La bibliothèque

et les divagations

d'art-psy

 

 

 

 

Avant-propos sur cette bibliothèque.

 

 

Lorsqu’on est « dyslexique tendance amnésique »

Avoir dans sa bibliothèque des livres, lu ou non,

Relève du pareil au même.

 

On ne se souvient pas de ce qu’il y a à l’intérieur de ces bouquins.

Que reste-t-il de ces pages qu’on a  parcourues ? Et,

Si ce n’était rien, alors que faire de ces livres dans ces rayonnages ?

 

Qu’en est-il de la mémoire d’un sans mémoire ?

Nous voilà donc face à une  tare qui a failli gâcher ma vie.

Sortez les mouchoirs, merci, on va rigoler un peu.

Entrons dans la jubilation d'un défi :

« Le chalenge » comme disait Fabien, l’ami à Gilles.

 

Faire l’inventaire de sa bibliothèque

Dans cette situation précaire, c'est...

Un projet fou, certes, mais, voyons la méthode.

 

Faire le relevé photographique de chacun de ces livres (600 à 700)

Devant la page de couverture, quatre alternatives s’ouvrent à moi :

Ecrire quelque chose dont l’inspiration viendrait  soit :

- Du nom de l’auteur,

- Du titre du livre

- De la photo de présentation

- Ou, lorsqu’il n’y a rien à en dire, écrire quelque chose qui

Me vient à l’esprit, même sans rapport avec l’ouvrage en question.

 

Au final, retirer tous repères concernant les livres en question,

Ne garder que les mots issus de ces associations libres.

 

Tout est donc ouvert, c’est une promenade à l’intérieur

D’une bibliothèque et aussi, dans la personnalité

De votre très fidèle et très dévoué serviteur.

 

  

Dyslexique, tendance amnésique.

 

Le diagnostic est maintenant posé,

Je me doutais bien qu’il y avait quelque chose de “pas normal”.

J’ai toujours considéré ne pas avoir de mémoire.

A l’école, les leçons n’étaient jamais apprises,

Les textes passaient sur moi sans que je puisse les retenir.

Par la suite je me suis rendu compte que si j’allais au cinéma ou lisais un livre,

J’étais dans l’incapacité de me souvenir de ce que j’avais vu ou lu,

Seulement restait une vague impression,

Une sensation agréable ou désagréable, c’est tout.

Aujourd’hui c’est toujours la même chose, mais,

Aujourd’hui je m’en fous. Je sais que je ne maîtriserai jamais

Ni la grammaire ni l’orthographe, j’en ai fait mon deuil,

Si je m’améliore ici, ça se dégrade ailleurs,

C’est pas grave, j’avance...

Avec l’expérience, je me suis rendu compte qu’il restait tout de même

Quelque chose quelque part, mais où, sous quelle forme ?

 

Alors commençons.

 

Il m’arrive quelquefois de faire des copies de « maîtres »

Bien que j’eusse pour ce mot une sainte horreur.

Comment peut-on avoir un Maître ?

Quel homme peut mériter un tel titre, un tel honneur, une telle confiance ?

Nous sommes tous des chiens. Et Picasso, Picasso, c’est un chien aussi.

Pour ma nièce, un soir, j’ai copié un Pierrot à Pablo,

J’ai bien aimé cet exercice, j’avais l’impression d’être

A l’école de ma jeunesse. Une fois fini, je le lui ai donné,

Elle l’a accroché dans sa chambre.

 

Il y avait à Chartres, sur les étagères de mon séjour

Les livres de ma bibliothèque et une statuette de Gandhi

Achetée à la salle des ventes de maître Lelièvre père,

Commissaire priseur chargé de la liquidation de l’œuvre

D’un artiste mort maintenant : Raffour.

Gandhi vivait en Inde, c'était un homme non violent

Et comme je haïs la violence, j'ai un certain respect

À l'égard de cet homme ayant fait de son existence

Une oeuvre comme un artiste, comme un Raffour.

Il est également un symbole, celui d’être sur le bon chemin,

Le chemin de la liberté comme disait notre ami Sartre.

 

Quelques fois, on est très ennuyé de ne pas aimer,

Ne pas être époustouflé par une œuvre qui devrait pourtant

Réveiller en nous mille choses … bla-bla-bla

Si j’étais plus jeune, je me lancerais dans l’exploration

De l’œuvre de certains artistes, je m’y plongerai

Jusqu’à en avoir la nausée…

C’est quoi ce Monsieur pervers en train de regarder

Le jeu des cartes de son voisin ? Voilà une scène

Avec des mouvements de cous, jeux de mains, jeux de vilains,

Yeux ouverts, yeux fermés, contraste des habits là devant nous,

Vêtements clairs pour l’homme adulte, noir pour l’adolescent.

Le Caravage, peintre et assassin, le bien et le mal…

Un coquin de peintre.

 

Je ne mange plus de jambon, plus de BACON non plus.

Je me demande si, parfois, en ouvrant un ouvrage sur la vie

De quelqu’un, on ne devient pas une sorte de voyeur malsain,

Un peu pervers, volonté d’y aller voir de quoi il en retourne.

Bref, on se pose des questions : qui est ce mec, d’où il vient,

Pourquoi qu’il a peint ça de travers ? Aujourd’hui,

Son œuvre peut-elle encore m’apporter quelque chose ?

Je sais qu’elle existe, je n’ai peut-être pas besoin de plus,

Il y a chez lui un système, un accommodement au système...

Je n’ai jamais aimé les séries,

Elles ne sont rien d’autre que des enfermements…

 

Pour qu’un livre reste encore chez soi,

Faut-il qu’il ait quelque chose encore à vous dire ?

J’en vois plus d’un qui me regardent de  travers, je me  tais.

 

Gauguin était ami avec Van Gogh, tous deux ont partagé

Une maison quelques mois à Auvers sur Oise ?

Comment ne pas rendre, ici, hommage à ces deux jeunes artistes

Dont l’un a invité l’autre dans sa maison, habitée de mille tableaux,

Il y en avait partout. Seulement, leur amitié était-elle particulière ?

L’invitant avait pris le soin d’organiser le lieu qu’ils allaient

Vivre ensemble, surtout la nuit. Personne ne le savait :

L’invitant, Van Gogh, aimait passionnément l’invité,

Il avait fait en sorte, le pervers, que son ami traversa

Sa propre chambre pour accéder à la sienne.

Ils ne couchaient pas le même lit, leur cohabitation fut un enfer,

Il y eut même une histoire d'oreille en moins…

 

Qu’est-ce qu’une bibliothèque, comment s’organise-t-elle ?

Faut-il garder les livres qui n’ont plus de sens pour soi,

Faut-il les donner, les mettre dans un sac, et le sac à la sortie

Du métro, à la disposition de quelqu’un d’autre ?

Une fois, j’ai fait ça et à ma grande surprise, j’ai vu un entrefilet

Dans le journal gratuit de mon quartier : la police avait trouvé

Un sac plein de livres, oublié à la sortie du métro.

La personne qui l’avait perdu devait se présenter

Au commissariat le plus tôt possible… Sic.

 

Pourquoi suis-je presque toujours insatisfait par l’œuvre d’un artiste ?

Pourtant, j’aime la peinture à peu près de tous les peintres des musées.

Peut-être, la satisfaction est impossible ici, comme pour toute chose,

Parce qu’il n’y a rien de fini, de complet avec un début et une fin.

Pourtant, comment ne pas reconnaître que le travail de cet artiste-ci

M’a influencé dans mon propre travail pictural ? Aussi, je sais,

Combien ce qui paraît se ressembler, est en fait, ce qui sépare.

Peu de choses sont communes entre Miro et moi,

Ce qui nous sépare est en fait ce qu’on appelle l’âme.

Pourtant, son musée à Barcelone, c’est du bonheur, la lumière

Yest partout. Voir tous ses tableaux, ses sculptures, ses dessins,

Ce tout, cet ensemble, permet de plonger, d’entrer dans son travail

Comme dans l'eau du bain de la mer, de sa baignoire.

 

Devant le nombre croissant de livres achetés et non lus,

Il m’est arrivé récemment de prendre la décision

D’en lire certains en diagonale.

La méthode est simple : consacrer entre trente et soixante minutes

Pour un bouquin « normal » pas trop épais.

Cette façon de faire n’est pas très concluante, sauf sur un point,

Lorsque le livre me plaît,

Quand l’écriture me séduit, me convient,

Je laisse tomber le compte minute et

Je me mets à lire comme d’habitude,

C’est-à-dire comme une tortue…

 

Bernard Defrance est prof de philo dans une banlieue parisienne chaude.

J'ai fait sa rencontre lors de sa participation à une conférence

Donnée à la Sorbonne sur "l’enseignement". J’ai eu un coup de foudre pour

Cet homme qui raconte à qui veut bien l’entendre une anecdote

Qui a failli l’amener directement dans une prison. En effet,

On l’avait surpris, en train de se mettre nu devant ses élèves

À l’occasion d’un jeu intellectuel à tendance philosophique…

Il voulait démontrer qu’il fallait savoir aller au bout de ses engagements.

Ceci étant, ses idées sur l’école me plaisent beaucoup,

Elles relèvent d’une réelle réflexion issue de sa propre expérience,

Voyez dans ses livres de quoi il en retourne.

 

C’est à cause de Monique que j’ai acheté ce livre.

Elle était communiste comme Aragon et Triolet.

Ils faisaient partie de la même cellule, quel vilain mot,

Non, pas en prison, en toute liberté, qu’elle a même

Ecrit un livre sur le couple qui lui était si proche …

Apollinaire, lui, était le poète préféré de mon ex-épouse,

Elle-même amie de longue date de Monique,

Information sans intérêt pour vous, par contre

J’ai en mémoire d’Apollinaire, une photo que

Tout le monde connaît : il est habillé en militaire

Il n’est pas beau, et cela, pour moi c’est capital

Un poète se doit d’être magnifique…

 

Je crois que c’est cela, ce livre raconte les derniers instants

De Marguerite Duras, de leur relation à eux deux.

Il a été son dernier ami, son dernier amant,

Son compagnon de tous les jours, son compagnon de partage.

Impression  qu’il s’agissait avant tout d’une relation

Où le respect de l’autre était le centre…

C’est banal de dire cela, mais c’est important et je crains fort

Qu’il ne soit pas toujours aujourd'hui, comme hier,

Au rendez-vous des amoureux.

 

Elle raconte la perte de son enfant.

Fait-on le deuil d’une si grande perte en écrivant,

Ou est-ce plutôt un chant, un cri à la mémoire de ?

Laure Adler, c’était « le cercle de minuit »,

Une émission passionnante que j’attendais

Avec impatience tous les soirs.

Laure, avant tout, avait sa façon à elle de faire passer

Son « amour de la culture » toujours avec une prise de risque

Loin du confort de toutes ces choses bourgeoises et à chier.

Souvent, après « le cercle »,

J’étais très en forme, elle avait dû me contaminer de son énergie,

Et plutôt que d’aller me coucher, car il était généralement plus

D’une heure du matin, j’allais dans mon atelier pour peindre.

Tout le monde dormait dans « le château de ma solitude »

J’allumais généralement le poste de radio et je pouvais écouter

A cette heure-là, Alain Veinstein et les mots des gens qui

Ne dorment pas beaucoup la nuit. Parfois, j’écoutais de la musique,

Car parfois les couleurs ont besoin de danser sur la toile

Et pour cela rien ne vaut les sons d’un bon poste de radio.

Laure Adler a chez elle un petit tableau de ma production.

Je le lui ai remis un soir où j’ai assisté à l’enregistrement

D’une de ses émissions sur l’Art contemporain.

Elle m’avait paru petite et si mince, si fragile, belle aussi…

Séduisante surtout. Etais-je amoureux de son talent,

De son intelligence ?

 

Il s’agit d’un récit sur la vie des gens quand il la passe à regarder,

À suivre par la fenêtre l’existence de leurs voisins d’en face.

Je ne sais si cela a un rapport avec ce livre, que, d'ailleurs,

J’ai dû lire, il y a quelques années déjà, mais,

Je l’associationne avec un film d’Hitchcock « Fenêtre sur cour »

Où un homme handicapé dont la vie s’était "vue"

Transformée par cette activité que l’on peut qualifier

De pas très morale.

Dans certains cas, il faut savoir mettre de l'eau dans son vin,

De côté certains principes lorsqu’on ne fait de mal à personne.

Est-ce que tous les acheteurs de jumelles

Font ça chez eux ?

 

C’est à Aix-les-Bains. J’accompagne mon ex-épouse

Pour quelques jours, à une cure qu’elle a pris l’habitude

De faire dans cette ville depuis quelques années.

Alors, le matin, je suis libre. Je vadrouille un peu,

J’achète les journaux, je bois un verre, j’attends

Notre rendez-vous de midi et demi.

Un jour, j’ouvre la revue « lire » que j’avais achetée

À l'intérieur un petit fascicule où était offert

Dix extraits de livres à sortir à la rentrée prochaine.

Je lis et tombe sur un texte de cette fille, Alliet Abecassis

J’acquiers alors la conviction qu’il faut impérativement

Proposer ce livre à ma mère, la pauvre, qu’elle n’a

Jamais lue de sa vie, elle avait soixante-quinze ans,

Il était temps de prendre les choses en mains.

Il s’agissait de « La répudiée ». Je ne me suis pas trompé,

Elle l’a dévoré et depuis, grâce à Dieu,

Elle est devenue une bonne lectrice de livres…

Depuis, j’achète quelquefois les livres de cette écrivaine

Lorsque le sujet peut l’intéresser.

 

Franchement, cela m’ennuie de ne pas me souvenir

De ce qu’il y a dans un livre lu, surtout si je sais l’avoir aimé.

Paul Auster, je m’en suis très rapidement lassé,

Pour quelle raison, je n’en sais trop rien.

Est-ce qu’il raconte des histoires et la narration pour la narration

Pendant des kilomètres de lignes, de pages entières à se farcir,

Ça me fatigue, je n’y trouve pas de l’intérêt, j’ai l’esprit

Trop ailleurs pour suivre sérieusement les personnages,

Qui au fond ne me sont pas très sympathiques.

Il y a des jours où je me demande si je ne me

Schizophrènise pas un peu, m’isolant trop souvent

Dans ce qui m’intéresse exclusivement principalement.

Je suis ridicule, pourquoi devrais-je vivre autrement ?

Et d’abord, mon isolement n’est-il pas tout relatif, et

N’est-il pas dû à mes problèmes de santé ?

 

Alors donc, lorsque j’ai lu et aimé un livre

Généralement, probablement comme vous,

J’en rachète d’autres pour avoir encore et encore du plaisir.

Il arrive même des fois que j’aille jusqu’à acheter

L’ensemble de l’œuvre de l’artiste en question,

Rien d'extraordinaire à cela, nous le faisons tout, je suppose.

Ce ne fut pas le cas pour Paul Auster, mais je me dis :

Ah, si Paul Auster le savait…Peut-être serait-il dégoûté d’écrire,

S’il savait qu’il y a des mecs comme moi qui achètent

Des livres et ne les lisent pas…C’est un scandale,

Un pur gâchis, à se demander si les libraires

Ne devraient pas mettre le haut-là sur ces pratiques.

On ne peut plus laisser des gens acheter des bouquins

Sans contrôles préliminaires vérifiant le bien-fondé de ces achats.

Tout doit être fait pour éviter la folie d’obsédés de l’accumulation

D’objets ne leur servant à rien, une loi devrait les mettre

Hors circuit et confisquer leurs biens-livres au profit

De bibliothèques en manques.

 

Rue Mouffetard, au théâtre de l’Epée de bois qui n’existe plus

Depuis belle lurette, c’était il y a longtemps, j’étais jeune, beau,

Timide et mignon et Arrabal avait donné un spectacle dont

Je ne me souviens plus le titre, histoire de changer. Bref, il était survolté,

C’était l’époque du Living-théâtre, Grotowski et d'autres compagnies,

La révolution était là avant celle des étudiants et des ouvriers

1968 arrivait à grand galop. J’avais beaucoup aimé la pièce, mais,

Ce soir-là, je fis connaissance avec mes limites : lorsque les acteurs

Avaient fini de saluer et que nous, spectateurs, devions

Nous lever pour quitter la salle, je ne sais si c’était lui en personne

Ou l’un de ses assistants, il a proposé à tous ceux qui le désirait,

De mettre une cagoule sur la tronche pour je ne sais quel jeu collectif,

Le genre touche-pipi, merci, je n’avais pas encore vingt et un an,

Une cagoule, le père Arrabal il n’était pas net, j’avais été choqué,

À tel point que j’eus peur qu’on ne fermât la porte avant ma sortie.

Sinon de lui j’ai gardé un très bon souvenir de sa pièce assez géniale

Dans le genre avant-garde : Hamlet de Hepney Green.

Bravo Arrabal, ta carrière est une réussite.

 

Il y a Socrate et il y a Aristote. Je ne connais aucun d'eux, mais

Je préfère de loin le premier, le second je le trouve un peu sec,

Trop raide pour moi par rapport au premier,

Qui lui, n’est pas comme le second. C’est clair.

De plus, pour ce qui est de nous dire la vérité des songes,

Franchement, ça m’étonnerait qu’il ait pu dire

Quelque chose d’intéressant, d’autant plus,

Qu’il ne connaissait ni Lacan, ni Freud. Alors, bon,

Les vieux, place aux jeunes ! Merde !

 

Ça doit vous arriver aussi, on écoute une émission de radio,

De télé, on lit un article dans une revue, et hop,

On arrive à vous donner envie d’aller le commander…

Alors, on l’acquiert, son titre est "Composants".

C’est l’histoire, je crois, d’un ouvrier, c’est très poétique,

Mais, si vous saviez comme c’est flou dans ma tête, à vrai dire

Je ne me souviens de strictement rien du tout. À se demander

Mais qu’est-ce qui ne marche pas chez moi ? Si vous avez des infos,

Contactez ma sœur, qui me le transmettra. Merci

 

Comme lui, j’aurais bien voulu m’appeler aussi Samuel Beckett,

Mais Dieu ne l’a pas voulu ainsi, je ne lui en tiens pas rigueur,

Mais, la prochaine fois, s’il pouvait me trouver un nom connu,

Ce serait plus facile pour me faire éditer chez Gallimard.

Je ne sais si vous l’avez remarqué, sans « nom »

Vous n’avez aucune chance d'être reconnu, par contre

Si tu t’appelles Depardieu ou Colombani, c’est plus facile !

"Fin de partie"est un classique, on le joue très souvent au théâtre,

Et moi, si je devais le mettre en scène, faudrait que je le lise avant.

Il a eu beaucoup de succès de son vivant, je ne sais pas s’il a apprécié

D’être aimé par tant de monde, de l’extérieur, il donnait l’impression

De vouloir passer inaperçu, il se faisait tout petit, pauvre Beckett,

Il a dû souffrir de tant d’amour.

Qu’ils sont cons les gens, faut dire, quand ils aiment !

Enfin, qui cherche les noises les trouve.

 

Tu n’es pas venu, t'avais autre chose à faire que de prendre le train

Pour te rendre à Chartres voir "En attendant Godot", que tu dis

Avoir vu moult fois et toujours mal montés.

T’as pas de chance, mon gars, pour ce coup tu t’es planté,

La mise en scène de Philippe Adrien était exceptionnelle,

Jamais je n’avais vu cette pièce jouée d’une façon si parfaite.

Les personnages étaient sur le plateau comme

S’ils étaient dans la rue, près de la Cathédrale,

Tu connais, il y a toujours beaucoup de monde

À jouer leurs propres rôles devant les touristes

Sauf, qu’au théâtre nous étions tous assis dans

De bons fauteuils restaurés tout neufs. Un régal.

 

"Premier Amour". Il était sur les quais de la Seine

Avec ce livre à la main, c’était vous, c’était moi,

C’était quelqu’un d’autre, vous marchiez l’air triste,

Vous étiez amoureux, ce n’était pas la première fois,

Pourtant, vous avez choisi de lire ça pour vous remonter le moral.

Je ne sais si c’était un bon choix ? Vous auriez pu préférer

"L’amant" de Marguerite Duras, il vous aurait décapé l’esprit

Ou donné envie de vous jeter dans la Seine…

Faites attention, l’eau y est très froide !

 

Oh, oh les beaux jours, ça, je m’en souviens bien,

Je n’étais pas bien, pas bien du tout, pourquoi y suis-je allé,

C’était au théâtre du Rond-point, du temps de Jean Louis Barrault

Et de Madeleine Renaud. Tout le monde est au courant, c’était elle

Qui jouait le rôle principal, elle était embourbée jusqu’au cou,

La pauvre, moi, je n’aurai pas pu, je suis trop claustrophobe,

Alors, être enterré pendant deux heures, tous les soirs, merci,

Même pour un premier rôle, j’aurai refusé, net.

Il y a des limites tout de même, les acteurs, de plus en plus,

On leur fait faire n’importe quoi. Au cinéma par exemple,

Si vous refusez de montrer votre complète intimité, 

Vous pouvez changer de métier et vous inscrire

Aux intermittents du spectacle, pour ne pas crever de faim.

 

Je ne vais pas vous mentir, ce livre-là, je ne l’ai pas lu.

Je l’ai là pour avoir la collection complète des "Beckett".

On a dit tant de bien de ce qu’il écrivait, comme moi,

Il a beaucoup aimé le théâtre, c’est le point commun

Que nous avons tous les deux, c’est déjà pas si mal, je trouve.

 

Connais pas Balzac. C’est un constat, j’assume.

Je ne le crierais pas sur tous les toits, mais,

Parmi les classiques, il fait partie des absents …

Y en a-t-il beaucoup comme lui ?

Je n’en sais rien, nous verrons bien

J’imagine, là près de moi, maintenant, un ami me faisant

Un compte rendu de ce « chef d’œuvre », je retiendrai                                                                

Ce qu’il dirait, c’est plus facile, pour moi,

Les mots de mes amis.

Inconsciemment, je dois classer certains auteurs

Comme représentants la bourgeoisie, le pouvoir, les institutions.

Est-ce ma façon de dire non ?

« La perspective Nevski » de Gogol.

« Il n’y a rien de plus beau que la Perspective Nevki,

tout au moins à Pétersbourg ; et dans la vie de la capitale,

elle joue un rôle unique ! … Et les dames! Oh ! quant aux dames,

la Perspective Nevski, leur offre encore plus d’agréments !

Mais à qui donc n’en offre-t-elle pas ? À peine se trouve-t-on

dans cette rue qu’on se sent aussitôt disposé à la flânerie.

… La Perspective Nevski est la grande ligne de communication

pétersbourgeoise. C’est ici que l’habitant des faubourgs…

.. .A midi, la Perspective Nevski est envahie par des percepteurs

appartenant à toutes les nations… »

 

J’imagine une montagne

Avec au plus bel endroit,

Des hommes servant le thé,

Boisson qu’ils vénèreraient par-dessus tout,

Je m’installerai avec eux en ami, nous

Partagerions cette liqueur des Dieux, le temps

Coulera sur la montagne comme le vent la caresse,

Rien ne pourra déranger notre plaisir d’exister.

Le thé est ma drogue, le Yunnan mon préféré.

 

En l’absence des hommes, jamais Caroline n’aurait voulu

Continuer à vivre dans ce bas monde,

Déjà que, avec ses hommes, elle trouve quelques

Difficultés dans la gestion au quotidien, surtout,

La semaine, le W.E., c’est différent, elle a son mari

De retour de Bruxelles où il travaille énormément, mais,

Quand il n’est pas là, elle ne supporte pas

La solitude et dormir toute seul, ça non. Alors…

Je ne sais si elle a l'intention d'aller voir son frère demain,

Mais si elle y va, il ne faudra pas qu'elle oublie d'apporter l'aspirateur

Et le livre de Philippe Besson qu'elle lui a acheté,

Je ne sais pas pourquoi, il ne lit jamais, enfin, les soeurs

C'est toujours un peu comme ça qu'elles fonctionnent..

 

Samedi prochain, nous irons chez Darty acheter

Un rafraississeur pour la canicule de l'été

Nous devons tout faire pour éviter à maman

La chaleur que la télé nous a prédit.

J'ai eu Julliard la semaine dernière et pour lui

Nous n'aurons pas de canicule cette année, il m'a expliqué,

Mais, je n'ai pas compris, trop compliqué, une histoire

Qu'il avait lu dans un manuscrit un peu chaud.

Il ne l'a pas publié, pas aimé, sauf le paragraphe de la météo.

 

J'ai bien regardé sur la photo, il n'y a aucun gosse,

Donc je n'y suis pas. Pas sur celle-là, car à l'Hotel de Ville,

À la fin des années 50, on m'a pris souvent, c'était mon quartier,

Et celui de mes copains de la rue de Moussy,

L'école élémentaire, les billes, les calots sur le trottoir

Qu'on jouait tous, putain que c'est loin tout ça.

Tu donnes dans la nostalgie, toi qui dis ne jamais t'y adonner ?

Ben quoi mon petit bonhomme, on rétrograde, on déprime,

Cette image te tourne la tête, elle te rappelle le temps

Où tu embrassais les filles, avoue-le !

 

C'est à partir de ce livre que j'ai redécouvert Stefan Zweig,

Rencontré il y a très longtemps, du temps où j'allais au théâtre.

Je regrette de ne pas l'avoir rencontré bien avant,

J'aime beaucoup cette écriture, relevant pourtant d'une traduction,

Et donc d'une réinterprétation d'un d'autre que l'auteur.

Etrangement, lorsque je me trouve devant le plaisir,

Le plaisir de lire, étrangement, j'éprouve une peur,

Une peur de me plonger dans une oeuvre, comme dans de l'eau,

L'eau de la mer, de la mère vous dirait Lacan,

Ou bien de la piscine, je n'aime pas, je n'ai jamais aimé.

Freud, toi l'ami de Zweig, qu'en dirais-tu ?

Tu es mort, je n'en saurai rien.

