « grandir », et qu’ils avaient sur ce chapitre une attitude très ambivalente.
∑  … que le traitement d’un enfant perturbé dans un milieu institutionnel n’est achevé qu’à partir du moment où celui-ci non seulement réussit en classe, mais veut apprendre par lui-même et prend plaisir à apprendre.
∑ Le plus important est de reconnaître les points positifs de l’enfant. Les parents, estimait-il, accordent beaucoup trop d’attention aux problèmes que posent leurs enfants, en oubliant de les créditer de l’intelligence qu’ils ont déployée pour créer ces problèmes.
∑ Bettelheim a à maintes reprises affirmé que l’enfant se sert de son intelligence pour créer ses symptômes et qu’il nous faut donc mettre à profit cette intelligence pour les résoudre.
∑ Citant Montaigne, Bettelheim écrivait : « Le jeu devrait être considéré comme l’activité la plus sérieuse des enfants. »
∑ Il voyait dans le jeu rien de moins que la voie par laquelle l’enfant accède à son identité. Cela est vrai même du tout petit dont le jeu se résume à sourire à sa mère lorsqu’elle lui sourit.
∑ … il a consacré le travail d’une vie entière à nous convaincre de laisser nos émotions informer la raison pure, ce qui est l’essence même d’une psychologie humaniste.
∑ Sa thèse était que mieux le moi est assuré, moins l’individu a besoin d’identifier haineusement un autre groupe ethnique au mal pour consolider son sentiment de soi.
∑ Les parents n’avaient pas leur place dans le programme de l’École orthogénique, mais Bettelheim n’en reconnaissait pas moins que vivre avec un enfant autiste est une épreuve dans laquelle les parents sont souvent réduits à réagir de manière erratique et parfois répressive, réactions suscitées par l’impact que produit sur eux-mêmes le syndrome autistique.
∑ Mais le message essentiel de Freud et l’âme humaine est que, rappelle Bettelheim, la théorie de Freud est une théorie humaniste, en dépit du souci qu’avait son auteur de lui conférer un caractère scientifique.
∑ « Freud parlait souvent [en allemand] de l’âme — de sa nature et de sa structure, de son développement, de ses attributs, de la manière dont elle se révèle dans tout ce que nous faisons et rêvons.
∑ Au lieu de susciter un sentiment profond pour ce qu’il y a de plus humain en chacun de nous, les traductions cherchent à orienter le lecteur vers une compréhension prétendument « scientifique » de l’inconscient et de la manière dont il conditionne une grande partie de notre comportement. ».         De plus, lorsqu’il a choisi des mots pour désigner les structures mentales, Freud s’est servi de termes familiers à n’importe quel enfant allemand. Il espérait ainsi que la psychanalyse serait accessible à un vaste public.
∑ Si Bruno Bettelheim avait une tendance souvent très marquée à fouiller les aspects les plus sombres de la nature humaine, il était soucieux aussi de nous montrer comment surmonter nos complexes, de revigorer la société en y instillant un esprit humaniste et de nous aider à mettre au jour les sens multiples, variés et personnels de l’existence.

Si pour Bettelheim le mot « âme » était important, ce mot a été aussi pour
Moi, celui que j’ai choisi pour définir ce que pouvait être ma peinture.
Si d’autres ont essayé de répondre à la question : qu’est-ce que la
Philosophie, je me devais de faire de même avec mon art, du moins en
Ce qui concernait mon propre travail. Nous aurons l'occasion d'en
Reparler ensemble un de ces jours, je ne sais pas quand, mais ça viendra.

Revenons à l'école et aux idées fixes que j'entretiens comme un malade.
Noter, évaluer le travail d’autrui, est une sorte de petit crime. Le mot est
Fort je te l'accorde, mais tous ceux dont la vie ne trouve pas, ne serait-ce
Qu'un semblant de sens à l'école, que peuvent-ils espérer devenir dans
Ce monde de merde qui ne leur fait aucune place ?
Les prisons sont pleines de contrevenants aux lois, dont ils se sentent
Totalement étrangers. Les hôpitaux et les rues ont les malades d’une
Société de rejets ou de manque d’amour comme on voudra, sans compter
Les pauvres qui se cachent et dépassent plus de dix pour cent de la
Population...  Bref, ce n’est pas la misère qui manque dans notre pays,
Si merveilleux et si riche par ailleurs…
Mais qui sont donc ces gens et quelles étaient leurs notes à l’école ?
Plutôt mauvaises, je vous le dis. C’est ça le crime de l’école.
Faut-il pour autant abolir l’école ? Non, uniquement abolir les notes.
Ce jugement des maîtres est la chose la plus détestable. Elle donne
Du pouvoir à ceux qui devraient consacrer leur temps à se mettre
En phase avec leurs semblables…Oui, mes frères ! Amen.
L'école est essentielle pour les sociétés humaines, elle est le lieu de
Tous les possibles, personne n’a le droit de se considérer supérieur
À autruit.Tu vois, être artiste, ce n’est pas seulement de faire de la
Peinture ou de l’écriture, car ils ne sont qu’une étape : c’est aussi et
Avant tout un engagement… Qu’on se le dise !

Lorsqu’un écrivain écrit des textes difficiles à lire, ce qui n'est pas mon cas,
Du moins je l'espère, se pose-t-il la question de savoir à qui il s’adresse ?
Je ne veux pas passer pour un démagogue, mais enfin que voulez-vous,
Ces écrits-là, pour les plombiers, les électriciens, les maçons, pas question
D’essayer, c’est perdu d’avance. De toute façon, ne nous voilons pas la face,
Ils n’iront pas voir de ce côté là,  ils savent très bien que ce n’est pas fait
Pour eux, ils ne sont pas du bon côté pour ça.
Alors, ils font d’autres choses que lire, m'a-t-on dit un jour. D’accord,
Pas d’accord. Oui, je sais, il est possible de vivre sans, il y a le sport, les
Jeux olympiques en 2012. Tout de même …
Pourquoi ces inquiétudes me reviennent tout le temps ?
Tout simplement parce que je trouve que lire est important.
Ma mère ne lit que depuis quelques années et sa vie s’est trouvée
Métamorphosée. Non, pas de blague, la lecture c’est vraiment fait pour
Tout le monde, mais va falloir remanier son image sérieusement.

Devant cette inégalité face aux livres, sommes-nous confrontés
Insidieusement au problème de la lutte des classes ?
Gluks, me voilà communiste…
Dans ce monde qui tourne, il y a des classes, des castes. Tout cela est
Accepté, nous nous sommes adaptés depuis la nuit des temps, bien avant
Notre naissance. Dans nos gènes sont inscrites ces acceptations
Inacceptables, ces contradictions, ces injustices, elles peuvent rendre fou,
Et Bettelheim, qu’on a laissé de côté avec son livre sur l’âme de Freud
Pour les besoins de la cause du peuple, s’est largement expliqué
Là dessus, car il avait gardé en mémoire l'expérience des camps de
Concentration… Alors, comment résister à ces désordres humains ?

Aujourd’hui, penser le monde dans sa globalité est-il possible
Lorsqu’on voit notre égoïsme en action ? Tout cela paraît si antagoniste,
Si difficile, pourtant, pourtant c’est la route à prendre, à n’en pas douter
Un instant, et pour terminer cette consultation gratuite, penses-tu,
Mon très cher Sigmund, que je sois fondamentalement Sartrien ?

18 mars 2005

Catalogue de Sartre par la BNF et Gallimard.
Inutile de vous dire que pour faire un catalogue comme celui-là,
Il en a fallu de l’argent et du monde, lorsqu’on voit la liste
Des personnes impliquées dans ce travail. On est fier et content, 
D’avoir dans notre pays, tant de gens intelligents ; ça rassure !
Ce catalogue je l’ai entre les mains. Il est d’une qualité exceptionnelle.   
Coquin hédoniste, j'ai du plaisir à faire connaissance avec cette masse,
Mais une question se pose : qui va l’acheter, qui va le consulter ? 
… C’est effrayant ce genre de question de bon matin !
Donc, ces centaines d’informations le concernant, représentent la vie
D’un homme : l’un des plus importants sur le plan intellectuel,
Je ne parle pas de ses comportements politiques, car ils entrent
Dans le cadre de son cinéma personnel, pour ne pas dire de son hystérie.
Permettez-moi une question hors propos : peut-on faire une rétrospective
Comme celle-ci sur n’importe qui, je veux dire du premier quidam
Venu, rencontré comme ça dans la rue ou choisi parmi les nôtres,
Notre mère, notre sœur, notre cousine ou notre collègue de bureau ?
Une rétrospective de trois cents pages avec photos, témoignages,
Documents de jeunesse, le ou la concernant, ses réussites, ses échecs …
Sa vie : la vie de Ginette à la BNF.

De la démocratie.
Des droits de l’homme.
Nous pouvons retenir ceci : au démarrage,
Nous sommes tous égaux, mais au démarrage seulement.
Après, c’est quoi ?
La démocratie n’assure pas la réussite pour tous, loin s’en faut,
Elle garantit le démarrage égal pour tout le monde, mais ensuite, faut faire
Ses preuves, faire ces putains d’efforts pour réussir,
Sinon, c’est l’échec, tais-toi !
La démocratie n’est pas démocratique.
Ouvrons les yeux. C’est un leurre de vouloir y croire encore.
Malgré tous les progrès, il n’en reste pas moins que l’inégalité
Entre les hommes est flagrante. Du meilleur, du plus grand,
Du plus fort… Bref des champions, voilà notre religion.
Maintenant tout est clair : je suis un communiste refoulé,
Sigmund vient à mon secours.

J’ai peur qu’on interprétât « mes dires » comme un manque d'intérêt
Pour Sartre, alors qu’il s’agit de tout le contraire. Bien qu'il m'ait aidé
Intellectuellement à me différencier de ma famille, pourquoi me
Priverai-je de casser du sucre sur ce bourgeois ?

Pour écrire, ne vous sentez pas obligé de lire tout Sartre, comme le
Préconise BHL, à ne pas confondre avec BHV, il vous suffit de
Penser à votre tour. La démocratie est bien à cet endroit, elle se niche
Dans cette liberté là. Maintenant, certains en usent et en abusent au point
D’en faire l’exercice de leur propre pouvoir à des fins pas toujours très
Clairs, à des fins que souvent j’exècre. Donc, tout est question de limites,
De ligne à franchir ou à ne pas franchir, d'équilibre, de dosage tout en
Gardant à l'esprit qu'il s'agit d'un champ de bataille où les plus forts
Gagnent souvent, presque toujours … Mais, gagnent quoi ?
 
Sartre dit : "Une famille distinguée se devait de compter au moins un enfant
Délicat. J’étais le bon sujet puisque j’avais pensé mourir à ma naissance"
C’est du Nothomb tout craché et ce n’est pas fait pour me déplaire. Faire
Comme Perec, mettre de l’autre dans sa propre écriture, faire en sorte
Que ça devienne un capharnaüm, un labyrinthe … Mais revenons aux mots
Contenus dans les livres en général, à leurs mariages pour faire des phrases,
Des chapitres, des paragraphes, des bouquins inaccessibles à certains…
Là est le lieu de ma souffrance existentielle, ma douleur, ma culpabilité.
Nous étudierons ce qu’est la culpabilité à une autre occasion, mais
Puisqu’il en est question ici, deux mots : elle cache toujours une difficulté
À gérer quelque chose. J’avoue donc avoir du mal à gérer cette terrible
Injustice envers tous ceux dont le livre est étranger. Mais, en quoi cela
Me gène ?

Je me rends compte d’une chose effrayante en regardant ma bibliothèque,
Il n’y a quasiment plus de livres de notre Jean Paul, en dehors d’un pléiade
Et d’une rétrospective de son œuvre. Où sont donc passés mes Sartre ?
L’ensemble de tout ce que j’ai pu lire est-il resté chez mon ex-épouse ?
Je n’ai aucune envie de récupération, seulement j’aimerai avoir la liste
Des livres que nous avions en commun…

À la double page 20-21 du catalogue, nous faisons connaissance avec
Nizan, beau jeune-homme tout de blanc vêtu. La photo est associée à
Un texte manuscrit de Sartre parlant de lui. De cette première expérience
De l’amitié, nous retiendrons qu'elle a été son mode de fonctionnement
Tout au long de son existence. Il y avait entre eux une complicité à la
Limite de l’enfermement : ils se voyaient comme des "surhommes"
Très au-dessus du commun des mortels.
L’un des grands handicaps de Sartre a été de connaître la réussite partout.
Dans sa scolarité, avec son entrée à l’école normale supérieure, son poste
De professeur agrégé dont Pontalis nous en fait un compte rendu croustillant
Dans le DVD accompagnant l'ouvrage, tout ça a fait que notre bonhomme
Se trouvait assis, avec ou sans sa volonté, dans la classe des bourgeois.
Après, lorsqu’il a voulu parler de lutte de classes, il y avait de l’impossible
Quelque part, du ridicule dans l’air, mais cela donnait du charme au
Personnage. N'oublions pas qu'il était avant tout un homme de théâtre,
Un théâtreux.
Dans ce conflit interne, peuple-bourgeois, dans lequel il s'était empêtré,
Peut-on dire que tout son travail s’inscrivait dans une grande entreprise
De déconstruction, histoire de reprendre le mot à Derrida, illustre
Philosophe dont je n’ai jamais rien lu. Déconstruire cette bourgeoisie lui
Collant à la peau pour l’amener à la cause du peuple, à 1968, à
ConhBendit, à la création du journal Libé, au Viet Nam, etc…?

25 mars 2005

Ce doit être en 1961, au théâtre du Gymnase, je m’en souviens très bien.
La pièce, Sartre lui avait donné un titre : "la Putain respectueuse".
Ce fut ma première rencontre avec cet homme et comme tout a une fin,
Je me demande si le moment n’est pas venu de mettre aujourd’hui un
Terme avec lui pour toujours, c'est-à-dire jusqu’à mon dernier jour.
Pourquoi vouloir prendre une telle décision, alors que ma lecture du
Catalogue de la BNF n’est même pas terminée ?
Les gens ayant participé à l'élaboration de cet ouvrage ont fait de
"Bons devoirs" au point de vous faire vomir. Si ce catalogue est passionnant
Par les photos, la  richesse des documents, les textes, eux, sont tous de la
Plume "d’universitaires" et ça, c’est l’enfer. Il n’y a rien de pire pour vous
Dégoûter de la culture. C’est l’enfer, car ils savent tout ; ils maîtrisent
Tellement leur sujet… et nous donnent à lire leurs litanies rodées depuis
Des lustres. Faut-il leur dire bravo à chaque ligne ? Comptez pas sur moi,
J’en ai ras le bol de tous ces cons qui croient qu’en sachant ce qu’ils savent,
Cela suffit à donner envie d’aimer cet amour de Jean Paul.

Sartre, il m’a formé, certes,
Mais maintenant, c’est bon,
Je peux vivre sans lui.

27 mars 2005

Très cher Sigmund,

Tu n’as pas reçu de mes nouvelles depuis quelques jours, car j’ai été
Pas mal pris ces temps-ci, d’une part avec l’affaire Sartre, l’expo,
Le catalogue et puis la rupture avec lui, dont tu as peut-être lu sur
Mon site les éclats. À cela s'est ajouté les quelques jours passés à
L’hôpital pour laisser aux médecins le soin de faire la liste des maladies
Dont je ne souffre pas. Pas encore, pour l’instant.

Etre SDF, c’est probablement avant tout :  exister dans une certaine
Violence et j’ai bien peur qu’elle soit permanente, consubstantielle à
Cette « fonction », ce métier de SDF.
La charité ne fait que concourir à l’instabilité dans laquelle les pauvres
Sont depuis la nuit des temps : la main tendue, devant toutes les églises
Confondues, donne une image idéale pour signifier à tous :
"Attention si tu ne travailles pas, voilà ce qui t’attend".
Voilà où nous en sommes encore aujourd’hui.
J’ai même imaginé, horrible pensée, que peut-être sans l’alcool,
Leur violence serait encore pire !!!!

Je me souviens d’avoir lu, il y a très longtemps, un texte de
Bettelheim, où il disait qu’à son école orthogénique de Chicago,
Les enfants trouvaient dans leurs maladies mentales des bénéfices
Secondaires et qu’ils en jouaient. Il est heureux que cela se passât
Ainsi, sinon comment la vie serait-elle supportable ?
Donc, qu’il y ait des p'tits bonheurs à être SDF ne me surprend pas,
Mais enfin relativisons …

31 mars 2005
 
Cher Sigmund,

Dès les premières pages de son bouquin, Bruno Bettelheim annonce
La couleur : "… Il aurait fallu que notre inconscient, spontanément,
Sympathise avec l’inconscient de l’autre, et c'est de cela que Freud
Nous parle…  Le plus grave défaut des traductions c’est qu’elles
Tiennent le lecteur à l’écart de ce que Freud, en lui parlant de la vie
Intérieure de tout homme, lui enseigne de la sienne propre."
Oui, la psychanalyse c'est d’abord et avant tout de moi qu’il s’agit,
Seulement, pour ce qui concerne les rapports des hommes entre eux,
Ne soyons pas trop idéalistes et gardons à l’esprit une chose, tout se
Joue sur plusieurs tableaux à la fois et c’est là toute la complexité de
L'affaire. Sans être pessimiste, nous pourrions affirmer, qu’en réalité,
Rien n’est possible entre les hommes, ainsi nous sommes tout de suite
Dans le vif du sujet, et si par extraordinaire, nous touchons pour
Un moment, une certaine forme d’harmonie avec une tierce personne,
Je ne vous dirais pas : c’est un malentendu, mais plutôt, soyons heureux
De ces croisements d’âmes qui dureront ce qu’ils dureront, mais
Auront eu le mérite d’avoir existé. Donc, tout est possible,
Mais pas d’une façon définitive.

1er avril 2005

Cher Sigmund,

Sur l'attente.
J’attends la fin de la semaine pour aller voir mon copain,
Ma copine, la fin de l’année pour faire un voyage, être en vacances,
J’attends la fin du mois pour mon salaire, mes primes, le retour de
Quelqu’un de cher, j’attends toujours une chose absente que je n’ai
Pas, et donc, voilà l'essentiel, je suis malheureux.
Un jour, il n’y a pas si longtemps,
Deux, trois  ans, tout au plus, j'eu cette impression intime :
Je n'éprouve plus cette attente, je n'ai plus ce besoin. Alors, j’ai pensé,
Merde c’est le symptôme de la déprime, faut surveiller tout ça de très
Près,  évitons de voir cette terrible maladie s’installer : la vie sans
L’attente gangrènerait le reste de bon que j’ai encore, seulement, à
Ma grande surprise, je me suis senti, jour après jour, de mieux en mieux.
J’ai donc accepté ce nouveau en moi en l’interprétant comme étant un
Signe de sagesse. Faut te dire, mon cher Sigmund, combien depuis
Toujours, je l'attends comme le messie.
Avec le temps, le recul, je me rendis à l’évidence sa présence était certes
Moins forte, moins dévastatrice, mais curieusement, à certains moments,
Certains désirs réapparaissaient contre ma volonté. 
Tu vois un peu, quels genres de propos m’habitent parfois
Et je me demande si tout cela est bon pour ma santé.