 

Celui-ci, je l'ai donné à lire à ma mère en l'avertissant

De ce que les cent premières pages racontent une histoire,

Mais, qu'ensuite, tu risques de t'ennuyer, car c'est la même chose qu'il

Répète inlassablement, mais sous une autre forme.

Laisse tomber dès que tu t'ennuies,

C'est ce que moi, j'ai fait.

Je ne lui ai pas dit qu'il s'agissait là d'une

Ecriture contemporaine, ni fais allusion

à l'Autobus de Raymond Queneau.

Quelle "culture" a-t-elle, la pauvre ?

J'exagère, n'a-t-elle pas une meilleure

Mémoire que la mienne ?

Alors, bon, ça va, je dois balayer devant ma porte

Avant de critiquer autrui.

 

Il y a quelques années, à la foire du livre de la porte de Versailles, à Paris,

Le Portugal était à l'honneur. Les Portugais disent : il n'y a pas que Pessoa

Au Portugal, d'autres auteurs ont pris la relève... Du coup,

J'ai bien envie d'aller à Lisbonne, non seulement pour Pessoa, mais pour Lisbonne.

Leurs bistrots...Voilà, un motif pour y aller, les rues, les gens,

Le verbe que je ne comprends pas, puis, aussi, sortir de cette image

Que nous avons tous dans nos charmantes têtes de "blancs"

Les Portugais : gardiens d'immeubles, ouvriers...

C'est chiant ces images qui nous collent à la peau.

J'essayerai de développer ce thème à la rubrique psychanalyse.

 

Et si l'appartement de Margueritte Duras à Trouville aux

Roches noires se libérait ? Ai-je pensé quelquefois. Bêtement.

Aimerai-je y aller, y vivre, m'y installer ?

Trouville, c'est toute ma jeunesse, mon père, nous y emmenait

L'été au mois d'août, on savait quand on arrivait, mais le jour du départ,

On ne le savait pas d'avance, ça dépendait s'il allait au casino

Et avait tout perdu, l'argent des vacances, du manger, mais heureusement,

Il avait acheté l'aller et le retour, pas idiot, il se connaissait bien.

Par contre, je ne sais pas si Marguerite Duras jouait au bridge.

Si c'était le cas, elle aurait connu mon père, car,

C'était un pilier de tous les salons de Paris et de Navarre.

C'est vrai, mon père était bridgeur. S'il avait connu MD

Nous l'aurait-il dit ? De toute façon, nous à la maison,

On ne connaissait pas cette madame Duras.

 

Puisque je n'arrive pas à faire des comptes rendus

Des livres de ma bibliothèque, pourquoi stresser avec ça,

Je n'ai qu'à chercher dans Google, et le tour est joué,

Vous avez mille infos, que demande le peuple ?

- Mais, alors, si on trouve tout sur Internet,

C'est quoi l'intérêt à faire des fiches de lecture ?

Moi, je compense une défaillance de mémoire, je veux sortir

De ce qui fait problème. Alfred Adler avait fait un travail

Sur les phénomènes de compensation lorsqu'il y a

Une infériorité organique. En gros, si vous avez à un endroit

Un truc qui ne marche pas, ou qui fonctionne moins bien

Alors, vous allez avoir un autre endroit qui sera plus fort ...

C'est bien la nature humaine !

 

Pourquoi as-tu acheté ce livre ?

Comment as-tu pu te fourvoyer dans une galère pareille ?

Quand on aime Amélie Nothomb et Michel Houellbecq

De mon point de vue, on ne peut pas aimer Coelho.

Dans les choix des livres que tu as chez toi, je constate une trop

Grande influence des médias, tu dois changer ta façon de faire...

Eteins donc la télé et trie tes bouquins.

Pour dire une telle connerie, on voit bien que tu ne l'as pas lu

Si tu l'avais lu, tu ne pourrais pas dire des choses pareilles.

Si, si, j'ai parcouru les premières pages et le compte rendu du

Web, ça me conforte dans mon avis, je trie demain.

Ecrire, c'est accepter d'entrer dans une sorte de confusion...

 

- Tu as trouvé ce livre un peu grossier

- Moi, non, où as-tu inventé ça ?

- Heu, je l'ai bien vu sur ton visage quand tu l'as pas lu

- Je l'ai pas lu parce que Blaise Cendrars, il me parait

Pas très clair dans sa tête, je ne sais pas ce

Qu'il a fait dans sa vie, pas net, pas net du tout.

- Tu es complètement parano, la littérature c'est

De la littérature et t'as pas à juger celui qui écrit...

Où c'est qu'on va maintenant, j'te jure !

Te juge-je, moi, hein ?

- Ho ça va, on fait comme on veut avec ses livres

Et d'abord, je les achète pour l'image de la

Première page, c'est suffisant, ça me va.

- Toi, ma parole, tu bois trop !

 

L'étranger d'Albert Camus, ma soeur l'a lu.

Je ne crois pas qu'on m'en a parlé à l'école,

Là-bas c'était plutôt la comptabilité notre sujet.

 

La preuve je devins comptable, pas tout à fait,

Aide comptable d'abord, ensuite, oui, comptable

1ère catégorie, je n'ai pas fait que cela dans la vie,

Mais bon, la compta c'est sympa.

Moi, c'était plutôt Jean Paul Sartre mon préféré

Et comme ils ne s'entendaient pas trop ces deux-là,

Ça a du jouer pour ne pas m'attarder sur Camus.

 

Gibert-Jeunes, Boulevard Saint-Michel.

Tu peux y aller pour vendre certains de tes bouquins,

Soit pour te faire un peu d'argent de poche, soit

Qu'ils ne sont plus d'actualité dans ta bibliothèque.

Tu en rachèteras d'autres à petits prix, pas plus intéressants

Que ceux vendus l'instant d'avant. Enfin, ça  fait tourner

Les livres et le fonds de commerce de cette boutique.

Faut bien y penser à ça, que ce soit Gibert ou la Fnac

C'est avant tout des grandes centrales où le but

Est le chiffre d'affaires, y a pas à avoir honte de le dire,

C'est comme cela, la vie.

 

Ce ne pouvait être ni la main de Dieu ni la main du Diable.

Le hasard. Le pur hasard. De Chartres, je vais à Blois,

Où le maire n'était rien de moins que Jack Lang,

Ex-ministre de la Culture. Pas mal comme poste,

Dans la vie quand tu as fait ça, ma foi, tu es en droit

De te dire : je ne suis pas une merde !

Et là, je ne te donnerai pas tort.

Tu as joué avec le pouvoir, l'argent et, qui sait, le sexe aussi.

Je voulais donc voir le château de Blois, alors je l'ai vu.

La journée était belle, le soleil couvrait la ville, bref

Je me suis trouvé devant une librairie, j'entre, rien de terrible.

Sur les murs des cadres avec des reproductions pour touristes,

Rien de bien, sauf sur la table de présentation de bouquins.

Mon regard est attiré par des livres de photos des tableaux

De Calaferte. Le premier que je pris en mains, fut celui où

Il y avait des fruits, y avait-il aussi des légumes, je ne sais plus,

Mais, la façon qu'il avait de traiter ces natures mortes, révélait

La grande personnalité de notre animal, j'avais devant moi

Le travail d'un grand peintre inconnu, pour moi inconnu,

Au moins jusqu'à ce jour. De retour à Chartres et que vois-je ?

Au théâtre de la ville se jouait à 21h une pièce de...

Louis Calaferte, oui, c'est vrai, et j'y suis allé.

Quel bonne journée, ce fut !

P.S. : Ça fait un peu rédaction de classe, vous ne trouvez pas ?

 

Pour la santé et les pommiers de Normandie,

Faut-il manger une à deux pommes par jour ?

D'après eux, oui, c'est bon, même s'il y a des taches,

Ce n'est pas grave, il suffit d'enlever le mauvais.

Manger régulièrement des fruits et légumes

En général c'est préférable à ingurgiter n'importe quoi,

Franchement va falloir changer vos habitudes.

Seulement, les pommes, il y a tellement le choix

Qu'on se demande bien lesquelles prendre.

Perso, ça n'engage que moi, bien sûr,

J'aime les Fuji, c'est un mélange pomme-poire,

Un régal, ça croque différemment sous la dent,

D'ailleurs, c'est vrai, t'as l'impression d'avoir

Dans la même bouchée, un morceau de

Pomme et un morceau de poire…

J'espère que cette information vous a intéressé.

 

- Il est à se demander si pour des gens comme moi

Il ne serait pas préférable de choisir des livres

Sous forme CD ou DVD avec le texte lu à haute voix

Par un lecteur professionnel, agréable à entendre ?

- Voilà un avis ridicule.

Soit tu lis et ça relève d'une certaine mécanique cérébrale,

soit tu écoutes ou regarde et là c'est ailleurs que ça marche.

- Donc ?

- Donc, tu fais comme tu veux avec tes livres.

- C'est fou ce que j'avance avec toi.

 

A la fin du voyage, pour une question de téléphone portable,

Nous avons pu échanger quelques mots.

Vous aviez entre les mains le dernier modèle d'Alcatel,

Pas la panacée, il fait des photos certes, mais la qualité

N'est pas au rendez-vous... m'avez-vous dit.

Et vous m'avez parlé un peu, puis, juste à notre arrivée,

Vous m'avez fait une confidence :

Vous êtes enseignant et je ne sais pour quelle raison

Vous m'avez assuré qu'il s'agissait pour vous d'une passion.

Pourquoi je vous raconte cette histoire ?

A vrai dire, tout à l'heure, je dois prendre le train,

Alors, probablement fais-je encore une association...

 

Le rêve d'un homme ridicule de Dostoïevsky je l'ai lu

Il y a bien longtemps. Il est associé dans mon esprit  

Aux Champs Elysée. Le métro, l'avenue, puis AEG,

C'est cela, j'assurais un intérim chez eux, j'avais

Une "mission" par Bis interposé et c'est ce livre

Que je lisais dans le métro, dans la rue...

Il est question d'un rêve qui sauve un homme d'un suicide

Qu'il avait l'intention d'exécuter juste avant de dormir...

Depuis, je crois en la psychanalyse, bien que je sache

Que la vie n'est pas un long fleuve tranquille

Comme disait Freud à Lacan, un soir,

Dans un moment de grand désespoir.

 

La première fois, on est là, on passe, c'est la Foire

Internationale d'Art Contemporain, la Fiac pour ceux

Qui connaissent. C'est à Paris, l'entrée est payante, bien sûr.

Je  t'avertis, il y a beaucoup de choses à voir,

T'as intérêt à mettre tes basquets, les jaunes c'est plus mieux

Pour l'endroit, ne mets pas ta culotte rouge, on sait jamais...

Il y a tellement d'artistes là dedans,

C'est fou ce qu'il peut y en avoir. Partout, ça pullule.

Donc, on se trouve là comme un con devant un Botero,

Pour la première fois, devant ça, je te le dis d'avance,

Te connaissant un peu avec ta sensibilité à fleur de peau,

Tu ne resteras pas indifférent, ça te fera tout de suite quelque chose,

Botero, c'est très sensuel.

 

Nous, enfin ma mère, elle disait le p'tit jardin, pas le square,

Pourquoi, j'en sais trop rien, elle, le langage, c'est spécial.

Prenons un exemple : le lévier, c'est fabuleux, ça, non ?

Le lévier pour dire l'évier, c'est génial !

Mais, en dehors de ces amusements qui n'amusent personne,

Moi, avec ses conneries, j'ai pas eu mon CAP pour fautes

D'orthographes dépassant les limites que l'école,

Notre mère à tous, a programmé contre moi.

Voilà, c'est dit, je n'ai rien à vous cacher,

L'écriture c'est fait pour ça, se mettre à nu, donc, j'en profite,

D'autant qu'il n'y a personne dans la salle actuellement,

Ils sont tous allés faire un tour du côté de Paris

Où ils fêtent l'anniversaire du 6 juin 1944,

La guerre, ça attire toujours.

 

Quand bien même l'aurais-je rencontré, vu une fois,

Traverser une salle de théâtre pour aller je ne sais où,

Aux toilettes, peut-être ?

Entre elle et moi, rien ne se serait passé, j'étais trop jeune,

Non qu'elle n'eût point aimé cela, mais moi dans ma tête,

Je n'étais pas là dedans, même pour vivre une histoire chaste.

J'étais trop jeune, pas ouvert à ce genre d'aventure

À la va que j'te pousse, genre Piaf et Montant, la gloire, les royalties,

J'y pensais pas. A l'époque, je pensais à quoi ?

J'ai toujours été honnête, ça a failli me perdre,

Dans ma tête et dans mon corps, j'avais toujours peur de tout,

Comme un gamin, un gosse, j'étais un gosse,

Et quelquefois encore maintenant, je me demande

Si je ne le suis pas resté dans le fond de mon âme ?

 

Sapha était le nom de la chienne. Sa maîtresse avait un mari,

Mais étaient-ils officiellement mariés ces deux là, ça, je n'en suis pas sûr,

Mais enfin, ce ne sont pas nos affaires, alors, passons.

Lui avait ses bureaux au-dessus du théâtre Gramont où l'on jouait

Comme par hasard "Des journées entières dans les arbres".

Le hasard, d'après Juliette, ça n'existe pas, évitons d'entamer une discution

Avec elle là dessus, sinon on n'a pas fini de la soirée, ce soir restont Durassien.

Donc, ces trois-là, la chienne, sa maîtresse et le mari qui ne m’aimait pas,
Car le soir après le turbin, nous, lorsqu'il était en voyage, sans la chienne

On sortait en amoureux. Nous étions chastes, pas à cause de lui, non ça non,

Seulement j'étais marié, mais marié fidèle, et oui ça existe.

On dansait, on dansait, on aimait beaucoup danser, à Juan les Pins.

La journée, Sapha la passait sur la terrasse à ne rien faire,

Par contre, Murielle et moi, on vendait des appartements neufs

On n’arrêtait pas les visites, d’autant qu’il y avait trois immeubles,

On ne chômait pas, tu peux me croire.

Je sais, dans ton esprit, me voir au travail t’apparaît

Complètement improbable, pourtant, là je te jure c’est vrai,

Je me suis vachement donné, et en plus on était fidèle au poste

Tous les jours, même le Dimanche. Dans Radio Monte-Carlo

La pub avait très bien marché, alors, du monde, on en avait tout le temps,

Ça défilait, ça défilait, aux Eucalyptus.

En plus, c’était la première fois que j’aimais un animal.

 

Je me souviens, c'était déjà il y a quelques années, un jour,

Le désespoir profond dans la chair, un sentiment persistait :

Quelque chose allait advenir qui éloignerait mon amour.

Alors je suis parti, j'ai quitté Paris, en voiture je m'en suis allé

Sur la côte normande, entre Trouville et Honfleur et

Dans le plus beau des manoirs qu'il soit, saouler mon désarroi,

Ma petite folie, dans cet endroit, lieu de bonheur infini,

Étrange comportement que celui-ci, avais-je envie de mourir,

Et avant d'en finir, voir la mer, la regarder dans les yeux ?

La plus belle chambre me fut offerte avec vue sur l'horizon,

Chambre d'amour  à vivre sans l'être aimé, vie en danger

Vie ayant perdu son sens, vie inutile, en finir de cette vie.

Mais, à quelques maisons de là, aux Roches noires

Marguerite Duras demeurait à Trouville-sur-Mer ?

A deux pas de là, je n'allais pas bien, pas bien du tout.

J'avais, pour accompagner ma douleur, pris "L'amant" 

Et dans le lit je me mis à la lire. Dès les premiers mots,

Elle m'a pris par la main, me raconta une histoire d'amour,

Cette femme est folle pour vivre comme ça ces conneries-là,

Alors, cette nuit, avec elle, j'ai beaucoup pleuré.

Le lendemain, le soleil est entré dans la chambre ...

 

Combien peut-on avoir de livres dans sa bibliothèque

Sans que cela ne vous inonde ? Que cela reste

A l'échelle humaine, palpable, visible en tant qu'objet,

Non pas comme signe d'une quelconque appartenance

À je ne sais quelle secte sociale, mais, toujours, toujours,

Comme des témoignages, des accouchements

Et non des attouchements, ou plutôt si, des attouchements,

Des caresses, une pluie fine qui vous apporte un rien

De fraicheur quand celle-ci manque tant dans l'air.

Lorsque les hommes veulent bruler les livres

A quoi cela correspond-il dans leurs têtes ?

C'est vider, faire le vide de ce qui pourrait

Les empêcher de faire des saloperies, les hommes,

Ces salauds, capables de tout, dans le bien comme

Dans le mal, ils ne savent même pas faire la différence...

 

Dans le neuvième arrondissement, près du Théâtre La Bruyère,

Se trouvait une boîte, fermée maintenant, "La Tomate"

J'ai connu la patronne, ce n'était pas une matrone,

Contrairement à ce que vous pourriez penser.

C'était une boîte de Striptease, je n'y suis jamais allé,

J'étais mineur à l'époque et au fond, ça me faisait peur,

Ce sexe-là, alors qu'au Concert Mayol, au Folie Bergère,

J'y allais : les filles avaient des caches-sexes, alors...

 

Marguerite, te souviens-tu de la rue des Bains à Trouville

Où madame Marie louait ses chambres pourries

Aux gens pauvres comme mes parents voulant passer

Le mois d’août comme tout le monde, au bord de la plage

À Trouville-sur-Mer, pas tant pour toi, Duras, pour eux

Ça ne disait rien, ils ne lisent pas, eux ce qu’ils voulaient

C’est le casino, le soleil qui grille la peau, le sable…

Et comme me disait Delors, un jour, à la librairie La Hune,

(C’est tout près de chez toi, ça, La Hune, rue Saint Benoît):

- Ne vous inquiétez pas des gens qui ne lisent pas,

Ils ont leurs petits bonheurs ailleurs, ils s’arrangent

Sans les livres, ne vous saoulez pas la vie avec ça,

Ce n’est pas un problème, ils ont d’autres choses…

 

- Marguerite, comment pouvez-vous envisager

D’entrer en psychanalyse, sans risquer, en guérissant,

De mettre en danger le socle même de ce qui caractérise votre œuvre.

- Que dois-je faire alors, continuer à souffrir au nom de la littérature ?

- Etes-vous prête, réellement, chère amie, à faire le "deuil"

De vos malheurs et dans ce cas, quelles en seraient les réelles motivations ?

- Mes angoisses permanentes, mes mots, l’alcool que j’ingurgite,

Jours et nuits, mes amours fous ne sont-ils pas des symptômes

Suffisamment concluants, pour vous ?

- Ecoutez, je crois qu’il faut que vous y réfléchissiez,

Que nous y réfléchissions tous les deux, c’est une entreprise

Très particulière, vous savez, la psychanalyse.

 

David Foenkinos, est un jeune auteur qui écrit des livres.

La jeunesse dans son ensemble, j'aime bien, rien à dire,

Tu t'en fous, on s'en fout tous, c'est pas grave, on continue.

En vrai, les vieux, c'est eux qui détiennent le pouvoir.

Le pouvoir des pères, dit-on, et on trouve ça normal…

Pourquoi n'ai-je pas acheté son dernier livre ? À la fnac,

Je l'ai tenu entre les mains, j'en ai lu quelques lignes, mais, non...

Aujourd'hui mon esprit est ailleurs, je suis convaincu que

Flaubert, Deleuze et compagnie, c'est des fils de putes,

Des bourges, comme dirait la plume d'un ami vu

Il y a quelques jours, nous avions rendez-vous à la Coupole

Où nous avons bu un verre, après quoi, nous sommes allés

Dîner au Bar à Huitres où une amie à lui est venue nous rejoindre,

Qu'elle vient de rompre d'avec son ami et cela me donna

L'idée d'écrire un livre dont j'ai au moins le titre :

"De la pénibilité de la rupture". Ces conneries-là,

C'est vraiment pénible, on n'en sort pas si facilement

De ces attachements auxquels on se donne sans compter, 

Corps et âme, surtout corps, d'après un autre ami, qui, lui,

N'a jamais rompu pour n'avoir jamais connu personne.

Bref, c'est pas facile, tout ça !

 

Donc les ruptures, avec les coups de fil

Qu'on ne finit pas d'attendre, qui ne viennent jamais,

Qu'on donne à tort et à travers, toujours au mauvais moment,

Et puis l'autre, ce bel indifférent, cette salope,

Ce chien, cette chienne, pure galère, sans parler

Du travail qui ne marche plus, à la rue,

A la rue, que tu risques de finir avec tout ça...

Les sentiments, les sentiments, tu parles

C'est quoi ce bordel, gardons les pieds sur terre,

Seul tu es venu, seul tu partiras, point barre.

Entre temps, tu as fait des connaissances, voilà,

C'est bien ça, des gens que tu as rencontrés,

A droite, à gauche et à chaque fois, tu y as cru...

 

- Ce qu'ils disent ou rien.

- Tout de même, ce n'est pas la même chose.

- De quoi parles-tu ?

- Il y a ce qu'on dit et ce qu'on ne dit pas.

Les fameux non-dits, qu'à peine dis,

Il faut payer le psychanalyste, quitter le fauteuil,

Se retrouver dehors, tout seul comme tout nu.

- A part cela, ça va ?

- Avec la fraicheur qui arrive ce matin, c'est bon...

 

Je ne suis pas sortie de ma nuit, qu'elle a écrit.

C'est toujours la même question avec les écrivains :

Faut-il sortir de son bordel personnel où y rester pour écrire ?

Nous avons étudié cette question avec Madame Duras, de

Trouville-sur-Mer... la rue des Bains, Madame Marie...

Vous ne vous en souvenez pas ? Ce n'est pas grave.

Ici, on ne note pas les élèves, d'ailleurs, on vous considère

Comme des grands, des adultes à part entière.

Sortir de son bordel personnel, de sa petite histoire,

Comme dirait notre ami Deleuze, c'est laisser une porte ouverte,

Entrouverte, alors un courant d'air peut passer et vous risquez

D'attraper froid, vous riquez de voir votre vie chamboulée

Par la réalité, car c'est bien de cela dont il s'agit,

De la difficulté du réel !

 

Pourquoi Ecriton n'est-il pas venu au rendez-vous

Au bar Le cosmos, où l'accueil est des plus agréables,

L'air conditionné et l'accès aux  personnes handicapées

Assurés convivialement par  la direction en personne.

D'autant, qu'il eu été possible de casser la croute

Pour pas trop cher : 17 € à 23 €, tout en parlant

De tout et de rien comme d'habitude.

Seulement, Monsieur Ecriton se fait désirer,

Aime à nous faire baver comme des chiens,

Ecriton, que fais-tu de notre patience ?

N'est-il pas de ton devoir d'apporter, au moins,

Un semblant de réponse au pourquoi écrit-on ?

Ce n'est pas la mère à boire, tout de même,

Ce qu'on te demande !

 

C'était au 254 du boulevard Saint-Germain, à Paris,

Au deuxième étage, à droite de l'escalier.

C'était un jeudi. Un jeudi des "Jeudis de la Cori"

Jour de la réunion hebdomadaire, où les cadres

Nous faisaient leur spitch sur le comment faire ceci,

Comment faire cela, mais, ce jeudi-là, j'avais entre les mains,

Un livre. Il me servait à laisser passer le temps dans le métro,

Que voulez-vous les transports en commun, on vit avec. Bref,

J'étais un peu immature, pardonnez-moi j'avais 25 ans.

Elle, c'était une femme, une collègue ...

Elle me demanda ce que c'était que ce livre-là ?

A l'époque, je n'étais pas conscient de ma tare concernant ma mémoire,

Vous le savez puisque vous m'avez lu, je ne retiens rien de ce que je lis,

Alors donc je n'ai pas pu lui parler de mon livre, je lui ai donné

Pour qu'elle s'en fasse une idée par elle-même.

 

- Souvent on entend dire : les enfants ne sont pas si pures que cela.

Un jour, j'avais reçu chez moi, dans le château de ma solitude,

Des gosses d'une école, et devant l'enthousiasme qu'ils exprimaient

Devant mes tableaux, je faisais remarquer ma surprise aux enseignants :

N'avais-je pas peins surtout mes souffrances, et voilà qu'eux,

Interprètent à leur manière et d'une façon joyeuse ce qu'ils voyaient,

Pour eux c'était des images. Pour ces moucherons, il n'y avait rien

De dramatique, la vie, la mort, ce blablabla des adultes, non,

Ce qu'ils voyaient c'était du concret, du réel... Goldorak !

- Oui, et alors ?

- Non, rien, c'était pour dire.

 

Le tonton à ma titine, c'était quelque chose,

Un caban des faubourgs, un malotru,

Un voyou, un salaud, un rien du tout.

Je n’ai jamais aimé ce mec-là,

Je n‘ai point voulu le côtoyer de près,

Je n’ai d’elle et de lui, aucun regret,

Je n’ai ni soucis, ni remords, pourtant

Je n’ai pas voulu qu’elle s’en aille avec,

Genêts et fraises des bois, avec…

Genêts et fraises des bois.

 

Il ne sut comment faire, maintenant qu’il avait acquis

Toutes les connaissances nécessaires à la compréhension

Des mécanismes qui généraient le monde et les hommes.

Entre autres, il avait lu attentivement quelques extraits

De la Nouvelle Revue de Psychanalyse de Monsieur Pontalis,

Humble représentant de commerce, chez Gallimard.

 

S’il  avait essayé, du temps de sa jeunesse, la lecture

De Nietzsche sans succès, non qu’il fut plus bête qu’un autre,

Mais, comment voulez-vous comprendre le mal si l’on est,

Comme il était, dans le bien, du matin jusqu’au soir ?

Un jour vint, par on ne sait quelle excitation de l’esprit,

Où il put sortir de chez lui pour aller chez son coiffeur.

Une coiffeuse en réalité. Rien qui ne puisse défrayer

La chronique d’un quelconque journal lahnda.

Pourtant, cet événement le marqua profondément.

Il s’était confortablement installé pour le rituel du

Coiffage de cheveux, quand, la radio annonça la chute

De l’empire américain. Il pensa tout de suite

Au Mac-Do qu’il voyait au travers de la glace,

Qui reflétait, non seulement son visage hirsute

Dû au lavage de ses tifs avant la coupe, mais aussi,

La devanture du magasin sus dit nommé.

Il fit très immédiatement une association qu’il n’a pu contenir,

Il pensa à José Bové, et eut hâte d’en finir avec cette séance

Qui n’en finissait pas, de rentrer chez lui, pour regarder

Tranquillement la télévision. Seulement, seulement,

Les choses ne sont pas si simples. À peine arrivé chez lui,

Il alluma le poste, mais toutes les chaînes retransmettaient

La même chose, l’événement du moment, les tours jumelles

S'écroulant au vu et au su de nos regards à tous,

Cela le troubla énormément, jusqu’à l’excès, et il décida alors,

D’aller voir son psy pour quelques consultations de remise en forme.

Il alla donc pendant dix semaines, tous les mercredis à quinze heure

Trente précise, dire à cet homme les maux de son mal,

Ponctués, grâce au ciel, par l’humour qu’il n’avait pas perdu,

Faisant même éclater de rire ce psy en question, payé par chèque

Et remboursé par la sécu.

 

En fait de maux, ce qu'il voulait, c'était, dire le trop-plein

De ceux qu'il avait accumulés en lui depuis le jour de sa naissance.

Le psy a beaucoup insisté pour qu'il fît une analyse de dix ans.

Mais de la psy, il ne voulait point en devenir l'esclave, et l'autre,

Pas bête puisque psy, se souvenant d'une autre période, où

Son client n'était passé au cabinet que trois fois, mettait

Quelques réserves à s'investir dans cette histoire.

Je ne sais si vous comprenez ce pauvre malheureux,

Ce qu'il voulait avant tout, c'était faire la peau aux images

Contradictoires qui se bousculaient dans son esprit.

Pauvre naïf, pauvre ignorant, comment pouvait-il

S'imaginer effacer quoi que ce soit dans cette réserve,

Dans cette mémoire où le destin de l'image est justement

D'y rester jusqu'au dernier jour, dans le cas où,

Il en aurait besoin comme matériaux de base à ...

Dans ces séances, il parla beaucoup du soleil, de la plage et de la mer.

Son rêve était-il d'aller vivre à Trouville-sur-Mer,

Pas trop loin de Marguerite Duras ? Il est probable que son psy

N'ait apporté aucune attention à ces discours. D'ailleurs,

De l'attention en avait-il, était-ce vraiment ce qu'on lui demandait ?

Les psy ça sert à quoi ? lui avait demandé sa soeur, un jour,

Cette question lui revenait sans cesse, comme une mélodie,

Tout au long du parcours psy de cette période.

 

Il parla aussi de concepts nouveaux qui viendraient révolutionner

Ceux de Freud, Jung, Adler et de bien d'autres, sans pour autant

Oser nommer Lacan qu'il ne connaît pas plus que ça, seulement,

Ses amis lui avait dit qu'il était Lacanien sur les bords, ce qui

Le surprit tout de même, d'autant qu'il ne l'avait quasiment jamais lu.

Sa mère et son père formaient dans son esprit un couple.

Son psy lui expliqua qu'il en était ainsi pour tous les êtres

Vivants sur terre. À la remarque idiote qu'il avait faite,

La réponse du spécialiste lui parut encore plus idiote,

Il commençait à entrer dans une sorte de délire avec ce gars-là,

L'idée d'en finir germa dans sa tête. Il arrivait toujours à l'heure

Aux rendez-vous de quinze heures trente. Avant, il allait boire

Son déca au café d'en face où on finit, avec le temps, à le reconnaître

Et à lui dire bonjour, comme s'il était un habitué de très longue date.

Pendant ce temps-là, que se passait-il dans sa tête,

Se préparait-il à la séance ou pensait-il à autre chose ?

Comment savoir au juste, et puis mesure-t-on combien tout cela peut être

Confus dans les rapports conflictuels que nous entretenons avec nous-mêmes ?

 

Seulement, voilà, un jour qu'il attendait dans la salle d'attente

Il prit une revue posée sur la table basse où il était question,

Dans un article, de plaintes d'hommes politiques à l'égard

De leurs concitoyens. Plusieurs documents officiels témoignaient

Du bien-fondé de cette hypothèse : tout homme attend d'un autre

Quelque chose qu'il ne peut, malheureusement pas donner.

Avec ça, il eut à improviser une séance qui s'avéra plutôt merdeuse.

Le lendemain, il déprima pas mal, pensant aux tours réduites en poudre,

Evènement originel, ne l'oublions pas, de sa décision d'aller voir ce Lacanien.

Toutefois, malgré tout, le temps passant, il remarqua la fin de cette souffrance,

De cette peur qui le tenaillait jour et nuit. Etait-il temps de mettre un terme

À ces visites hebdomadaires, fallait-il en parler ouvertement

Avec cet homme et comment, comment, lui, le prendrait-il  ?

 

Il avait pris la décision, pour sortir de son angoisse, de changer d'appartement,

Car, nous n'en avons pas parlé avant, pour ne pas alourdir cette affaire :

Il avait des voisins bruyants, particulièrement après minuit.

Cela se passait dans la salle de bains qui communiquait  avec la sienne…

Il lui était donc impossible de dormir à partir de cette heure-là.

Etant par nature non violent et par ordonnance médicale

Interdit de toutes contrariétés, il ne voulut pas entamer de discussion

Avec ces gens-là, qui sur le palier étaient des plus courtois.

Ce qui l'avait décidé à déménager,

C'est qu'il y avait un autre problème dans l'immeuble,

Le gardien.

Le gardien de son immeuble le lui avait fait comprendre,

Sans que cela soit dit très clairement, il lui avait fait comprendre

Que s'il l'aimait, en tout bien tout honneur, bien entendu,

"Si tu m'aimes, tu payes". Il fut très choqué par cette façon de faire de la part

D'un garçon qu'il avait engagé au noir pour quelques travaux à exécuter

Dans son appartement, genre retouche de peinture dans la cuisine,

Changement d'une rondelle de plombier,

Ouverture d'une fenêtre défectueuse et d'autre chose,

Dont le détail importe peu à la compréhension de la relation

Qu'il avait entretenu bêtement pendant les quelques

Mois qu'il avait habité dans cette citée.

 

Son psychanalyste avait-il une gardienne d'immeuble ?

Une gardienne peut-être pas, mais, une femme de ménage, oui.

Plusieurs choses avaient surpris notre ami dans cette aventure.

Persistait en lui une impression d'être entendu au travers de la cloison

Séparant le cabinet du médecin à son appartement mitoyen,

Son séjour ou une chambre, nous ne le saurons jamais.

Qui se cachait de l'autre côté du mur, qui écoutait ?

Bizarrement, à la fin des séances, la femme de ménage sortait en même

Temps que lui et descendait l'escalier comme de rien n'était.

Que cherchait-elle au juste ? Les mots qu'elle écoutait avidement

L'inspirait-elle ? Trouvait-elle qu'il y avait quelque chose d'inachevé

Dans ce dialogue entre son patron et ce client si intrigant ?

Mais, au fond, pourquoi s'était-il mis en tête

Qu'il s'agissait d'une femme de ménage ?

N'était-est-ce pas avant tout une femme ?

La femme de cet homme, pourquoi pas ?

Et même si elle était portugaise, pourquoi ce psy

Ne pouvait-il pas être marié à cette femme-ci?

Femme de ménage ou femme tout court,

Toujours est-il que cet homme avait bien le droit

De ne pas vouloir vivre dans la solitude.

 

Un jour, alors qu’il attendait devant son déca la

Bonne heure du rendez-vous, il vit passer son psy

Sur un vélo muni à l’arrière d’un siège pour enfant.

Il déduisit alors qu’il n’avait pas qu’une femme…

En dehors de ça, leur relation était plutôt bonne.

Sauf, qu’il y avait cette épée d’Amoclesse

"Ce n’est pas une affaire qui va durer dix ans"

Cela avait l’air de déranger le psy, non qu’il pensa

A son chiffre d’affaires, d’autant comme on l’a dit plus haut

Il payait ses consultations par chèque

Ce qui, dans cette profession, est mal vu depuis Freud,

Mais, pour une autre raison qu’il était difficile de cerner.

 

Il chercha à comprendre de quoi souffrait cette femme de ménage.

Il voulut en avoir le coeur net, mais comment faire,

Comment investiguer lorsqu’on n’est pas enquêteur professionnel ?

Quel moyen avait-il pour aller à ses fins, aller de l’avant ?

Un mot lui traversa l’esprit, comme cela, par hasard

Et ce mot était : « la lecture ». Comment et pourquoi avait-il fait

Cette association, voilà un mystère dont les psychanalystes, plut tard,

Auront à débattre, mais, pour l’heure, ne compliquons pas trop

Le discours et allons droit au but : l’hypothèse de base

Etait, que cette pauvre femme, venue il y a dix ans directement de

Lisbonne, sa ville natale, où sa maman se mourait de solitude,

Cette pauvre femme, qui dans l’escalier, descendait en même temps

Que lui, avait un secret qu’elle cachait à tous, même à son psy :

Elle ne savait pas lire. Mais, de cette histoire, n’en faisons pas un cas.

Chacun a son destin, tournons la page résumons.

Son psy était donc un homme, fort probablement marié, ou du moins,

En ménage avec une femme et tous deux avaient un enfant.

Bref, pas de quoi faire un roman.

Quoi que ! comme dirait Devos, quoi que, on ne sait jamais.

Qui vous dit que tout allait bien dans cette maison ?

Qui peut l’affirmer, la femme de ménage ? Non, soyons sérieux,

Préférons la rigueur, l’analyse à partir d’éléments concrets,

Mais lesquelles ? Prenons, si vous le voulez bien, l’exemple du vélo.

Pourquoi avait-il un vélo pour deux et pas une voiture pour quatre ?

 

Nous nous sommes rapprochés de Juliette pour en savoir un peu plus

Sur le comment il a pris cette histoire sur le plan intime.

Elle n'a pu nous en dire grand-chose, nous n'avons pas insisté.

Cette intimité qu'il éprouvait en compagnie de son psychanalyste

Durant cette courte période, dix séances c'est court pour une analyse,

Associée à cette femme de ménage écoutant au travers de la cloison

Étrangère de surcroit, et d'ailleurs, que pouvait-elle comprendre

Des subtilités intellectuelles des mots de ces hommes ? Tout cela,

Le dérangea à tel point, qu'il envisagea de mettre un terme à ces séances.

Il en informa son psychanalyste qui ne voulut pas entendre cette décision.

Ne fallait-il pas du temps, beaucoup de temps pour guérir ? lui disait-il

Et l'autre de rétorquer avec une logique implacable : mais, guérir, guérir,

De quoi voulez-vous guérir ? Bref, cette rupture ne fut pas facile.

Le moment de la fin était donc arrivé.

Il se sentit libre, du moins, pour ce qui concernait

Tous les mercredis après midi,

Il pourrait occuper son temps à d'autres choses,

Il remplacerait "ces paroles" par l'écriture

Et des promenades au jardin du Luxembourg.

 

Avec toi, c’est toujours, toujours la même chose,

Tu n’acceptes pas certaines choses relevant de l’évidence.

Les gens, ils ont le droit d’agir comme ils l’entendent,

De gérer leur vie à leur façon et de ne pas faire comme toi.

Chacun a sa vie, on ne l’a qu’une fois, alors, tes discours…

Bonjour.

Ca fait plaisir d’entendre ça de bon matin.

Ce que j’en disais, c’était pour le bien de l’humanité,

Des humains en quelque sorte, des jeunes en particulier.

Tu comprends, j’en ai rien contre lui, que veux-tu,

Il le fait en toute honnêteté, on ne va pas discuter là-dessus,

Et même, dire des poèmes, que veux-tu, tant qu’il y aura des poètes,

Il faudra bien des gens pour les larguer… Je peux, plus facilement,

Admettre qu’il le fasse dans un café autour d’un verre entre amis

Où même comme un spectacle avec tout le monde au même niveau,

Physiquement j’entends, autour d’un verre et la lumière autour,

Mais là, il est sur le plateau, tout seul, à faire son truc, et toi

T’es dans la salle obscure, tu sens bien que les gosses qu’on

A obligés ou presque, à venir voir Terzieff, ces gosses à qui j’ai

Demandé combien de fois ils sont allés au théâtre : trois fois

Et toujours avec l’école, alors, tu es tranquille, après ça…

Ils ne risquent pas d’y retourner tout seul.

 

Sans vouloir faire de fixation, pour revenir à Terzieff,

Tu sais à quoi j’ai pensé ? Je l’aime bien Terzieff, mais, tu vois

Je me suis dit qu’il faudrait faire place aux jeunes.

Il n’y a rien de très nouveau dans ce que tu dis là.

En plus, ce soir-là, il y avait deux spectacles, le sien

Et dans la salle d'à côté une pièce jouée par des jeunes justement,

Mais c’est lui que tu as préféré, tu n’es pas logique avec toi-même,

Alors comment expliquer son comportement ?

Tenez, par exemple, dans deux jours, il va y avoir

La fête de la musique, tu crois qu’il va sortir

Pour voir "les jeunes", être avec eux, promouvoir,

Aider les nouveaux… Pas du tout, c’est devant sa télé, son ordi.,

Qu’il passera la soirée… Et d’abord, il est claustro,

La foule on ne sait jamais, ça peut toujours mal tourner,

Sa mère, le lui a dit mille fois, fait attention mon fils !

Tout au plus, il ira à la Fnac, celle près de chez lui.

Il y aura des concerts toute la journée, il s'installera

Sur un siège bien confortable et sirotera du thé et du déca dégueux,

Le bonheur chez lui, ça peut avoir différentes facettes.

 

Tiens, prenons l’exemple de Johnny Hallyday.

Nous sommes dans une sorte d’entre-deux, à la lisière,

Où tu as un gars qu’a roulé sa bosse pendant quarante ans

Comme représentant de la connerie humaine au plus haut niveau.

Là, pardon, j’interviens, je ne suis pas d’accord, il y a pire !

Je te l’accorde, mais, enfin pourquoi n’accepte-t-il pas

D’aller faire ses courses, comme tout le monde, au monoprix ?

Tu l’imagines, sortant avec ses courses à Bourg-la-Reine,

Les gens, qu’est-ce qu’ils penseraient, quelle déchéance, le pauvre…

Les gens, c’est ça qu’ils pensent, les gens !

Oui d'accord, je ne dis pas que tu as tort, mais enfin,

Pourquoi qu’il ne pourrait pas vivre ce truc super de n’être rien,

Un quidam parmi les quidams,

Un homme réintégré dans le groupe, un homme normal quoi !

 

Tous les matins, il ressentait une certaine anxiété

De voir le temps passer trop vite, pourtant, ne se levait-il pas

À six heures pour prendre ses médicaments et le petit déjeuner

Car il avait faim à cette heure-là. Après la petite vaisselle,

Il se mettait devant son ordinateur et pianotait jusqu’à dix heures,

Heure de la sieste, du repos après l’effort, sieste obligatoire,

Sinon l’après-midi serait invivable, la fatigue prendrait une

Trop grande place dans le cadre des activités qu’il envisageait

D'activer pour la journée tant bien que mal, si tout allait bien.

Alors, vous comprenez bien, ce pauvre homme ne pouvait

Que ressentir de l’animosité à l’égard de ceux, qui comme Terzieff,

Pouvait agir sans se soucier de leur santé, vivre à loisir chaque instant

Chaque heure qui passe, avoir des projets et les réaliser sans être

En permanence dans le doute quant à savoir s’il tiendrait le coup

Après le repas du soir ou celui de midi.

Peter Handke et lui avaient ce point commun : la fatigue.

En dehors de ça, ils avaient d'autres points communs,

Mais pour l'heure, il nous est difficile d'en dire plus,

La censure, je m'en méfie comme de la peste.

Ce qui est surprenant, c'est qu'il se déclarait comme étant

Un homme heureux, du moins, pas malheureux. Il vivait

Année après année ce qui venait tout simplement,

En fait comme tout le monde.  Il avait donc pris,

L’habitude de toutes ces choses qui pour d’autres

Apparaîtraient comme invivables : il avait même profité de tous

Ces inconvénients pour en faire des avantages, le malin.

 

Le malin, le malin, c’est vite dit, comme vous y allez !

Non, non, à vrai dire, chaque jour était une épreuve, car,

Pour des raisons incompréhensibles, il culpabilisait

De ne pouvoir être utile aux hommes allant plus mal que lui.

N’y en avaient-ils pas partout, dans les chaumières, dans les rues,

Dans le monde tout entier ? Alors, nous nous sommes posé la question :

Pourquoi voulait-il que les  humains soient plus heureux ?

Comment ne pas être tenté de le qualifier d’utopiste.

À moins qu’il n‘eût été question d’autre chose, mais de quoi, alors ?

Vouloir voir les autres plutôt bien que mal est un sentiment honorable

Que personne ne contestera. Un jour, il cria : "j’accuse"

Ce n’était pas le premier « j’accuse » de l’histoire,

Il s’était arrogé le droit de plagier… mais, pour la bonne cause.

 

Si le mal appartient à tous, pour le bien en est-il de même,

Me demanda-t-il, samedi soir dernier, lorsque nous sommes allés

Ensemble dans ce bistrot branché de la Bastille.

Zurban l’avait conseillé pour je ne sais plus quelle raison

Le bien, le mal, je ne sais pas si c’est dans les conversations

Des  gens normaux, mais à table, gesticulant de partout,

Il comparaissait ces deux entités à deux autres

Qu’il avait l’air de connaître pour les avoir étudiés de très près.

Le bien et le mal c’est comme l’homme et la femme.

Tu parles que ça m’a inspiré toute la soirée, j’ai bu.

Garçon, un double demi, et pour moi et ce sera un vichy,

Pour lui un vichy. Merci.

 

Le bonheur, c’est quoi le bonheur ? Je ne sais pas très bien si les psys

S’en préoccupent beaucoup de ça, eux, c’est le contraire qui les intéresse.

De toute façon, si tu es bien dans ta peau, tu ne vas pas les voir,

Sinon, tu serais pris pour un malade, un fou qui sait ! Regardez,

Lorsque la maladie vous a bien déstabilisée, désocialisée,

Malgré tous les efforts que l’on peut imaginer, il reste toujours

Quelque chose du temps où vous étiez un tambour battant, un casse coup,

Un bout en train, un sportif… Mais bon faut pas exagérer,

Je ne parle pas pour lui, lui, c’est tout un poème.

Avec le temps vous apprendrez à le connaître mieux…

Pour l’instant, on peut affirmer qu’à coup sûr,

Cent pour cent, tout le monde veut passer à la télévision et

Vous savez pourquoi ?  C’est le lieu de toutes les excellences !

En dehors de la télé, t’es rien mon gars, un amateur,

Un amateur, j’t dis, aucune chance tu as.

Fonce, fonce garçon, médiatise-toi,

Ça ne se discute pas... Demain, j’y vais.

 

Il n’y a rien en dehors de l’Amour.

C’est ce qu’on dit, l’Amour,

C’est une marchandise sur lequel

Il ne faut pas cracher. L’amour,

C’est une rigole d’eau et si

Tu n’es pas sur le bateau, attention à toi,

L’amour ne te le pardonnera jamais.

Seulement voilà, on a beau dire, on a beau

Râler tout son mou, quand tu passes par là,

T’es comme tout le monde, tu bandes, tu bandes.

La vie c’est ça, le reste c’est de la littérature.

 

Il y a deux choses. La première, tu dois gagner des sous

Pour payer ton loyer, ta bouffe et le reste, la seconde,

Si tu es un artiste, soit-le, et in-challa…

Je ne sais pas si j’ai bien répondu à votre question

Mais j’ai essayé de synthétiser au maximum

Je ne peux pas faire plus court.

 

Je vois l’horizon de ton mal, ocre de ma vie,

Symphonie des grands jours. Veux-tu, futile tragédien,

Parcourir les contrées… Partir enfin !

Mais, partir où, quand et comment ?

La terrible, terrible condition humaine.

Et toi, toi Hermann, dis-moi, est-ce qu'il y ait des macs do partout?

Moi, je n'y vois pas d'inconvénients et si en plus c'est gratuit

Pour tous ceux qui crèvent la faim c'est super, mais je désespère

Hermann, comment allons-nous sauver le monde ?

Qui inventa le voyage, ce déplacement pour aller chez l’autre

Chercher de l’exotisme, sortir de son quotidien bancal,

Fuir les religions, toutes les religions, elles m’apparaissent

D’une telle dangerosité pour le monde, si tu savais.

Pas très original, votre discours jeune homme, car la question

Qui se pose depuis la nuit des temps, c'est comment gérer les masses

En dehors des religions et du sport ? Simple comme bonjour,

En se disant : l’homme n’est que matière. Un peu avant lui, de cela

On s’en doutait, seulement, ce qu’il apporta de nouveau en l’affirmant

Du haut de son mètre soixante qui n’en finissait pas de se rapetisser,

C’est d’en avoir apporté la preuve matérielle, par ces quelques mots

Résonants encore dans nos mémoires à tous : "après la mort, que reste-t-il ?"

 

Pour lui Houellebecq c’était comme Nothomb, de l’écriture

Comme il aimait. Probablement, pourrions-nous faire un lien entre lui

Et ces deux-là, mais, lequel ? Trois originaux, s’accrochant

A toutes sortes d’arts pour survivre, surement pourrions-nous dire ça.

Faire de l'art c'est intervenir, faire quelque chose d'original ou pas

Pour ouvrir sa gueule de macaque, imposer sa parole. Intervenir,

C’est sortir une part de sa matière pour la transmettre, s’en débarrasser.

Mais Houellebecq, où nous as-tu menés avec tes interventions ?

Pourquoi y avons-nous porté une telle attention ?

Est-ce dû à la magie de tes mots où à celle des médiats ?

Houellebecq, où es-tu maintenant, nous, qui ne te voyons plus

Te promener avec ton filet Monoprix rue de la Convention,

Dans le quinzième arrondissement.

 

En finir avec la misère, la misère d'ici, et celle du monde…

Si c'est comme ça que tu commences ta journée

Elle risque d'être gaie, je t'assure, sort, change d'horizon,

De domaine, lutte pour une cause réelle, pas chimérique, pas abstraite.

Les mots, les mots, il n'y a pas que les mots, mon petit,

Il y a l'action, avant, après les mots, ne reste pas assis

Le cul posé sur cette chaise, plié en deux,

Replié sur toi comme si le monde allait te tomber sur la tête.

Mets des chaussures et marche, marche ou crève, mais marche.

 

- As-tu remarqué que dans les pays pauvres

Les gens vivaient moins longtemps ? Sais-tu pourquoi ?

- Non, mais tu vas me le dire, je t'écoute !

- Ne te fous pas de ma poire de bon matin.

Eh bien, c'est que pour vivre il faut être motivé,

Avoir de la motivation, comme disait Julien Clerc.

- Ah bon, il a dit ça ?

- Oui, un jour en se brossant les dents.

- Et sans motivations, alors ?

- Tu meurs plus facilement.

- Peux-tu me donner ton avis sur une question que

Je me pose depuis toujours sans avoir de réponses ?

- Essayons, je ne promets rien, vas-y.

- Pourquoi la perfection n'est-elle pas de ce monde ?

- À brûle-pourpoint je répondrais ceci :

 Pour ne pas avoir de regrets le jour où il faudra s'en aller.

 

C'était à Deauville, elle s'appelait Fabienne, je l'avais connue

À la Samaritaire, puis pour les vacances on s'est retrouvé

À la piscine municipale. On s'est promené sur les planches,

On a foulé le sable fin, c'était l'angoisse, je voulais

Savoir qui j'étais, qui elle voyait en face d'elle ?

Je n'étais évidemment qu'un gosse, pourtant c'était,

L'époque de Johnny Halliday et de Sylvie Vartan, mais

Eux étaient plus délurés, plus dans le coup que moi.

 

Lorsque j'étais petit, pas bien grand en tout cas,

Une fois par semaine, j’allais dans une école, où

Nous occupions notre temps à nous reposer

Des classes ordinaires. C’est là qu’on me parla

Des choses de la bible, de Noé et du déluge.

C’est pour ça, probablement qu’un jour

Dans une librairie, je me suis trouvé devant

Ce bouquin format papier que je n'avais pas

Encore dans ma bibliothèque alors, alors

Alors, je n’ai pas hésité, je l'ai acheté. Aujourd'hui,

Il est toujours là à la même place et je vous promets

Jamais je ne le toucherai, c'est pour moi illisible !

 

Préparation du thé, deux tartines de pain beurre confiture,

Après quoi je continuerai la lecture de la métamorphose de Kafka :

Ce gros cafard dans une chambre avec sa famille, sa sœur, ses parents …

C’est comme un rêve, un cauchemar où l’on est soi tout en étant un autre.

Un peu plus tard dans la matinée, j’irai au marché faire quelques courses

Pour le week-end. Un enfant pleure de l'autre côté de la cloison,

Ce doit être les dents… c'est peut-être Godot.

Je n'ai pas terminé mon thé, il reste quelques gouttes,

Godot ne viendra pas. Pourtant, hier encore, il était là,

Et maintenant plus rien. Alors, évidemment, elle, souffre,

Comment pourrait-il en être autrement ?

A-t-elle fait tout ce qu'il fallait pour lui, lui et tous les autres ?

Elle ne peut faire autrement que de l'amalgame

C'est dans notre nature même, surtout lorsque tout va mal.

Parler de ça ou ne pas en parler, faire état de sa pensée collective

Ou passer à côté, louvoyer pour ne pas s’impliquer plus

Dans cette histoire inacceptable, car encore inexpliqué

Malgré les tonnes de livres, les tonnes de mots

Les kilomètres de films, les millions de photos.

Comment expliquer pour que cela devienne compréhensible,

Plus clair pour que plus jamais, cela ne soit du domaine du possible

Et nous devons reconnaître à certains d’avoir contribué

Pour que ça ne se reproduise plus, du moins, pas trop près de chez nous,

La condition Humaine.