7 avril 2005

Cher Sigmund,

Tu dis : puisqu'on permet au patient d’ouvrir le chaudron de son inconscient,
Il est important de lui rappeler qu'il s'agit là d'un processus inscrit dans le
Seul cadre de ces cinquante minutes que dure la séance, ensuite on revient
Sur terre … Bon, tout cela est à revoir, mais laissons pour l’instant,
Ces détails si importants. Venons maintenant, mon frère, il en est temps, à
Une question essentielle, et, je ne veux en aucune façon, ici, par ces mots
Remettre en cause l’ensemble de ton œuvre : elle est à l’origine d’une
Pensée universelle capitale, mais il faut que tu acceptes de voir ton enfant,
La psychanalyse, remise en question de fond en comble.

Mon cher Freud, sur le complexe d’Œdipe, tu t’es mis le doigt dans l’œil,
Tu t’es planté, ce n’est pas grave, ça arrive à tout le monde.
Je vais essayé de t’expliquer en quoi tu t'es trompé, et mettre ainsi
En lumière un nouveau concept qui devrait révolutionner l’avenir de cette
Science, de cet art, et de mieux comprendre les mécanismes humains.
Bruno nous donne dans son livre une belle description de l’histoire d’
Œdipe, sur laquelle tu as planché et fondé ce fameux complexe…

« Les parents d’ Œdipe, Laïos et Jocaste, roi et reine de Thèbes, ont été avertis par un oracle que le destin du jeune Œdipe, leur fils, le conduira à tuer son propre père : ils le font estropier (on lui enfonce un clou dans les pieds), puis renvoyer afin qu’on le fasse périr. Après avoir échappé à cette mort précoce, Œdipe est élevé par le roi et la reine de Corinthe, et il grandit avec la conviction qu’ils sont ses vrais parents. Lorsqu’un jour quelqu’un insinue le contraire, Œdipe est si affecté qu’il va consulter l’oracle de Delphes. Celui-ci déclare à Œdipe – exactement comme on l’avait dit à ses vrais parents – qu’il tuera son père et épousera sa mère.
Bouleversé par cette prophétie, Œdipe désire si fortement protéger ceux qu’il considère comme ses parents qu’il s’enfuit de Corinthe, déterminé à ne jamais y retourner. Il se met à errer à travers la Grèce lorsque, à une croisée de chemins, il rencontre un étranger, se querelle avec lui et le tue : c’est son père, Laïos. Par hasard, Œdipe arrive ensuite à Thèbes.
C’est l’époque où cette ville est  ravagée par le Sphinx, ou plutôt la Sphinge, qui, installée sur une falaise toute proche, propose une énigme à tous ceux qui tentent de la croiser et dévore quiconque ne sait pas donner la bonne réponse. Œdipe, qui n’a plus de foyer et qui se soucie peu de sa vie, accepte le défi de la Sphinge. Ayant réussi à résoudre l’énigme qu’elle lui pose, il obtient sa récompense : il est fait roi de Thèbes et épouse Jocaste. De nombreuses années plus tard, la peste s’abat sur la cité ; elle est la punition du meurtre invengé de Laïos. Œdipe se trouve forcé de rechercher le meurtrier, et, lorsque la vérité éclate, il se crève les yeux et Jocaste se suicide. »

Ensuite, il entre dans l’explication de ta théorie avec un esprit pédagogique
Infaillible, il n’y a rien à dire, mais je reste de marbre : il y a un point qui
Me révulse au plus haut point et ni toi, ni lui ne l’avez relevé.
Œdipe tue son père.  Cet acte extrême inacceptable n’est pas relevé
En tant que tel. Ne pas tuer, n’est-ce pas la base de ce qui constitue la loi
De toutes vies sociales ? "Tu ne tueras point".
Qu’ Œdipe tue son père, sa mère, son frère, sa sœur ou sa cousine Jeanne,
Pour moi c’est du pareil au même, l’horreur c’est d’avoir commis un
Crime, et à partir de là, nous pouvons, nous devons le considérer comme
Un homme ne pouvant plus faire parti du royaume des vivants…
Tout un programme n’est ce pas ? Comment peut-on encore vivre avec
Une telle charge sur les épaules face à l’humanité ?

Pour expliquer le conflit qui habite tout homme,
De mon point de vue, voilà la vraie raison, la vraie histoire :
L’enfant baigne pendant neuf mois dans le ventre de sa mère,
Il se construit et le moment venu, il naît dans un monde,
Où, il faudra bien vivre tant bien que mal…
Il se trouve que de ces premiers jours de vie, ces premiers mois,
L’enfant ressent dans son corps, toutes les saloperies humaines et
Doit y faire face avec ses petits moyens que je te laisse le soin
D’imaginer : ses sourires, ses pleurs, sa bonne ou sa mauvaise santé…
Mais, si l’on parle de psychanalyse, on se doit de parler d'autre chose.
Prenons l'exemple du garçon. Il est en parfaite harmonie avec sa mère,
Seulement à la maison il y a un autre homme qui aime aussi cette
Femme : cet homme est donc un rival.
Nous ne pouvons pas empêcher cet enfant d’avoir un sentiment
Négatif à l’égard de son géniteur. Je ne suis pas sûr qu’il veuille le
Tuer, mais enfin c’est tout de même son ennemi, certainement le pire.
Le drame humain de tout homme réside dans le fait qu’il doit construire
Son identité sexuelle par rapport à celle de cet homme ennemi. C’est le
Conflit originel, expliquant probablement tous ceux des hommes entre eux.

16 avril 2005

Cher Sigmund,

Pour je ne sais quelle raison, j’ai consacré, ces jours-ci, une grande
Partie de mon temps, à ressortir de mes placards, des carnets d’écrits
Anciens, pour me rendre compte tristement qu’il n’y avait rien à en tirer,
Pas même deux ou trois mots sur la vie qui vaille la peine de t’en donner
La teneur. Rien à se mettre sous la dent, alors, j’ai tout jeté sans remords,
Et plus léger que l’air, ce matin, je peux à nouveau t’écrire pour te parler
De la compassion. Je la vois comme une réflexion relevant de l'indicible
Et en rapport à l’âme humaine. L’homme, tristement, doit porter
Cette charge effarante de cet autre, double en lui, que l'on appellera
"Le terroriste".
Voilà, mon cher Sigmund, comment je nommerai ton fameux
"Inconscient" que j’aimai jadis nommer  "Inconstant", mais ce n’était
Pas satisfaisant, alors, il m’a fallu attendre plusieurs décennies pour être
Maintenant sur le point de le définir plus précisément.















LACAN Jacques - Psychanalyste

24 avril 2005

Hier soir, samedi, il était un peu las, quant
Il prit la décision d’aller à Paris faire un p’tit tour
Et prendre quelques photos au jardin du
Luxembourg. Puis, assis à la terrasse d’un café,
L’esprit ailleurs, il décida une chose à décider
Depuis quelque temps déjà :
Parler de Lacan, Jacques Lacan.
Mais, de cet homme qu’en savait-il ?
Il avait lu quelques lignes de-ci, de-là,
Vu quelques reportages à la télé le concernant,
Entendu parlé « d’autres qui savaient »,
En savait un peu plus sur la question…
Cette idée persista tout au long de la journée,
Sa décision fut prise : il mit fin à la lecture
D’un livre qui commençait à l’ennuyer..

Il n’avait pas dans sa bibliothèque les fameux
Séminaires de notre homme, bien qu’il en eut un sur
Ses rayonnages, donné à un ami généreusement et
Non remplacé. Heureusement, on peut trouver ces conférences
Sans trop de difficultés sur internet, alors il prit la décision
De ne traiter ce fameux psychanalyste,
Qu’au travers de ces textes piochés sur la toile, et ça, du
Lacan, c’est pas ce qui manque…
Lui vint très rapidement la question de la forme : comment 
Allait-il traiter cette affaire, cette personne qui n’avait
Nullement besoin de pub pour se faire connaître, de plus,
Lacan était mort et lui était incapable de faire ne serais-ce
Un compte rendu de ses lectures, n’était-il
Pas dyslexique, tendance amnésique ?

Comment allait-il s’y prendre pour nous en parler ?
Tout le monde attendait la suite avec impatience et bienveillance.
Il commença alors ainsi.
Ni Dieu, ni Maître, ni Lacan non plus.
Avec votre permission, je mélangerai ses mots aux miens
Pour former un poème, un long poème, un moi, un vous jouissant
Où ces putains de mots se doivent de jaillir pour le plaisir et
Laisser la pensée libre, comme disait si justement ce Sacré bon
Dieu de Lacan ! Evitons de nous masturber la
Tête sur ce coup, il n’est qu’un alibi, mes chéris, un alibi à
Ecrire. Amélie, tais-toi, laisse-moi faire.

Ça prend du sens, dit-il en mp3 le 11 mars 1975. Le propre
Du sens, de cette chose réelle émergente est de ne pas démontrer
La monstration du nœud. Faire la démonstration de ce que je voudrais,
Mais pas sans ruses, tout doucement. Reconnaissons, chers amis,
Freud, ça dit quoi ? ça dit les noms du père, soit, le symbolique,
L’imaginaire et le réel. C’est ça ! Parler, discourir est un accouchement,
Ça nomme quelque chose, voyez la bible, ce machin d’un père imaginé,
Devant nommer, devant donner un nom à tous les animaux pour la
Tradition, une tradition conne …Une tradition se doit d’être moins
Conne, un peu plus de jouir à se mettre sous la dent ne ferait pas de
Mal, c’est jouissif d’y croire, comme si le phallus était l’essence même
Du comique, mais les sens d’un comique triste. Faut dire que le phallus
C’est ce qui donne du corps ? Il y avait un enfant devant le miroir,
J’y ai saisi un geste, à supposé ce miroir consistant dans l’unité de
L’image, ce semblant de corps prématuré, rassemblé, jubilatoire,
Offert, ce miroir joyaux, sensible, lien primordial d’un phallus ...
Trou imaginaire pour l’existence symbolique.

C’est la consistance du singe se masturbant aussi comme l’homme.
La jouissance s’y exciste à la puissance deux, soit un sens lié au un
Ou au zéro, c'est-à-dire au pareil, voilà alors comment le symbolique
A son poids dans la pratique analytique : le verbe, ça cause. C’est que
Dans l’inconscient, ça l’exciste, le réel de cet être, le parle-être que
Vous connaissez si bien maintenant : il nomme les choses.
Il me semble que je me distingue des animaux parce que je
Pense, je parle et de surcroît, j’en suis conscient. Les hommes
Rêvent de ne pas être les seuls dans ce parlage. Ils rêvent qu’il
Y ait eu au moins un Dieu qui parla, qui causa et aussi des anges,
Des commentateurs quoi, voyez la télé, par exemple. Je passe.
La parlotte, l’inouïe c’est Platon, il y fallait de l’imaginaire...
C’est quoi l’image ? qu’il disait. Pour lui la grande idée c’était le
Réel, le nom des choses, une énigme qui rend hommage au
Prestige des bancs de l’Université, pas pour nous analystes.

Nous, nous restons dans la pensée et ici je ne m’en prive pas,
De penser, je m’en paye une sacrée louche avec ma bouche et
Cela, je le sens, vous fatigue…Me dépêtrer de l’imbécillité humaine
Où le réel serait discernable au nom dupère, un débile mental
En vaut bien un autre. Le réel c’est l’expulsé du sens, c’est
L’impossible aversion du sens, la version dans l’antisens.
L’excistence comme une. Eh quoi Lacan exciste ? C’est ce qui se dit
Dans les couloirs... Le symbolique tournant en rond, inviolablement,
Le nœud ne serait pas borroméen, car pour tout dire, le trou est inviolable.
Voilà, pourquoi ne pas l’écrire, impose une compromission,
Additionner deux mots ensemble pour n’en former qu’un seul,
Au nom du père c’est le noeud, mais dénoué. Alors, de quelle façon,
Ce qui est là est nouable ou pas ? C’est ce que fait Freud, 
Réduisant le nom du père à sa fonction de donner un nom aux choses…
Les conséquences, vous le sentez bien sûr, vont jusqu’au jouir, j’en
Veux pour preuve ces trois cercles annulaires se mettant dans le recul
Du cercle moyen, c’est ça un schème. La distinction du symbolique
Donné pour nom est superflue. Le noeud borroméen c’est ça, surtout
Avant sa mise à plat. Introduisant ce tiers, pour que l’autre sorte
Content dans le même rapport. Y a-t-il un ordre discernable, est-ce un
Tout concevable, ou bien, implique-t-il un ordre ? La question est à
Laisser en suspens, car il y a ces fameuses conséquences. Ces noeuds
S’enlacent et où apparaissent deux oreilles enlacées, prêtes à l’enlacement.
Seulement, voilà, ce n’est pas tout, à quatre ou à trois ça fonctionne tout
Autant. N’en résulterait-il pas un BeauRoméo, Hein ?

Vous devez, pour comprendre la psychiatrie ordinaire, écouter Lacan,
Car il est à lui tout seul, une porte ouverte aux noeuds, mais sachez,
Humbles citoyens, qu’ils ne se libéreront jamais l’un après l’autre.
Si vous coupez le premier, les autres resteront noués tout de même.
On démonte le BoRhoméen dans un sens, mais pas dans l’autre,
Ce qui évoque le concept du cycle…
J’avais dessiné jadis un noeud sans la perspective et certains y ont vu,
De chaque côté des oreilles, un engendrement de noeuds ou pire,
Dieu, dans l’élaboration que nous en donnons dans cet hémicycle.
Dieu est la femme rendue toute, de la castration, vœu qui vient des
Hommes, l’ennui c’est qu’il n’est pas... N’exciste pas. Rabelais,
L’avait bien compris, car elles ne disent rien tout simplement. Pour
Porter la castration en l’autre, au point que le phallus, elle se le
Voudrait, seulement elle ne veut pas que ça lui pèse trop lourd…
 
Elle ne le donne pour autant qu’elle ne l’a pas, c’est ça le fait de l’amour.
Elles s’excistent comme symtôme, ceci apparemment dans le champ du réel,
Symboliquement parlant, bien sûr. Dessinons sur ce tableau noir pour vous
Expliquer, espèces d’ignares, la direction des trois éléments d’un
Noeud Borroméen. Cette forme centrifuge que vous voyez là n’est
Pas à identifier bêtement en trois ronds, trois nœuds. Ce n’est pas pour
Rien que les imbéciles de "l’amour fou" ont été les surréalistes.
Ils étaient saints-hommes sociaux. Si la femme n’exciste pas, suppléons
Le nom de père déjà nommé de la bible, car l’homme fait tout pour retirer
Son épingle du jeu, le malin, c’est alors qu’il nous faut toucher ce Dieu
Tribal symbolique, du seul fait implacable que c’est le signifiant un et
Sans trous, qui a un corps d’homme asexué. Ce partenaire qui lui manque
Et lui manquera toujours, sera affligé  d’un phallus qui est-ce qui lui
Barre la jouissance. Il lui faut comme un autre de l’autre, pour éviter
Le "sang blanc" pour qu’il ne soit pas si différent des animaux et faire
La femelle comme eux le font, à cause du semblant du discours, le sang
Du pouvoir du phallus indice un. L’idée d’un patène de phallus, l’un le
Divise en une copulation inconsciente,  le savoir-faire semblant,
Le baiser, comme ils disent, ce n’est pas une mauvaise formule, suçoter
Le corps signifié autre, pour en jouir comme tel, se le mettre entier ou
En morceau, né prématuré ou non, le concept ne manque pas d’attrait.

30 avril 2005

Lacan est-il l’Artaud de la psychanalyse ?