 

Je ne sais ce qu’il voulait dire Malraux en écrivant ces mots-là,

Mais je sais combien on peut dire du mal de ce monde parce qu’on

Nous a mis là sans nous demander notre avis. On naît là, pas ailleurs,

Alors vos histoires de vies après la mort, je m’en bats l’œil.

Ce qui importe ce sont les gens avec qui je peux partager encore,

Un moment privilégié, le moins pénible que possible.

Bref, la condition humaine ce n’est pas toujours la joie,

Mais, on va faire avec. Bien le bonjour à Jeanne, j’espère

Qu’elle va bien et grosses bises à tous, sans rancunes !

Ecrire ses mémoires, je peux le comprendre, mais ses anti-mémoires,

Faudrait  probablement que je m’investisse dans ce livre

Pour éclairer ma lanterne. Seulement, ai-je envie d’investir Malraux ?

Rien n’est moins sûr et d’abord… C’était un militaire !

Quoi, qu’avez-vous contre ces hommes, ces femmes ?

N’ont-ils pas sauvé la France au risque de leurs vies ?

Alors, je vous entends, vous me dites, perdre la vie,

Mourir, mourir sur le front, c’est très romantique,

Motivant, plus que de mourir à l’hôpital en fin de semaine

Où il n’y a plus personne aux urgence, surtout à Paris.

Non, franchement, mourir ce n’est jamais très drôle,

Et puis, et puis, mourir, il n'y a rien de plus con.

 

Mais que cherche donc cet homme au sommet de l'échelle,

L'échelle de sa bibliothèque ? Si c’est en haut qu'il veut aller,

S’il prend le risque de se casser la figure, c’est qu’il veut y trouver

Une chose qu’on ne trouve pas en bas. Et cette chose, c’est quoi ?

Les humains, ces merveilleux homos sapiens,

Aiment à cacher secrètement, loin des regards enfantins,

Tous ces livres interdits qui excitent la libido. Et celui-là,

Aussi vieux, aussi savant est-il, il n’en n’est pas moins

Pour autant, un homme comme les autres : un sagouin.

Un sagouin anglais.

 

Cela se passe dans un de ces villages perchés

Au sommet d’une colline, comme il en existe

Beaucoup dans notre beau pays, la France.

À tous ceux qui viendraient à lire ces lignes

Et qui ne seraient pas de chez nous,

Je leur dis : bonjour, comment ça va ?

Installé confortablement sur un rocking-chair fait en rotin,

Façon provençale, ses pieds posés sur le rebord de la fenêtre,

Donnant sur l’arrière, de l’autre côté de la vue,

La belle vue sur la mer. Celle-ci donne sur la maison de

Jean Pierre avec le thym, le romarin, la lavande. Le tout

Sauvage, le tout naturel, comme lui l’était, lui et sa femme.

Assis, donc, avec ce livre, pas un autre,

Ce livre entre les mains, pleinement heureux avec les mots

De ces pages et derrière lui, l’être aimé en train de se reposer.

Le bonheur était à son apogée, heureusement,

Il y eut des lendemains…

 

Les Américains.

Henry Miller.

Les chapeaux de cow-boys,

Les films qu’on voyait à quatorze ans.

Les Sioux.

Je me souviens

Du chapeau de cow-boys

D’Henry Miller dans un film

Américain vu à quatorze ans.

Les Sioux…

Les Sioux furent tués par les cow-boys

Dans la plupart des films américains.

D'ailleurs, j’en ai vu pas mal,

Quand j’avais quatorze ans.

Chapeau, Henry Miller.

 

La voisine avait une expérience de la chose, alors, un matin,

Elle vint chez nous, dans la cuisine, pour nous montrer

Comment faire pour laver le bébé avec l’eau chaude

De notre Chaffoteaux et Maury, sans le brûler.

C’était une dame charmante, elle avait l’âge de nos parents,

Toujours prête à nous rendre quelques services. Son travail

À mi-temps chez Moulinex lui permettait, l’après-midi,

De se consacrer à la rédaction de son journal, sur une Olivetti

Très ancienne que son père avait trouvée dans la rue.

Quelques fois, vous savez comment on est lorsqu’on est jeune,

Elle venait chez nous, gratuitement, en fin d’après-midi,

Pour garder le gosse et nous permettre de prendre l’air,

Un café à Montparnasse, une bière à tout cassée.

 

Elle s’en souvient encore très bien. C’était un voyage

Epique, un moment privilégié dans sa vie de mère.

C’était comme les premières vacances d’une dame de

Cinquante ans. Il était temps que cela advienne. Rome.

Mais de ces souvenirs merveilleux qu’elle narre avec bonheur

Il ne me reste plus rien, sinon, quelques images de l’hôtel

Où dans la chambre j’avais passé trois jours,

Trois nuits à être malade comme un chien, la chaleur,

Je ne supporte pas la chaleur, alors je viens d’acquérir

Une machine à refroidir l'air, c'est fait contre la canicule.

Alors hier soir, un ouvrier que je connais très bien est venu

Pour me l'installer, gentil, il me dit me considérer comme un ami…

Cela ne me dérangea pas trop d’entendre cette connerie,

J’étais en forme, j’allais sortir, aller à Paris.

Pour le climatiseur, il fit une étude sérieuse et conclut

Qu’il reviendra demain avec une chignole et un tournevis.

L’idée me vint de lui offrir une bière sur le balcon où nous avons

Commencé une conversation sur le travail, les femmes, les enfants,

Rien de très intéressant… ça m'a fait perdre ma séance au cinéma.

 

Je suis enchanté de vous voir  revenir parmi nous.

Aujourd’hui, pour vous, les possibles s’amplifient

Encore que, avec la lucidité qui vous caractérise,

Votre enchantement, ne risque-t-il pas de durer

Plus de quelques jours. La nature est là,

Elle vous enveloppe, vous berce un peu

De sa sérénité tranquille, vous en  tirez des bienfaits,

Mais à trop de cette musique-là, ne devient-on pas

Et sourd et aveugle et muet, dites-moi ?

 

Allons, Alexandre, reprenons la route, courage,

Demain est un autre jour. Si lui s'appelait Alexandre

Elle s’appelait Nadja, enfin, à peu près, je crois,

Elle mettait son gosse dans un placard, comme

C’est la coutume, dans ces pays-là, quand on est

Fatma et qu’on vient pour nettoyer la maison,

Eplucher les légumes et repasser les chemises

Du fils, qui fait des voyages à l’étranger.

 

Nous n’avons jamais su si elle avait un mari.

Sûrement, en avait-elle un, puisqu’elle avait

Un enfant. De toute façon, comme disait ma

Grand-mère, ce n’est pas possible autrement,

Comment voulez-vous qu’elle eût fait ?

Ce n’était pas une Bretonne. Nous l’avons su

Rapidement : elle ne savait pas faire les crêpes,

Ni au froment, ni au sarrasin, son talent, elle le

Consacrait principalement dans la confection du

Couscous légumes, boulettes et poissons.

Chacun sa vie, que voulez-vous ?

 

C’est bien, lorsque les livres sont comme celui-ci

Un peu usés par les manipulations des lecteurs

Qu’on imagine successifs, ayant trouvé leur bonheur là-dedans,

Y revenant à plusieurs reprises pour voir

Ce miracle se reproduire. Le fait qu’il soit écorné

À deux endroits me dérange un peu, cela relève

D’un manque de respect pour le livre en général

Et ça, ce n’est pas bien, pas bien du tout.

C’est Jeannine la première à le dire lorsqu’elle prête

Un livre à quelqu’un : - Ne me le froisse pas !

Sacré Jeannine, on ne la changera jamais,

Elle et les livres, c’est un poème toute l’année.

 

Ce qui est surprenant dans ces portraits de Van Gogh

C’est qu’ils soient tous petits, nombreux, mais tous petits,

Pas autant qu’un timbre poste, mais enfin,

Pas bien grand en tout cas. Vous allez pouvoir

Le vérifier par vous-même, allons à Amsterdam,

Voir la peinture, écouter la musique, flâner dans les rues

Le long des canaux et les arbres en fleurs.

N’est-ce pas la ville préférée

De ceux qui aiment la liberté,

Les plaisirs de toutes sortes et

Les harengs gras salés ?

 

Nous lui dirons, car c’est notre métier de le lui dire.

Nous lui dirons qu’ici, c’est le monde des vivants,

Les morts n’ont pas à nous causer de soucis,

Ils ont eu tort de mourir, nous, on continue,

On vivra le plus longtemps que l’on pourra.

Nous devons être ceux, que tout le monde envie,

L’énergie dégagée par notre simple présence doit

Faire réveiller les plus malchanceux, les plus désespérés,

Enfin, nous dirons, que même avec une petite vie, une petite vie,

On peut toujours faire un bon plat, enfin, nous le dirons, mais,

Au fond, ne soyons pas ignorants des choses de la vie,

Nous savons, il y a une limite … encore faut-il savoir

Où la poser et ne pas se tromper. Seule la mer…

 

Tu sais combien j'aime à entendre ta voix

J'ai, parfois l'impression de boire un verre avec toi

Sur l'un de ces comptoirs où tu aimais te saouler avec des amis

Selon tes dires et non d'expérience puisque pour moi,

Rester debout pendant des heures, je ne peux pas, et puis en plus

Je n'ai jamais aimé parler avec les garçons de café, non

Que j'ai quelques animosités à leurs égards, mais, parler avec

Celui qui a pour intérêt de me faire boire, trop peu pour moi.

Te laisser parler de ton enfance c'est plutôt sympa de ma part

Car, si j'étais psychanalyste, je n'aimerais pas trop ça,

Je m'ennuie souvent dans cette situation, je préfère que l'on me

Parla d'aujourd'hui, de ces moments si difficile à cerner, mais,

Je suis de mauvaise fois, j'aime lorsque c'est gai, pas triste,

Pas genre replis sur ses malheurs, ses regrets : la nostalgie,

Quelle horreur. J'aime quand tu dis avoir été malin dès ton plus

Jeune âge, je n'en doute pas un seul instant : tu ne cesses jamais

De nous faire marcher, de nous manipuler à ta convenance...

Avec notre complicité, évidemment, ce qui est l'extrême perversion.

 

Ça y est, tu te mets encore à pleurer, je ne peux rien dire,

Reste un peu, nous irons nous promener là-bas sur la colline,

Loin de la ville. Nous serons seuls et avec de la patience et

Quelques mots, tu seras consolée, apaisée, je l'espère.

Rien n'est plus ridicule que ces histoires à faire pleurer Ginette,

Qui n'a pas besoin de ça, surtout depuis que Gilles est parti,

L'a quitté sans lui laisser son nouveau numéro de portable.

Gilles, je l'ai connu lorsqu'il aimait Ginette, au début,

C'était la fête tous les jours, même qu'il m'invitait pour me parler d'elle,

De l'avenir, des projets qu'il avait pour elle. Il l'a voulait actrice de cinéma,

Il est formidable ce gars, il a rencontré une autre fille, alors...

 

- Au début, il se sentait coupable de ne pas lire

En entier, les livres qu’il achetait. C’est à partir de là

Que commença sa réflexion sur la culpabilité.

- Et qu’en a-t-il déduit ?

- La culpabilité était mauvaise, elle provoquait

Un blocage sur l’individu et pouvait même l'inciter à agir

Contrairement à ses propres intérêts…

- Ne faut-il pas se sentir coupable pour avoir le pardon ?

- Oh quelle horreur, il n’y a pas de pardon, tu dois payer.

Mais, en fait, pour lui la culpabilité est un signe,

Un clignotant révélant une réelle difficulté à gérer quelque chose.

Prenons un exemple, le fait de ne pas aller au bout

De sa lecture d'un livre le culpabilisait énormément.

- Et pourquoi cette difficulté à dévorer les livres ?

- Peut-être lisait-il trop lentement ?

 

Dans le fond, qu'a-t-il essayé de démontrer ?

En 1993, lors de l'exécution d'un de ses nombreux tableaux,

Qu'il avait nommé "le noyau central", il  s'était rendu compte

Qu'il agissait non seulement en tant que peintre, mais aussi et surtout,

En tant que chercheur, et il se souvint d'un mot de Jean Luc Godard

Demandant aux institutions de le reconnaître comme tel, et avait demandé,

Comble de sournoiserie, un salaire, aussi minime soit-il,

Un salaire de reconnaissance. C'est là qu'il comprit

Cette chose essentielle sur Godard : il entretenait un tel

Sentiment d'infériorité qui l'obligeât à devenir ce qu'il était...

Mais, trêve de plaisanterie, il désirait réellement trouver

Des choses qui permettraient de soulager un peu

La souffrance des hommes, surtout sur le plan psy.

Il alla voir tous les banquiers de la ville Chartres

Pour leur demander une subvention, afin de continuer

Ses recherches. On ne le prit pas au sérieux,

Certains même l'on considéré comme anarchiste,

Et quand il disait qu'il était peintre aussi,

C'est là qu'ils le foutaient carrément à la porte.

Heureusement, la chance était avec lui, et malgré

Toutes les difficultés qu'il rencontra sur sa route,

Rien n'y fit, la peinture persista et il continua...

A faire chier le monde avec ses croutes et ses théories.

Plus tard, il découvrit Internet et décréta humblement,

Que c'était là l'endroit idéal pour s'exprimer librement.

Au début, il tâtonna, ensuite...

Parfois, de Chartres, histoire de faire passer le temps,

Il allait à Illiers, visiter cette petite maison qui sentait

Le renfermé, tenue non par des chiennes de garde,

Mais par des dames très biens en tout. Que Dieu soit avec elles.

A la deuxième visite déjà, il se fit remarqué par l'une

D'entre elles, dès son entrée dans ce home de la mémoire.

A l'époque, faut-il le rappeler,  il n'envisageait pas encore

De faire l'inventaire de sa bibliothèque. Ce qu'il voulait,

C'était, avant tout, aller voir et revoir le jardin de Léonie,

Un jardin plus calme que le sien, qui lui était situé

Au bord de l'autoroute. Cette femme donc,

Qui l'avait donc remarqué, s'était mise en tête,

Qu'elle avait à faire à un dandy, un proustien né.

Tu parles, de Proust, comme à l'habitude,

Il n'en avait lu que les cent premières pages...

 

Tout cela ne faisant pas venir l’argent, d’autant

Que les banquiers de Chartres persistaient dans leurs

Radineries à son égard, alors qu’il fallait nourrir Ginette,

Qui à l’époque était au chômage. Un après-midi il se mit

À dormir histoire de faire un rêve réparateur, car, c'était son idée.

La fonction essentielle de cet évènement biologique universel,

N'était rien d'autre qu'une sorte d'auto-thérapie permettant au réveil

De pouvoir continuer à vivre malgré tout, et quand

Il disait ça, ce n'était pas pour rien... le pauvre.

Avec le temps, des rêves, il en faisait de moins en moins,

Les tableaux et l'écriture les remplaçant largement, sauf

Quand il avait eu à vivre des choses désagréables dans

La journée et qu'il fallait vite les convertir en images,

Qu'il avait pris l'habitude d'interpréter à sa manière.

Heureusement, comme tout grand homme,

De l'avis des autres, il n'en faisait pas cas, pas trop,

Ce qui parfois, posait quelques problèmes dans les relations

Qu'il pouvait encore avoir avec certains, mais malin comme

Deleuze, il arrivait toujours, ou presque,

À se frayer un chemin dans le labyrinthe des embuches humaines.

 

Son temps, il l'employait comme il le pouvait.

Le matin, réveil, le soir, coucher.

Comme tout le monde me direz-vous,

Et là vous avez raison,

Comme tout le monde...

Tout le reste, n'est que détail.

Et ce détail, il passait la plus grande partie de ses journées

A lui donner sens, comme disent certains psychanalystes.

Peut-on donner sens à ce qui n'en a pas ?

Voilà la question qu'il proposa pour le Bac.

Personne, à cette époque-là, ne le prit au sérieux,

On lui demanda tout simplement de revoir sa copie.

 

Je ne vais pas vous faire un pataquès sur les Américains,

Mais, pour moi, ce sont des extras terrestres.

On oublie trop souvent qu'on n'est pas obligé de faire comme eux,

Sous prétexte qu'ils sont puissants avec leurs grandes gueules,

L'argent, le fric, le cinéma, genre, j'écrase tout sur mon passage,

C'est moi le plus fort, poussez-vous, et voyez, peuples de partout,

Ce que nous faisons avec notre force, la guerre c'est notre affaire,

Nous n'avons peur de rien ni de personne. Et puis vous,

Avec votre Europe, prenez garde à vous !

 

Vous m'avez dit, un jour, qu'il y avait du Perec en moi.

Bien sûr cela m'a flatté, vous savez combien je l'ai tant aimé.

Seulement, entre lui et moi des montagnes nous séparent,

Lui c'est l'intelligence poussée à l'extrême, sa maîtrise de la connaissance,

C'était un virtuose du savoir, alors que je ne suis rien d'autre

Qu'un essayeur, un papillonneur, un touche à tout.

C'est ça qui nous diffère, une paille. Ceci étant,

Il est vrai qu'il y a des points communs entre nous,

Mais, en faire la liste, je vous l'avoue, me fatiguerait.

Alors, si un jour vous le rencontrez, demandez-lui

 

Mon rêve eut été d'entrer immédiatement dans ce livre,

Le sujet est l'objet de toutes mes recherches obsessionnelles,

Mais ce ne fut pas le cas... Probablement trop compliqué,

Pas assez abordable pour celui qui n'a pas le langage

Qu'il faut pour cela. Alors que faire ?

Ne pas baisser les bras, tant pis pour ce livre,

Tant pis pour toutes les autres chienlits.

L'essentiel est ailleurs, il faut continuer sa route,

Telle qu'elle se trace elle-même, avec mes outils,

Pas ceux des autres, les miennes, qu'il faut entretenir

En permanence dans la joie et non la tristesse.

 

Tu as toujours eu envie de monter cette pièce

Tu ne m’en as parlé qu'il y a quelques mois.

Tu m’en as point violemment imposé sa lecture,

Tu me connais, n’est-ce pas ?

Tu m’as laissé libre de faire à ma guise,

Tu ne m’as rien dit de cette passion pour Emilia Galotti

Tu entretenais en cachette ce désir en toi.

Tu vas, j’en suis sûr, trouver la force, le courage,

Tu chercheras l’argent qu’il te faudra pour nous la montrer

Tu auras la patience qu’il faudra

Tu sauras agîr le moment venu, en attendant, mets ton

Tutu et va danser au profit des associations de France.

 

Froussard comme je suis, je n’irai jamais dans un pays en guerre.

Je me souviens, j’étais tout gosse, dehors, dans la rue,

De l’autre côté de la maison où nous habitions,

Nous avions fermé la porte d’entrée à double tour,

Et pour nous protéger de l'extérieur, nous avions mis

Des chaises pour être bien sûr que personne ne puisse entrer.

Dehors, il y avait une révolution, pas la guerre,

Du bruit, de la violence, des hommes très en colère.

Que faire lorsque les hommes sont dans cet état-là,

Où aller, où fuir, quand tout est fermé, du dedans, du dehors ?

 

Je n’ai jamais été amoureux de Michel Houellebecq,

Mais de sa littérature, ça oui. Comment l’ai-je connu ?

Comme cela, par hasard, mais tout de suite j’ai aimé

Ce mec qui en faisait beaucoup, certes, mais lorsqu’on 

A du talent, ce n’est pas grave, quand c’est bon, c’est bon,

Ensuite, je l’ai mis de côté, surtout lorsque les médias

Se mirent à l'envoûter, à le prendre en otage.

 

L’idée que Dieu existe est une grande idée, d’ailleurs,

Je ne suis pas le premier à le penser, d’autres avant moi,

S’y sont cassés les dents corps et âmes. Heureusement,

Ce n’est pas mon cas, mais mon cas, ce n’est pas une référence.

Si je vous parle de Dieu, c’est que je me posais la question

D’à qui était la faute de notre incapacité à gérer le monde.

Et là dessus je fais un rêve où l’abbé Pierre me dit :

Tu sais un jour, il faudra bien mettre les choses à plat,

Les pauvres, ça ne peut pas durer éternellement comme cela.

J’étais assis dans un très beau jardin avec pleins de fleurs

De toutes les formes, toutes les couleurs, un puit,

Une charrette abandonnée, des cerisiers aux noyaux sans chair,

Des oiseaux autours et moi j’étais là, j’attendais patiemment

La venue du facteur, du courrier, des colis, j’étais bien tranquille.

 

Eh ! Raquin, c’est quoi cette racaille ?

J’ai la photo où tu embrasses comme une pute,

Non, mais, t’as pas honte, dans la rue, en pleine lumière,

Pense donc, il peut y avoir des gosses

Après le turbin, s’ils voient ça, ils risquent

D’en vouloir aussi, alors, tu nous mets dans de

Beaux draps avec tes conneries de chienne.

Zola, il devrait réfléchir avant d’écrire, tu l’as vu

La  semaine dernière à la télé, je te jure c’est

Pas possible un mec comme ça, la tignasse

Qu’il se payait pour dire ses salades et puis

Poivre d'Arvor le questionnait comme si

C'était le maître du monde, j'te jure !

Je me demande si je vais continuer mon

Abonnement au câble.

 

Il y a deux ans, je m'étais acheté presque tout Perec

Et sur mon balcon, sérieusement, je me suis mis à le lire

Attentivement comme un étudiant, un passionné, un chercheur,

Un gars sérieux qui s’applique à son travail, et tout ça,

Pour essayer de mémoriser son œuvre. Je l’ai fait avec méthode,

Jonglant comme il se doit d’un livre à l’autre, je jubilais pas mal,

Perec, j’aime bien, c’est un de mes préférés. Un jour, je pourrais dire :

Voilà, j’ai fait quelque chose de ma vie : j’ai lu Perec, mais,

Comme vous pouvez l’imaginer, me connaissant déjà,

Je n’en ai lu qu’une infime partie, le reste est à faire.

 

Je viens d'apprendre que Pérec n'écrivait jamais

Deux fois le même livre. Je l'en félicite,

C'est le meilleur choix à faire lorsqu'on est

Dans un processus de création. C'est trop facile

De se reposer sur une trame déjà explorée

Alors qu'il faut, c'est crutial, je vous le dis,

De toujours aller au charbon, tâter le hasard,

Pour découvrir de nouvelles voies.

Faut savoir prendre des risques ! Sacré Perec,

Au fond, il était un peu comme moi.

 

Oui, varions, varions,

C'est ça, qu'elle disait tout le temps

Varions la vie, bordel. On le sait qu'on va mourir,

Alors, tant qu'à faire, varions, chié, merde.

Elle avait parfois un vocabulaire à faire sursauter

Son ex-époux, mais ce n'était pas de cela dont ils

Ont souffert le plus: lui ne buvait pas, c'est là le

Vrai différent qu'il y avait entre eux...

On a tout essayé,même la psy, mais rien n'y fit,

Elle voulait toujours varier...

Pour elle, la variation avait quelque chose de la

Méditation, celle que l'on dit transcendantale,

Moi, tout ça c'est du chinois, j'aime pas varier,

Tous les jours, je m'édite autrement.

 

Pérec à fait trois psy, avec trois mecs différents,

Et toujours ce fut pas terrible, d'après ce qu'on en dit,

Mais dans le fond n'a-t-il pas réussi à écrire ?

Alors, de quoi se plaint-on ? Hein, dites ?

Regardez-moi dans les yeux ! Imaginez.

Vous êtes psychanalyste, confortablement installé

Dans votre fauteuil et lui est allongé sur cette banquette

Mise en scène façon Freud, pour faire sérieux,

Pas de blague, c’est 80 euros maintenant la séance.

Vous êtes là, un là un peu flou, le flou de rigueur, classique

Et, vous entendez, la preuve que vous ne dormez pas,

Pas cette fois-ci du moins, ces quelques mots sorties de sa bouche :

"Je suis né" puis, grand silence. Attend-il une réaction de votre part ?

Un conseil, ne bougez pas, attendez la suite,

Si rien ne vient, tant pis pour lui,

Cette séance n’aura servit à rien,

Comme d’habitude.

 

Tu n’arrives pas à jouer gratuitement, comme ça pour rien.

Tu le dis souvent ça, tu ne peux pas, tu es trop sérieux.

Pourtant, tu aimes perdre ton temps à ne rien faire,

À le laisser passer comme la Seine coule sous les ponts,

Tu galères avec les mots, tu cherches ton plaisir avec,

Tu y arrives maintenant, cela s’entend, enfin, je crois.

Déjà, lorsque tu étais gosse c’était comme ça,

Les soldats de plombs, les trains électriques,

Ce n’était pas pour toi. Toi, tu avais ta maman, et elle,

Elle avait autre chose à faire dans la vie, bordel !

Une pauvre femme avec cinq gosses, un mari…

 

Que veux-tu faire comme métier plus tard ?

Je ne sais pas moi, Madame, je suis bon en calcul,

Mais pas en français, alors, peut-être pourrais-tu envisager

La comptabilité, c’est bien les chiffres, tu aimes les chiffres ?

Oui, c’est pas mal, mes parents aussi disent comme vous,

La compta c’est un bon métier.

Je ne savais pas à l’époque que Pessoa aussi avait suivi

La même route que moi, mais lui a persisté, il a fait toute sa vie.

La compta ça mène à tout, c’est pourquoi je la conseille

À tous ceux qui ne savent pas quoi faire dans la vie,

Tu alignes des chiffres dans des colonnes et le total doit

Etre égal à l’autre total horizontal, tu ne comprends pas,

Ce n’est pas grave, le calcul ce n’est pas de la littérature.

 

A y réfléchir de près, faire les comptes des autres

C’est très divertissant sauf si tu as une salope au-dessus

De toi qui te stresse la vie… Si ce n’est pas le cas,

C’est très instructif, tu fais, par exemple, le relevé

Des notes de frais des restaurants de ton patron et de ses cadres,

Les salauds qui bouffent en un soir le montant de ton salaire,

Parfois avec eux tu fais le voyage lorsqu’ils vont pour affaire en Suisse

Avec leurs petites amies et te ramènent les bons de caisse

A enregistrer sur le livre des dépenses de la société ...