"Il n’y a pas d’état d’âme" dit-il le 13 mai 1975 devant un auditoire
Consentant ouvert comme il se doit à une écoute intelligente la salle est
Comble comblée je suppose mais pourquoi donc n’y suis-je jamais allé
A l’époque Lacan pour moi c’était un con un cochon pervers un escroc
Criant à la figure de ceux qui voulaient bien l’entendre R.S.I. comme un
Imbécile ou pire un deux trois nous irons au bois dans mon panier neuf il y a
Trois oeufs dont un est réel méritant logique peu importe le dominé heureux
Au point trois comme il se doit à savoir l’impossible.
Passe du dire comme à démontrer que le pas du symbolique sur l’imaginaire
Ne donne que le ton noué à une épreuve voilà où nous en sommes des flashs
Pour déterminer la pratique impliquant comme supposé imaginaire le trou à
Nœud proie à la forme picassienne. Il m’a dit là je vous vois chercher le trou
Celui des souris à déterminer l’homme dans la femme comme le cercle
Comme un trou inaccessible les yeux faisant alors leur métier pour donner
Des signes au chargé de passes grâce à l’usure où se solde ce quelque chose
De noué assez pour avoir la peau lisse à fomenter du trou sa conséquence
S’y en racine dans la bouche il faut circuler passer par le trou nœud
Roméo. Il y a une différence entre ceci et ce nœud trou ça fait chaîne
Depuis qu’on fait des chaînes pas besoin d’user du trou puisque
Ça fait nœud sans faire chaîne mais l’un entre de telle façon qu’il infléchira
L’autre à son tour et tournera en rond si le supposé symbolique indéfini
Entre en effet ouvrez les guillemets et c’est de cela qu’il s’agit comment se
Reconnaître dans ce double cercle couplé pour qu’un nœud soit beaur il faut
Que chacun des éléments soit sain et sauf mais cela implique bien entendu
À ce qu’on oublie la trouvaille du plein trou qui vaille sous la condition
Que rien ne va plus ce qui pour le moment est à éluder généreusement
Pour les louer d’une façon telle s’ils passent ici comme une consistance
Identifiable et cette figure est facile à imaginer elle aura l’air d’être
Néanmoins couplée à cette consistance par chacun des éléments libres
Faudrait que les choses se disposent autrement pourtant à savoir en
Tant que montrable car dans cette forme pour voir les autres libres et
D’abord dans la façon dont je vous mets la figure entre la droite et l’infini
Dans ce que leur rupture libère au point de vue du nœud non pas en tant que
Tel car la rupture reste sur l’élément d’après sa rupture comme bonne à jeter
Que reste-t-il un p’tit chiffon un bout de corde de rien du tout coupé ce que
Séparé d’un un de rien du tout un un une fois sectionné fait deux demis qui
Pour vous faire sentir qu’il n’y a pas de rapport sexuel rapport idée de
Proportion dont chacun sait que le parangon de la logique est à entrer dans
La figure du nœud et non du rapport des sexes à les supposer en tant que
Non noués c’est de cela qu’il s’agit dans ce que j’énonce qui se constitue
Et nous le savons très bien dans ce que chacun dans sa façon de tourner en
Rond comme sexe n’est pas à l’autre noué c’est cela que ça veut dire 
Apport frappant que le langage ait depuis longtemps devancé les crimes des
Mathématiciens en parlant métaphoriquement de nœuds en montrant qu’ils
Impliquent ce droit élémentaire des sens matérialisés dans les nominations
À propos de ce qui était rassemblé sur le sujet de ce que les logiciens
Tombaient du haut de mon nœud et ça ne m’a pas facilité les choses
D’autant comme vous le savez un jour j’ai fait une figure qui s’est imposée
D’elle-même fomentant une introduction hominale dont un quart du cercle
Non noué hors du jeu s’est mis dans sa simplicité dans une voie
Particulière qui ne va que jusqu’au cercle couplé qualifiable de ce que
Le trou impose non pas de distinction mais d’identification au point
Qu’il semble exigible de retourner dans cette trinité à savoir d’évoquer
Que le réel tient dans ces thermes que j’ai déjà fomentés du nom
De l’excistance à savoir ce qui se joue se noue jusqu’à une certaine limite
Dans le nœud et ça suppose un réel qui fait consistance tangible de ce que
La rupture relève de la consistance réduite alors à l’affectation du terme trou
Pour trouver le tord à sa place à deux trous internes avec sa chierie
Participant du cylindre matérialisé le mieux par sa figure au rapport sexuel.
Desargues s’est avisé depuis longtemps d’avancer une question ouverte sur
Le nœud beaur noué à un cercle par un couple à deux autres faut il pour
Que ça fasse nœud voir du regard la chaîne à la condition qu’on les voie
Toute comme faisant rond ou bien voir qu’il n’y a pas de nœuds qu’à ma
Connaissance Desargues de Vélasquez aux Ménines pour me targuer
De ce fameux regard sujet du tableau du prof de normale supérieur
Où j’en profitais dans le même intervalle qu’ici sous une autre forme ne
Semble pas se nouer. Jamais Desargues ne s’est posé la question
De la forme de ces trames peu satisfaisantes du point au principe
De la géométrie de l’autre quant au nœud et si nous étudions comme il
Se doit les mathématiques c’est d’amorcer la notion du groupe c'est-à-dire
Par une série de trajets du groupe fondamental dont le nombre qui diffère
Pour indiquer sa structure dans ces trajets dont les trous entrent guillerets
Pour défoncer ce noeud et contrairement à ce que vous pouvez imaginer
La figure mise à plat chante distinctement bien que ça ne fera pas pour
Autant les trajets contrairement aux apparences ça n’est pas elle qui nous
Ramène au nœud beau Roméo ça fait nœud à ceci près que cette étape
N’importe quel nœud intermédiaire nous introduira à aider la limite
Comme vicieux dans ce que le rapport des sexes à préciser la figure comme
Rompu à ces noeuds passés dans votre esprit aujourd’hui c’est de cela
Même que ces vérités premières que rien n’est mis en évidence de ce qu’est
Le nœud boro qui implique la chaîne nous plaçant alors ce nœud au rang
Troisième de l’opération ce qui impliquera l’expérience pour ne pas dire
L’expérimentation telle que la manipulation des ronds de ficelle noueront
Les uns et les autres interchangeablement et en cela tout l’intérêt que
Je développerai l’année prochaine et dont l’effet certain du référant ruse à
Savoir d’interroger cette référence à partir de l’indivis des corps semblables
À la notion du réel et à son rapport à cette dite notion imaginaire entre être
Et naître au nœud à quatre que je viens de démontrer aujourd’hui par la
Droite infinie dans ce cercle qui fait barre inhibe tout ce qui est articulé
Au niveau de l’imagination errante et pas que de cela car dans chaque sexe
En tant qu'il fait orifice de ce nœud dont le trou puise dans un orifice
Indépendant c’est l’inhibition à l’endroit du nœud comme nous pouvons
Le voir dans les débuts de la bible dont l’idée créationniste donne noms
À chacun des animaux le mystique ment raconte faut arrêter un peu
Ton char père éternel croire en toi est impensable.

1er mai 2005

D’après « La télévision »

L’instinct s’impose du réel chez les autres pour impliquer leur survie
Pour que notre pensée reste en mal d’hommes, car l’inconscient ça parle
De ce qui fait dépendre l’âme ça n’est pas rien ça suppose des fonctions
Du corps bien plus problématiques dont l’âme est lasse de l’inconscient il ne
Touche que par le corps qui est plus raide d’y introduire l’homme car il ne
Pense pas avec son âme une structure le découpe en rondelles qui n’ont
Rien à faire avec l’anatomie ça dit quelque chose comme un poisson
Une pomme d’où il résulte cette dysharmonie quant à l’âme le nous est
Une complaisance conforme au monde dont elle est tenue pour être
Le reflet de ce monde qui n’est que le fantasme qui soutient une
Réalité mais il n’y a pas de raison de lui donner un tel privilège.

La guérison est une demande qui parle de la voix du souffrant
D’un qui souffre son corps l’étonnant est qu’il y ait réponse qui fait mouche
À partir du fait que l’inconscient y est intéressé par la structure du langage
Mais attention le versant du sens c’est le versant de l’analyse qui court à flot
Dans le bateau sexuel ce qui frappe c’est que le non-sens du rapport sexuel
Lequel n'est pas tant dans les dits de l’amour que dans celui du déconnage
Hurlant du bon sens commun à ceci près dans ce qui l’énonce du
Non-rapport du sexe sus déjà nommé la comédie est que la psychothérapie
Tourne court qui ramène au pire le symptôme Freud il n’a pas tracé la voie
A savoir du comment être docile à lire les rêves les mots d’esprit signifiants
Articulés verbalisés et puis dans une substance de la jouissance de la libido
Et l’art de je ne l’aime pas ou j’aime pas lui j’aime elle c’est pas lui qui
M’aime c’est elle qui m’aime aimer haïr ce que découvre Freud dans
L’inconscient c’est bien autre chose en gros on peut donner un sens sexuel
À tout mais la jouissance vous savez je vais vous répondre car j’ai réponse
À tout c’est du discours analytique que j’ai fait fortune. Freud n’a jamais dit
Que le refoulement provenait de la censure car c’est lui le refoulement en
Premier la gourmandise …

Toujours le 1er mai 2005

Ne pas comprendre Lacan, c’est plutôt bien, j’allais dire génial, car il ne
Parle pas pour être compris. Sa démarche est justement de nous sortir de ce
Truc qu’il faut comprendre à tout prix, même si à ce jeu nous n’en sortons
Peut-être pas sain et sauf, qu’importe…Vivre c’est prendre des risques.
Il utilise le langage pour parler à notre inconscient. Seulement, cet
Inconscient dont nous sommes tous pourvus, je le rappelle pour la forme,
Pour ne pas l’oublier, cet inconscient n’a pas besoin des manipulations de
Ce bonhomme pour entendre quelque chose. Alors, pourquoi Lacan
M’intéresse-t-il autant actuellement ? Si son discours ne veut pas être
Compris c’est que lui, il a une raison, une idée sur la question du
Comprendre en général. Sa langue relève de l’abstraction et ça,
Je crois connaître… Lacan nous enseigne que du discours chacun
L’entend à sa manière ou ne l’entend pas de la même oreille.
Cette obligation du connaître est à casser urgemment car on va en crever
C’est certain… Amélie, fais-moi une tasse de thé, merci.
Chacun n’a-t-il pas le droit à être ce qu’il est ? Lacan c’est
La musique d’un musicien très habile, joueur heureux de ce qui lui
Passe par la tête : il secrète par lui-même l’essence de sa propre jouissance,
Ce qui en langage normal se nomme la masturbation.
Bref, avec lui on prend le risque de se prendre la tête un moment, mais
Très rapidement, il sait nous remettre sur terre avec son R.S.I.

3 mai 2005

Maud Mannoni – Le premier rendez-vous avec le psychanalyste
                              et  Education impossible

Maud Mannoni en écrivant tout cela a consacré toute son énergie à
S’adresser directement ou indirectement à ceux dont le problème
Etait de trouver une solution à une difficulté. Seulement, en parcourant
Rapidement ces deux livres, je m’aperçois qu’ils ne me concernent pas,
Suis-je trop loin des réalités des hommes ? Je ne sais pas, alors, je les mets
Tout de suite dans la pile des "livres à donner" pour qu’une autre personne
Trouve là une porte ouverte vers l’espoir…

C’est bien dit, non ?

Bruno Bettelheim - Survivre

10 mai 2005

Depuis huit jours, il est là sur le bord de la table à m’attendre.
Je ne tourne pas vraiment autour, je suis dans l’évitement, mon temps,
Je le consacre à un autre travail d’écriture mégalomaniaque, mais dès à
Présent, sachez une chose, le livre de Bettelheim "Survivre" est capital.
Je l’avais acheté il y a longtemps, lu par endroits comme je le fais souvent,
Et à l'époque ma survivance avait de la défaillance, plusieurs raisons
M’avaient mis dans une situation de crise, alors ce livre devait me servir
Le mental, être le catalyseur d'une certaine catharsis puisqu’à l’intérieur
On y traitait du malheur du monde et sur ce point-là, lui, il avait été servi.

D’une part, il a connu l’extrême des camps de concentration
Et d’autre part, les douleurs des malades mentaux auxquels il a essayé,
D’une manière brillante et efficace, d’apporter un soulagement car
Lorsqu’on est dans cette situation de malade, on doit en avoir tellement
Besoin de cette aide-là… Il doit être très difficile, pour ne pas dire
Insupportable de vivre toutes ces tensions internes, d'autant qu'il n'existait
Pas ces médicaments utilisés aujourd’hui, stabilisant un peu l’animal
Agissant malveillamment en nous.

Toujours est-il, qu’aujourd’hui, je n’éprouve pas le désir de m’y remettre.
Reprendre ce livre n’a plus de sens pour moi, car il traite de sujets dont
Je me sens éloigné actuellement.
Voilà la situation du jour et je la trouve au fond relativement saine,
Elle dit : "Tu es plus dans le vivre que dans le survivre, bravo mon petit,
Tu as gagné !". Toutefois, je voudrais laisser une trace de ce très important
Travail : la table des matières de ce livre dont le titre est "Survivre".

Introduction………………………………………..            9

      Première partie
1. La limite extrême ………………………………. 15
2. Traumatisme et intégration …………………….. 34
3. Les camps de concentration allemands…………. 56
4. Comportement individuel et comportement de
Masse dans les situations extrêmes …………….. 68                                                                                   
5. L’holocauste, une génération plus tard………….110
6. « Maîtres de leur visage »……………………….135
7. La schizophrénie en tant que réaction à des
Situations extrêmes

       Deuxième partie
8. L’éducation et le principe de réalité…………………. 161
9. Le parti pris de l’échec………………………………. 180
10. À propos de Summerhill…………………………….. 213
11. La violence, un mode négligé de comportement……. 233
12. Hygiène mentale et urbanisme……………………...  252
13. Devenir femme……………………………………...  276

Troisième partie
14. Du rôle de l’inconscient dans la désintégration de
L’individu…………………………………………... 301
15. À propos d’Anne Franck : une leçon ignorée………. 307
16. Eichmann : le système – les victimes ……………… 321
17. Survivre ……………………………………………. 341

Quatrième partie
18. Remarque sur la séduction psychologique du
totalitarisme………………………………………   391
19. Aliénation et autonomie………………………….   408
20. Une jeunesse dépassée …………………………..   429
21. À propos de la révolution sexuelle ………………   453
22. Portnoy psychanalysé…………………………….   473
23. Quelques remarques sur l’intimité ……………….   488
24. Points de vue personnels sur l’art et l’éducation
Artistique………………………………………….   503

Sigmund Freud
Correspondance avec le pasteur Pfister

12 mai 2005

Cher Sigmund,

Si pendant quelques semaines, je ne t’ai pas écrit, c’est qu’il y
Avait d’autres activités plus urgentes, mais aujourd’hui, le moment
Est venu. Après ta mort, intervenue en 1939, le Pasteur Pfister a donné
Les 137 lettres vous liant tous les deux, à ta fille Anna, pour
Qu’elle en fasse un livre édité chez Gallimard…
 
Hier, à la même heure que maintenant, il était six heures du matin et
J’éprouvais une grande tristesse. Je m’étais mis à recopier un p’tit texte
Écrit la veille dans une brasserie de la rue Daguerre, là ou la tartine beurrée
Est la plus chère de Paris, mais que veux-tu, on ne se refait pas, quand on est
Snob, on est snob, mais à y regarder de plus près, franchement, cette rue-là,
Elle est trop snob pour moi. Ceci étant dit, il n'en reste pas moins que j’en ai
Profité pour prendre tout mon temps à mâcher ma pitance à 22 euros et
Prendre quelques notes au sujet de cette fameuse correspondance avec
Pfitzer. Hier donc, je recopiais ce texte sur ma machine et pendant plus
D’une heure, me voilà en train de travailler là-dessus comme Jérémie sur
Son chalumeau, heureux fou de bonheur d’avoir transformé ce machin de
Rien du tout en deux pages agréables à lire et super intelligent, ce qui n’est
Pas à la portée de tous, et encore moins de la mienne… Mais, au moment
D’enregistrer mon discours, voilà-t-il pas que tout fout le camp, le Word de
Microsoft  s’en va et m’efface ce texte génial… Maintenant, tu sais tout de
L'objet de ma tristesse… J'ai pu toutefois récupérer ces quelques lignes.
"Comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises dans sa
Correspondance avec Ferenczi, Freud a connu régulièrement des périodes
Où sa superstition prenait le pas sur le rationnel… Sigmund était juif
Et Pfitzer était pasteur. Bon, me direz-vous, ce n’est pas une raison pour ne
Pas communiquer ensemble. Certes, mais j’ai souvent eu l’impression, à
La lecture de ces lettres, qu’il s’agissait d’une amitié difficile où chacun
Dans son coin avalait des couleuvres pour ne pas fâcher l’autre et éviter
Ainsi une rupture non désirée, tout en gardant la liberté de dire ce qui était
À dire, mais peut-être pas l’essentiel…"

14 mai 2005

Cher Sigmund,

Juliette m’a demandé si elle pouvait faire éditer la correspondance
Nous liant elle et moi. Je lui ai répondu de décider d'elle-même,
Sachant très bien qu'elle n'a aucun espoir quant à trouver une maison
D’édition pour ces lettres, aussi intéressantes soient-elles. Actuellement,
Ce qu’il leur faut, ce ne sont pas des gens comme nous... Ça tombe bien,
Ainsi, notre relation restera ce qu’elle a toujours été, c’est à dire,
Quelque chose relevant de l’intime. Par contre, ta fille Anna Freud, 
N’a eu aucun mal à convaincre Gallimard, car avec ton nom, c’est
Toujours vendeur. J’ai donc parcouru ta correspondance avec le
Pasteur et la superbe préface de Daniel Widlöcher. J'ai souligné à ton
Intention quelques phrases de son analyse sur vous deux…
Je t’en donne la teneur pour te changer les idées que j’espère bonnes
Ces temps-ci.

a) Pfister se porte garant de la coexistence d’une foi chrétienne et d’une
Adhésion à la théorie psychanalytique : position peu Compréhensive Pour Freud…

b) Adler supporte mal la préférence affichée de Freud pour Jung...

c) Pour Freud, la sublimation n’est pas conçue comme une
Désexualisation, mais comme un changement d’objet et de but
De la pulsion sexuelle. Point de vue inadmissible pour Jung et
D’autres, qui se refusent à qualifier de « sexuelle » l’énergie vitale.

d) … Freud a déclaré que la psychanalyse et la théorie de la
Sexualité  étaient indissolublement unies…

e) ... Avec Pfister, il cherche à effacer toute rancune personnelle,
Mais aborde toujours avec netteté les points litigieux.
Il s’applique à prévenir toute confusion.

f)  … Eviter que l’amitié vienne camoufler des divergences.

g) Freud et ses élèves n’ont jamais abandonné la recherche
D’une thématique mythique universelle, préexistante à tout
Devenir humain.

h) Une des taches du psychothérapeute consiste à libérer l’individu
Du poids des images infantiles.

i) En réconciliant l’inconscient et le conscient, l’irrationnel
Et le rationnel, on aide l’individu à progresser vers une
Compréhension plus large de son univers et à réaliser son unité,
Sa totalité, d’une manière plus authentique.

j) … La psychanalyse n’est pas réductible au traitement des
Malades (pour Freud, elle n’est pas une pratique médicale).

k) L’application de certaines découvertes psychanalytiques
Au dialogue pastoral, concerne les autorités de l’église et elle seule.
Au contraire, le traitement des conflits psychiques relève de
La psychanalyse et le psychanalyste ne peut trouver recours
Ailleurs que dans sa science. Il ne peut conseiller son patient,
Encore bien moins le diriger.

l) Dans la pratique, il est bien difficile de discerner
Cheminement spirituel et guérison psychologique, d’autant
Qu’une authentique expérience spirituelle peut s’appuyer
Sur des déterminations névrotiques.

m) Enfin si l’on accepte avec Freud l’hypothèse d’une agressivité
Primaire évoluant parallèlement à la libido, fusionnant en partie
Avec elle, mais provenant d’une énergie pulsionnelle distincte,
La contrainte sociale devient encore plus impérieuse.
La répression est donc une nécessité, elle est un fait auquel
L’être humain ne peut se soustraire.

n) Selon Freud, l’un des ressorts de la vie morale qui favorise
Le mécanisme névrotique, c’est la religion. La notion de péché
S’appliquant au désir et la religion exige que la pulsion
Inacceptable, soit non seulement interdite, mais refoulée.

o) Si la création des dieux est œuvre humaine, nous nous
Heurtons à la volonté de croire. La croyance n’est pas une erreur,
C’est une illusion. Pour Freud, l’éducation psychanalytique a
Pour fin de déjouer les illusions, de substituer la loi de la réalité
Au principe de plaisir, nous impose d’y renoncer ;
L’éducation psychanalytique ne peut se faire complice de
L’illusion religieuse.

p) … Davantage que leur maître (toi), ils (les uns et les autres)
Considèrent dans l’individu l’être social et l’établissement
De relations sociales satisfaisantes comme un élément essentiel
Au traitement. Or, pour Freud, si la psychanalyse peut proposer
Des règles éducatives, ce ne saurait être dans le champ de sa
Pratique, mais dans une réflexion appliquée aux institutions
Sociales. L’expérience psychanalytique elle-même ne peut être
Qu’une entreprise de découverte, un « constat loyal ».
C’est  à d’autre, au patient lui-même de tracer les voies qui
Relient sa problématique personnelle aux exigences de la
Culture et de sa condition…

q) … Tout au long de sa correspondance avec Pfister, Freud
Maintient une exigence fondamentale.

22 Mai 2005

Cher Sigmund,

Dès ta première lettre avec Pfister, tu lui annonces la couleur, avec
De l’humour, certes, mais enfin tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère.
Tu lui fais des éloges sur son essai "Idée délirante et suicide des écoliers"
Étude psy faite par un pasteur et comme ce n’est pas coutumier, alors
Tu le félicites, c’est la moindre des choses ! Seulement, tu ne perds pas
De temps avec lui en salamalecs, dès les premières lignes, tu qualifies
Les jeunes cathos "d’âmes intactes", que veux-tu dire par là ?
Dans la lettre suivante, tu lui dis : "Cette sublimation religieuse
Dont vous entraînez ces jeunes n’est rien d’autre qu’un transfert
Erotique sur votre personne". Tu imagines, un peu, comment
Il a dû prendre cela le pauvre pasteur ! tu lui dis : "vous avez
Le bonheur de conduire ce transfert jusqu’à Dieu…", quant on
Sait combien tu es athée, alors là, permets-moi de rigoler un peu,
Et, tu rajoutes : "de rétablir ces temps bénis où la foi religieuse
Etouffait les névroses". Tiens, prend ça sur les gencives mon grand
Tu vas voir ce que tu vas voir, quand Freud analyse, c’est pas dans
La dentelle qu’il donne. Tu lui dis : "nous ne voyons rien qui soit péché
Ou interdit dans la satisfaction sexuelle en soi, au contraire, nous la
Reconnaissons comme une part précieuse de notre activité vitale".
Là, tu ne peux pas faire mieux et tu lui précises que pour toi, l’amour,
Ce n’est pas seulement sexuel… (Sic).
Je profite de l’occasion qui m'est donnée ici pour te dire mon idée au
Sujet de l’amour et de la haine. J’ai parlé de cette question ailleurs et
Je risque de me répéter. Peu importe ! Rêvons un instant, mon cher
Sigmund, imaginons l’homme comme s’il était la bonté incarnée, tous
Ses faits, tous ses gestes ne seraient que l’expression de cet état de grâce.
Seulement, avec les aléas de l’existence, l’homme doit s’organiser, 
S’adapter au monde, apprendre à se défendre et donc sortir du chaud
Cocon des jupes de maman et de la Rolls de papa. Il lui faudra sortir
Quelques griffes, car dehors, sans agressivité, il ne sera rien.
Tout se joue dans ce conflit et l'objectif de tout homme est de faire le
Lien entre ces deux poles pour trouver un semblant d'équilibre et tout
Le monde sera d'accord avec moi si je dis que cela n'est pas facile…
Mon idée actuelle est la suivante : l'agressivité pourrait être une réaction
À un refus d’avoir à se battre. Je ne veux pas faire la guerre, je ne veux
Pas me trouver dans une situation conflictuelle avec autruit, mais  si
J'y suis contraint contre mon gré, alors cela me rend fou !

Il est fort à parier de voir un jour les neuroscientifiques affirmer que le
Bien et le mal sont installés au même endroit dans notre cerveau. C'est
Curieux, bizarre et extraordinaire comme l'amour et la haine donnent
La pêche … Voilà le stimulant privilégié pour ces homosapins dont
L'ennui est l'un des plus féroces ennemis.

Il y a tout juste quatre-vingt-quinze ans, tu donnais à ton ami le pasteur
Cette définition : "Dans le travail que nous faisons, il faut être sans
Scrupules, s’exposer… se conduire comme un artiste qui achète les couleurs
Avec l’argent du ménage et brûle les meubles pour chauffer le modèle".
C’est beau de l’avoir formulé ainsi, mais en tant qu'artiste peintre je n'ai
Jamais été aussi suicidaire pour mon art … "Sans quelques-unes de ces
Actions criminelles, on ne peut rien accomplir correctement…" 

Quelles sont les raisons profondes te poussant à continuer cette relation
Avec ce bonhomme d’église qui n’a rien à voir avec tes concepts, et ça,
Tu le sais autant que moi. Ne cherche-t-il pas à récupérer tes théories
Pour atténuer tout l’impact qu’elles pourraient avoir sur les âmes de
Sa paroisse ? J’ai peur qu’il te prenne en grippe et devienne antisémite.
À l’époque, ne se posait-on pas encore la question de qui avait  tué le
Christ ?
Bien sûr maintenant c’est différent, maintenant, on sait la vérité :
Il s’agissait d’une crise cardio-vasculaire mal traitée…

2 juillet 2005

Cher Sigmund,

Ta correspondance avec Pfister, je n’arrive pas à m’y mettre, je
Papillonne à droite, à gauche. Je ne crois pas perdre mon temps,
Car c’est ainsi, généralement que je récupère le mieux l’énergie
Nécessaire pour ensuite aller à l’essentiel. Il est à constater une
Évidence, ta relation avec ce pasteur n’a rien à voir avec celle de
Ton coéquipier Sandor Ferenczi.
Tu me donnes l’impression d'utiliser les hommes pour te faire les
Griffes, peaufiner tes stratégies coupables …  Seulement,
Le dramatique dans cette démarche, est qu’elle manque d'originalité
Même si je sais qu'aucune relation humaine n'est possible sans
Intérêt…Tu vois quel grand pessimiste je suis !
Je relève dans ton courrier : "Je ne me casse pas beaucoup la tête au
Sujet du bien et du mal, mais, en moyenne, je n’ai découvert que
Fort peu de "bien" chez les hommes… Ils ne sont que de la racaille."
Sic… j’adore.

Hier, qu’avais-je d’autre à faire, sinon terminer la lecture de ce livre,
Coincé que j’étais à la maison par le plombier, lui-même coincé dans
La salle de bains pour me faire une pièce d’eau idéale pour me laver.

En décembre 1939, tu avais décidé de mourir, tu avais quatre-vingt-trois
Ans et au fond tu commençais à en avoir assez de cette comédie humaine.
Je te comprends.

Correspondance 1920 – 1933
Sigmund Freud – Sandor Ferenczi

Il m’arrive rarement de lire les introductions des livres,
Là, voulant me remettre dans le bain de votre relation, j’ai
Volontairement pris la décision d’enfreindre cette règle.
J’apprends diverses choses qui me dépassent et me reviens
Une anecdote survenue il y a quelques jours dans une librairie
D’un musée parisien où j’avais entre les mains les écrits de
Picabia et où je disais au vendeur qu’il était rare de trouver
Une bonne plume de la part d’un bon peintre (pensais-je à moi ?)
Alors, il me rétorqua qu’il y avait ceux de Kandinsky, car on y
Apprend énormément de choses, on s’instruit c’est formidable.
À ces mots, tout de go, je lui réponds : « Je ne lis pas pour apprendre »,
Lui, interloqué, me répond : « Dans ce cas, il ne faut pas lire, Monsieur… »
Encore Monsieur, j’aime pas qu’on m’appelle Monsieur, bref,
J’ai acheté quand même le Picabia, mais à peine ai-je quitté
La caisse, un regret m’a pris à la gorge : mais pourquoi ne lui
Ai-je pas dit que je lisais pour le plaisir ?

Depuis quelque temps, je voulais parler avec toi d’une
Chose importante : l’argent. Et de cela, il en est question dans ta
Première lettre de ce tome datée le premier janvier 1920.

Quand je serais grand, je serais professeur de philosophie et ma
Deuxième leçon traitera du principe de réalité. Je poserai à mes
Elèves, s’il en reste encore après ma première leçon, le postulat
Suivant : la préoccupation première de tout homme est de répondre à
La question comment vais-je me débrouiller dans ce monde de merde,
Je veux dire comment je vais gagner ma vie ?

Dans cette missive, tu donnes des directives à ton ami au sujet
D’un maire, "un animal perfide et lâche" concernant des sommes
D’argent à récupérer, je n’entre pas dans le détail de cette transaction,
Tu n’en as rien à cirer maintenant, mais pour nous, c’est intéressant de
Voir avec quelle énergie, quelle  autorité, tu lui écris :
"Au cours de la négociation, on pourrait accepter, à contrecœur, 
 Le partage en 1 million et 750 000 pour la ville…".
Quand tu parles d’argent, tu le fais toujours avec beaucoup d'autorité.
D'ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’il s’agit de ces questions
Entre vous deux : … Et combien tu prends la séance, et combien tu as
De patients payants actuellement, et combien ça va coûter le voyage,
Et combien de chambres doit-on prendre pour toi et moi…

Je te disais donc l’objet de ma deuxième leçon de philo,
Trouver « le métier » de sa survie et sur ce point on ne peut pas
T’en vouloir d’avoir demandé de l’argent à tes patients, en général
C’est comme ça la médecine, la sécu est en faillite, tu t’en fous,
Bon, passons, donc, tu prends de quoi vivre avec la parole
Des souffrants. C’est tellement habituel, tellement coutumier que
Personne ne s’en offusque. Pourtant, pourtant, est-ce une bonne chose
D’associer ce besoin vital du salaire et ces questions de l’âme humaine ?

16 juillet 2005

Cher Sigmund,

Ça y est, ma salle de bains est toute neuve, toute belle, tu ne peux imaginer
Le bonheur que j’éprouve a être dedans et lorsque je suis dehors, c’est à dire
Dans le couloir, je suis tout aussi content, car je l’ai refait aussi. J’ai dit à
Ma mère : mon entrée est une pièce à elle toute seule, je ne sais ce qu’elle
En a déduit. Je te raconte tout ça pour me faire pardonner de ne pas t’avoir
Écrit avant aujourd’hui. Mes lettres, si tu les reçois, ont pour objectif de
Te distraire. J’ai dû lire pendant ces travaux de ma salle de bains une
Bonne cinquantaine de ces lettres, et je n’ai rien retenu, comme d’habitude,
Mais là c’est plus grave, j’ai l’impression de n’avoir rien lu du tout…
J’avais l’ouvrier dans la tête. Je suis obligé de reprendre ma lecture à zéro.

Entre temps, j’ai acheté par correspondance à la Fnac, tes échanges de
Lettres avec d’autres interlocuteurs que Ferenczi, dont la belle
Lou Andréas Salomé, que tu me donnes l’impression de l’avoir dragué.
Tu lui proposes de s’allonger sur ton canapé à partir de vingt-deux heures,
Car ton emploi du temps était plein, ça en dit long sur ta manière d’opérer
Avec le sexe faible. Au fond, tu es un homme comme les autres, tait-toi,
Je sais tout des hommes ! Mais enfin, n’étais-tu pas un gentleman marié ?
N’avais-tu pas fondé un foyer avec enfants et amis ?
Qu’avais-tu donc dans le corps pour te jeter dans la gueule de cette louve ?

J’ai acheté aussi tes lettres de jeunesse où tu communiquais avec deux
De tes camarades de 1871 à 1881 et où tu signais Cipion, c’est tout mimi
Mon Sigmund, ça ne fait pas sérieux, mais on te pardonnera cette légèreté :
Tu ne savais pas à l’époque ce que tu allais devenir.

Un bouquin de tes lettres avec ta famille, de 1911 à 1938 et là, tu as une
Autre signature : Sigm. Si je relève ces deux griffures (Cipion et Sigm) c’est
Bien qu’il y a quelque chose à en dire. Confidentiellement, voilà de quoi il
S'agit. Si je suis avec K., je me comporte d’une certaine manière, disons
D’une manière K’, par contre si je suis avec M., je me comporte en M’,
Ce qui n’est pas pareil du tout. J’ai cette faculté d’être, comme au théâtre,
Je suis autant de personnages que j’ai d’interlocuteurs, et, si cette façon
D'être est valable pour moi, ça doit l'être aussi pour tout le monde…
Tu vois comment je construis une théorie !

La correspondance entre toi et Karl Abraham, de 1907 à 1926, où l’on
Voit à la première page une photo de toi datant de 1907 et où tu n’es pas
Joli du tout, tu aurais pu au moins te raser pour l’occasion, quant on sait
Combien de gens  portent leurs regards inquisiteurs sur ta personne …

Un gros pavé comprenant toutes les lettres avec ton ami
Ernest Jones, de 1908 à 1939, édité chez Puf dans la collection
"Histoire de la psychanalyse".

Et puis aussi, Romain Rolland de 1923 à 1936. Ce gros travail représente
Une étude très approfondie de votre relation, où sont soulevées les questions
Essentielles de l’époque (La guerre, le nazisme, la culture, la vie, la mort )
Et qui restent toujours d’actualité. Ajoutes-y le terrorisme qui sévit depuis
Quelques décennies partout dans le monde et dont nous essayerons,
Le moment opportun, d’expliquer la raison du pourquoi,
Psychanalytiquement parlant, bien entendu.

Tous ces livres viennent s’ajouter à tes autres correspondances,
Déjà entreposées dans ma bibliothèque.
Alors, me diras-tu
Enfin si un jour tu daignes sortir de ton mutisme de psy,
Ce qui faciliterait la communication,
Alors me diras-tu
Pourquoi cet engouement pour ta correspondance,
À quoi cela correspond-il ?






Nous venons de recevoir du notaire un courrier
Nous réclamant un inventaire de sa cuisine.
Bien qu’actuellement nous ayons d’autres chats à
Fouetter, notre stagiaire s’est proposé de se lancer
Dans ce travail, à la condition d’avoir tout son temps
Et pouvoir enquêter librement auprès de ceux qui l’ont connu
Afin de construire un commentaire ou raconter une petite
Histoire pour chacun de ces ustensiles, aussi banal soit-il.

Nous attendons donc ses premiers travaux pour vous
En faire part. Nous, de notre côté, nous continuons
L'analyse de son inventaire.

Le 2 octobre 2005

Cher Sigmund,

Me voilà de retour après deux mois et demi de silence.
Je ne suis pas resté sans rien faire, au contraire, j’ai consacré
Tout mon temps à corriger mes textes et à les mettre à la disposition
De tous et de chacun sur mon site internet, et si le  cœur t’en dit, 
Tu peux toujours y aller faire un ptit’tour.
Je me remets dès aujourd’hui à la lecture de ta correspondance
Avec Ferenczi et dès qu’il y aura quelque chose à en dire,
Je t'en ferais part dans ma prochaine lettre.

Le 3 octobre 2005

Cher Sigmund,

Je ris encore à ces quelques mots sur l’âge avancé de ta maman (85ans) :
"C’est imprudent de devenir aussi vieux !", certes Docteur !
Comme par hasard, tu parles ensuite de ton fils Martin allant devenir père
À son tour. Ces deux éléments si proches l’un de l’autre, comment sont-ils
À interpréter ? Est-il imprudent aussi d'avoir des enfants ?
Un peu plus loin, tu déclares à Sandor posséder un capital de
2,4 millions, tu es content d’être enfin millionnaire, surtout après
La sale période de la guerre où tu as manqué de tout, ce que je
Comprends facilement. La richesse est aussi pour nous rassurer
De ne pas avoir à vivre cette saloperie de la pauvreté, d’où l’adage :
Il est préférable d’être riche et bien portant que pauvre et malade.

Tu dis le 17 avril 1921 :
"N’était-il pas convenu, entre nous, de ne pas trop s’occuper de
L’avenir, de vivre et de travailler tant que cela va et, pour le reste,
De se sentir dégagé de toute responsabilité…". Le travail de la
Psychanalyse n’est-il pas justement de nous responsabiliser face
Aux autres, face à nous-mêmes ? Bien que je t’accorde volontiers
Un joker de temps en temps, il ne faut tout de même pas pousser le
Bouchon jusqu’au ridicule, bien que je puisse comprendre cette mise
À distance parfois nécessaire avec Ferenczi et bien d'autres !

Pour revenir au thème de la mort, j’ai l’impression de relire ici un
Texte déjà vu ailleurs : "il faut se dire que plus tôt on meurt, plus on
S’épargne la participation à des malheurs inéluctable". Oui bien sûr,
Mais avoir ce genre de discours à soixante-cinq ans alors que tu vas
Vivre jusqu’à quatre-vingt-trois ans… C’est plutôt rigolo, non ?
En fait, si cette inquiétude persiste depuis si longtemps, ce n’est pas tant
De la mort, de ta mort qu’il s’agit, mais plutôt de la situation dans laquelle
Tu es avec tes maladies et tes souffrances physiques.

le 20 octobre 2005

Cher Sigmund,

Férenczi se dévoile, il y a du mystique en lui. Ça transparaît de
Temps en temps et plus particulièrement le 14 juin 1923.
"On se prend à espérer une providence ou une justice, on se révolte
Contre le destin…". Que viennent faire là, à la case psychanalyse,
Ces bouts de rien de ma concierge, déconsidérant ce si grand travail
Dans lequel vous vous êtes lancé, toi, lui et tant d'autres ?
Cette faiblesse, ces faiblesses sont-elles significatives, signifiantes,
Comme dirait notre ami Lacan, pour entamer un procès détonant
Contre cette science où faut-il les considérer comme de simples
Failles révélatrices de nos imperfections ?

Tu avoues : "Ne pouvoir rien faire des idées étrangères qui ne se
Trouvent pas complètement sur mon chemin. Il me faut un bon
Moment avant que je puisse me faire un jugement à leur sujet…".
Au fond, "l’écoute" pourrait se faire en dehors de la compréhension.
Les mots de l’autre ne devenant alors non seulement l’expression
"D’un discours" mais également à prendre comme des sons émis
Comparables à ceux de la musique et à entendre en tant que tel,
Bien que sur ce point je me sente partagé… J’aime trop l’analyse,
Et de plus, elle me rassure.