 

Lorsqu’il a travaillé pour moi, il y a deux ans, il était en pleine dépression,

Il ne le disait pas, mais ça, on le sent tout de suite, alors, lui et moi,

On a parlé, pas mal, pas si souvent en fait, mais pour je ne sais quelle raison,

Nos rencontres, qu’elles furent pour un travail d’électricité ou de peinture

À faire vite fait, comme ça, je n’insiste pas là dessus, passons, bref,

J’arrivais à lui donner envie de s’engager dans la vie, de prendre son gosse

Qui était avec sa mère à Lisbonne, que même, elle voulait partir

Avec un homme, je ne sais où, au brésil je crois. Une histoire de fous.

Maintenant, l’été, il a les moyens d’aller là-bas pour les vacances,

Chez sa mère, une Portugaise qui a préféré rester au pays.

La France pour elle, ce n’est pas des gens bien, elle le lui a dit l’année dernière,

Que lui, du coup, il a eu envie de tout lâcher pour rester vivre avec elle,

Alors, c’est là que je me suis permis d'intervenir

Pour lui dire de bien réfléchir avant :

Les dépressifs c’est toujours prêt à tout abandonner au moindre truc.

Sinon, Maria va bien et te passe le bonjour.

 

Lorsque j’étais jeune adolescent,

Cherchant ma voie dans les choses de l’art et

À l’époque, c’était le théâtre, je ne sais qui

Avait utilisé de sa séduction pour me conseiller

De lire « Les lettres à un jeune poète" de Rilke.

J’avais donc lu ce livre sous je ne sais quelle

Influence, quelle autorité et conditionné comme je l’étais,

J’avais trouvé ça plutôt pas mal, mais

Plutôt pas mal, sans plus.

Puis, quand j’ai voulu lire d’autres choses de lui,

Je trouvais ce gars puant de suffisance

Se prenant pour je ne sais qui et

Pour revenir aux impressions de ma première lecture :

Comment pouvait-il parler ainsi à un pauvre garçon

Sans expérience qui buvait, du moins on le suppose,

Les mots du maître comme s’il s’agissait d’une

Liqueur des Dieux ?

 

Si j’avais du courage, j’irais chercher dans un de mes placards

Une grosse boite d’archives où il y a des vieilles lettres,

D’un été de 1989. Nous étions dans la maison du petit fils

À Karl Marx, les amis étaient tous là, nous buvions du thé,

De la bière dans le jardin, c’était la joie de vivre, le bonheur,

Puis, il y eut des problèmes, une histoire d’amour, une sale rupture :

Il y avait quelqu’un d’autre… Vous connaissez aussi je suppose,

Mais contrairement à vous, il n’y avait pas de jalousie de ma part,

J’ai eu droit à de la correspondance, seulement il fait trop chaud

Pour remuer tout ça, alors remettons cette confidence à plus tard.

 

Ce que je peux rajouter concernant cette histoire,

C’est qu’il y avait une question de porte,

Qu’elle devait toujours être fermée et cela m’agacait

À tel point qu’un jour il y eut une Bagarre entre nous,

Pas un bagarre genre Bertrand Cantat et Marie Trintignan,

Non, C’était plutôt gentil, j’ai tellement horreur de la violence…

A-t-elle eu une enfance difficile comme nous tous ?

Je crois me souvenir que son père était chapelier,

Elle portait très bien les chapeaux d'ailleurs, sauf le jour

Où elle se mis en tête de me présenter celui

Qu’on appellera mon rival. Je n’ai pas craché le feu,

C’était l’été, l’été de la canicule. Maintenant, elle est loin d’ici,

Avec lui, enfermée comme une chienne à l’attendre toute la journée,

Parce qu’il travaille et elle pas. Je me demande parfois,

Si elle est consciente d’avoir fait le mauvais choix ?

 

Chaque auteur qu'on gardera sera considéré comme un ami, un être cher,

Une personne avec lequel nous allons cohabiter en permanence,

Il est donc impératif d’être sélectif sinon ça risque très vite

De devenir un bordel dans votre propre harem.

                          

Même si tu me proposais de vivre dans un superbe

Un appartement à New York, c’est décidé,

Je reste chez moi, je ne bougerai pas,

Je n'irai pas là-bas cohabiter avec toi, tant pis,

C’est à toi de voir. Si j’ai fait un tel choix,

Prenant le risque de te perdre à tout jamais,

C’est qu’au fond, je sais, un jour ou l’autre,

Notre histoire aura une fin, alors, pourquoi

Reporter à plus tard ce qui doit arriver …

Certains diront, je les entends déjà :

Oh mon Dieu comme tu as changé,

On ne te reconnaît pas, toi qui, par le passé,

Pour une histoire sentimentale, tu te serais jeté

Corps et âme dans la scène de la vie des hommes

Proférant à qui voulait bien les entendre, tes mots,

Tes éternels mots de passions folles et amoureuses,

Et de ça, je m’en souviens comme si c’était hier !

 

Sollers, on n’y coupe pas, c’est le mari à Kisteva.

Alors, que voulez-vous, ne serait-ce que par correction vis-à-vis elle,

On ne sait jamais, si un jour, elle venait à la maison et que par pure

Curiosité son œil venait à se porte sur ma bibliothèque ou,

Si par mégarde, elle tombait sur ce site confidentiel,

Je me sentirais franchement très mal à l’aise si elle me faisait

Une remarque du genre :

- Tiens vous n’avez pas du Philippe chez vous ?

Alors, alors voilà toute la vérité, sur Sollers, comment dire,

S’il était en banlieue, franchement je préfèrerai pas trop le fréquenter,

D’ailleurs en général, maintenant, j’évite de fréquenter qui que ce soit,

On ne sait jamais sur qui on tombe, alors je me dis,

Qui veut durer longtemps préserve sa monture…

Mais revenons à notre bonhomme, homme de lettres et de télévision,

Ce se marient assez bien, pour ne pas dire sont indispensables,

Pour celui qui a les dents longues … bla-bla-bla

Je  vais encore être mauvaise langue, je me tais !

-Mais enfin pourquoi achetes-tu encore un livre de Sollers ?

-Ne te mets pas en colère, je vais te le dire.

 

Oui, c'est bien ça, bien là, place Saint Sulpice, où

Une fois l’an s'exposent tous les éditeurs sur le point

De faire faillite pour avoir poussé trop loin leur passion du livre.

Alors si vous êtes éditeur, le livre peut vous mener loin,

Surtout si l’argent n’est pas ce qui vous intéresse le plus,

Déjà là, c’est sûr, vous aller droit au mur.

Mais pourquoi je vous dis cela ? Fais-je du remplissage ?

C’est bien possible, on est lundi, on démarre la semaine…

Sinon, j’espère que votre week-end n’a pas été trop mauvais

Avec les repas familiaux, la piscine, la plage, le sable

Qui colle aux doigts de pied, les satanés gosses qui n’arrêtent pas…

Je viens d’apprendre que Christophe Tarkos était handicapé.

Ce n’est pas une tare, mais un état, un métier comme disait

Notre ami l’espagnol, métier : handicapé.

Je ne sais si l’on guéri de quoi que ce soit,

Ce que je sais c’est que l’art accompagne bien la maladie,

Il lui donne le moyen de sortir de soi, ce soi refusant.

Mais refusant quoi ? on ne sait pas et au fond,

Ce n’est pas si important de le savoir…. Mais, tout ça,

Ils l’ont déjà avec la télé qui traite de tous les arts,

Alors, de quoi te plaints-tu ? hein ?

 

Madame Verdurin n'était pas entrée de la nuit, son mari,

Monsieur Verdurin ne s’était aperçu de rien, le somnifère

Avait fait son effet de bœuf sur l’homme, la femme, elle,

Avait perdu les pédales dans une boite de nuit, "la cage"

Où elle fit la connaissance de plusieurs jeunes gens dont

Marcel Proust d’Illiers Combray, ville pas trop loin

Du château d’Art-psy, qui lui, était du côté de Chartres.

Cette nuit-là, la belle voulait enfin connaître l’amour,

L’amour fou, pas celui des familles, celui des chiens,

Des veaux, celui des bas-fonds, des bas quartiers.

Elle tenta le diable et le trouva en la personne de Gilberte,

Serveuse de bar en quête d'aventures …

 

L’autre jour, j’étais attablé à la terrasse d’un café, une brasserie,

A l’angle de la rue Daguerre et de l’avenue qui mène à la

Porte d’Orléans, j’avais fait mes courses au monoprix d’en face.

A la terrasse, trois hommes, l’un d’eux parlait assez fort,

Comme c'est souvent le cas lorsqu'on est à plusieurs, mais, là,

C’en était un qui avait de la tchatche et en plus un public : deux mecs

Dont l’un n’était pas moins que Monsieur André Glucksmann.

Le sujet de la conversation tournait autour de la peinture,

Ce qui justifia que je tendisse l'oreille, ils parlaient des vernis

Et des sales marchands qui vous vendent de la merde…

Puis, il a été question de renouveler la boisson, de la bière,

A ce moment-là, du moins j’en ai eu l’impression, il y a eu

Quelques paroles grivoises qui les a fait rire pas mal, surtout,

Le macaque, bien sûr…

Si je vous raconte tout ça, c’est qu'André me fait penser à Marc,

J’ai connu ce  garçon-là lorsque j’avais dix-huit ans, j’étais beau, merci,

Et lui aussi, je l’ai perdu de vue, il habitait chez ses parents,

Rue Lacépède, à Paris.

 

Je n’ai jamais fait de CV de ma vie.

Si vous voulez rester au chomage, le CV c’est génial.

Si vous cherchez un emploi, c’est facile, enfin pas si facile que ça,

Mais voilà un remède, un mode d’emploi.

Tu prends la rue de Rennes à Paris, si tu es dans une autre ville,

Il y a probablement une rue de Rennes aussi,

Mais ne nous égarons pas, c’est déjà assez compliqué comme ça,

Les histoires de travail. Donc, tu es au n° 1 de la rue de Rennes

Et tu entres dans toutes les boutiques, tu visites tous les bureaux

Pouvant te proposer un emploi avec à la clef un salaire pour survivre.

 

 

Pourquoi avez-vous tant de haine à l'égard de l'école ?

C'est principalement qu'elle dégoute de la culture.

Croyez-vous que cela a une si grande importance, la culture ?

Oui, une importance capitale !

Mais, la culture tout le monde en a une

C'est vous qui l'avez dit le premier !

De plus, les livres, par exemple, n'isolent-ils pas,

L'individu par le plaisir solitaire qu'il y prend ?

Exact, mais...

Mais enfin quoi, dites ce que vous avez à dire,

Sinon, j'appelle la police, moi !

 

Mon cher Jacob, j’ai préparé ta chambre…

M’a-t-elle écrit la semaine dernière.

Nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps,

Rien à priori ne devait éveiller chez elle mon bon souvenir,

Rien, sauf cette information de Roberte, toujours elle

À se mêler de ce qui ne la regarde pas, comme quoi

Elle se tâte à devenir la maîtresse d’un autre homme

Que moi. Cela m'a surpris, mais enfin, la nature est ainsi faite,

Rien ne doit nous surprendre, que voulez-vous ? Cette chambre,

Je m’en souviens, j’avais refait le papier peint en toile de Jouy

Bleu gris, j’avais trouvé ça chez Castorama, d'autant

Qu’il y avait une promotion sur le Jouy…

Jacob n’est pas mon vrai nom, celui qu’on utilise tous les jours,

Le mien, mon père l’avait oublié le jour de ma naissance

Devant la dame de l’état civil. Un sacré émotif mon père !

 

Première version :

Ma chère Yourcy,

Je viens d’apprendre par  Gérard, votre mécontentement

Concernant mon intervention d’hier sur Internet au sujet

De ma décision de vouloir me défaire de vos livres.

Je ne sais pourquoi votre réaction a été aussi vive.

N’est-il pas naturel, à partir de la cinquantaine,

De commencer à faire le deuil, petit à petit,

Des choses qui vous sont quelque peu étrangères, pour

Arriver à se défaire de tout, je veux dire lorsqu’on arrive,

Comme vous, à la sagesse ?

Deuxième version :

Ma chère Yourcy,

Je viens d’apprendre par Gérard, votre très grande satisfaction

Au sujet de ma décision de donner vos livres à la bibliothèque.

J’ai su par lui votre admirable mot sur votre œuvre, vous lui

Avez dit qu’en fait vous n’en aviez rien à foutre et qu’actuellement

Vous aviez d’autres amis que moi et qu’il était préférable que

Je vous laisse tranquille. Il m’a fait part, également, et cela

M’a beaucoup surpris de votre part, de votre intervention auprès

De  l’agence qui s’occupe de l’Académie des hommes, pour leur

Interdire toute velléité de ma part de vouloir entrer dans cette maison.

 

L’installation s’est faite sans problème majeur.

Nous avons arpenté le plus silencieusement

Les marches qui menaient au premier étage,

Et là, mon père, qui n’avait pas le sourire aussi

Doux que celui de Victor Hugo, mon père, donc,

Prit la clef ouvrant la porte de notre nouvelle demeure,

Un trente-six mètres carré pour cinq, avec la télé dedans

Et les trente-six chandelles de Jean Nohain,

Que si tu ne connais pas c'est tant pis pour toi.

Cette première nuit, nous l'avons passé à dormir dans le noir.

Une peur terrible nous tenaillait au ventre,

Je ne sais plus trop bien pourquoi…

 

Tu me l’as donné, ou plus exactement

Tu l’as mis dans le coffre de ma voiture,

Tu m’as dit de ne pas le lire, au bout d’un certain temps,

Un mois, je crois, je l’ai mis dans ma bibliothèque

Sans me soucier de rien, un peu comme s’il s’agissait

D’un des miens. Il est donc là, il t’attend et même au-delà d’un an et un jour,

Tu peux compter sur moi, il est à toi et le restera pour toujours.

Mon amour.

 

Camarades debout, aujourd’hui est un grand jour,

Le premier de l’année scolaire, celui des bonnes

Résolutions, celui où tout doit être dit, je commence.

Ici, la loi n’est pas celle de la rue. Dans l’enceinte de ces murs

Rien ne vous sera interdit, vous aurez tous les droits,

Sauf ceux qui risquent de déranger un autre que vous.

Nous  parlerons, donc, tout au long de cette année,

De cette liberté qui vous est encore consentie,

Ce sera notre programme et si quelqu’un

À quelque chose à dire, qu’il le fasse sans lever le doigt.

Aujourd'hui nous allons parler du Pape à Lourdes.

Pour lui comme pour beaucoup d’entre nous, cette ville

Est associée aux miracles de toutes sortes. Alors, lui,

Malade aussi, qu’est-il allé cherché là-bas ?  La guérison ?

 

Nathan, attends, je reviens dans un instant

Je vais voir s’il y a des moules en bas, sur la plage,

Reste près de Sophie, c’est ça, tu n’es pas seul,

Après, on ira manger des huîtres, tu n’aimes pas,

Des frites, des pâtes, d’accord, ne pleures pas,

Attends, Nathan, maman reviendra un jour, je l’ai eu

Au téléphone, elle te fait la bise, elle est à Paris,

Elle travaille, crache ce que tu as dans la bouche,

Ne fais pas cette mine, on est en vacances !

La différence entre les filles et les garçons,

C’est ça la question qu’il pose très souvent.

Il n’arrive pas à comprendre. Alors, nous sommes

Allés chez un psy, il n’a rien trouvé. Normal que tu es,

A-t-il dit au sale gosse. Faudra pourtant bien trouver une solution.

On ne peut pas rester comme ça, tout le temps

Dans le doute sans savoir s’il est comme tout le monde ou pas.

Nathan, ne pense pas à l’école pour l’instant

Nous sommes en vacances, profitons-en,

C’est pas la peine de nous faire du souci

Avant l’heure, il sera toujours temps d’agir

Ne pleure pas, Nathan, ta maman t’aime, tu

Le sais bien qu’elle t’aime, alors, viens, demain

On ira à Paris la voir, on ira chez Tati acheter

Des tas de belles choses pour elle et pour toi,

On ira faire des courses avec Sophie aussi,

Je te promets ce sera bien, va jouer avec

Les autres garçons, tu n’aimes pas, vas-y

Essayes, regardes comme ils sont gentils…

Malgré tous les entretiens avec les psy,

On n’avance pas beaucoup avec le petit

Nous ne savons pas quoi en faire à la rentrée

On n’angoisse pas, mais c’est une charge,

Un poids à porter tout le temps, même

Pendant les vacances, je te jure c’est pas

Une sinécure, si j’avais su, elle et moi,

On aurait mieux fait de nous aimer autrement.

 

Viviane Forrester, je l’ai rencontré, c'était au salon du livre.

J’en ai profité pour lui acheter un exemplaire de son bouquin

Qu’elle a eu la gentillesse de me dédicacer. Tu me diras,

Les auteurs, ils sont là pour ça. En  fait, elle fait son métier

Qui comprend cette charge de promouvoir son truc à vendre.

L’horreur économique est un sujet qui me tient à cœur,

C’est pourquoi, j’ai pris la décision de m’investir dans cette direction

En achetant quelques livres sur le sujet pour me confronter

À cette l'idée que j'ai : qu’il faudrait panser le monde autrement.

Ceci étant, depuis longtemps, je me bats, un peu trop seul d’ailleurs,

Pour qu’un revenu minimum de 600€ par mois et un petit logement

Soient accordés à tous ceux qui en ont besoin.

 

Tiens, Arlette, passe moi les factures, je vais essayer de les classer,

Sinon personne ne le fera si je ne me décide pas.

Tu sais, Paul m’a dit qu’il a dîné l’autre soir avec François.

Ils ont discuté de tout et de rien, histoire d’aborder au dessert

Le sujet qui fâche. Il paraît qu’il a mal pris ce que Paul lui a dit

Et qu’au café, il a préféré partir plutôt que de rester, surtout

Qu’il était question d’une réunion qu’on devait faire

Faut reconnaître qu’actuellement, il est pas mal pris,

Avec son bouquin qu’il vient de sortir, les journalistes,

La télé, les copains, il est pas mal débordé, enfin

Que veux-tu, il nous fait de la pub et c’est ça le plus important.

 

Le travail, c’est la tarte à la crème.

Ils ont mis des siècles à convaincre tout le monde que le travail

Était l’essence de la vie, que sans, tu n’es rien, tu ne comptes pas,

Tu restes dans la rue si "tu ne veux pas" entrer dans la danse,

La danse des champions, des gagnants, la danse du marche ou crève….

Travaille, et tu pourras exister, consommer, baiser à volonté. Alors,

On entend certains dires : mais il n’y a pas de travail pour tous.

Faux, tu as tors de penser comme ça, tu as mauvais esprit,

Faut aller te faire soigner mon pauvre gars !

Tu dois te battre, te battre, disent-ils avec force à des gens qui s'écroulent.

Silence.

Flash-back.

Retour à la case départ.

Vous avez des gens qui ne peuvent plus travailler.

Les raisons sont multiples et nous pouvons en faire la liste.

Mais ce n’est pas utile. C’est même complètement ridicule.

C’est un fait. Est-ce définitif ou pas ?

Ça, on verra plus tard, pour l’instant, on ne peut pas,

On ne doit pas, c’est un crime,

Que de laisser les gens dehors, sans rien.

 

Le travail c’est important, disait Germaine Montero

Dans une de ses chansons, à moins que ce ne soit

Quelqu’un d’autre, de toute façon ça n’a aucune

Importance, ce qui importe c’est d’y croire. Mercredi

Juliette dans sa cuisine a décidé de se faire

Entretenir par son mari et d’avoir, de lui je le précise,

Plusieurs enfants à élever, ainsi, elle aura un prétexte

À ne pas aller se faire chier au boulot, d’autant,

Et ce n’est pas une excuse je vous l'accorde,

Mais enfin ça a l'air d'avoir compté dans

Sa prise de décision, d’autant donc, que sa chef

La cherche pas mal ces temps-ci…

 

J’envisage d’inviter Julien à midi pour partager un reste

D’une Julienne de légumes que j’ai préparée pour Paul et moi,

Hier soir. Julien a été retenu à son bureau pour une pizza-partie,

Du coup, de la julienne il en reste dans le frigo,

Il faut la terminer. Je déteste jeter les restes,

Y-a des pauvres qui crèvent de faim dehors !

 

Il décida d’acheter ce livre-ci dans un lieu étudié

Pour vendre la pensée des hommes, la pensée

Sous forme d’écrits et compactée dans une masse

De papier avec de l’encre séchée à l'intérieur, et

Dont l’objectif à terme est de titiller les neurones

De la tête aux pieds de ce pauvre individu

Qui cherchait on ne sait quoi là-dedans un jour

Où il attendait sa femme qu’il avait choisie entre toutes,

Un mercredi fait pas comme les autres,

C’est tout ce que l’on sait de cette histoire.

 

Mes frères, faisons silence en notre âme.

Les bruits du dehors, laissons-les là où ils sont.

Ici et maintenant, en ces lieux où seul compte l’amour

De notre prochain, si proche de nous,

Recueillons-nous pour le voir enfin et le recevoir

Sans attendre un quelconque bénéfice en retour.

Dans la pauvreté et l’abstinence cherchons,

Ensemble, l’essence de nos êtres profonds…

Julien,  écoute ce qu’on te dit sinon, j’irai

Te tirer les oreilles bientôt…

Les oreilles de Julien ne sont pas un conte

Les mille et une nuits, non, c’est la réalité.

Il faut, une fois par semaine, insister vraiment

Auprès de lui pour qu’il les nettoie, sinon

C’est la cata du catho.

Vous trouvez ça un peu limite ?

Vous avez raison, passons.

 

Pourquoi, mon frère, vous êtes-vous encore compromis

En gardant chez vous un livre de Simenon,

Vous le saviez bien avant de venir parmi nous,

Qu’il n’entre pas dans les auteurs reconnus

Dans notre chapelle, celle-là même que vous avez choisie

Pour vous libérer du joug des éditeurs, ces marchands de soupe.

Vous avez encore un long chemin à parcourir pour accéder

À la pureté digne des hommes de foi. Habillez-vous en

Prêtre et déjà vous ressentirez plus de liberté, tant

Dans vos mouvements corporels que mentaux.

Habillez-vous en prêtre, mes frères, et vous serez sauvé.

Sauvé du regard malveillant de tous ceux que vous croiserez.

Votre habit vous protègera.

Vous serez toujours reconnus comme l’un des nôtres

Et vous n’aurez pas besoin de tendre la main

Pour recevoir l’aumône, elle viendra toute seule.

Vous serez béni de Dieu en toute circonstance

Votre parole sera entendue et vos désirs exaucés

Vous trouverez chez nous ce qu’ailleurs vous n'avez

Pas gratuitement, voyez, amis, combien le moribond

Dans la rue peut souffrir, ce moribond à qui vous porterez secours,

Enfin jusqu’à un certain point. Nous vous apprendrons

À ne pas tout donner... il y a des limites en ce domaine.

Venez, rejoignez notre cellule, demain est un autre jour.

Amen. Amenez avec vous quelques objets de valeurs

On ne sait jamais, nous pourrions en avoir besoin.

 

Te souviens-tu, mon cher Jacques Audiberti,

Combien à Paris on t’a honoré dans les années soixante.

Maintenant, je ne sais pas s’il y a beaucoup de gens

Pour te faire la fête à nouveau… Probablement, 

Te considèrent-ils trop vieux, trop pas dans le coup...

Les traîtres. Enfin que veux-tu, c’est ainsi, dès qu’on meurt,

Il n’y a plus personne. On te fait des livres, des cahiers, certes,

Mais dans le fond de ta tombe tu dois, j’en suis certain,

Tu dois t’en foutre comme de ta première chemise,

Et là, tu n’as pas tort.

 

C’est à la Madeleine, dans une de ces cryptes où on lit

De la poésie le mercredi, ça sent l’humidité, pas des catacombes,

Mais des sous-sols de Paris, et avec le défilement des mots,

Le résonnement des murs, ressortait de la bible un côté mystique,

Sectaire, qu’à L’église on n’a pas, c’était chaud presque bandant,

Enfin c’est du passé, et ça, c’est du domaine du secret.

 

Partir à la découverte de quelque chose dont on n’a pas idée.

Entrer en soi sans se soucier de l’état mental de Rosine,

Qui attend toujours la bonne heure des sœurs cairotes pour oser

Un brin de toilette avant d’aller faire ses courses au monoprix

Où elle risque de croiser Michel avec son petit chien, nouveau

Venu dans sa famille des chiens dans ce quartier de la convention.

Hier encore, comme disait le poète, elle pouvait y aller,

Maintenant, c’est trop tard, n'insistons pas, fini toutes ces conneries,

Punie qu’elle est de n’avoir pas profité, du temps, hélas combien hélas,

Où Margueritte Duras avec Albertine Sarrasin, poursuivaient son amant,

Toutes deux nues, complètement folles, à Trouville-sur-Mer.

 

Ce livre est là pour nous rappeler l’abécédaire de Gilles Deleuze

Abandonné en cours de route comme un malpropre, au profit

De je ne sais quelle prise de position arbitraire au sujet des mots,

Les siens et dont l’objet n’était rien d’autre que d'utiliser ces dits mots,

À des fins personnels pour sa jouissance à lui : la construction des phrases,

Qui parfois n’avaient aucun sens, c'était histoire de s’amuser

Comme un fou, comme s’il ne savait pas, que la folie,

Etait un amusement avant tout. Souvent, il écrivait des choses

Qu’il ne pensait pas, sa recherche était la jubilation dans l’écriture.

Il mettait ce plaisir au même niveau que celui qu’il prenait avec le thé.

Il regrettait de n’avoir qu’Amélie pour partager cette passion,

Mais enfin, enfin que voulez-vous, c’était déjà pas si mal.