Le 27 octobre 2005

Cher Sigmund,

Tu es mangé par ton besoin d’amitié. Nous savons tous que des amis
On peut s’attendre au meilleur comme au pire. Deleuze sur ce sujet,
En a dit ce qu’il pensait et Sartre, idem avec son « autre » indispensable
Et si détestable. En août 1924, tu reçois une lettre de ton ancien
Collaborateur et ami Rank, où il te traite comme un chien et toi, tu lui
Rédiges une réponse, mais que tu ne postes pas.
Je n’ai pas compris pourquoi.
Tu lui fais part énergiquement des points vous séparant de plus en plus,
Mais les derniers mots de cette lettre sont ceux de l’espoir et de ceux de
Ta volonté de retrouver le Rank que tu aimes.
Maintenant il est vrai, la distance qui vous sépare n’arrange rien.
Lui est aux Etats Unis et toi à Vienne …

Je ne crois pas qu’il faille insister lorsque ça ne va plus.
Les ruptures ont l’avantage de faire place à d’autres possibilités,
Mais il est vrai, nous aimerions tous que l’amitié soit éternelle,
Car nous sommes des romantiques peureux, peureux de nous
Trouver seul face à nous-mêmes, face à notre solitude…
Pourtant, qu’avons-nous d’autre à nous mettre sous la dent ?

31 octobre 2005

Cher Sigmund,

Ces temps-ci, je n’arrête pas d’être choqué par certains évènements de
L’actualité, de films vus ces derniers jours ou de certaines phrases de
Ferenczi dans cette lettre qu'il t'adresse le 26 février 1926.

Comment peut-il oser se comporter avec toi comme un macaque
De la pire espèce ? Alors que tu souffres de mille feux de ta
Maladie maxillaire et de problèmes cardiaques, il se permet de profiter
De cet état de malade pour te faire ce diagnostique à quatre sous :
"Je pense que le cœur doit être soutenu non seulement médicalement,
Mais aussi psychiquement…".Comme toujours,
Cela part d’un bon sentiment… Tu parles, Charles !
Il prend sa revanche du fils sur le père affaibli, il se venge, le traite.
Il te propose de venir passer quelques mois auprès de toi pour te servir
De psychanalyste (sic)…Si tu ne le jettes pas dehors, ajoute-t-il.

Il t’a toujours considéré comme son « Maître », son supérieur.
C'est terrible, cette maladie de vouloir toujours un Dieu au dessus de soi.
Entretient-il le fameux "Sentiment d’infériorité" dont ton rival
Alfred Adler a fait ses tartines ? Comédie possible tant qu’il y a de la
Force, mais le jour où l’un des partenaires est affaibli, alors le décor
S’écroule, le rideau peut tomber et le théâtre se fermer.

On pourrait disserter pendant des heures entières de l’insatisfaction
De nos relations avec nos amis, notre famille, les hommes
Faisant parti de notre vie quotidienne comme de ceux qui,
Bien que loin de nous, touchent notre conscience en profondeur.
À quoi est dû ces déceptions permanentes dont personne n'est à l'abri ?

J’ai essayé à plusieurs reprises de te donner mon avis sur ce que toi
Tu appelles le conscient et l’inconscient. J’acquiers aujourd'hui
La conviction qu’il s’agit d’autre chose. Permets-moi d'apporter
Ma pierre à la "cause psychanalytique"…

"L’inconscient terroriste".
Voilà un beau titre pour un de tes prochains livres.
À l’école, je me souviens avoir appris qu’il existait des
Muscles volontaires et des muscles involontaires. Alors,
Pourquoi psychiquement un tel mécanisme n’existerait-il pas ?
Que se passe-t-il en nous à vrai dire ? Ne trichons pas.
Il y a tout ce qui relève de notre volonté, puis sournoisement
En permanence, derrière ça, il y a ce que nous ne pouvons maîtriser.
Nous vivons la terreur vingt-quatre heures sur vingt-quatre,
Il est toujours là, ce terroriste en nous. Par tous les moyens,
Il cherche à nous déstabiliser, quelques soient les situations
Où l'on se  trouve. Ce terroriste crache sur la personne aimée,
Crée le doute en nous à tout moment, j'ai bien dit "sournoisement",
Car il est très fort pour faire de nous un voyou, une poubelle,
Si on le laisse faire. 

Oui, nous sommes tous habités par ce virus, ce cafard
Et comme je l’ai déjà dit un jour ici même, c’est lui qui nous
Fait artiste ou assassin. Je n’ai pas envie de développer cette question
Cet après-midi, il y a du soleil dehors, je vais faire un p’tit tour à
Paris, mais cette découverte est si importante qu’elle reviendra sur
Le tapis de notre intelligence tout au long de mon existence.

3 novembre 2005

Cher Sigmund,

Tu as 73 ans et tu en as ras le bol de tes clients et  si ce n’était pour
Des raisons matérielles tu laisserais tomber tout ce monde sans scrupules,
Tu te laisserais vivre ou mourir selon le niveau de tes souffrances, ces
Putains de prothèses que tu n’arrives pas à trouver celle qui te ferait le
Moins mal. Toutefois, je te trouve trop en rage avec ces gens qui prennent
La psychanalyse pour s’exprimer à leur façon.
En gros, tu n’es "pas content". C'est à ce moment-là que ton terroriste
Se réveille, tu perds ce minima de confiance envers les hommes…
Tu pêtes les plombs.
Tu as toujours, ou presque, réfuté tout ce qui ne venait pas de toi.
Bon, ce n’est pas grave, c’est humain, surtout si l’on veut avancer dans
Une voie, sans se laisser entraîner par celles des autres…
Suivre sa propre route est difficile, et toi, tu y es arrivé, faut pas déconner,
Tu ne peux pas dire le contraire. Certes, il t’a fallu des supporters, mais ça,
Sigmund, des supporters, tu en as eu dans le monde entier.
Que les autres pensent différemment de toi et se battent pour faire
Entendre leur différence, n’est-ce pas la rançon de ta gloire ?

Tu ne peux tout de même pas imaginer n’avoir que des moutons autour
De tes idées, qu’elles soient géniales ou non. Pourquoi as-tu tant de mal
À accepter ces "ennemis" et leurs idées, d’autant qu’ils, qu’elles ne font
Que donner plus de relief à notre "cause" : la psychanalyse.
Tu ne pourras jamais changer la nature des hommes et dans cent ans,
Sois-en sûr, il y en aura toujours pour te cracher à la figure et
D’autres à utiliser ta méthode pour gagner leur vie (sic)…







Aujourd’hui, nous venons de recevoir de notre stagiaire le début
De son travail.

Inventaire de la cuisine à l'attention du notaire.
Dans le tiroir nous avons trouvé trois bacs.

Premier bac.

 

3 fourchettes à gâteaux.
 
Reste d’un service acheté il y a plusieurs années, lorsqu’il allait tous les
Mardis après-midi à la salle des ventes de Chartres pour y acquérir quelques
Objets, mais surtout pour y passer un p’tit moment pas trop désagréable.
C’était une occupation régulière dans son emploi du temps, il ne travaillait
Plus depuis 1991, moment où sa santé s’est dégradée et où il décida de faire
Autrement avec la vie…
Pourquoi en reste-t-il si peu de ces fourchettes chez lui ?
En fait, les manches sont en plastique et lorsqu’il porta une surenchère,
À l’époque, il ne vit pas qu’elles étaient toutes fissurées, probablement
Les anciens propriétaires avaient une machine à laver la vaisselle et
La chaleur de l’eau a dû abîmer ce matériau tout de même fragile.
Il avait pris l’habitude de faire le tri dans ses affaires et aimait à liquider
Ce qui ne lui paraissait pas tenir la route, et là dans ce cas de figure, lorsque
La fissure le gênait la fourchette allait à la poubelle. À vrai dire, de
Fourchettes à gâteaux, il n’en avait presque jamais besoin surtout dans les
Dernières années, car il recevait de moins en moins de monde et lorsqu’il
Y avait quelqu’un en général c’était souvent une seule personne qui n’aimait
Pas les gâteaux, alors, la fin des repas se terminait soit avec du fromages
Soit avec une salade de fruits frais et non de boîtes de conserve.
Le plastique de ces manches lui rappelait qu’il avait travaillé du temps de sa
Jeunesse chez BIS, le dieu de l’intérim, dans une entreprise anglaise située à
Paris, rue Ampère : ICI - Impérial Chemical Industrie. Là, il était employé
De bureau ou aide-comptable première catégorie. Après quelques
Recherches, nous avons pu situer cette période aux alentours de 1966.
Il s’était fait dans cette entreprise plusieurs amis travaillant en intérim
Comme lui. Il se souvenait très bien d’eux et certains étaient devenus
De vrais et bons amis, mais nous avons eu beau chercher dans ses écrits,
Aucune trace de ces gens n’apparaît nulle part, à priori.
Le plastique le poursuivait-il ?
Déjà dans les années 1963/1964, pendant les périodes de vacances scolaires,
Il avait fait des remplacements, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, à la
SITAP, où on l'avait affecté au classement des factures. L'entreprise était
Spécialisée dans la transformation des granules achetées chez ICI dont nous
Avons parlé plus haut, en objets divers et peut-être même en manche de
Fourchettes à gâteau.

Boule à T.
 

Cette boule à thé servait principalement à la confection des infusions,
Un mélange de trois plantes thym-romarin-lavande préparé par sa
Pharmacienne de l’Hay-les-Roses, dont un de ses psy Jungien, croyant
Aux choses de la nature, à Dieu et à tous les mythes imaginables, lui
Avait conseillé pour purifier sa tuyauterie intestinale lorsque ça n'allait pas
Bien, ce qui arrivait parfois, souvent. Le thé, lui, avait ses ustensiles
Spécifiques et nous aurons l’opportunité d'en parler plus tard. Il consulta cet
Homme pendant un peu plus d’une année et ce n’est que beaucoup plus tard
Qu’il comprit que pour aller franchement mieux, il lui fallait passer par une
Intervention chirurgicale radicale.
Nous n’avons pu, malgré toutes nos recherches, situer à quelle période de sa
Vie cette boule avait été acheté, mais nous avons la conviction qu’elle
Venait de chez « Mariages frères », endroit où il aimait à se fournir en thé
Et autres gourmandises.

2 couteaux
 

Il est difficile de faire autrement que d'utiliser des couteaux pour couper,
Et c’est bien pour cette raison qu’il en avait quelques-uns en réserve, mais
S’il avait pu faire autrement, il n’en aurait eu aucun. Il avait hérité de sa
Mère une relative crainte à la vue de tous les grands couteaux, car ils
Pouvaient blesser en profondeur. Il pensait également, sans le dire à
Personne, qu’il ne  fallait pas trop compliquer la vie des urgentistes à
L’hôpital…
 
Baguette
 

La première fois qu’il mangeât avec des baguettes c’était dans un chinois
Situé dans la rue mouffetard, du temps où il fréquentait le théâtre de la
Mouffe. Il sortait de la rue des Rosiers et des jupes de sa maman et
Commençait à se confronter à la réalité de la vie, à la liberté surtout,
C’était ça son truc, la liberté. Ces nouvelles personnes, ces nouveaux amis,
L’impressionnaient beaucoup et il se demandait si un jour il serait comme
Eux, culturellement parlant. C’était un boui-boui tenu par une dame des îles.
Un réel boui-boui relativement crade et c’était certainement le premier
Restaurant qu’il fréquenta de sa vie. Dans sa famille, c’était pas le genre à
Aller fêter quoi que ce soit dans un endroit où il fallait dépenser tant
D’argent pour pas grand-chose. La première fois, c'était avec Claude, un
Homme plus âgé que lui, mais très gentil, une sorte d’abbé Pierre, toujours
Près à aimer le premier jeune homme venu et beau de surcroît…
Il n’avait pas encore dix-huit ans.

Un bouchon.
 

Ce n’était pas le genre d’homme à vouloir tout garder en se disant comme
Beaucoup : "on ne sait jamais…". Il a toujours jeté ce qui était en trop.
Alors, nous avons cherché pourquoi cet objet, n’avait pas connu le fond
De sa poubelle ? Personne, à ce sujet n’a pu nous éclairer convenablement. Mais nous n’avons pas voulu combler ce manque d'information par du
N’importe quoi. Il avait sûrement ses raisons à lui, et ça, nous devons
Le respecter.

Casse noix.
 
Il préférait acheter ses noix, lorsqu'il en achetait, toutes cassées d’avance,
Emballées dans de petits sacs en cellophane transparent trouvés sur le
Présentoir de l'Intermarché qu'il fréquentait tout près de chez lui, mais
Vers la fin, pour des raisons de santé, il préféra ne plus en prendre, afin
D’éviter encore des problèmes... Alors, ce casse-noix à quoi pouvait-il
Lui servir ? Peut-être à dépiauter les demi-tourteaux qu’il dégustait rarement
Le dimanche midi, histoire de faire la fête, bien que pour lui, dimanche ou
Pas, tous les jours étaient pareils, puisqu’il ne travaillait pas. Avant, bien
Avant, il connut comme beaucoup la joie du boulot, sauf qu’il n’aimait pas
Se lever tôt le matin. Ce qu’il n’aimait pas non plus, c’était la dépendance
Aux supérieurs, ça lui donnait des boutons, ça le castrait quelque part,
Disait-il, lorsqu’on lui posait la question du pourquoi de la chose…

Ouvre boîte.
 
Le dira-t-on assez : ouvrir une boîte de conserve est dangereux pour les doigts,
Pour les mains des personnes maladroites, comme il en existe dans toutes les
Maisons qui se respectent. Ils ont beau inventer toutes sortes de mécanismes,
Rien n’y fait, ça coupe. Seulement, lorsqu’on arrive à ses fins sans se blesser,
Il est possible alors de s’empoisonner avec ce qu’il y a à l’intérieur.
C’est pourquoi celui-ci est tout neuf, il n’a jamais servi.

Petit couteau
 
"Prenez garde à mon petit couteau…"
Longtemps il s’est souvenu de ces quelques mots dits par Lorenzaccio à
La fin d’un acte, en sortant de scène. Probablement ce couteau-ci, n’est-il
Pas semblable à celui ayant servi à tuer le duc Alexandre de Médicis, il
L’utilisait pour tartiner de beurre ses tartines du matin. Nous avons été
Surpris de voir les stigmates de l’aiguisement de ce délicat objet. De sa part,
Lui si précieux en général avec les objets situés de sa maison, comment
A-t-il pu porter si peu d'attention à ce petit couteau ?

Tire bouchon
   
Et puis un jour il s’aperçut que boire ne serait-ce qu’un verre de vin, même
Dans le cadre d’un repas, avait un retentissement négatif sur sa santé : sa
Tension baissait et le mettait dans un état bizarre qu’il préférait ne pas
Avoir à vivre. Plus il vieillissait, plus il voulait garder "la tête froide".
Alors que d’autres font tout pour s’égarer, prendre le large avec d’autres
Substances, lui s’accrochait au réel, probablement avait-il peur de se
Perdre dans les méandres de cet inconscient dont il ne savait que trop
Le mal qu’il contenait. Pourtant quand des amis venaient lui rendre visite,
Il avait toujours quelques bonnes bouteilles achetées au supermarché
Casino de Bagneux. C’était le seul endroit à ses yeux où l’on pouvait
Trouver du bon vin, faisant allusion à celui médiocre de chez Nicolas.
Curieusement, en regardant ce tire bouchon, on a du mal à l’imaginer
Ouvrant une bouteille...  Ne faut-il pas un minimum de force pour ça ?

Tourne-seb
  
Il aimait beaucoup faire cuire ses légumes dans une cocotte SEB.
Lorsqu'il se sépara de sa femme, en 1983, il avait décidé de ne plus
Manger de viande. Il avait pris l’habitude d’aller au végétarien de la rue
Delambre où la nourriture était toujours bonne et facile à digérer. Avec
Le temps, il avait fini par connaître la succession des propriétaires du
Lieu, à commencer par sa créatrice, une dame très dynamique et maîtrisant
Son affaire. Ses deux enfants ont pris la succession, ils changèrent un
Peu le lieu en y ajoutant des sièges supplémentaires,  ensuite, leur employé
A dû acheter ce local pour laisser les fils aller rejoindre leur maman à
Douarnenez. Son plat préféré se composait de céréales complètes et de
Légumes cuits sur lesquels il mettait des graines de sésame, quelques
Gouttes d’huile d’olive et de la poudre d’ail, histoire de donner un peu de
Goût, à ce plat qui en manquait pas mal, tout de même.

Le 17 novembre 2005

Cher Sigmund,

À dix-neuf ans, le 27 février 1875, tu écris à un ami pour lui faire un sermon
Au sujet des filles et du respect qu'on leur doit. À soixante-quinze ans, le
Treize décembre 1931, tu écris à peu près la même chose à ton ami
Sandor Ferenczi, parce qu’il a pris pour habitude d’embrasser, voire de
Toucher ses charmantes clientes …

J’ai toujours pensé que l’homme ne changeait pas, en voilà la preuve
Avec ces deux missives. Sacré frustré ! j’espère que de là tu es,
Ce genre de problèmes n’est plus d’actualité.

Lettre à Eduard Silbertstein, le 27 février 1875.