Le thé, c’était son beauf, un vrai de vrai, qui le lui avait fait découvrir,

Un Earl Grey, celui qu’il a le plus en horreur maintenant,

Acheté au Monoprix de Bourg-la-Reine, puisqu’à l’époque

Il travaillait à Orsay. Ingénieur de métier, il venait chez nous

Passer une ou deux soirées, histoire de faire l’économie des frais d’hôtel,

Dépense qu’il évitait toujours, il trouvait ça inutile.

Seulement, seulement, comme disait sa maman,

Ne laisse pas entrer chez toi le loup dans la bergerie.

Vous ne pouvez pas comprendre pourquoi je vous dis ça,

Mais enfin faut savoir qu’après, vis-à-vis de moi,

Il n’a pas été réglo …Le salaud !

 

Pendant des années, devant un tableau de Picabia,

Je me disais, tiens c’est pas mal, puis je passais…

Plus tard, quand j’ai commencé à peindre moi-même,

Son œuvre m’est alors apparue comme celle d’un homme libre

S’amusant à passer d’un registre à l'autre avec pour objectif

De nous surprendre à chaque fois et faire de nous des girouettes,

Et ma foi, il a eu raison, car c’est ça l’art, un truc qui réveille,

Bouscule en permanence, sinon reste chez toi et ne fais pas chier le monde.

Hein, Picabia, j’ai raison ?

 

En 1989, un jour, comme ça, je voulais voir de la peinture.

Dans un journal, j’avais vu la photo d'un jeune gars que je ne connaissais pas

Et à côté, un tableau de Jean-Michel Basquiat. Alors, je suis sorti de chez moi

Et suis allé rue du faubourg saint-honoré. Merde, c’était une galerie,

J’y vais jamais, mais là j’étais obligé, du Basquiat, y en avait pas dans les musées,

Du moins pas ceux de Paris, de Beaubourg… Eux, ce ne sont que des singes,

De grossiers personnages, avec lui ils ont été horribles !

Bref, ce jour-là, j’avais compris qu’il y avait eu avant moi, un artiste, un vrai

Ayant utilisé la peinture pour cracher sa vie, son corps, son âme, son tout.

Vous sautez au plafond. Et la modestie, Monsieur Art-psy ?

La modestie est la mamelle de toutes les hypocrisies, alors passons.

 

- En 1996, pas vous, pas moi, mais des gens dans le privé possèdent

Des œuvres d’art de grande valeur, des millions de francs, d’euros maintenant.

Cette année-là, ils les ont mis à la disposition d’un musée pour une expo monstre

Digne des plus grands musées du monde entier, pardon du peu, mais

Les  "privées" ça sait de quoi ça parle, les arts, faut pas leur en raconter.

- Oui, bon, mais où voulez-vous en venir avec votre discours ?

- À l’époque, et même aujourd’hui, je trouve intéressante cette idée

Selon laquelle toutes les œuvres actuellement stockées dans les sous-sols des musées

Soient vendues pour financer le travail de nos pauvres jeunes artistes.

Ces acheteurs de tableaux de maîtres auront pour obligation de les mettre

À disposition de l'état, sur demande, pour les montrer au public gratuitement.

- Et qu'en pensent les institutions de cette idée géniale ?

 

Un soir, tard, vers deux heures du matin, j’étais dans mon atelier

Je peignais tranquillement, lorsque je me rendis compte d’une chose

Peu ordinaire : sur ma toile, mon couteau étalait de la peinture

Avec la main de Nicolas de Staël.

Ce tableau le voilà, c’est confidentiel, que cela reste entre nous.

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J’aime beaucoup Rouault pour l’avoir vu et revu

Au travers de ses tableaux exposés dans les musées

Chargés de reconnaître ceux qui sont les meilleurs,

Évitant tous les autres, pour une raison simple :

Il y en a tellement qui font de la peinture, si vous saviez.

Tenez, prenons par exemple l'établissement Marin,

Ce magnifique magasin d’articles d’art, situé à Arcueil

Dans le val de Marne, il est toujours plein de monde.

Bien entendu, ce ne sont pas tous des Rouault, mais enfin

Ces gens sont dans l’expression de soi comme il l’a été lui-même.

Seulement, ce qui est agaçant avec lui c’est son côté catho,

Comme Le Gréco. Je comprends qu’il faut gagner sa vie, mais …

Je vous parle de catho, comme c'est bizarre, comme c'est bizarre,

Tout à l’heure, je vais dîner avec des amis dont un est prêtre Hollandais.

Va falloir encore aller voir le psy, en attendant, bon week-end

Et buvez pas trop.

 

Actuellement, tout me paraît venir d'Amsterdam,

Ai-je envie d’y aller ou bien est-ce le rendez-vous d’hier

Que je n’ai pas encore digéré ? Que voulez-vous,

C’est une question personnelle avec en arrière fond,

Un résiduel impossible à dépasser, alors, à chaque fois

C’est toujours les mêmes discours qui reviennent

C’est pas de notre faute, c’est comme ça, t’y peux rien.

Comme on ne se voit qu’une fois tous les trois ans,

C'est faisable. Nous n’étions pas malheureux, installés

À Montparnasse, place Edgard Quinet, à ta terrasse

D’un restau vachement bien, service un peu long,

De toute façon nous avions de la conversation en retard, alors,

Il n’y avait pas péril en la demeure, c’était vraiment long,

Mais, calmos on n’est pas parti, on est resté, il faisait beau, la nuit

Commençait à tomber, et nous, on attendait le plat principal.

 

Aller farfouiller sous terre c’est comme aller en soi.

À l’intérieur, découvrir un peu ce qu’il y a dedans,

Histoire d’être informé pour en faire

Ensuite des histoires à faire passer le temps.

À Cnossos, nous y sommes allés, il faisait chaud,

Je me souviens, c’était beau. Il y avait tous ces touristes,

Ces photographes à culottes courtes avec l’air si jovial,

Si ouvert sur le monde, plus que dans le métro,

Tiens, le métro c'est aussi en sous-sol !

 

Je n'ai jamais compris pourquoi on l'a tenu pour fou, certes,

Il y a eu de sa part de la démesure, mais pas plus pas moins qu'un autre,

Je veux dire, regardez tous ceux qui ont construit quelque

Chose de marquant, je ne parle pas de Hitler ou de Napoléon,

Eux c'est spécial dans le genre, eux c'est l'apothéose de la connerie,

Non, cherchons plus simple.Regardons la télé par exemple,

Il y a là de quoi faire son marché. Prenons Gaudi à Barcelone,

Promenons-nous dans les cours de ses immeubles bourgeois,

Toujours les bourgeois, ils me poursuivent, ils sont partout…

O.K., continuons, ne nous éparpillons pas.

Savez-vous que sans Gaudi, Barcelone ne serait pas Barcelone ?

Où iraient ces touristes s’il n’y avait pas la Sagrada Familia,

Cette église en cours de construction, cette érection à la vue de tous.

 

Tu as aimé mon art, lui pas. Tu m'as offert ce livre et

Un tee short blanc avec marqué dessus cette phrase de Picasso :

"Quand je n'ai pas de bleu, je mets du rouge". Je le porte souvent

Dans mon atelier lorsque je peins et à chaque fois je pense à toi.

Tu l'as quitté il y a déjà pas mal d'années. Lui, fait sa vie sans toi

Et toi sans lui, c'est ainsi la vie. De toi, je n'ai aucune nouvelle,

Ne voyant plus maintenant celle qui m'en donnait parfois.

De lui, non plus, ainsi va la vie, te disais-je, de rupture en rupture,

De deuil en deuil, on finit par grandir...

Bondia, je ne suis pas gai en te disant tout cela.

Fais de ma part une grosse bise à ta famille, le destin n'a pas voulu

Que les rencontres fussent plus chaleureuses entre eux et nous,

Ainsi va la vie, te disais-je, chère amie d'Amsterdam.

 

À peine arrivé au "château" il a fallu le restaurer.

L'un des artisans ayant participé à cette aventure

Était compagnon du tour de France. Fantastique,

Réellement fantastique, gentil et tout. Comme il était charpentier

Il s’occupa du toit. Il disait de notre toiture, qu’elle ressemblait

À celle de la cathédrale de Chartres, il était charmant, c'est fou !

Et pour les factures, il était plus que raisonnable :

Il me laissait décider du prix à payer son travail, parce que

J’étais un artiste, "Moderne" qu’il disait avec un léger accent,

D’ailleurs, il n’était pas le seul à procéder ainsi avec moi :

Faut reconnaître une chose, en général, je paye bien.

Un jour, dix ans après, j’ai appris qu’il était tombé d’un toit,

Et depuis, il est paraplégique. Sa femme a trouvé un autre

Homme tout de suite, du coup elle a beaucoup changé.

Le nouveau, ses devis devenaient inabordables, alors,

Pour le toit, nous avons cherché quelqu’un d’autre.

 

Les gens, vous savez, vous ne les changerez pas.

Ça les rassure de voir qu’un grand artiste est fou.

Quoique l’art, vous savez, c’est pas net.

Il y à boire et à manger là-dedans,

Faites très attention tout de même.

Votre gosse ne va jamais au musée ?

Oh, mais ne vous inquiétez pas, c’est peut-être pas

Plus mal. Le foot, bah woui, c’est plus de son âge, surtout

Que c’est un garçon ? Alors, alors, le foot c’est bien mieux

Madame Ballon, et votre mari, comment qu’il va ?

 

Chacun fait comme il veut avec l’art et c’est très bien comme ça.

Tu te promènes dans les musées et tu ne vois pas les trucs de

Chillida, c’est pas grave, t’as vu d'autres choses et c’est très bien.

Mais pour ce qui est de ces sculptures à lui, pour moi, c’est capital

Car j’y sens là, la confrontation matérialisée de nos conflits,

Tout ce qui est en nous et nous oppose, nous déchire, nous construit.

Chillida, c’est de la matière vivante, de la matière cérébrale

Métallisée, mise en forme, accrochée, posée, dessinée,

Elle s’imprime en nous comme la photo de maman,

Celle qu’on a faite la semaine dernière à Deauville....

Sinon, comment va Ginette, a-t-elle toujours son plâtre à la jambe,

Ce doit être terriblement handicapant, surtout qu’elle est active

Et son mari comment il prend la chose ?

 

Dans les musées, le saviez-vous, la drague, ça va bon train.

Un jour, c’était à l’occasion d'une fabuleuse expo d’Andy Warhol

À Beaubourg, j’étais jeune et beau, enfin d’après les "on-dit"

De l’époque, maintenant on le dit beaucoup moins, mais

Ne nous attardons pas trop là-dessus il y aurait tant de choses

À révéler sur les hommes en général...

Passons, sinon je risque de me prendre une colère pas possible.

Donc, me voilà devant les grosses fleurs de toutes les couleurs

De notre Warhol préféré, tranquille, solitaire comme d’habitude.

J’ai horreur d’avoir quelqu’un avec moi dans un musée, ça ne

Cadence pas à la même vitesse, c’est chiant, je préfère faire ça

Tout seul, au fond, l’art c’est très intime, mais, là, franchement,

J’ai pas pu faire autrement, j’ai dragué et ça a marché.

Si à votre tour, vous désirez tenter votre chance dans une expo,

Evitez l’art brut, c’est pas là que vous risquez de faire la rencontre

Du siècle. Ceux qui regardent ce genre d’objets, sont généralement,

Je dis bien généralement, parce qu’il ne faudrait pas généraliser,

Car il peut y avoir des exceptions, mais en général, c’est pas terrible

Comme population : des riches collectionneurs, pour la plupart.

 

Avec Jean-Michel, ce n’était ni long, ni pas long, ce fut tout de suite

Formidable. Il y a eu entre nous comme une bénédiction de Dieu.

Tiens, encore lui, décidément, il nous poursuit. Hier,

C’était principalement le sujet de notre conversation avec

Mes amis : eux croient, moi pas. C’est difficile ces questions

Quand on n’est pas du même avis, il y une impossibilité

À se comprendre, chacun reste dans son camp...

Jean-Michel était noir, croyait-il en Dieu ou pas, je ne sais pas

Et franchement ce n’est pas ça qui va mettre, comment dit-on ?

Du beurre dans les épinards ? Non, ça c’est pour autre chose,

Du feu aux poudres, bon admettons que ce soit ça, on va pas

Passer toute la journée à chercher une aiguille dans une botte de cuir.

 

C’est des fois bizarre, les amis. Je ne sais pas vous, mais

Quand ils font des cadeaux, ça peut surprendre, surtout

Lorsque c’est à table devant tout le monde, les autres voient ça,

Tiens c’est étrange comme cadeau, alors qu’en général

On est correct entre nous … D’ailleurs, cet ami,

Je ne l’ai plus comme ami. Est-ce à cause de ce cadeau ?

Mapplethorpe, c’est de la photo et la photo c’est la vie, alors …

Théoriquement, on ne devrait pas avoir des réticences

Face à ces choses de la nudité, que voulez-vous c’est

Humain, les corps : les montrer habillés ou nus ?

Faut pas en faire tout un pataquès, toute une diary,

Comme disait un ami qui transformait le é en y,

Ce qui faisait toujours rire les autres, quand il disait ça

A la fin d’un repas lors de la distribution des cadeaux.

 

L’hôtel conseillé par le syndicat d’initiative était un palais

De la ville de Sienne, où, nous sommes arrivés un peu tard

Dans l’après-midi. Probablement une étape d’un voyage

Menant, je ne sais plus trop bien où. C’était étrange de se trouver là,

Moi, papa, elle, maman, les enfants, la famille, c’est loin

Toutes ces histoires, mais enfin

Pourquoi ne pas reconnaître ce qui a existé ?

Là comme à Venise, nous avons eu droit à cette chose merveilleuse,

Le regard des enfants découvrant pour la première fois

Un lieu qui les éblouit au point de vous donner envie

De retourner en vacances avec toute une marmaille,

Rien que pour ça. Mais enfin, soyons réaliste,

Ce n’est pas toujours aussi rose, les gosses !

 

Pourquoi dans les salles d’expositions, Tàpies met-il

Les sommiers, les matelas, verticalement alors que

S’ils étaient normalement installés, les visiteurs pourraient

Faire la sieste pour se reposer un peu de ce monde de merde.

Les musées pourraient trouver là une originale fonction

Plus proche des besoins de ces gens dont la fatigue

Est-ce qui les caractérise, en général, mais en général seulement,

Faut pas généraliser non plus. C’est trop facile de dire du mal des étrangers.

 

Sans être chauvin, la France c’est dix vins. En gros on peut diviser ce pays

En contrées et volontairement je ne compte pas la Corse, eux

C’est un peu à part et comme un jour ils seront indépendants, alors,

On ne va pas les inclure aujourd'hui pour les soustraire demain.

Vous connaissez quoi de la France ? Je connais :

Le Bordeaux, le Bourgogne, le côte du Rhône, l’Alsace et Paris,

La tour Eiffel, le Sacré-Cœur, Montparnasse, Pigalle, les jolies filles de Paris,

Les putes d’Amsterdam, le Gouda et le fromage de chèvre . J’aime aussi

Le chocolat Lanvin et Dali pour ce qui concerne la peinture MOderne,

Jacometti pour la structure et maman pour les gâteaux. Conclusion :

Toutes ces associations fonctionnent à la manière de nos rêves,

Vous en saurez plus à la rubrique Psychanalyse...

Préparez vos cahiers pour prendre des notes !

 

J’ai reçu hier en entrant chez moi, tranquille pépère, une lettre d’elle

Ouverte accidentellement par je ne sais qui, voulant probablement

En savoir plus sur ma personne et sur le genre de courrier me parvenant

Directement par la poste. Je n’ai pu m’empêcher de penser à mon facteur,

Inconsciemment s’entent, car je le soupçonne de s’ennuyer un peu,

Depuis qu’il a moins de boulot maintenant dans le quartier..

Bref, je vous lis cette lettre telle que je l’ai reçue, ouverte par le facteur

Et sortant de ce fait de la confidentialité qui s’impose.

Mon cher Doudou,

Je viens te faire part de mes soucis d’argent. J’avais dans mon grenier

Quelques toiles de toi qui n’avaient pas beaucoup d’intérêt alors,

Je les ai vendus au marché de l’art contemporain de la rue Edgard Quinet,

Seulement ol a fallu baisser les prix à un point pas possible, les acheteurs

Se font de plus en plus rares sur tes toiles particulièrement, car

À côté de mon stand il y avait une dame qui elle, vendait les œuvres

De son Doucet de mari, mort il y a peu, à un prix, je ne te dis pas,

Alors que c’est de la peinture comme la tienne,pas plus, pas moins.

Lorsque nous étions ensemble, nous allions en vacances tous les mois d'août.

C’était sympa, pas toujours, mais en gros oui ça allait. Le soleil dans le midi

À l’époque on n’en avait pas peur comme maintenant, au contraire

On le recherchait, on allait même sur la croisette à Cannes et on poussait

La perversion jusqu'à bronzer sans parasol, tu vois un peu…

Parfois, pour fuir la foule ordinaire de ces congés payés de nouveaux riches,

Nous prenions notre béAim rouge, vachement agréable à conduire

Et nous allions pour changer un peu, nous allions à Saint-Paul de Vence.

Là-bas, nous n'avons jamais rencontré Montant ou Signoret, seulement

Nous fréquentions la piscine de l’hôtel où ils allaient, "la colombe d'or"

Le ticket d’entrée n’était pas prohibitif d'autant qu'à l’époque on comptait

L’argent qu'on dépensait, mais par contre on était jeunes, beaux et très attractifs.

 

Parfois, elle faisait des crises qu’il m’était difficile de vivre.

Est-ce la raison de votre séparation ? m’a demandé le psy.

Lorsque j’ai fait appel à lui dans ce moment où j’ai voulu

Remettre tout en cause, même les bons côtés de la vie.

Que voulez-vous, lorsque tout va mal, rien n’y peut rien,

Ça va mal, c'est tout. Puis, avec le temps, les choses ont pris leurs places.

Il y a eu cette distance prise entre elle et moi. Nous avons décidé

De faire appart' à part, elle chez elle et moi chez moi,

C’était plus facile pour l’indépendance. Ni elle ni moi n’avons refait notre vie,

Car libres nous sommes nés, libres nous mourrons, alors pourquoi

Remuer ciel et terre pour se trouver un jour à la case départ.

 

Louise Bourgeois, au départ, je ne la connaissais pas.

Je me promenais à Beaubourg dans ce dédale d’œuvres d’art

Que tout le monde connaît, c’était un dimanche, tranquillement

Dans un tonneau gigantesque, mes pas entrent par la porte en bois,

À l’intérieur duquel presque rien, un lit métallique, un filet d’eau,

Une impression épouvantable : la mort c’est ça,

C’est comme ça, comment le sait-elle ?

Ma chère Louise, tu es une force de la nature,

Que Dieu soit avec toi.

Quel âge as-tu, déjà ?

 

Il a trouvé sur Internet le texte intégral des métamorphoses.

Il le lut avec beaucoup de difficulté et de dégoût.

Il chercha à s’en débarrasser rapidement.

Le décomposta en fines lamelles, le mis dans une poubelle,

Le poussa dans le fond avec la main et chercha à l’oublier.

Seulement, la Métamorphose ne voulait pas le quitter,

Il en fut tout imprégné, comme une bave sur un bavier,

Une cerise un cerisier. Il alla alors au monoprix d’à côté

Et acheta très cher le meilleur filtox à cafards.

 

La mort est la chose la plus con qu’il soit.

 

Mon cher Pécuchet,

Si nous voulons changer le monde, il va nous falloir

De la patience, de la ténacité, de la rigueur, de la méthode.

C’est pourquoi je m’adresse à toi pour avoir ton avis

Concernant mon projet de parler de la psychanalyse

À un autre niveau que celui que l’on connaît. Ces médecins,

Ces dits freudiens, lacaniens, adlériens, jungiens et j’en passe,

Sont tous des charlatans que nous devons impérativement

Mettre en échec, si l’on ne veut pas voir cette science

Tristement mourir de sa belle mort.

Si tu as compris, comme moi, l’importance du rapport étroit

Entre l’image et les mots, il n’en reste pas moins

Qu’il est de notre devoir d’expliquer comment cela se matérialise

Dans nos organes mentaux. La psychanalyse est le moyen d’action

Que nous utiliserons pour cette recherche fondamentale, et pour ça,

J’ai besoin d’avoir ton avis sur un point, mon cher, mon très cher ami.

Dois-je continuer, d'après toi, l’inventaire de cette bibliothèque

Avec ces associations, ces digressions et toujours avec cette contrainte :

Écrire sans toucher l’objet ? Ou bien dois-je faire autrement :

Ouvrir enfin le livre.

Tu vois, mon cher Pécuchet,

Combien la distance qui nous sépare, nous handicape,

Et nous empêche une mise en place d’une théorie commune

Dont le monde a besoin actuellement, mais

Je comprends bien la situation, ta femme, les enfants, le travail…

 

Qui aime bien châtie bien. Et puisqu’il en est ainsi, allons-y :

Tout ce qui est mystique m’emmerde.

C’était mon ex., elle l’avait entendu dans une de ces conférences de psys

À Saint-Michel, et où moi, je m’en souviens, j’allais la chercher en voiture

Pour lui éviter d’entrer seule à la maison :

J’ai toujours eu peur qu’elle se fasse agresser, le soir.

Elle m’avait conseillé d’aller le voir, car il traitait

Les gens souffrant de la même maladie que moi.

J’ai toujours écouté ses conseils, alors j’ai pris rendez-vous.

À l’issu de la première visite, j’ai accepté la déco de son cabinet.

Toutes les pièces étaient affectées d’objets religieux,

C’est son fonds de commerce, ai-je pensé, n’y touchons pas,

Restons sereins, restons zen.

Tout de même, il m’a fallu accepter de m’allonger, oui Madame,

C’est l’usage, et d’avoir au-dessus de ma tête, une croix

Avec le Christ accroché dessus. Pour un juif, me suis-je dit,

N’était-ce pas un péché ? Vu l'état dans lequel j'étais

J’ai passé outre cet obstacle, d’autant que je suis, en vrai,

Athée pas mal. Je devais m’abstraire de ces questions

Pour accéder enfin aux raisons profondes de mon mal.

Dès le départ, j’avais limité à un an ces visites hebdomadaires.

À la fin de ce travail, comme vous pouvez vous en douter,

Je n’étais pas guéri, mais n’avais pas perdu mon temps pour autant,

Ayant toujours tiré profit de ce que je vivais… Même de ça.

 

Ce qui est terrifiant, voyez-vous dans toutes ces choses-là,

C’est le côté sérieux, aucun humour, aucune distance,

On sait de quoi on parle, on maîtrise le sujet et le seul

Objectif qu’ils ont, est de vous instruire. Tu parles …

Bandes de cons, d’ignares, d’idiots.

Et, pour vous impressionner, ils n’y vont pas de main morte,

Ils y mettent le paquet, ils n’ont peur de rien, et toi pauvre bougre,

Tu vas te ruiner à quatre-vingts euros la séance, parce qu’ils sont,

Dévoilons ici la face cachée du monde des psys et consorts,

Parce qu’ils sont supérieurs à toi, toi qui sais si bien entretenir

Ce sentiment d’infériorité qui fait tout ton charme.

Certains, à la lecture de ces mots, déduiront hâtivement

Une haine de ma part à l’égard de ces spécialistes de l’âme humaine.

Qu’il n’en soit pas ainsi. Soyez béni, merci !

 

Si l’on veut comprendre quelque chose à la psychanalyse

Il faut posséder ce livre de référence de Laplanche et Pontalis

"Vocabulaire et la Psychanalyse" ; par contre, on n’est pas obligé

De l’ouvrir, tant il est incompréhensible à tous ceux qui ne sont pas

Psychanalystes de métier et dix ans d’expérience, vécue corps et âme,

Fauteuil et lit de repos standard psy, acheté chez Habitat.

Je ne vous parlerai pas de Laplanche, puisqu'il m’est inconnu.

Par contre, Pontalis, de lui j’ai tous ses livres. Comme vous le savez,

Ce dictionnaire l’a propulsé dans les hautes sphères de l’intelligentsia psy

Et installé définitivement pour la bonne cause aux éditions Gallimard, à Paris.

Ouvrons l’objet pour nous faire une idée de ce que contient

Cette chose à poussière (1967). Comme tous dictionnaires,

Il commence par la lettre A et comme nous sommes ici

Dans le lieu de tous les inventaires, n’ayons pas peur du ridicule.

L’Abréaction de l’Abstinence permet l’Accomplissement du désir

Lorsqu’un Acte manqué, genre Acting out en activité, génère de l’

Affect ou de l’Agressivité selon l’Altération du moi. L’Ambivalence,

Lorsque l’Amnésie infantile est Anaclitique (dépression) avec poste de

Télé Analogique parce que l’Analyse didactique et l’Analyse

Directe provoquent toutes deux une grande Angoisse automatique,

Angoisse devant un danger réel, pas de blague Pontalis est là,

Il surveille le cours, menant à l’Annulation rétroactive du pauvre

Aphanisis dans son Appareil psychique souffrant. Après-coup,

L’Association d’une Attention flottante dans le cadre de l’Auto-analyse

Se transformant en Auto-érotisme avec une Auto en plastique.

Voilà pour la lettre A.

Volontairement, je vous fais grâce des autres lettres de l’Alphabet.

Si cela vous a intéressé, reportez-vous au bouquin que vous trouverez

Gratuitement dans toutes les bibliothèques municipales de France.

Dans l’espoir d’avoir répondu correctement à votre attente,

Veuillez croire, Mesdames et Messieurs, à l’expression de mes...

 

- « Nous nous quittons, c'est là ma route »

- C'est ça qu'il t'a dit, ton mec hier soir ?

- Oui Marcelle, c'est ça et en plus, il a rajouté qu'il avait

Lu cette réplique dans un bouquin à la librairie, tu sais

Celle près de chez Monoprix, d'ailleurs, la vendeuse,

Elle peut pas me pifer, vu que j'achète jamais

De livres, mais des fois quand je passe avec les gosses,

Ils me poussent à l'intérieur pour leur prendre des Pokemons,

Alors, il y a toujours un ramdam avec eux, tu imagines.