« … Tout cela et notre vielle amitié me vaudront peut-être à tes yeux le droit de formuler un jugement sur ta vie actuelle, et me serviront d’excuse si je déclare carrément que tu te fais grand tort, que tu te prépares de graves difficultés et à moi de lourds soucis, si tu donnes suite à l’inclination irréfléchie qui te menace de la part d’une jeune fille de seize ans et si – ce qui sera sa fin – tu en profites. Je ne pense aucun mal de toi et n’arrive pas à me convaincre que tu as adopté ce principe dans une intention frivole … Ne donne donc pas, à une jeune fille tout juste sortie de l’enfance, l’occasion d’enfreindre pour la première fois la règle légitime des convenances, de faire des rencontres condamnées par ses parents … Je serais très heureux si, au lieu de te moquer de mon ton prêcheur, tu m’écoutais et mettais fin à tes rendez-vous. »

À Ferenczi, le 13 décembre 1931

« … Vous n’avez pas fait un secret de fait que vous embrassez vos patientes et que vous vous laissez embrasser par elles ; cela, je l’ai d’ailleurs entendu dire par mes patients… Je ne suis certainement pas celui qui, par pruderie ou par égard pour les conventions bourgeoises, proscrirait de telles petites satisfactions érotiques. Je sais aussi qu’au temps du Chant des Niebelungen le baiser était une forme de salutation anodine, accordée à tout visiteur… Mais cela ne change rien au fait que nous ne vivons pas en Russie et que, chez nous, le baiser représente une intimité érotique sans équivoque. Jusqu’à présent, dans la technique, nous nous en sommes tenus fermement à la thèse : les satisfactions érotiques sont à refuser au patient.
Maintenant, imaginez quelle sera la  conséquence de la publication de votre technique. Un certain nombre de penseurs indépendants se diront : pourquoi en rester au baiser ? On pourrait certainement obtenir encore davantage en y ajoutant le « pelotage » qui, après tout, ne fait pas non plus d’enfants. Puis il en viendra de plus hardis encore, qui feront le pas supplémentaire jusqu’à regarder et monter ; et bientôt nous aurons inclus dans la technique de l’analyse tout le répertoire de la demi-virginité et des petting-parties avec, pour conséquence, un accroissement considérable de l’intérêt pour l’analyse chez les analystes et les analysés…
C’est pour cela que, dans une lettre précédente, j’ai parlé d’une nouvelle puberté, d’un démon de midi chez vous… Je ne m’attends pas à vous faire impression. La condition préalable pour cela fait défaut dans votre relation à moi. Votre besoin têtu de vous affirmer me paraît plus puissant chez vous que vous ne le reconnaissez vous-même. Mais, du moins, j’ai fait mon possible pour tenir fidèlement mon rôle de père. À présent, à vous de poursuivre. »

Le 21 novembre 2005

Cher Sigmund,

Juste avant de me mettre à la lecture de ta correspondance avec Lou
Andréas-Salomé, je terminais le « Salomé », de Wégergans, prix Goncourt
De cette année pour « Trois jours chez ma mère »… Mais revenons à notre
Sujet, cette femme, je n’aime pas cette relation que tu entretiens avec cette
Mythomane, avaleuse d’hommes, qu’elle serait bien capable de gâcher ton
Foyer, ta femme, tes gosses, ta carrière… Heureusement ou peut-être pas,
Entre vous il n’y a pas de sexe, je veux dire vous ne couchez pas ensemble,
Du moins si je me réfère à vos écrits… D’ailleurs, d’après un autre livre
Que j’ai dans ma bibliothèque la concernant, en fait, elle couchait rarement
Et préférait faire languir ses amoureux, Nietzsche, Rilke et consorts, ça
L’amusait probablement de se confronter aux hommes de la haute société,
Histoire de compenser son sentiment d'infériorité, comme dirait ton
Ennemi juré, Alfred Adler... Je te taquine, ne fais pas cette grimace !

Dans ces cent premières pages, je ne reconnais pas le Freud de la
Correspondance avec Sandor Ferenczi. Tu es comme nous tous : multiple.
Tu te comportes différemment selon    que tu as à faire à A à B ou à C …
J’ai toujours pensé cela et un jour j'en ai parlé à mon psy du jour, il me
Répondit que j’étais peintre et devais me consacrer à ma spécialité et laisser
La psy aux psys, en quelque sorte, à chacun son domaine, taisez-vous,
Retournez à votre place ! Pourquoi te dis-je tout ça ? Qu’importe.

Je sais qu’en vieillissant on radote, mais ça, je l’accepte.
J’ai déjà parlé de cette chose, le spermatozoïde gagnant,
Celui qui deviendra grand et apparaîtra au bout de neuf mois.
Mais les autres que deviennent-ils ? 
Des moins que rien, des sdf, des rmistes, des chômeurs,
Des jeunes de banlieues, des misérables, des prisonniers ?

De la naissance à la mort, tous nos efforts se portent à être « civilisés »,
À nous conformer aux règles sociales pour vivre au mieux avec nos
Semblables. Nous mettons de côté toutes nos saloperies dans quelques
Placards bien fermés, mais comme aucun n’est complètement hermétique,
Alors, notre animalité, consubstantielle à notre personne, sort de partout.
Elle sort dans les rêves tout d'abord, dans les actes manqués ou non, dans
Le fait de battre sa femme et ses enfants après le turbin ou après avoir pointé
À l’anpe, brûlé des voitures qu’on n’a pas les moyens d’acheter, brûlé les
Écoles où on a été rejeté dès le premier jour, dormi dans la rue histoire
De montrer sa misère …
À y regarder de près, nous sommes tous lotis à la même enseigne,
Le désordre est tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nous-mêmes,
En cela la démocratie est universelle, le désordre est dans tout, c’est là
Toute sa force. Le point commun à tous ces malheurs, c’est le
Mécontentement, probablement à l’origine de cette animalité comme
Défense, comme réponse à un manque d’amour…

Le 2 décembre 2005

Cher Sigmund,
 
Lorsque j’ai reçu par la poste ta correspondance avec Romain Rolland,
J’étais heureux devant ce gros pavé, il me promettait des heures, des
Journées entières de bonheur, mais vite j’ai déchanté : en réalité, il y a
Eu très peu de lettres échangées entre vous. Le couple, instigateur de ce
Bouquin, Henri et Madeleine Vermorel profitent de l’occasion pour faire
Leur thèse de septième cycle. C’est brillant, très brillant, mais je me sens
Frustré, car des gens qui écrivent bruyamment sur Freud, ce n’est pas ce
Qui manque… je t’imagine me mettre dans le même lot qu’eux…
Allez vas-y, je ne t’en veux pas, petit voyou, passons !
 
J’apprends un détail te concernant : tu as subi près de trente opérations
Chirurgicales de la mâchoire avec prothèses et ce qui va avec, pour traiter
Au mieux une putain de maladie. Heureusement, cela ne t'a pas empêché
De faire ce que tu voulais, mais ce ne devait pas être facile tous les jours.
Actuellement, ici chez les vivants, nous avons le SIDA, auquel tu peux
Ajouter la fièvre des poulets, une catastrophe qui risque de nous tomber
Sur la tête dans quelques mois, et, si tu n’as plus de mes nouvelles un  jour,
C’est que les oiseaux sont passés par là.
   
Le 14 décembre 2005

Cher Sigmund,

Je me suis levé comme d’habitude à cinq heures, petit-déjeuner,
Médicaments, six heures moins le quart, la vie démarre, je pointe mon
Nez sur le vaste écran de mon ordinateur et perds deux bonnes heures à
Me dégourdir la tête. Je me saoule dans l’Internet haut débit à en avoir
Le tournis, c’est une forme de jouissance comme une autre, me dis-je
Parfois, lorsque je culpabilise pour rien. Il est huit heures trente déjà.
Comme le temps passe vite le matin pour moi maintenant.
Huit heures trente, c’est le moment où je me mets à lire ou à t’écrire.

Je disais hier soir à un ami mon injuste mécontentement au sujet
Du livre sur toi et Romain Rolland. Après avoir avancé dans ma lecture,
J’ai éprouvé de la satisfaction à entrer, par moment, dans le travail
Finalement très intéressant des auteurs de cette étude. Seulement,
Permets-moi de te tirer les oreilles. Parfois, je ne suis pas fier d’avoir
Un ami comme toi, si prompt à croire qu’il y a des gens meilleurs que
D’autres : les Nietzsche, Einstein, Rolland et compagnies.
Ta manière de t’adresser à eux ne me plaît pas du tout, cette valorisation
À outrance de ces « Dieux », cette façon mielleuse me paraît suspecte,
J’y vois une faille, une faiblesse inacceptable de ta part, toi l'inventeur
De la psychanalyse, c'est un comble !
L’élitisme, ras le bol !

Tu voulais être l’un d’eux et tu l’as été. Mais, cela ne t’a pas empêché
De vivre dans l’insatisfaction permanente quant aux travers humains,
Tu pensais : « Tous de la racaille », certes tu as raison, seulement ne
Pourrions-nous pas avoir un autre discours que celui de certaines brèves
De comptoir ? Et puisqu’on est là, essayons la joie et la bonne humeur,
Amélie tais-toi, laisse-moi écrire à mon ami Sigmund…
Fais-moi une tasse thé, plutôt que de raler, j’ai soif.

Le 17 décembre 2005

Cher Sigmund,

Depuis quelques jours, je tourne autour du livre "Ça et moi" de Georg
Groddeck sans l'ouvrir. Ce matin, je m’y suis mis, mais avant j’ai été voir
La définition que donne Laplanche et Pontalis du mot « Ça ». En gros, je
Ne comprends rien à ce qu'ils disent, je me demande pourquoi je garde
Encore chez moi ce « Vocabulaire de la psychanalyse », s’adressant
Uniquement qu’à ceux dont les études supérieures de haut niveau ont permis
De saisir ce langage bien clos aux communs des mortels que nous sommes.

Dans la préface de ce livre, je trouve : "Si le langage est la condition
Fondamentale des rapports humains, il est d’abord un instrument de
Mensonge" et il ajoute : "Il y a un en dessous du langage, un lieu contenant
Des pensées plus profondes, souterraines, inconscientes… en gros c’est
L’âme." Bref, rien de nouveau sous le soleil de ce côté-là.

J’ai déjà exprimé ailleurs ce que je pensais du mensonge, mais peut-être
Pourrais-je ici t’en dire un peu plus.
En toute chose, il y a du mensonge et de la vérité.
Il n’est pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour être plus dans l’un
Que dans l’autre, c’est consubstantiel (tiens, ce mot-là, je l’aime beaucoup)
À tout événement humain. Pour un rêve, pour une situation quelconque de
La vie quotidienne ou toutes actions politiques, ce qui est bien c’est de
Pouvoir déceler les deux côtés de l'énigme. C’est en regardant ça en face
Que l’on peut sortir parfois, pas toujours, de la peur du malentendu de la
Chose cachée, entraînant très souvent angoisse, dépression, mais aussi son
Contraire, ce qui complique un peu les choses, je te laisse le soin d'imaginer.

Le 20 décembre 2005

Cher Sigmund,

Groddeck se voulait psychanalyste et pour arriver à ses fins, il a
Cherché à te séduire. Il y est arrivé, surtout au début de votre relation,
Certaines de vos lettres le prouvent. Curieusement, je n’arrive toujours
Pas à comprendre comment tu pouvais apprécier des gens aussi troubles.
Toutefois, l'occasion m'est donnée ici de te parler d'une chose capitale
Dans le domaine de la médecine, à savoir si c’est le psychisme qui
Entraîne la maladie physique ou bien celle-ci perturbant le psychisme ?

Il est terrifiant de constater qu’en général tous les psychanalystes disent
Que c'est le psychisme qui entraîne la maladie physique et là, je ne peux
Être qu’en désaccord avec eux. L’un des paramètres essentiels pour
Comprendre l'homme est sa faculté à s'adapter à tout, ou presque tout.
Si cela lui permet de vivre, de survivre, cela est aussi dévastateur.
Tous ces mécanismes psychiques font échos aux nombreuses défaillances
Du corps dans ce qu’il a de souffrant, d’inaccommodable au monde,
D’inadéquate à une socialisation pourtant à faire.

Alors avec tout ça, comment ne pas te parler de mon expérience personnelle
Et te dire les yeux dans les yeux, franchement comme à un frère :
Oui, dans ma carrière de vivant, j’ai été voir plusieurs fois des psys,
Car il était convenu dans la tête de ton très honorable serviteur, qu’en cas
De souffrances physiques, il fallait consulter un psy pour voir si ce n'était
Pas psychosomatique. De l’un de mes professeurs de théâtre devant mon
Impossibilité à devenir un bon acteur m'avait jeté à la figure :
« Tes pathologies physiques sont la conséquence de tes problèmes psys » 
Plus tard, je compris, le salaud, qu'il projetait sur moi, son terrible
Désarroi à n’être pas grand-chose dans le monde du spectacle.
 
A la suite de cet événement ou d'une aventure amoureuse qui a mal
Tourné, quelque chose a disjoncté et tout s’est effondré, il m'a fallu
Aller consulter pour la première fois le Docteur Schaffer, rue des
Archives, représentant en France à l’époque, l'école d’Alfred Adler.
Nous ne manquerons pas d’en reparler plus tard, mais pour l’heure
N’alourdissons pas notre discours…

Maintenant je le sais, l’origine de mes maux n'était pas psychologique.
J’aurai pu donc me passer de psy, seulement, si la raison de ma démarche
N’était pas justifiée à priori, c’est bien grâce à cet « accident », à ce
Malentendu, qu’un certain travail sur moi a été possible. Je vois mal
Comment j'y serais allé sans cette dite maladie psychique.

Plusieurs années plus tard, je me suis trouvé dans une situation similaire,
À vrai dire beaucoup plus grave puisqu’elle mettait ma vie en danger,
Mon corps fleurtant aux limites des choses insupportables…
On me proposa de consulter un psy spécialisé en la matière, connaissant
Parfaitement cette maladie pour l’avoir déjà traitée sur d’autres personnes.
Cette fois-là, pas de chance pour toi, mon très cher Sigmund, c’était un
Jungien. Il y avait partout dans son cabinet des bouddhas en érections,
Des tapis d'orient, des icônes recouverts d'ors fins, et l'ensens embaumait
L'air de toutes les pièces. J'avais à faire à un homme zen, cela ne faisait
Aucun doute, mais lorsqu’on souffre, on est prêt à tout, même à s’allonger
Avec une croix accrochée au dessus de sa tête …

Le 27 décembre 2005

Je pensais ce matin écrire comme je le fais régulièrement à mon ami
Sigmund Freud pour lui faire part de mes idées sur un point d'actualité,
Mais je sais que cela ne l'intéresse pas, alors…

J'ai lu les débats ayant eu lieu à l'Assemblée Nationale du 20 au 22
Décembre, concernant les téléchargements gratuits de musiques et de films,
Par le truchement du P2P sur internet. J'ai eu un plaisir fou à me rendre
Virtuellement tous les jours pour voir de quoi il en retournait. Curieusement,
À aucun moment, ni à gauche, ni à droite, personne ne s'est imaginé que
"Nos jeunes", vos propres enfants, puissent avoir raison quelque part en
Téléchargeant jusqu'à la nausée cette masse de "fichiers", comme ils disent
Dans l'hémycicle, qu'ils aient de bons motifs de répondre ainsi à leur
Manière à cette richesse qu'offre internet, qu'il n'est plus utile de payer
Pour avoir, car elle ne coûte rien à personne, matériellement parlant. C'est
Différent du pain de mon boulanger, car si le pain pouvait se transmettre
Par ce biais, alors il n'y aurait plus de misère dans ce bordel de monde !

Aucun de ces hommes n'a émis l'idée de légiférer dans leur sens : garder
La gratuité. Certes, ce n'est pas commercial et ça ne rapporte rien, mais
Enfin pourquoi ne pas envisager de leur donner raison, à défaut, la parole ?
La réalité est pourtant bien là, huit millions de téléchargeurs punissables
Et jetables en prison pour une période de trois années, huit millions de
Coupables innocents…

Internet c'est aussi, pas seulement, mais aussi la richesse des pauvres,
C'est aussi de la culture, la vraie, celle qu'on choisi vraiment selon ses
Désirs, son humeur. Cette culture évolue avec le temps, elle grandit
Tous les internautes, presque tous les internautes. La culture d'aujourd'hui,
La culture de demain, c'est là qu'elle est, ailleurs c'est autre chose, une
Marchandise de notre société, critiquable ou pas, là n'est pas mon propos,
Mais "ces délinquants", s'ils téléchargent ainsi c'est aussi qu'ils ont
Quelque chose à dire, mais quoi ?
Ils vivent dans une sphère où leur sont proposés des moyens matériels
Informatiques, photographiques, audiomagiques, leur permettant de faire
Plein de choses. Il est dans la nature humaine d'aimer explorer, exploiter
Jusqu'à la lie, les possibles d'une histoire. Regardez les chercheurs, les
Artistes, les politiques … Alors eux, ce club de huit millions d'individus,
Ils essayent de voir jusqu'où ils peuvent aller avec "ces machines". Jules
Vernes se retourne dans sa tombe et ça tombe bien, car il n'est pas inutile
De se demander pourquoi font-ils de l'accumulation leur principe d'action ?
Quant aux députés de cette noble assemblée, ils se font les avocats des
Artistes, tu parles chéri, en fait, ils sont pas franchement net sur ce coup…

Le 1er janvier 2006

Cher Sigmund,

Aujourd’hui, nous sommes le premier jour d'une nouvelle année.
Je culpabilise de ne pas t'avoir donné signe de vie plus souvent ces
Temps-ci, mais que veux-tu, je consacre des heures à découvrir ce
Qui en moi me motive profondément. Et bien vois-tu, Sigmund,
En 2005, il n'y a rien eu d’extraordinaire, je n'ai pas trouvé l'âme sœur,
Je n'ai pas gagné au Loto… Pourtant, curieusement, tout m’apparaît si
Intéressant dans la vie ordinaire que je mène.

Je me suis mis ce matin à adresser mes vœux à mes amis, à ma famille.
Dans l'après-midi, j’ai voulu pour t’écrire sortir de chez moi. Alors, me
Voilà assis dans ce café bien branché à Montparnasse, rue de la gaîté,
Un endroit idéal pour draguer, je devrais le fréquenter plus souvent. 
J’ai acheté "l’Ulysse" de James Joyce, livre majeur, il est maintenant
Sur l’étagère de ma bibliothèque, au rayon des bouquins à lire.
La méthode consiste à écrire sa pensée en direct, comme si l'on est dans
Le divan d'un psychanalyste. Elle vient d'un certain Edouard Dujardin,
Auteur d'un livre : "Les lauriers sont coupés" parut en 1887. Les mots
Partent dans tous les sens, mais là le gars a relu moult fois ses écrits
Automatiques pour en faire un réel chef-d’œuvre, une pure merveille de
Lecture, une promenade surréaliste. J’ai pensé au « journal d’un fou » de
Gogol. Cette façon d’écrire, mélange d'un discours rationnel et déjanté,
Ouvre les vannes, les clapets de nos synapses pour arriver à dire ces
Choses imprévisibles que l'on appelle de l'art.

Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Si Deleuze s’est permis cette question pour
La philosophie, alors pourquoi moi, je ne pourrai pas le faire au sujet de ce
Qui est mon truc ?
J’ai pensé l’art comme étant une matière résiduelle devant sortir du corps
De l’artiste au risque d’implosion. Matière fécale contre nature à montrer
Coûte que coûte, pour survivre. Ce n’est pas pour rien que Piero Manzoni,
Artiste italien (1933-1963) a vendu ses propres crottes dans des boîtes de
Conserves. Oui, mon cher Sigmund, tout art est de la merde…
… Tu vois, mon cher ami, comment commence l’année en ma demeure …

Le 6 janvier 2006

Cher Sigmund,

À la lecture de ta correspondance avec Groddeck, tu me fais penser à
François Mitterrand. Pour réussir dans la vie politique, il s’était, comme
Toi, convaincu que rien ne serait possible sans le concours des autres,
Sans l'organisation d’un vaste réseau à entretir en permanence, et, avec
Ces hommes, il lui faudrait marcher main dans la main, même s’ils n’étaient
Pas toujours de la plus grande exemplarité. C’est, incontestablement, le prix
À payer, si l’on veut être un meneur, un chef.  Pour réussir dans les hautes
Sphères des « macaques associés », il faut savoir manipuler les hommes et
Les institutions qu’ils représentent afin d’avancer, pion après pion,
Dans l’échiquier du pouvoir.
En gros, pour réussir il faut se prostituer et toi,
Toi, mon grand, qu’as-tu fait de ta vie ?
Sigmund, en ami, je te le dis les yeux dans les yeux,
Tu aurais pu faire autrement… Seulement,
Je sais, je sais, les choses ne sont pas si simples…
Lorsqu’on est embringué, engagé dans ce genre de schmilblick pervers :
La politique, la science, l’art... Il est difficile d’en sortir, car en ce lieu,
Il n'y a pas de porte, c'est une impasse !

Le 8 janvier 2006

Hier, après une promenade à Saint Germain des près, je me suis décidé à
Entrer aux « Deux magots » mais aucune place n’était disponible, c’était
Dimanche après-midi et des touristes, vous savez comment c’est, il y en
Avait autant que d’autant, obligés qu’ils sont d’occuper leur temps
Libre, sous peine de se trouver dans l'ennui et donc dans des angoisses
Pas possibles, pas gérables…Alors, je me suis résolu, pas très original
Me direz-vous, je me suis mis en accord avec mon subconscient,
Pour aller du côté du Flore et là, j’ai trouvé une table libre au fond de
La salle et où j’ai pu poser mon postérieur sur la banquette, je préfère.
J’aurai bien voulu demander au garçon de café une feuille de papier ou
Une vulgaire nappe pour écrire, faire une rédaction comme à l’école.
Très vite je me suis rendu compte qu’il n’y avait là rien d’urgent,
Je pouvais boire tranquillement un déca allongé sans avoir à
Transmettre obligatoirement les pensées qui trottent dans ma tête.
Alors, je n’ai rien demandé du tout et j’ai pu regarder autour
De moi, en ne pensant à rien, à rien du tout, mais pas très longtemps.
J’aurai pu communiquer avec les personnes assises à côté de moi,
Mais pourquoi ? Et puis, qui étaient-ils pour que l'on ai envie, et eux
Et moi, de faire la causette ensemble ? Rester neutre, transparent, discret,
Presque pas là. Mais quand on existe, on existe c’est fou !
Je fis un constat effrayant : rien ne se passe ici. Je me levais et je partis.
 
Suis-je snob pour aller encore dans ces endroits-là ?
Toute la question est là et il ne sert à rien de tergiverser, de donner dans
L’évitement, d’y aller voir ailleurs si j’y suis, non, me voilà devant la
Mirroir de ma vérité et je dois m’y regarder en face, pas à côté.
Suis-je snob pour fréquenter ces lieux où jadis Juliette Greco, Sartre et
Simone se donnaient la main pour alimenter nos mémoires collectives ?
Que ne le suis-je pas pour m’asseoir là où un couple sans complexe
Viendra tout à l’heure s’installer à dix centimètres de moi, pour se montrer
À tous un instant, avant d’aller se faire chier chez eux dans un appartement
Haumannien que j’aimerai en avoir un aussi beau, mis gracieusement
À ma disposition pour tout l’apport bénéfique que j’apporte
Quotidiennement à la culture française. Mais je t’en fiche, anonyme tu es,
Anonyme tu restes et finalement c’est pas plus mal…
Allons, allons, cessons nos jérémiades, dans une heure je prendrai ma
Voiture et retournerai dans ma tranquille banlieue où le calme est plat.

Les 13 et 14 janvier 2006

Cher Sigmund,

Ce matin, j’écrivais ces quelques mots :
" Si la lecture et l'écriture sont les deux mamelles du bonheur,
Alors pourquoi en sont exclus les pauvres en général ? "
Ensuite, je me suis rendu dans la cuisine préparer je ne sais quoi
Et j'en suis resté là pour un bon moment, cette question, je le sais,
Me paralyse toujours, heureusement pas au point de ne rien faire
De la journée. J'avais, la veille, noté sur un post-it d'aller faire une visite
Au nouveau musée d'art contemporain de Vitry sur seine,
Le MacVal. L'ouverture était à midi, alors me suis-je dit, j'en profiterai
Pour déjeuner là-bas, j'adore les restaurants de ces lieux de la culture.
Pas de bol, une affichette à l'entrée signalait la fermeture exceptionnelle
Du resto ce jour-là et donc impossibilité d'ingurgiter ne serait-ce qu'
Un sandwich dans cette maison de béton et de verre.. j'attendrai donc
La fin de ma visite pour me nourrir ailleurs.

J'aimerai te dire avec exactitude, mon cher Sigmund,  les impressions eues
Lors de cette visite. Les choses sont confuses dans mon esprit, il me faut
Impérativement y mettre de l'ordre, et t'en parler peut m’y aider.
Je me suis donc rendu au MacVal en voiture, avec dans ma poche ma
Caméra Sony, histoire de ne pas la laisser tout l'hiver sans fonctionner.
Premières prises, premières réprimandes de la part d'un gardien.
On m'a interpellé comme si j'étais un gosse, avec mes cheveux blancs,
Merde, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas faire un film avec les
Œuvre des autres… Demandez l'autorisation à l'accueil.
Marche arrière toute, quémander, dire qu'on est un artiste …
On me dit qu'il faut écrire, tu vois le genre c'est déjà l'administration,
L'enfer, Kafka, écrire en trois exemplaires. Alors, j'explique qu'il me
Sera difficile de revenir, car tout me fatigue… et c'est vrai en plus.
Le "Responsable du rez-de-chaussée", c'est ainsi qu'il s'est présenté à
Mon auguste personne, me dit que l'interdiction est uniquement appliquée
Pour l'expo de l’artiste Monorri, mais pour ce qui concerne la collection
Permanente du musée, filmer est autorisé. Bon, ça me calme un peu.

La télé avait présenté cette ouverture comme une chance pour Vitry, alors
Franchement, je ne peux pas louper un tel événement, j'y vais, j'y vais !
Ça y est, j'y suis maintenant. Nonobstant, je m'adresse à un gardien
Et rapidement la conversation prend forme, il me confirme que l'art est
Bien fait pour tout le monde, et même pour les jeunes du coin, les écoles
Viennent en nombre, mais aujourd'hui, pas de chance, il n'y a que des
Adultes, invitations des gens de l'art, la drac, le frac fric et compagnie,
Pour une présentation officielle du bunker. Le jeune homme continu à
M'informer, répète : il y a beaucoup de classes qui viennent et les jeunes
Dans l'ensemble, aiment, pas tout ce qu'il y a ici, mais enfin chacun fait son
Choix, se reconnaît dans telle œuvre ou telle autre… et nous aurions pu
Continuer à bavarder comme cela un bon bout de temps, seulement, pas
De relâchement intempestif, parler est dangereux pour l’institution et
Rapidement le responsable du magasin, le même que tout à l'heure à
M'interdire de filmer, a discrètement demandé à mon interlocuteur de
Calmer sa tchatche…

Des sommes d'argent considérables ont été investies pour la construction
De ce magnifique édifice. Ce lieu me rappelle le centre commercial de la
Belle-épine où je vais régulièrement faire quelques courses chez Darty
Ou acheter mes préservatifs dans un libre service discret.
Je blague, bien que le cœur n'y est pas, en vrai, je suis très en colère.
Ce bâtiment ne me dérange pas du tout, ce qui me révolte, c’est ce
Qu'il y a à l'intérieur. Depuis des décennies, l'état a investi des millions
D'euros pour l'achat d'œuvres d'artistes choisis par elle et représentant
L'art contemporain officiel. Des institutions comme le Frac (Fonds
Regional d'Art Contemporain) ont eu à prendre des décisions importantes 
Sur ce qu'il fallait acheter ou pas. Au fil des ans, un stock mégalomaniaque
S'est constitué dans l'ensemble du territoire français.
Des tableaux, des photos, des sculptures, des installations, etc. sont par
Millions installés dans des réserves. Ces achats, ces investissements
Sont-ils contestables ? Là, n'est pas la question du jour … Alors ?
Alors, alors croyez-vous acceptable qu'aujourd'hui encore il faille,
Pour justifier les frasques de ces F.r.a.c, qu'il faille encore construire
De nouveaux tombeaux, de nouvelles ruines pour conforter l'idée qu'ils
Ne se sont pas trompés dans leurs choix, dans leurs folles erreurs et
Qui sait, leurs dégueulasses magouilles à faire cracher le sang des pauvres ?
De Vitry à Paris, il n'y a qu'un pas pour emmener des gosses à Beaubourg
Ou au Musée d'Art contemporain de la ville de Paris et une fois l'an à la
Fiac, pourquoi pas ?
Dépenser tant d'argent pour n'avoir que ça,
Alors que la misère est scandaleusement présente partout,
Criante à tous les coins de rue…
Dépenser tant d'argent pour n'avoir que ça,
Est-ce acceptable?

Mais encore une fois, dans ce cas de figure comme dans d'autres, certains
Artistes sont pris en otages, avec leurs consentements ces cons, pour faire
Le jeu des institutions qui les nourrissent, qui les utilisent comme des
Marionnettes, des gosses irresponsables… Leur rôle d'artiste n'est-il pas
Justement de veiller, de dire non à chaque fois quand ça ne va plus ?
Au lieu de cela, on leur impose ce qu'ils ont a faire et ils le font…
… Enfin pas tous, heureusement.

Le 21 janvier 2006
 
Cher Sigmund,
Voilà une bonne semaine de passée sans t’avoir informé de
L’évolution du monde des vivants que tu as quitté en 1939.
Sois tranquille, rien n’a changé ici, les hommes ont toujours des
Problèmes psychologiques et il est illusoire de vouloir espérer quoi
Que ce soit de positif en ce qui les concerne et c’est au fond en cela
Que l’existence m’apparaît drôlement intéressante à vivre au quotidien.

Je te parlerai ce soir de psychanalyse, mais pour cela il me faut
T’ennuyer avec les choses de l’actualité qui, je le sais, ne te
Concernent plus trop maintenant, mais que veux-tu, il faut des
Bases pour parler, sinon on reste confortablement installé chez
Soi à regarder la télé, et basta. D'ailleurs, ce fut exactement l'une
De mes occupations ces jours-ci avec la retransmission des travaux
De la commission parlementaire concernant l’"affaire d’Outreau".

Je t’ai parlé le 23 décembre dernier du débat ayant eu lieu à l’Assemblée
Nationale concernant ces "jeunes voyous" qui téléchargent illégalement
De la musique et des films entre copains et gratuitement.
Ils sont huit millions d'individus, tous coupables et non représentés dans
Cette noble assemblée, pas un seul avocat à la barre… Drôle de justice !
Histoire de remettre  tout ça dans le droit chemin, les parlementaires
Essayent de voir comment il serait possible de les faire payer,
Les faire raquer un maximum.

Le 28 janvier 2006
Cher Sigmund,

L’actualité, l’actualité, l’actualité déborde de tous côtés.
Probablement, comme beaucoup de monde, j’y passe trop
De temps. Mon esprit est accaparé par les grands sujets
Mis à plat sur l’écran de ma télé, qu’il va falloir remplacer :
Elle a déjà 3 ans. Noublions pas cette devise :
"Ne pas consommer, ne pas acheter, c’est faire des chômeurs !"

J'arrive à suivre avec assiduité depuis deux semaines les travaux
Parlementaires de l’affaire d’Outreau dont je t’ai parlé
Dans ma dernière lettre. Les choses avancent et continueront
Ainsi jusqu’en juin, date à laquelle ils décideront des choses,
On ne sait pas quoi, on verra bien. Inutile de te dire le boulot
Que d’entendre tous ces hommes et ces femmes, dire comment n'a
Pas fonctionné la justice pour eux. J’aurai l’occasion tout au long de
Ces débats de te donner quelques comptes rendus ou plutôt les associations
Libres faisant tilt dans ma caboche, en rapport ou non avec
Cette histoire de fous. En attendant, sur les prisons, j'avais
Quelques mots à te dire… 

Depuis longtemps, je me promettais d' écrire sur elles sans toutefois
Arriver à me décider. L’occasion m’est donnée aujourd’hui avec
Cette affaire, de me mettre à l’ouvrage, puisque quatorze personnes
Y ont "séjourné » entre quelques mois et quelques années,
Sans pour autant être coupables…
Qu’est-ce qu’une prison ?
Un lieu, un endroit, une maison où l’on met des "hors-la-loi ",
Afin de nous protéger, mais pas uniquement que pour ça.
Elle est là pour mettre "hors-jeu " ceux qui, un jour, ont rejeté la loi.
Je ne suis pas fortiche en histoire, mais les prisons existent depuis toujours,
À commencer dans la bible… tu vois, ce n’est pas d’hier !

De tout temps, les hommes ont construit des maisons pour habiter,
Des écoles pour éduquer, des hôpitaux pour soigner, des usines pour
Travailler, des assemblées pour faire des lois, des maisons d’arrêt
Pour les voleurs, les assassins. Alors, une question se pose :
Pourquoi ces lois ne sont-elles pas suivies par tous les hommes ?
Pourquoi y a-t-il des contrevenants et qui sont-ils pour l’essentiel ?
Tu seras d’accord avec moi pour constater que presque toujours, ce sont
Les pauvres qui croupissent en prison,  car la pauvreté n’arrange
Pas les hommes et ne les encourage pas à respecter ces fameuses lois.
Sigmund, vois si je te connais, déjà tu te dis : il fait sa crise d’
Anarchiste, il veut détruire les prisons, il veut casser les tables de la loi.

Non, mon cher ami, ce n’est pas de cela qu’il est question ici.
Je me dis, un jour, un homme, volontairement ou non, se trouve à
Transgresser les règles régissant sa propre vie et celles de ceux qui
L’entourent. Avant d’être "hors la loi", il était en amont "en rupture",
C'est-à-dire que son "gendarme" ne fonctionnait plus assez bien pour
Le ramener à la raison, il est entré dans un espace où "Le rien à perdre"
À prit le dessus et où ni les lois, ni le respect qu'il pourrait avoir à l'égard
Des autres, de lui-même n’ont de poids sur sa folie, seul compte
"Le passage à l’acte", la "réalisation de sa pulsion", quelqu’en soit le prix
À payer ensuite, car pour lui à ce moment-là, il n’a plus rien à cirer
De quoi que ce soit.
 
Les prisons sont pleines de gens issus de classes sociales défavorisées,
Alors, ne faudrait-il pas que les hommes de loi s’en prennent d’abord
Et avant tout à la misère des hommes ? Car, c’est bien elle la grande fautive,
La responsable du désespoir des humains
Et de la violence qui l'accompagne.

6 février 2006

Cher Sigmund,

Hier après-midi, j’avais rendez-vous pour une extraction dentaire, mais
Avant, je fis une sieste et fus réveillé par une impression désagréable :
Je faisais un cauchemar.
Mon père travaille sur sa machine à coudre et je le vois couper le fil
D'une bobine avec ses dents, ses lèvres sont toutes rouges.
Quelques instants après, j’étais allongé dans un fauteuil, avec un
Bonhomme s’approchant de moi pour m’arracher une dent…

Le 10 février 2006

Le diplômé Burgaud,

Ce n'est pas vous, ce n'est pas moi qui l'avons mis à cette place-là,
Il y a des gens, des écoles pour ça et lorsque bons élèves,  ils
Sortent avec leurs diplômes en main et les pouvoirs qui leur sont
Conférés, alors en effet, voilà ce qu'ils peuvent donner…
À qui la faute ?

Ne nous voilons pas la face. Pour faire ce boulot-là,
Il faut une certaine configuration mentale au départ, et
Une question me turlupine depuis quelques jours : les écoles
Dispensatrices de ces fameux diplômes s'intéressent-elles à la
Psychologie et aux motivations profondes de leurs sbires ?
Les ont-ils fais passer à la case psy pour y voir clair et
Découvrir les zones d'ombres dont nous sommes tous,
Heureusement, malheureusement, humainement affublés.
Les connaître n'empêche pas d'agir, mais nous mettent en position
De vigilance vis-à-vis de nous-mêmes, de nos désirs, de nos failles.

La responsabilité des écoles peut-elle être mise en cause aujourd'hui ?
L'enseignement qui y est ordonné est-il conforme,
Aux besoins de notre société et de son discours d'humanisme ? 

Parler d'humain est facile lorsqu'on est tranquillement devant son
Poste de télé ou au bistrot d'à côté. La réalité est toute autre.
La société ne veut pas de l'humain, elle en parle, en rêve, mais
N'en veut pas, ce n'est pas dans le programme… La société,
Ce qu'elle veut, c'est que ça marche par tous les moyens.
Alors, elle produit des hommes pour cela : Burgaud par exemple.
Pas d'humain vous disais-je, des blocs de béton près à avaler tous
Les jours des tonnes de dossiers, des millions de mots, pour
Essayer d'apporter au peuple un message facile à comprendre :
"Ne contrevenez pas à la loi sinon la justice vous punira".

La société produit ses hommes. Ils ne sont que le reflet de
La volonté des pouvoirs à étouffer les injustices sociales.
Qui est responsable de cet état de fait ? Pourquoi
Ces injustices existent-elles, ne sommes-nous pas tous égaux ?

Le problème de nos sociétés est basé sur la réussite.
Etre le premier, le plus fort, le plus riche, le plus, le plus, le plus…
Etre au sommet de l'affiche, à la une des médias, au hit-parade,
Sinon, sinon …

Dans nos sociétés, la devise est :
"Sois un dieu, sinon, deviens un diable".

12 février 2006

Cher Sigmund,

Lorsque j’étais tout petit, avec mes parents, nous vivions chez
Ma grand-mère. C’était une vieille femme, je l’ai toujours connue
Courbée, fragile, mais d’une grande beauté avec des yeux bleus aussi
Bleuss que ceux de Dicaprio dans « Titanic », c’est vous dire combien
Elle éclatait de sa présence dans cette maison où elle régnait en
Maîtresse, au milieu de nous tous. Maintenant je le sais, elle a été
Coupable de m'avoir, pour ma santé, ordonné tous les matins un jaune
D'œuf, à prendre à jeun de préférence.
Petit, j’étais toujours malade et plus je grandissais et plus ça s’aggravait.
À quoi étaient dus ces vertiges, ces malaises intervenant quelques minutes
Après la prise des repas ? Pendant près d’un demi-siècle, j’ai eu droit à
Des tas de thérapies, de médicaments et puis des choses beaucoup plus
Graves … Merci à la sécu, merci à vous médecins en tous genres, merci
Aussi à ma patience, à mon amour de l'art et de la vie en général.