- Donc, il te largue pour aller avec cette salope de vendeuse de livres ?

- Quoi, que me dis-tu là Marcelle, quelle salope ?

- Oh, je viens de faire une gaffe, je croyais que tu étais au courant.

- …

(Les femmes entre elles, c’est parfois tout un poème)

 

« Nous nous quittons, c'est là ma route »

Nous nous quittons, je te quitte peut-être à contrecœur,

Je le fais, car c’est le moment pour nous de prendre du recul,

De la distance, pour se régénérer, se reconstruire. Ai-je le choix

De faire autrement puisque j’ai trouvé quelqu’un d’autre que toi.

D’un certain point de vue, nous deux c’est fini,

Je dois vivre autre chose que la vie que j'ai eue avec toi,

Je t’aime pourtant, mais il y a  d’autres personnes, d’autres histoires à vivre,

Vouloir toucher un autre corps que le tien est futile je te l’accorde

Vois-le comme un divertissement de ma part, je sais que tu m’aimes encore,

Mais ton amour est un poids trop lourd à porter, d’autant qu’il vient

S’ajouter à tout le reste, j’ai besoin d'oxygène : la nouvelle m’en apporte,

C’est con, mais la chair est faible, etc.. etc...

... Vous connaissez la musique…

 

Nous nous quittons parce qu’il le faut. Il n’est plus question

De continuer à vivre ensemble du seul fait de l’avoir décidé un jour.

En aucune façon, chère amie, nous n'accepterons de voir

La médiocrité s’installer entre nous, car elle peut devenir très vite

Le "malheur" qu’on porte, histoire de porter quelque chose plutôt que rien,

Ces riens qui mènent au n’importe quoi... Ouvrez les yeux,  regardez

Ne serait-ce qu’un instant, tous ces gens avec leurs gueules déconfites

Par le quotidien, le pain noir de la misère, les coups, la violence

De ces mâles sur ces femelles au beurre noir,  aux semelles décollées,

Qu’on voit dans le métro, le matin, lorsqu’on va au boulot.

 

Comme l’a démontré Freud, être malheureux c’est exister

En tant que matière vivante malheureuse, de plus, le bonheur,

Faut pas déconner, est trop éphémère pour prendre

Des engagements sérieux avec lui, à long terme, je parle.

Mais enfin, dans tout ça, vous savez, il y a des limites

Et ces limites c’est ça le thème dont on discute actuellement,

Pas la peine de s’égarer comme d’habitude sur des considérations

Philosophiques dont tout le monde s’en balance les doigts dans le nez.

 

Vous revenez à chaque fois jouer en moi

Des films à faire frémir ce pauvre Jérémie.

Ce passé revisité en permanence,

J’ai bien peur qu’on en ait besoin pour une raison simple :

Cela nous rappelle une histoire, la nôtre, en fait c’est nous.

Voilà, c’est ce qui nous constitue, tous ces vécus,

Qu’importe à notre mémoire le bon ou le mauvais côté des choses :

Elle ne sait pas faire la différence, pour elle, le bien, le mal,

C’est du pareille au même, c’est au même endroit dans le cerveau.

 

Tu penses que c'est illusoire de vivre. C'est ton problème.

Seulement, ce n'est pas avec ces considérations que nous allons

Apporter de l'énergie aux jeunes d'aujourd'hui, eux

Ont besoin de savoir que c'est la vie qui domine la vie,

Pas la mort. La mort on s'en fout, c'est pour après...

Si Maud a décidé de faire éditer ton journal après ta mort,

C’était compréhensible, mais je me demande si ce n’est pas contestable…

Je ne sais si j’aimerai que quelqu’un en face autant de mes écrits

Quand je ne serais plus là. Faire un livre est un acte personnel,

Tout comme un sculpteur taille sa pierre, un peintre construit son tableau,
Personne d’autre ne peut le faire à ta place.

Si je me permets de te dire ça, ce n’est pas pour dire du mal de ton épouse,

Seulement, c’est affreux, je n’y trouve rien qui justifie cet ouvrage,

Sauf l’expression de l’amour qu'elle te porte,

D’où la question fondamentale de l’amour : c’est quoi ?

Pour le savoir tu commences une psychanalyse avec Lacan,

Nous sommes en 1944, c’est la fin de la guerre, Hitler,

Les Allemands. Les camps, l’horreur de ce que les hommes

Sont capables de faire à d’autres hommes. Depuis longtemps

J’attendais le bon moment où je ne pourrai reculer devant cette tache :

Essayer de démontrer, de démonter cette terrible mécanique qui fait

Que l’impossible est possible. Boltanski avait montré,

Il y a quelques années, à Beaubourg, des familles allemandes unies,

Avec les hommes encostumés de la marque allemande : la croix gammée.

Ils posaient là devant les photographes avec leurs femmes et leurs enfants

Dans le dedans du cadre rassurant de la photo. Tout était normal,

La vie courante, le bonheur à la maison :

Militaire est un métier comme femme au foyer ou gosse écolier.

Comment en arrive-t-on là ? Essayons de comprendre.

En nous tous, à tout moment deux entités, deux paroles s'affrontent

En permanence. Le premier permet d’agir en société, d'être à peu près

En harmonie avec nous-mêmes et les gens qui nous entourent,

Nous arrivons tant bien que mal à être convenables grâce à cette faculté

D’adaptation qui nous caractérise, qui vise à la satisfaction de nos besoins .

Seulement, de l’autre côté, un petit animal intérieur vient nous parler,

Nous donner son avis sur tout, désireux avant tout de contrarier, de casser

Tous nous projets, toutes nos actions avec des idées irrationnelles,

Faire la nique à toutes nos décisions, nous apportant toujours un avis

Contradictoire souvent complètement débile

Qui nous fait artiste ou criminel.

 

Ce petit animal nous allons lui donner un nom : "petit lapin"

Nous utiliserons cette image en attendant de trouver mieux,

Certes, d’autres ont préféré trouver des mots plus sérieux,

Inconscient, par exemple. Pourquoi "petit lapin" ?

À vrai dire, je n’en sais rien,…

C’est marrant pour une question si importante.

Ce qui est terrifiant avec cet animal-là c’est qu’il est incontrôlable.

Moravia, dans une nouvelle, "Moi et lui", attribue le rôle de "lui"

À son propre sexe. Il communique avec, d’une façon assez hard.

A-t-il voulu en écrivant cette drôle d’histoire nous faire un clin d’œil

Sur les travaux du "Maître Freud" avec sa libido ? Probablement…

 

- Les artistes sont souvent formidables, mais jamais,

Jamais pris au sérieux comme le sont les chercheurs, les médecins…

- Ah non, tu ne vas pas recommencer avec ces discours

Les artistes c’est fait pour divertir, un point c’est tout,

Chacun à sa place et les vaches seront bien gardées.

- Cela me contrarie que tu me parles ainsi de bon matin,

Ce n’est pas gentil de ta part… Passe-moi le beurre.

- Alors, les allemands, c’était leurs lapins qui n’avaient pas

De gendarmes assez forts pour les protéger de faire ces saloperies ?

- Oui, "le gendarme" était défaillant. Il était le garant de la bonne

Tenue de leur Personnalité, il représentait la morale, la loi…

- Quelle chance nous avons de ne pas être là-dedans actuellement.

- Justement, prenons-en conscience ! et pendant que je vous parle,

J'entends un journaliste se poser la question : comment en arrive-t-on là ?

On voit bien là qu'il ne connait pas encore l’histoire des lapins.

- Cela peut-il nous arriver à nous, demain, après-demain ?

- Oui, sous certaines conditions :

1)    Un affaiblissement de notre personnalité dû à des événements internes

ou externes  (maladie physique ou psychique, chômage, divorce, un

ensemble de contrariétés, difficultés de toutes sortes…)

2) Un motif, une raison justifiant de reporter nos malheurs sur « l’autre »

3) Une voie forte nous contraignant d’enfreindre la "loi"...

 

C’est là que les Hitler et compagnie interviennent.

Ils savent dire ce qu’il faut, comme il faut, toujours fortement,

Car curieusement ce lapin obéit à la fermeté à tel point,

Qu’il lui suffit de porter un costume, militaire par exemple,

Pour vous larguer toutes ces obligations quotidiennes qui vous pèsent,

Ainsi, il étouffe en vous tout ce qui faisait que vous étiez vivable.

A ce moment là, vous n’êtes plus vous-même, vous êtes un autre,

Un soldat qui fait ce qu’on lui demande de faire, c’est tout.

Vous n’êtes plus responsable de rien, et le comble, c’est que cela

Comble de bonheur votre animalité. Vous allez, comme tous

Vos copains depuis des siècles, vous allez pouvoir libérer

Vos archaïsmes les plus refoulés, vous allez pouvoir voler, violer,

Tuer à votre aise, vous en avez l’obligation,

C’est votre métier maintenant, taisez-vous, rompez.

Mais cette démonstration est-elle suffisante pour comprendre

Le fascisme, tous les fascismes, toutes les violences ?

Pour l'heure, restons-en là et revenons à notre pauvre Octave

Qui patauge dans la gadoue avec ses poèmes et ses rêves

Dont on se fout complètement. Sur Lacan, il n’y a rien de concluant,

Et puis raconter ce qu’on a rêvé n’a d’intérêt que si l’on en donne

Une interprétation, aussi mauvaise soit-elle, ou si la narration

Est littéraire, je veux dire chouette à lire, ce qui n’est pas le cas ici.

Je suis terriblement injuste avec lui, n’est-ce pas avec

Son livre que je me suis permis d’écrire tant de choses ?

 

Ne nous attardons pas trop sur Octave. 1947 est loin, très loin,

Année de ma naissance. Il patauge, fait l'étude sur les Malgaches.

Pleins de bonnes intentions, mais tout ça n’est pas clair,

À tel point qu’il s’est senti obligé, tout au long des rééditions

De rajouter des expliques comme pour réparer quelque chose.

Ne nous attardons pas trop et passons rapidement à autre chose.

- Si tu n’en peux plus, arrêtes ! et d’abord, pourquoi as-tu commencé ?

- Ma chère Amélie, j’ai pris des engagements et je m’y tiens, voilà tout

Mais en attendant, je n’en peux plus de ce bouquin.

- Tu en es à quelle page ?

- À la 121.

- Bon, c’est bon, arrête maintenant. Moi, à ta place

Je n’aurai même pas commencé. Allez va basta !

- Oui, tu as raison. Toi, tu n’as jamais voulu ouvrir ce livre sous prétexte

Qu’elle me l’avait offert, tu as considéré qu’il n’avait rien à foutre

Chez moi, chez nous... Je bafouille, ma pauvre chérie, il m’a tué ce mec,

Je hais ce genre de bonhomme et puis de toute façon je ne vois pas

Pourquoi je consacrerai mon temps à ça, il est mort et sa femme aussi, alors...

On enterre et on s’oriente vers des « modernes », n’est-ce pas ma chérie ?

- Ne mets pas tout le monde dans le même panier, les anciens, il y en a des bons.

- Bien sûr, tu as raison, mais ce gars est tellement trouble, qu’il me dégoûte au

Plus haut point, tu ne peux imaginer, c’est physique.

- Demain, fais-moi plaisir, va le donner dans une de ces médiathèques qui

Traînent par là, on ne sait jamais, il peut y avoir preneur, tous les goûts sont dans la nature.

- C’est ça, tu as raison. Au suivant…

 

C’était il y a quelques années déjà, je ne sais plus avec qui j’étais,

Mais je me souviens de ce restaurant où nous allions entre amis

Et où lui, Claude Olievenstein, était attablé avec une ribambelle de copains.

Il s'amusait comme des petits fous et ça nous avait pas mal surpris.

De voir les gens en chair et en os ça démystifie l’image qu’on en a

Du fait des livres, des médias, c’est du réel s’opposant au virtuel.

- Ma chère Nothomb, n’as-tu pas l’impression

Que souvent l’écriture est diarrhéique ?

- Bien entendu, comment veux-tu qu’il en fût autrement

Ce sont des mots, de la parole qui se dévide à l’extérieur de soi.

Maintenant, la grande question est de savoir pourquoi ?

- Tu sais combien j’ai toujours aimé Olievenstein,

Peut-être est-il le type d’homme que j’aurais voulu être ?

Mais c’est ridicule de dire ça, je ne veux être personne

D’autres que moi-même. On sait ce qu’on a …

 

Il croisa cet homme jeune, installé souvent à cet endroit-là,

Près du tabac, sur la grille de la bouche du métro, peut-être

L’avez-vous remarqué vous aussi et lui avez donné la pièce

Ou la parole qui remonte le moral, ou rien du tout, que

Voulez-vous il y a tellement de SDF actuellement….

L’homme l’appelle souvent Monsieur le professeur,

Ils se connaissent pour avoir eu des conversations de bon niveau,

Avec lui, c’est toujours à ce niveau-là que ça se passe…

Ils redirent à peu près les mêmes choses que les fois précédentes,

Quoique, pas tout à fait, il insista cette fois-ci sur le rôle social

Qu’il pouvait avoir, lui le SDF, sur les gens qui passe

Et lui adresse la parole : peut-être sont-ils eux aussi

Dans ce besoin vital de parler, de communiquer et qui sait

De se déculpabiliser. L’homme jeune lui demanda s’il croyait en Dieu,

Car lui, oui, il y croyait et dit que s’il était là, dans la rue, même la nuit,

C’est que Dieu l’a voulu ainsi… Il rentra chez lui comme bredouille

Malheureux de n'avoir pu faire mieux. Il aurait aimé voir tous ces hommes

Et ces femmes sortir du malheur de la rue. Il trouvait que l'état n'assumait pas

Sa responsabilité d'assistance à personnes en danger...

Pourquoi était-il si révolté des souffrances des autres ?

N'avait-il pas assez des siennes qui le réduisaient physiquement au minimum

L'obligeant en permanence à calculer l'énergie qu'il pouvait encore déployer,

Se voyait-il lui-même dans la rue, pensait-il à l'un de ses proches ?

 

À peine ai-je ouvert ce livre ce matin

Que je l’ai refermé immédiatement pour

Penser au moment passé avec toi

Hier après-midi et où nous avons pu

Evoquer quelques soucis, à ce jour

Non dits et malheureusement à peine

Ébauchés, de mon point de vue.

Qu’avons-nous dit de ce qui était à dire ?

Avec toi, peut-être, ai-je joué le gendarme

Et tu l’as mal pris, mais comment faire autrement

Avec un ami lorsqu’il perd un peu la tête ?

Ah mon Dieu, comme les relations humaines

Sont parfois difficiles.

 

J’aimerai écrire pour tout le monde,

Plus exactement, être lu par tous.

- Essaye toujours, on ne sait jamais !

Mais j’imagine mal un plombier aller lire

Tes textes avant d’aller déboucher les cabinets.

- Amélie chérie, te rends-tu compte combien

Tu ramènes tout à des considérations évacuatoires,

Ces histoires de tuyauteries que tout le monde connaît.

- Je te ferais remarquer que c’est toi qui as commencé

En disant qu’écrire parfois c’était de la merde !

Moi, je ne trouve pas, en écrivant on se défoule.

 

Ce qui va suivre est un scoop, accrochez-vous, m'sieurs-dames,

Voilà un "concept", comme dirait notre ami Deleuze,

Pas un avis personnel, non, un concept sur le "non dit".

Il va de soi, pas seulement depuis Freud, qu’en "le" disant,

Tout entre dans l’ordre, c’est le but du jeu, l’objectif du psy,

Même et surtout si ça doit prendre dix ans… d’honoraires.

Actuellement, on voit tous dans les médiats ces "trucs dits"

Où chacun y va de bon cœur pour dévoiler devant nos écrans

Ces poubelles de "machins" qu’ils ont traînés toute leur vie

Merci Mireille Dumas et consorts, seulement petits voyous,

Vous faites avec  "l’intime" des gens, du spectacle à bas coût.

Tout le monde est consentant, d'accord, mais consentant à quoi ?

Ces non-dits, ces petits secrets, laissons-les vivre en nous,

Ils forment notre être, notre personnalité profonde.

Vouloir les effacer, les tuer est un leurre, ne vous y trompez pas,

Nous allons vivre avec tout au long de notre existence, mais

Ils peuvent être de grands amis, lorsque nous saurons les gérer

Et surtout ne pas en avoir peur.

Cela fait bien longtemps que je voulais vous la servir celle-là,

J’attendais que le moment propice se présentât, voilà c’est fait.

 

Tousles amis qui me connaissent, savent qu’en ouvrant un livre

De ma  bibliothèque, ils trouveront un marque-page,

Placé autour de la page 50. Depuis toujours j’ai agi de la sorte,

Je lâche ma lecture très rapidement, sauf depuis quelques années

Où je fais de substantiels progrès. Il m’arrive maintenant,

D’aller jusqu’au bout de la fin. Il y a plusieurs raisons à cela,

Essayons d’y voir clair. Et d'abord ma lecture est trop lente.

Est-ce les yeux, le cerveau ? Je n'en sais rien. Ensuite,

Je ne retiens rien de ma lecture, ne suis-je pas étiqueté

"Dyslexique tendance amnésique" ? Ajoutons à cela une terrifiante

Méconnaissance de la grammaire française, alors j'écris en fonction

De la musicalité des mots dans le flou, le brouillard le plus grand,

Je laisse se construire les associations les unes après les autres,

Mais, quand je lis un livre, souvent je m’ennuie…

L’abandon d'une chose dû à l’ennui. Voilà un thème à développer

Lorsqu’on abordera le syndrome de l’abandon, plus tard.

Quoi qu’il en soit, les livres que nous avons, vous et moi,

Dans nos bibliothèques, ne sont dus qu’à une chose :

Le choix des maisons d’édition.

- Ah non, tu ne vas pas recommencer ?

- Si, c’est important de mettre le doigt sur ce qui fait mal.

C’est donc le choix des éditeurs et je les soupçonne

D’avoir des critères bien précis pour éditer tel ou tel livre

Nous les mettre sur les étals de nos libraires,

A la Hune ou à la Fnac. Ces critères, lesquels sont-ils ?

Si la motivation première est que ce soit vendable

Alors, en effet, ils ne doivent impérativement sélectionner

Que des produits faciles à bazarder et au plus grand nombre…

C’est pourquoi nous trouvons si souvent des "people"

Qui, bien sûr, passent à la télé…

- Je n’arrête pas de te dire d’éteindre la télé, ça te tape

Sur les nerfs.

- Sais-tu, ma pauvre Amélie, que j’ai un projet pour après cet inventaire,

Celui de faire le bilan de ce qu’on y voit justement dans cette boîte à câbles ?

Tu n’as pas fini de l’entendre, cette télé, mais soit assurée d’une chose,

Ma chérie, après, je la casse.

- Donc, tu disais quoi sur les maisons d’édition ?

- Je disais qu’ils faisaient la pluie et le beau temps et

Un doute s’est installé en moi hier à quatorze heures

À leur égard : ne sommes-nous pas à côté de la plaque

Quant au respect que nous avons des livres ?

- Tu es en pleine période contestative, ça te passera

Comme l’adolescence t’est passée dessus.

- Dessus, dessous, tu me perturbes avec tes remarques

De petite bourgeoise qui sait tout. Remettre en cause

Les livres ce n’est pas les brûler, mais c'est plutôt

Un exercice intellectuel salvateur qu'il faut savoir oser

Poser sur la table, tiens, fais-nous donc du thé,

S’il te plait, y'en a plus dans la théière.

 

- Dans cet illustre lieu où ont sévi Jean Louis Barrault

Et Madeleine Renaud, Jean Michel Ribes est à son tour

Directeur de ce Théâtre du Rond-point des Champs-Élysées.

Auteur, metteur en scène, il nous présente actuellement

Son spectacle "Musée haut, musée bas" dans la pure tradition

De ses "palaces", vus et revus sur le petit écran, pour la joie

De ses scribes…Seulement là, si c’était du Palace,

On aurait bien ri et pensé : voilà une soirée de passée,

Sous le signe de la légèreté et du tralala, et moi,

Je n’y serais pas allé, c’est pas mon truc :
Il n’y a rien de pire pour me déprimer…

Il est sensé avoir écrit une pièce sur les musées et la peinture.

Je peux vous assurer qu’il n’en est rien. Si vous lisez les critiques,

Ecoutez ses interventions à droite et à gauche,

Personne ne fait état du réel sujet de la pièce. Ce musée

Dont il nous raconte la tristesse, en fait, n’est pas un musée,

Mais un théâtre. Il nous fait part de ce qu’il vit dans son théâtre,

C’est presque un journal de bord, un constat terrifiant d’échec.

Ne me demandez pas de me mettre à sa place,

Je ne peux envisager un tel effort. J’ai horreur du pouvoir,

Il pervertit tout, même les plus innocents, les plus gentils.

Considérerons ce qu’il nous montre comme un cauchemar

Dont l’objectif est de nous divertir, ce qui est le comble.

Qu’y a-t-il de plus déprimant que de voir quelqu’un cracher

Tout son être pour nous amuser avec son désespoir ?

C’est le cas chez lui, tout le monde sort de là content,

Ils ont bien rigolé, tous des bourgeois… Je deviens très acide !

Mais je ne lâcherai pas ma plume avant d’avoir analysé

Tout ce qu’il nous jette à la figure.

- Tu as parlé de perversion de sa part, je n’ai pas compris.

- Les rêves sont pervers. Ils nous montrent toujours des scènes,

Des scénarios mensongers qu’il faut analyser, décortiquer

Interpréter si l'on veut comprendre un peu où se cache la vérité.

Nous verrons plus loin comment faire pour traquer notre mental

Et le soumettre à la lumière.

- Oui, ça je sais, mais pour Ribes ?

- Ribes, n’est pas en train de rêver, mais il procède de la même manière :

Il nous raconte des bobards du début à la fin de la pièce.

- Mais t'es marrant, quelle importance, le théâtre n’est-il pas l’endroit

Où tout est permis, comme en littérature, en peinture, en tout art ?

- Oui et non.

Parler de musée alors qu’il n’en a rien à faire, qu’il est empêtré

Jusqu’au cou dans le théâtre et particulièrement "le sien"

Qu'il y est du matin au soir. Voyons de plus près.

Le lieu est composé d'une grande salle et deux petites.

La première est celle, honorable, où se joue sa pièce et sont

Programmés en général les têtes d'affiche histoire de faire

Le chiffre d’affaires nécessaire à la bonne marche de l’entreprise.

Et puis, il y a ces deux petits théâtres affectés aux "petits nouveaux"

Auteurs et metteurs en scène, dont tout le monde s’en fout,

À commencer par lui.

- Oh, comme tu es méchant !

- Non, je ne suis pas méchant, je suis révolté de voir qu’il consacre

Toute son énergie et beaucoup de moyens à "sa" pièce, laissant

Les « petits nouveaux » se démerder comme ils le peuvent,

Je veux dire avec le minimum de kopeks, surtout que ces p’tis gars,

Ils ont parfois un talent supérieur au sien.

Voilà, c’est dit. Je suis horrible, je continue.

- Tu me donnes l’impression de laisser aller en toi ton côté mécontent.

Ta hargne à l’égard de Ribes n'est-elle rien d'autre que la libération

De tes pulsions négatives que tu appelles toi-même

Le petit lapin caché en nous tous ?

- Ah quel bonheur de vivre avec une personne comme toi,

Mon Amélie chérie, tu as tout compris. Je libère en effet,

Cet animal-là, car rien ne me l’interdit, tout au contraire,

Je peux, je veux aller plus loin et ne vais pas m’en priver,

Car j’espère en faisant ce travail, découvrir

Des choses intéressantes pour la suite de notre démonstration.

- La démonstration de quoi ?

- Quelque chose comme le mode d’emploi de ce petit lapin,

Mais je dis là une grosse bêtise, je n’ai aucun mode d’emploi à offrir,

Je sais seulement qu’il faut éviter d'être faible avec lui, car

Il peut être terrifiant dans ce cas … C’est donc fort

Que je vais essayer de continuer, ma sœur. Lorsqu'il parle de

Musée haut, symboliquement, c’est la grande salle où

Passent les grands de ce monde du spectacle,

De musée bas :  ce sont les p’tites salles, les petits nouveaux à

Canaliser, pour ne pas risquer d’en voir un vouloir

Prendre la place qu’il a mis quarante ans à obtenir.

Il nous parle des grands noms de la peinture et des rapports

Qu’entretiennent les gardiens de musées à l’endroit des

Maîtres et de leurs toiles…J’entends la voix de ce gardien

De théâtre, lui, ce concierge, de ses difficultés à vivre tous ces

Vieux acteurs qu’il engage par intérêt, pour faire venir du

Monde payant, principalement des bourgeois, tu n’as qu’à

Voir le restaurant d’en bas, tiens en bas comme par hasard,

Impossible de manger pour moins de trente à quarante euros

Par personne. Où est le temps où nous allions manger

Un sandwich au théâtre de la Ville pour deux sous ?

Bref, tu vois ma mauvaise foi, je m’égare, mais je voulais

Le dire quand même, le théâtre doit être populaire.

Il nous montre combien sont ridicules ces visiteurs de

Musées, ces touristes de la culture… Pourquoi a-t-il

Si peur de nous montrer la même chose des gens qu’il côtoie

En permanence ? Pourquoi c’était si difficile de s’impliquer

À fond dans la dénonciation du ridicule de sa fonction,

Car c’est bien de cela dont il veut nous parler, c’est une sorte

D’autocritique avortée, refoulée et que peu de gens peuvent déceler

Par le simple fait de ne pas être au courant des motivations

L’ayant poussées à prendre en main ce paquebot, ce château de sable.

Quel danger y avait-il à parler ouvertement de ce qui le

Tracassait, quelle peur bloquait cette confidence plus

Proche de sa réalité ? Il aurait ainsi mis sur la table,

Le plateau de la scène, les jeux et les enjeux du théâtre actuel…

Un nouveau débat s’ouvrait enfin, sacré Jean Michel Ribes.