Comment ne m’en être pas rendu compte avant ?
Comment n’ai-je pas fait le rapprochement entre tous ces malaises
Et l’absorption d’œufs ou de tout produit en contenant ?
Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu plus d’investigations de la
Part des uns et des autres pour déceler quelque chose dans ce sens ?
Est-on conscient de l’économie financière, de souffrances inutiles
Que l’on ferait si l’on faisait un peu plus attention ?

Le 25 février 2006

Cher Sigmund,

Le samedi, le silence habite la maison.
Parfois la tristesse vous prend sans raison,
Ce n'est pas ce qu'on appelle de la dépression
De la tristesse seulement, elle durera un instant
Puis, pour l'avoir accueillie, l'avoir acceptée, elle
S'en ira comme elle est arrivée, tout simplement.

Pourquoi cette langueur automnale, prend-elle
Place en moi ce matin alors que tout vacille
Dans la bonne direction, je veux dire tout est là
Pour passer une bonne journée, ce sera le cas
Je n'en doute pas un instant, seulement voilà,
Elle me rend visite maintenant, alors,
Je lui souhaite bien le bonjour.

Tristesse, tristesse, tu viens, car je t'ai mise de côté
Ces jours-ci. Mon bien-être permanent, malgré
Quelques difficultés banales de la vie quotidienne,
N'a eu à se plaindre de ta présence ankylosante.
Depuis longtemps, et ça, tu le sais très bien, je te considère
Comme une amie venant de temps en temps me dire quelque
Chose que j'ai du mettre dans un p'tit coin pour ne pas trop y
Penser et surtout ne pas prendre quelques décisions hâtives,
Délicates que je pourrais regretter plus tard.

Lorsque tu viens, c'est le meilleur moment pour écouter
Silencieusement ce vide, ce délicieux vide, ce rien, pourtant 
Si loin de l'angoisse, si loin de ce qu'il y aurait à fuir, à éviter.
Au contraire, tu m'obliges à recourir à mon intelligence. Je dois
Deviner les raisons de ton passage dans mes parages, mais
Il ne te suffit pas seulement de savoir "les motifs" pour te voir
Contente et disparaître pour toute la journée. Non, il te faut,
Il me faut aller au-devant de ce qu'il a ou non été vécu, de ce
Qu'il aurait fallu faire, dire, aller à la recherche de ce qui a
Eté loupé, de ce qui a blessé.

La tristesse est une proposition à réparer.
D'ailleurs, mon cher Sigmund, c'est la même chose avec les rêves,
J'en ai la conviction depuis longtemps, ils ne sont là que pour
Nous aider à restaurer les chocs émotionnels vécus au jour le jour,
À nous redonner de l'énergie pour affronter encore et encore
Jusqu'à la mort, les joies et les peines, les aléas de
Cette belle et jolie putain de vie.

Le 14 mars 2006

Cher Sigmund,

Je t'ai déjà fait part de cette volonté des pères à vouloir
Se débarrasser de leurs progénitures par tous les moyens. En temps
De guerre, ils les voient partir se faire casser la pipe au nom de
Je ne sais quelle cause. Ils sont ainsi heureux de préserver leur paix
Précaire à la maison et leurs boulots, leurs salaires, leurs pouvoirs...
Seulement, pour l'heure, nous ne sommes pas du côté des
Américains pour envoyer ces gosses en Irak ou ailleurs…
Depuis plus d'un demi-siècle, les hommes politiques ont mis tous leurs
Efforts pour éloigner cette jeunesse prête à tout pour manger dans la
Gamelle des séniors… On a allongé jusqu'au ridicule la garderie de ces
"Jeunes" dans les écoles, les universités, en imposant à tous,
L'apprentissage obligatoire du fameux "socle de connaissance", alors,
Tu trouves dans ce cadre-là, si bienveillant a priori, un nombre
Impressionnant de ces "p'tits" qui ne savent ni lire ni écrire,
On appelle ça, l'échec scolaire. Quelquefois, on les voit dans la rue
Plutôt qu'à l'école, à se shooter plutôt qu'à espérer…

30 mars 2006

Cher Sigmund,

L'actualité mange notre temps, mais comment faire autrement ?
La solution n'est certes pas de vivre en dehors de ce qui se passe,
Alors, essayons d'analyser les comportements des uns et des autres
Pour prendre du recul et avoir un peu de clarté dans ce bourbier.

Nous avions étudié, ici même, l'un des concepts fondamentaux pour la
Compréhension des rêves faits par chacun de nous tous, lorsque nous
Dormons. Tu ne m'as toujours pas, mon cher Sigmund, répondu sur cette
Question, mais je n'ai aucun doute sur ce point : quand je rêve de Paul,
Ce n'est pas de Paul qu'il s'agit mais de ce qu'il représente pour moi
Et qui est en rapport direct avec un événement vécu dans les heures
Précédant le songe. L'avantage de ce concept est de ne pas tomber dans
Le piège tendu de notre inconscient, dont tu sais très bien les mauvaises
Intentions permanentes… Je l'ai, tu le sais très bien, associé à un
Terroriste vivant en permanence avec nous.

Avec moi, j'en ai la conviction, tu partageras cette évidence :
Tout être humain ne cherche qu'une chose : être aimé.
Seulement, il s'y prend d'une drôle de manière le bougre,
En fait, il fait tout pour être rejeté et avoir la preuve
Irréfutable qu'on ne l'aime pas. Ça peut paraître bizarre,
Pourtant, c'est ainsi que va le monde en marche vers l'abîme.

Combien de fois me suis-je confronté à cette folie-là et il
M'est arrivé pour me raisonner et ne pas sombrer dans le
Desespoir de la connerie des hommes, d'imaginer un antidote,
Un sparadrap pour panser cette souffrance inutile…
Je me dis : "Et pourquoi vouloir que cela change ?"
Et c'est vrai, pourquoi rêver toujours à un autre monde ?

Toi, mon cher ami, qui comme nous tous est passé par ici,
Mesures-tu l'ampleur de ces dégâts causés par cette volonté
À vouloir faire le bien et vouloir aller de l'avant, devant
Une montagne ancrée au sol qui ne bougera pas d'un iota, car
Tout n'est-il pas que mouvement éphémère ?
En te disant cela, je pense à des hommes politiques… 
Je ne sais pas pourquoi. L'actualité m'épuise.

Le 1er mai 2006

Cher sigmund,
Je suis heureux d’avoir entendu hier à la télévision un homme
Politique avec qui j’ai eu un échange de correspondance comme
Je peux en avoir avec toi, mais là, avec lui, c’était par mails,
Une nouvelle façon de communiquer que tu ne connais pas,
Ce n’est pas grave, l’essentiel est que tu saches que cet homme
A tenu compte, moralement, de l’un de mes combats, à savoir,
Abolir la misère en donnant un salaire et un logement à
Tous ceux qui ne travaillent pas. Je t’avoues cela m'a remonté le
Moral, secoué qu'il a été par une succession de déceptions d'origine
Politique… Je ne te dis pas le boulot que c’est de gérer tout ce
Bordel, ce formidable bordel comme disait Eugène Ionesco.

Mais, ceci étant, pour passer à autre chose de plus intéressant,
Je me suis posé la question suivante : " C’est quoi l’art ? "
En sortant d’une exposition qui m’en a foutu plein les yeux avec
Des tableaux d’artistes anciens. Tu m’as sûrement déjà entendu dire :
L’art sublime toutes nos souffrances.. ou d’autres conneries du genre.
Seulement, quand il faut concrétiser tout cela sur une toile ou dans
Une page, c’est une autre paire de manches, il faut s’y atteler, s’y
Engager corps et âme… Le métier de l’artiste, vois-tu, est de regarder
Les images de ce monde pour les recracher sous une autre forme pour
Le bien de l’humanité. En fait, c’est une voie aride, très dur où la ténacité,
L’exigence et le talent doivent se mêler pour une longue jouissance à
Faire pâlir tous les Roméos et les Juliettes.

Le 7 mai 2006

Cher Sigmund,
Ici, un peu partout, on fête tes 150 ans… Pour un homme qui a
Toujours eu horreur des anniversaires, on peut dire combien
Tu as été gâté ces jours-ci. Je pensais tout à l'heure à ton camarade
Lacan, lorsqu'il disait une chose intéressante sur le langage, du genre
Qu'il était constitué comme les rêves, à moins que ce soit le contraire
Mais cela n'a aucune importance, surtout aujourd'hui, où je viens de
Passer un bon moment devant une toile, vierge au départ, et puis
Ensuite un tableau s'est construit, un tableau de plus, comme un rêve
De plus, mais là, tu as une trace pour toujours…

Oui, Lacan avait bien raison, les mots c'est l'essence de l'homme.
Nous sommes tous concernés par cette question des mots, des plus
Grands intellectuels qui passent à la télé, au balayeur de ma
Rue que je n'ai pas vu cette semaine, je m'inquiète, j'espère
Qu'il n'est pas tombé malade, avec toutes ces saloperies qui
Traînent dans nos caniveaux. Les mots donc, Sigmund,
C'est important pour tout le monde même pour les pauvres
Malheureux qui n'ont rien à becter, les ceux qui meurent parce
Que nous avons besoin de leurs matières premières et qu'eux
Morts c'est toujours des consommateurs de pétrole en moins…
Que veux tu l'homme est ainsi fait, il est double, d'un côté il va
A l'église, à la mosquée, à la synagogue pour aimer ses
Semblables, mais à peine est-il sorti, lavé, il n'a d'autres
Objectifs que de recommencer à boursicoter ou à laver sa
Vaisselle avec de l'eau courante sans compter, le robinet ouvert
A la va que je te pousse, sans penser un seul instant à économiser,
Ça, il ne sait pas faire, et d'ailleurs les politiques que font-ils si
Ce n'est justement de dire qu'il faut consommer sinon nous allons
Direct à la ruine de notre pays, notre très cher pays chéri.
Sacré Lacan, tu nous en fais dire des bêtises…











Le pauvre garçon considérait son site perso comme une œuvre d'art
Du moins contenant ce qu'il avait fait de mieux dans son existence
Et cela, au nom de la sacro-sainte volonté de changer le monde.
Il avait décidé de s'en occuper tous les jours que Dieu faisait
Tant bien que mal avec les moyens du bord de son bateau
Allant à la dérive, retravaillant ses textes particulièrement comme
Un sculpteur, inlassablement, pour atteindre la perfection qu'il
Croyait de ce monde, ce qui avait pour avantage de l'occuper un
Peu, ce qui n'était pas si mal au fond, lorsqu'on voit tous ces gens
S'ennuyer de ne savoir que faire au quotidien pour s'accrocher à
Cette vie de merde, qu'il aimait, lui, par dessus tout.

Alors, il décida, un jour du mois mai 2006, de revoir sa copie, cette
Page qu'il avait concocté avec tant de plaisir, rassemblant un magma
D'idées, de souvenirs, de concepts ou de n'importe quoi à l'aide de mots
Qu'il avait encore pour l'heure intacte dans sa caboche, sachant que
Cela ne durerait qu'un temps, c'est pourquoi, goulûment, il en profitait
Et voulait transmettre son bonheur à ces concitoyens considérés par lui
Comme des hommes bons, c'était son idée et personne n'a jamais
Cherché à le raisonner là-dessus ou à le contrarier un peu.
Voilà donc cette lettre.

Le 9 mai 2006

Merci à vous, Madame Christiane de Beaurepaire, médecin-chef du service
Médicopsychologique de la prison de Fresnes, de nous ouvrir les yeux de
Ce qui est l'un des scandales les plus fous de notre société,
Et malheureusement, pas uniquement que de la notre. Oui, les prisons
Sont pleines, comme sont plein les hôpitaux, les trottoirs des rues,
D'humains souffrant de malheurs sous toutes ses formes, et aujourd'hui,
Il n'est plus possible d'en rester à constater les faits sans bouger, sans
Réagir au réel cancer de nos sociétés : la misère.
Cette misère secrète des hommes et des femmes désespérés les poussant
À une guerre vengeresse à l'égard de ce monde qui n'a d'autres objectifs
Que de trier son peuple comme du bétail :
Tu gagnes ou tu crèves, sale con, sale conne.

Vous nous mettez le doigt sur ce qui va mal en nous révélant ces
Statistiques qui nous changent de ceux de nos médias labéllisés :
" 40% des détenus ont connu la psychiatrie avant la prison "
" 30%  vivent sous le seuil de la pauvreté "… les autres, ce ne doit pas être
Tellement mieux. Et puis… 
" 70 % de la population a des troubles de la personnalité "
Ça, on s'en doutait un peu et nous nous poserons plus tard cette question
Cruciale : est-ce ces troubles qui mènent au passage à l'acte contrevenant à
La loi et à atterrir inexorablement en prison ou est-ce ce lieu, ces lieux
Qui sont à l'origine de ces troubles ? Mais pour l'heure ce qui nous
Importe est de savoir si la maladie psychiatrique est prise en compte par
Nos sociétés comme n'étant rien d'autre qu'une maladie comme les autres,
C'est à dire à traiter avec les moyens dont nous disposons et dont
L'objectif essentiel est le soulagement de la souffrance du malade…


Lorsque nous avons une maladie physique reconnaissable,
Bien répertorié, on donne un médicament, mais dès qu'il est question
Du psychique ou pire de psychiatrie, les choses se gâtes, car s'instaure,
Qu'on le veuille ou non, dans le cas de figure qui nous intéresse ici,
Un doute sur la sincérité de la pathologie du contrevenant. Être "fou",
C'est aussi le seul moyen pour certains d'exprimer leur désarroi, leur
Refus du monde, et ce n'est jamais entendu en tant que tel.
Mon discours n'est pas de dire, rien n'est fait, non, beaucoup d'actions
Dans l'ombre sont menées chaque jour avec succès ici ou là, mais c'est
Au niveau politique qu'il faudrait tout remettre à plat et lorsqu'on vous
Voit être dans l'obligation d'arrêter les frais le 30 juin prochain, on est
En droit de se poser des questions sur comment cette branche de la
Médecine est prise en considération par nos gouvernants.
Probablement ont-ils peur de la psychiatrie, ils ne veulent pas la voir,
Car elle leur révèle leur propre folie interne, se doutant bien qu'elle est là,
Sous jacente, dans leur vie, qu'elle nage insidieusement dans les actes de
Leurs vies organisées, alors que pour les exclus…
Pour les exclus, c'est autrement que ça marche, impitoyablement.
Pourtant, nous le savons trop bien, c'est en agissant en amont que
Nous ferons les économies dont nous avons tous besoin …
Etre mieux dans notre peau.

21 mai 2006

Lorsque très tôt ce matin, le soleil est entré dans ma chambre
J'ai eu l'envie d'aller faire un petit tour à Chartres,
Ville où j'ai vécu une longue période de ma vie, mais depuis
Près de sept années, je n'y ai pas mis le nez, ou presque pas,
Pour la raison que la conduite me fatigue et j'ai la frousse d'avoir
Un accident sur la route, ce qui est ridicule, avec tous les radars
Nous protégeant maintenant pas mal dans l'ensemble.
Et puis, et puis, je n'éprouvais pas cette motivation exaltante
Vous poussant aux fesses pour faire des voyages… Là,
C'était le soleil, associé probablement au besoin d'aller
Déposer quelques tableaux de ma production dans le grenier
Qu'il me reste là-bas. Curieusement, je n'ai pas eu peur une fois
Sur l'autoroute. De chez moi à Chartres, c'est tout cassé une heure,
C'est comme traverser Paris un vendredi soir, une heure de route
Ce n'est pas la mère à boire. Arrivé au centre-ville vers midi, je
M'empresse de m'installer à la terrasse d'un troquet où j'avais
Mes habitudes jadis. Je dis bonjour et quelques banalités au
Propriétaire des lieux et entre autres qu'il avait bonne mine. Il est
Content d'entendre ça et m'informe avoir perdu douze kilos. Je lui
Demande par politesse quelle a été la méthode employée pour arriver
À ce résultat et lui de me regarder dans les yeux pour me faire cet
Aveux : j'ai divorcé de ma femme. Oh, lui dis-je, vous savez, je fg
Comprends très bien, je suis un peu psy sur les bords…
À ces mots, le gars me prit en sympathie d'une façon presque gênante.
Voulait-il s'asseoir à ma table pour me parler de sa vie intime ?
Heureusement, il y avait un monde fou à servir, mais il me fit tout
De même quelques confidences genre il vient de commencer une psy
Avec une dame… C'est-super-ce-qu'elle-m'apporte, me dit-il, mais
C'est difficile, vous savez bien vous le psy, c'est difficile… Je ne sais
Ce qu'il veut insinuer par là, peu importe, l'essentiel est d'entendre la
Souffrance de l'autre, alors, devant la qualité de mon écoute, il me fit
Part de l'explosion de ses désirs sexuels après la rupture, et moi de lui
Rétorquer qu'à Chartres ce ne devait pas être facile, il me dit en effet
Tout le monde se connaît… Heureusement, Paris n'est qu'à une heure
En voiture.

Marguerite Duras, chaque soir après avoir bien bu et bien mangé,
Se mettait accroupie à même le sol sur le Boulevard Saint Germain,
Tout près de l'église éponyme, sortait de sa poche une vulgaire calotte
Achetée on ne sait où et faisait la manche pendant une heure environ. 
Personne n'y prêtait attention, pourtant ses livres pleins de mots
N'étaient-ils pas inscrits dans la mémoire collective de ces gens qui
Passaient sans la voir ?

15 juin 2006

Dans un bistrot, j'attends depuis une heure, la venue d'un rendez-vous
Pris, lors d'une rencontre hasardeuse faîte au sein du très fameux salon
Du n'importe quoi à la porte de Versailles. Ce lieu est ubuesque, toutes
Les expositions du bordel de ce monde s'expose pour survivre ou
Vivoter tant bien que mal dans notre chaos universel que Cipango mûrit
Dans ses mines lointaines comme disait mon cousin de Saint Germain,
Travaillant au magasin le Printemps où l'achalandage est infiniment
Plus attrayant qu'au monoprix Houellebeckien de la rue de la Convention.
Et toujours ce putain de rendez-vous qui n'arrive pas, j'ai l'air de quoi
Moi devant tout ce monde indifférent ? J'ai déjà avalé mon déca et ce
Thé au goût pisseux, qu'il ne me reste plus qu'à écrire un poème, pour
Faire passer le temps, sur la nappe en papier blanc, recours heureux
En pareille situation, lorsqu'on ne pense pas en sortant de chez soi
À prendre un carnet de notes ou un appareil de substitution.
Je repense à la porte de Versailles dont le prix d'entrée m'a coûté
Huit euros et m’a permis de rencontrer ce con qui ne vient pas.