- Peux-tu considérer ce discours comme une face cachant

Autre chose de plus essentielle, de plus fondamentale

Pouvant nous éclairer sur ce qui va suivre plus tard

Au sujet de ta façon d’analyser les rêves ?

- Oui, essayons.

Nous sommes dans un théâtre avec une œuvre qui ne m’a

Apporté aucune joie. Quelques jours avant, j’avais assisté

Dans une de ces petites salles à une représentation d’une pièce :

"L'Amélioration" de David Lescot avec Scali Delpeyrat et

Je ne te dis pas l’énergie qu’elle m'avait donnée. Après le spectacle

J'ai eu la chance de pouvoir m'exprimer avec les principaux intéressés.

Je leur disais tout le bien que je pensais de leur travail qui m'avait réellement

Touché et nous avons pu échanger quelques mots sur tout et sur rien,

Ce qui est sympathique tout de même, en buvant quelques verres...

... au bar d’en bas, c'est pour ça que je suis rentré tard ce soir-là.

C’est quoi sa fonction au directeur de théâtre?

Est-ce de faire venir le maximum de gens, de remplir les salles,

De faire du chiffre d’affaires comme n’importe quel commerce,

De divertir ces pauvres cons de bourgeois, ou est-ce avant tout

De faire un choix de ce qu’il est important de montrer aujourd’hui,

Parce qu'il est encore temps de faire voir ce qu'il y a de meilleur

Ou même d'expérimental, à la seule condition que ce soit de qualité ?

Voilà ma position, elle n’engage que moi. On peut avoir un avis

Contraire, je n’y vois pas d’objection, Messieurs les Jurés.

- Même encore là, maintenant j’ai l’impression qu’il s’agît toujours

Du discours de tout à l’heure, tu n’en sors pas.

- Non, je suis en train de dire la chose, un peu comme lorsqu’on

Raconte un rêve ou un événement qu’il nous est arrivé.

- Tu dis que le rêve est un mensonge, alors là, si c’était un rêve,

Ce serait quoi, ce serait où, la vérité ?

- Oui. Si le spectacle avait été bon, j’aurais été satisfait

Et j’aurais classé l’affaire. Si nous rêvons ou s’il y a discours,

C’est que quelque chose s’est mal passé. Il y a eu mécontentement,

C’est ça l’origine. Ce n’est pas de la mauvaise foi de ma part, mais

C’est ainsi que nous fonctionnons. Nous sommes des êtres réagissant

Aux événements négatifs. Nous sommes des réactionnels.

- Et le bonheur ?

- Soyons sérieux, s’il te plait, tu sais bien qu’un être vivant

Ce que tu appelles le bonheur est un être en danger ?

Les théâtres, les musées, les hôpitaux… sont des lieux publics

Appartenant à l’état, au peuple, à toi, à moi.

Je réagis lorsque j’ai l’impression qu’il y a eu abus de pouvoir.

C’est ça la vérité, le facteur déclenchant de "la crise", mon discours.

Les théâtres, les musées, les hôpitaux sont des lieux où

L’abus de pouvoir est récurrent, peut-être n’est-ce pas possible autrement

Puisqu’il y a des hommes… Tu vas voir Juliette à quelle heure ?

- J’y vais, je te laisse, sinon, je vais encore être en retard.

 

À peine Anzieu commence à écrire sur la psychanalyse, déjà

Mon esprit est ailleurs, je pense... donc j’écris. Je pense

À la première fois que j'entendis ce mot, c’était chez mes voisins

La fille avait un jeune professeur de philosophie venant lui

Donner quelques cours à domicile, mais des cours de quoi,

Je ne sais pas trop bien. Je me souviens, elle était très jolie,

Tous deux s’isolaient pour parler entre adultes, seul à seul,

Loin de moi, je ne sais pourquoi, mais je les avais entendus

Une fois, débattre de psychanalyse, je n’y comprenais rien.

J’entendis ce mot-là pour la seconde fois au théâtre du Gymnase

On y jouait une pièce : "Le fil rouge". Il était question de Freud

Confronté à l’une de ses malades, où il était démontré qu’en laissant

Les souvenirs se dérouler, la maladie s’envolait. Je trouvais ça

Pas mal à l’époque comme concept de guérison, j’avais quinze ans,

Ma culture n'était pas terrible, celle de mes parents le calme plat.

Du point de vue de la maladie, déjà, je devais sentir que j’allais

Dérouiller, alors ni une ni deux, je me suis pris de passion

Pour la psychanalyse, une passion qui ne m’a jamais quitté.

 

Le livre, prends-en un, n’importe lequel, touche-le, ouvre-le,

Regarde à l’intérieur, n’aie pas peur, dedans il y a les mots

De celui qui l'a écrit et puis ceux qui t’arrivent dans les yeux,

Tiens prend-le, ne le mange pas, c’est pas bon, mélange-le

À de l’eau, de la colle, fais-en une pâte à modeler,

Fais-en un objet, n’importe lequel. Simon, attends,

Veux-tu écouter ce qu’il y a à l’intérieur ?

Non, tu préfères aller jouer dehors

Bon d’accord, reviens vite, je t'attends.

Que peut-il, que peut-on attendre d’un livre ? Peut-être

Entendre une voix au travers des mots qui défilent,

Entrer à l’intérieur de l’intime, proche de soi-même.

Mais toute la difficulté est de trouver le bon ouvrage,

Le bon auteur, le thème qui va faire que l’on va basculer

De l’ennui à la curiosité.

 

Aimer s'adonner aux choses qu’on aime.

Ne jamais déroger à cette règle.

S’y maintenir, pour le plaisir,

Pas celui des autres,

Le sien, son propre plaisir.

Le travail psy, la création artistique,

C’est d’aller à la recherche,

De ce qui va provoquer, procurer

Ces temps forts si particuliers

Presque toujours gratuits, ces petits riens,

Ces moments fugaces à prendre

Sans culpabilités, pour soi.

C’est aller au-devant de son égoïsme

Sans pudeur aucune, probablement est-ce

Le moyen pour contaminer d’autres,

Mais ce n’est pas sûr, pas sûr du tout.

 

Etre artiste n’est pas un métier, l’art n’est pas une marchandise.

Pourtant, l’art dont on parle est toujours considéré comme tel.

Alors, que faut-il faire, tout remettre en cause ?

Si vous cherchez à vendre votre art, vous serez obligé

De composer en fonction de la demande. Pour autant,

Doit-on faire l’éloge de ceux qui créent dans leur coin

Et à la fin, un jour, brûle toute leur production

Avant de partir, avant de mourir ? Oh, combien

D'œuvres inconnues le sont restées à tout jamais,

Dans des tiroirs, des caves, des greniers ?...

L’œuvre de quelqu’un n’est rien d’autre que le témoignage

D'un homme, d'une femme, de leur passage dans ce monde-ci,

À un moment donné avec des circonstances bien particulières.

Nous avons tendance à sacraliser les artistes, pas tous,

Ceux, arrivés au sommet de la pyramide des reconnus,

Car les autres, tous les autres sont des cons, des fainéants,

Des vauriens, de futurs SDF.

 

Nous sommes tous des artistes, et si nous voulons tous

Passer à la postérité, je veux dire à la télé, il risque d’y avoir

De l’embouteillage dans les studios…

- À quoi penses-tu ?

- Le matin, ma pensée virevolte, elle va partout dans tous les sens

Ce doit être l’effet des médicaments, je ne sais pas.

Ce ne sont pourtant pas des drogues puisque j’ai une ordonnance

En bonne et due forme. Alors, j’y vais carrément, de mes égarements.

Comme tout le monde, avant de me réveiller, j’ai fait un rêve,

J’ai essayé de m’en souvenir, il y avait des chaussures en vitrine,

Pas des toutes neuves, non, tout un stock qu’en réalité

J’ai dans mon placard en attente de tri. Ce rêve, sa fonction,

Est de me sortir de mon sommeil en me donnant une bonne motivation

Pour ne pas rester dans mon lit plus longtemps. Mais là, franchement

Commencer sa journée avec l’inventaire de ses chaussures,

Il y a mieux à faire pour commencer une journée, non ?

- L’inventaire de ses chaussures, de ses bouquins, pourquoi ?

- Je ne sais pas, mais ça me fait du bien, c’est une sorte de bilan,

D’état des lieux renouvelé en permanence, une mise en place,

Une préparation à quelque chose d’autre, je ne sais pas quoi,

Toujours ce besoin de créer, l’obsession d’avoir aussi

En ma possession des outils, des matériaux pour m’exprimer,

Évacuer, vider, expurger.

- Tu as des câbles partout derrière ton ordinateur, ta télé.

Tu t’encâbles, mon petit !

- Oh ça va vous !

Oui, il y a des fils électriques, des voyants lumineux allumés

Tout le temps, c’est un feu d’artifice ici la nuit, pourquoi éteindre,

D’ailleurs c'est déconseillé dans les modes d’emploi, alors…

Il y a de l’obsessionnel là-dedans, j’en suis conscient, mais

Que veux-tu, ma chère Amélie, je compense comme je peux !

- Pas tant que cela, je trouve.

- Que veux-tu dire par là ?

- Tu t’écoutes un peu, il n’y a pas assez de rigueur.

- Tu trouves ?

- Oui, je trouve.

- ah bon !

- Si tu travaillais dans une maison d’édition,

Au rythme où tu vas, à cinquante euros la fiche de lecture,

Je ne sais pas si tu pourrais manger à ta faim.

- Je suis à la page 180 et déjà je m’ennuie depuis longtemps.

Ici, j’aurai au moins appris une chose, combien les livres

M’ennuient au bout d’un certain moment. Pourquoi

Les écrivains ne font-ils pas plus court ? Pour dire

Ce qu’ils ont à dire, la plupart devraient essayer

De le faire en cinquante pages, pour moi ce serait parfait.

- Jamais tu n’arriveras à faire débat sur ce sujet, mais

 Est-ce la seule raison de ta lassitude quand tu lis  ?

- Non, je ne crois pas.

- Lire longtemps un livre demande beaucoup d’attention,

Peut-être cette raison est-elle à l’origine de cet ennui ?

Alors lorsque j'entends Anzieu dire qu'il n’écrit pas

Ce qu’il voudrait en se mettant à la place de Beckett

Les bras m'en tombe d'avoir consacré tant de minutes

À essayer de lire ce bouquin ? Qu'a-t-il fait pour percer

Les secrets intimes de Samuel ? Qu'importe en fait,

Beckett n’est pas à ça près, il a eu un autre psy (Dr Bion) alors …

- Afin de passer à autre chose, termine donc ce livre d’ici demain.

- Oui, tu as raison, ma chérie.

 

Chose promise, chose due. Quoi qu’il en soit aujourd’hui

J’aurai terminé cette lecture. Faire ça en diagonale, je sais,

Il y a une méthode, je n’aime pas les méthodes, à moins que

Ce ne soient elles qui ne m’aiment pas. Surprise à la page 211,

Nous sommes le 11 janvier de je ne sais quelle année, il dit

Il se dit, il se raconte, là nous voyons un homme avec toutes

Ses difficultés à vivre, il dit "je suis comme Beckett".

On ne lui en demandait pas tant. Bêtement, pourquoi bêtement ?

Hier, à la Fnac, j’ai acheté "L’innommable", le lirais-je ? Je crois,

Oui probablement, c’est bizarrement écrit, irais-je jusqu’à la page 50 ?

Ce n’est pas sûr. C’est terrible ce rapport que j’ai avec les livres.

Comme tout le monde, j’ai d’autres rapports avec d'autres choses.

Monsieur Anzieu, si je m'ennuie depuis belle lurette

C'est qu'il y a une raison et pendant que je la cherche, vous,

À la page 221, le 14 janvier, vous dites :

"Urgence de mettre fin à ce dialogue factice entre lecteur et auteur...".

Vous avez créé deux personnages façon Beckett et, là, maintenant,

Vous les rejetez. Relisez vos textes, bordel, avant de les faire éditer.

Merde, quoi !

 

Tu es venu vivre chez moi, pas longtemps, trois mois.

Ce fut heureux, pas toujours, parfois. A la fin, c’était

Devenu l’enfer, j’avais du mal à accepter tes travers.

Tu n’étais pourtant pas un porc, une brute, non, plutôt

Gentil dans l’ensemble. Seulement, le samedi soir,

Lorsqu’à la maison il n’y avait pas fêtes, alors, tu sortais

Pour ne revenir qu’au petit matin. Je n’étais pas ta mère,

Pourtant, mon comportement était semblable au sien.

J’éprouvais de la crainte, je te sentais malheureux, cela me

Rendait fou de te savoir dehors, je ne sais où, probablement

Dans quelques trous noirs, dans ce Paris qui te rendait fou.

Pour ces sorties, tu portais une deuxième peau,

Comme si la tienne ne te convenait pas, pour aller

Là-bas quelque part dont je tairais ici l’endroit. Pour toi

J’avais peur, je n’arrivais pas à fermer l’œil de la nuit,

En moi subsistait cette inquiétude trop bien intentionnée.

 

Au musée Galliera, j’y suis allé, Sylvie Vartan se déshabille.

Elle nous montre ses robes de scène et les images de sa jeunesse,

De sa gloire passée et celle qu'elle espère encore à venir,

Elle s’accroche à la barre comme une gourde.

N’a-t-elle donc pas compris qu’il fallait passer la main ?

Qu’elle avait autre chose à faire, ailleurs. Où ? je ne sais pas,

Mais ailleurs. Elle a quoi à se prouver, encore ?

…Le discours névrotique, c’est ça… Bon, passons.

Pas si vite, pas si vite. Si elle nous montre ses frasques c’est

Qu’elle veut s’en débarrasser un peu, se vider en montrant,

Peut-être n’a-t-elle fait que cela toute son existence, se vider à

S’en rendre malade. Cacher son moi, cette peau fragile, s’en construire

Une seconde et nous, pauvres spectateurs cannibales avalons

Cette sauce comme s’il s’agissait de la nôtre, de peau.

 

La peau. La peau de l’orange. L’orange du marchand,

Gilbert Bécaud chantait ça ? Un jour j’ai fait une figuration.

J’étais figurant dans mon jeune temps, que voulez-vous,

Faut bien débuter si on veut être artiste… Bécaud, s'il te plait,

Bécote-moi pas la gueule comme ça, j’aime pas. Place Fürstenberg,

C'était pour la télé, un tournage de variété à quatre sous. Je devais

Traverser la place et monter sur le trottoir et ensuite,

Je ne me souviens plus trop bien. On m’a payé à la fin de la journée.

J'ai fait ça pendant deux ans, après, j'ai rencontré une fille

Et j'ai du me marier… Je ne dis pas qu’elle m’a fait la peau...

Non, ça je ne le dirais jamais, jamais, même sous l’échafaud.

 

Pour faire silence, combien d’heures de bruit a-t-il fallu ?

Les oreilles reçoivent des millions de sons. Ils sont à un besoin,

Une drogue, une fuite en avant comme tous ces voyages

Que nous faisons lorsque tout va mal... Mais il faut savoir

Tout arrêter, tout couper, tout mettre en veille et  recommencer

À écouter, redécouvrir ce silence tellement craint,

Dévastateur pour beaucoup, insupportable pour d’autres.

Ce silence pourtant si nécessaire, indispensable, même.

Innocent, j’ai péché en faisant des listes de ce qu’il faudrait

Pour que le monde aille mieux, seulement, c’était oublier

Un paramètre capital de la façon de vivre des hommes,

Individuellement, mais également des sociétés humaines,

Résumée par cette simple phrase :

"Pourquoi voulez-vous que ça s’arrange ?"

S’il ne s’agissait que d'obtenir des solutions aux problèmes,

Petits ou grands, faites confiance à nos intelligences pour les trouver

Immédiatement, seulement ce n’est pas si simple, nous complexifions

Tout avec un tel bonheur, faisant de l’amalgame notre plus génial ami.

... Tu vois un peu dans quel bordel, on est, ma pauvre chérie !

 

Si j’étais psychanalyste, je m’arrangerais pour tout oublier

Dans le cadre des séances pour faire place à la parole de l'autre.

Ca tombe très bien, je n'aurai aucun effort à faire,  je ne sais rien.

- À se demander si tu ne considères pas les écrits d'Anzieu comme

Décalés par rapport à ce qui t’apparaît essentiel dans ce domaine?

- Je suis à la page 91 et je vois combien, lui comme les autres,

nous parlent toujours des pathologies attachées aux psychismes des

Etres malades, comme si la psychanalyse n’était faite que pour eux.

Je l’ai déjà dit et continuerai de le faire sans relâche,  la

Psychanalyse doit sortir de cette image lui collant à la peau,

De cet engrenage démoniaque, de cette association inacceptable :

Psy = maladie.

Non, la psychanalyse est pour tous, c'est pourquoi elle doit être gratuite.

Cela n'a aucun rapport, mais je voulais le dire !

- Alors, je te pose la question : qu’est-ce que la psychanalyse ?

- Mademoiselle Nothomb, je vais essayer de te répondre.

La psychanalyse est un travail. Travail idéal pour celui qui veut accéder

À la connaissance de soi, il ouvre des horizons jusque-là inexplorés,

Avec une particularité, de mon point de vue, elle donne de la force

Renouvelle les cellules, brèves, c’est la vie à l’état pur…

- Il est convaincu le bonhomme, mais ton avis ne vole pas haut.

- Ne vole pas haut, ne vole pas haut… T’en as de bien bonnes, toi.

 

Expliquer, démontrer, donner des références à n’en plus finir,

Se justifier à volonté, mettre en ordre des informations, cent,

Mille informations, ridicule comportement lorsqu’on sait

Que ça se calcule par millions… Interférences cérébrales articulées

Inarticulées, affrontement permanent que rien ne peut arrêter sinon la mort.

S’adresse au commun des mortels, à vous, à moi, à des spécialistes

Cherchant quelques réponses à des problèmes difficiles à résoudre.

Sachant cela, quel sens a le fait d’avoir encore ce livre chez moi ?

Celui-ci et beaucoup d’autres ?

- Les livres, vois-tu, sont des repères. Tu les as choisis

À un moment donné pour une raison, peu importe laquelle,

Ils sont là comme une mémoire supplémentaire à la tienne.

- Oui, mais ne faut-il pas, de temps en temps, faire le ménage,

Vider la corbeille comme dans l’ordinateur ?

- Tu peux, mais d’autres viendront remplacer les partants

et nous serons toujours dans l’illusion.

- L’illusion ? Je ne comprends pas.

 

La couverture de ce livre est couleur chocolat, elle me rappelle

Cette sale crise de foie d’hier... Je ne supporte plus d'être malade.

Cinq cent cinquante pages sur l’histoire de l’origine de la psychanalyse.

Cette thèse, si ce livre est une thèse, est-elle universitaire et dans ce cas,

Ce travail, aujourd’hui, a-t-il, pour moi, une quelconque importance ?  

J’essaye d’avancer dans le brouillard de mes sentiments, je veux

Prendre plus de distance, de recul, remettre les choses à leur place,

À ma place, à mon niveau, niveau bas, niveau haut, qu’importe !

L’autre jour, j’entre dans une bibliothèque et qu’est-ce que je vois,

Un gosse s’amuser avec un lance-pierre sur la table allouée

À la lecture et au travail. J’te jure !

 

Un homme est allé dans son pays rendre visite à la nourrice

De sa tendre enfance pour vérifier si elle a eu un comportement de

Séductrice à son égard… Il fait ça pour aller mieux après.

Seulement, pour aller mieux, vérifier, ne sers à rien. Nous aurons l’occasion

D’étudier la question plus sérieusement lorsque nous aurons en mains

Les livres de Freud… Ah, celui-là, j’vous dis pas ce qu’il va prendre !

Sigmund a eu pour ami un certain Fliess. Ils ont correspondu tous les deux,

Ce matin je suis terrifié, car je ne retrouve pas dans ma bibliothèque

Le livre de cette correspondance, je l'avais pourtant, j'ai horreur

De ne pas trouver un livre, j'imagine toujours qu'on me l'a piqué...

Parano tu es, parano tu restes… Tous deux donc c’était une drôle d’amitié,

Il était souvent question entre eux de choses sexuelles, de perversions,

De périodes féminines de vingt-huit jours et masculines de vingt-trois.

Freud a introduit la notion que c’est une substance mâle qui déclenche

Le plaisir chez les deux sexes… Tiens, ça tombe bien, j’avais envie

Ce matin de casser du sucre sur toutes ces saloperies que l’on voit partout,

Au cinéma, à la télé, dans les journaux, dans les livres…

Que voulez-vous madame Jupin, quand on voit comment ils se comportent,

Il y a de quoi, non ? Donc, la déontologie, l’étique.

- On ne saisit pas ce que tu veux dire du fond de ta pensée profonde.

- Oui, je m’égare souvent, mais n’est-ce pas ce qui fait mon charme ?

J’oublie de rester clair. Il y a peu, j’ai parlé d'un vilain petit animal

Installé en nous, je l'ai appelé le petit lapin. Anzieu nous parle

D'une sorte de conflit entre le moi et cette "deuxième entité non maîtrisable".

- Non maîtrisable ?

- Malheureusement.

- Ce petit lapin, c’est un diable provocateur, n’est-il pas ce que

Freud a appelé l’inconscient ?

- Je ne me reconnais pas dans ce mot-là, je préfère cette image

D’un double cherchant toujours à déstabiliser tous nos efforts

À avoir la meilleure relation avec le monde extérieur.

C’est une sorte de terroriste qui a besoin à la fois de s’exprimer

Et à la fois d’avoir un gendarme pour ne pas nous entraîner

Dans des débordements, des voies sans issues, dont nous avons tout à craindre.

 

Nous reviendrons sans cesse sur cette particularité humaine,

Car elle nous aidera à mieux cerner, comprendre notre bordel

Et celui des autres. Mon côté "petit salopard" est-il heureux, content,

Jubile-t-il d’entendre et de voir déferler ces fameux débordements

Que mon gendarme lui interdit d’exprimer ? En tire-t-il un bénéfice ?

Ce petit lapin est-il le lieu de nos jouissances ?

Pense-bête : acheter la correspondance Freud/Fliess.

Cette amitié. L’amitié en général. Ça commence par la rencontre

De deux êtres, leurs points communs les unis, ensuite vient

Le moment de la séparation. Fliess travaillait sur la bisexualité,

Dont je ne comprends pas trop la teneur cela dit en passant.

Freud s’y est intéressé, mais pas trop longtemps. Rapidement,

Il abandonne ce concept pour se consacrer principalement

À ses propres travaux. Ce type de recherche implique une concentration

Sur soi pour avancer et si l’on a besoin des autres, c’est plus comme

Matériaux alimentant notre propre potentialité à créer.

Nous les "utilisons", un point c'est tout.

- C’est pas bien, Monsieur Art-psy, de faire comme ça

Avec les copains, c’est trouble vos histoires !

Que sont donc devenues votre générosité et votre ouverture sur les

Autres : de l’intérêt à remplir le vide qui vous anime ?

- Oh, ça va, vous, ne me cassez pas les pieds ce matin

Je dois aller faire mes courses, j’ai plus rien dans mon frigo.

 

Que dire de l'abstraction ?

Comment parler de la peinture ?

... Et puis, pourquoi en parler ?

C'est une image. Elle englobe tout.

Ce n’est presque pas grand-chose.

C'est comme un discours, un langage à elle toute seule,

Elle se suffit à elle-même. Elle est solitaire, elle s'exprime

Par la forme et la couleur, c'est son métier, sa demeure,

Sa force, sa raison d'être, envers et contre tout.

Elle restera toujours, toujours, toujours

Fidèle à ses engagements, fidèle, tout court.

Voilà, je voulais le dire ce matin.

Bonne journée à tous et bonne santé aussi.

 

Freud aime Zola dont le livre "L’œuvre" relate l’histoire d’un

Peintre impuissant qui finit par faire l’amour à sa femme et

Se pend après. Je trouve ça ridicule d’agir contre sa nature

Lorsqu’on est impuissant, il faut éviter de faire

Des efforts, c’est trop dangereux, la preuve.

C’est bien le sexe, ça rapproche les êtres humains.

Avis basic, certes, mais si l’on veut révolutionner la psychanalyse,

Il est capital de tout reprendre à zéro. Entre ce que sont les

Relations humaines "ordinaires" et celles dont le sexe a mis

Son grain de sel, franchement y a pas photo, c’est pas pareil.

Il est midi, tu es dans une brasserie, des gens sont attablés

Par deux, comme des couples, toi tu es seul pour l’instant,

Tu attends quelqu'un et ton esprit gambade.

 

Je grille le temps matinal comme une cigarette.

Ce temps-là m’est agréable à vivre,

C’est incontestablement le meilleur de la journée.

Sinon, besoin de le remplir, de l’occuper à faire des tas de choses,

Pas si inintéressantes, mais tout de même… Je pourrai condenser,

Trier les taches, je perds délibérément mon temps.

Je suis au courant, je sais pertinemment qu’il me faut ça

Pour recharger mes batteries, récupérer de l’énergie,

Celle qui fait que je peux maintenant m’asseoir pour écrire.

 

Pour la peinture, c’est pire encore. Il me faut attendre

Le moment limite où l’angoisse du vide va prendre le dessus,

Je sais reconnaître cet état, alors, lorsqu'il est là, 

La main sait ce qu'elle doit faire, prendre les pinceaux,

Le reste suit, c’est facile…

 

Dans les rêves la notion de temps n’existe pas.

Vous pouvez très bien vous trouver dans l’appartement

De votre enfance avec une personne actuelle…

Pour commencer à comprendre tout ça,

Ne pas perdre de vue que la mémoire est une boîte

Contenant le tout, plus ou moins mélangé, mais pas ailleurs.

- Ne parle-t-on pas de la mémoire de la voûte plantaire ?

- S’il vous plaît, ne perturbez pas la pensée du penseur, merci !

C'est fou ce qu'on peut être dérangé par des ignares actuellement,

C'est dingue, ça !

 

Si certains se sont longtemps couchés de bonne heure,

D’autres, particulièrement les universitaires des Etats-Unis

Se sont posé la question : Art-psy a-t-il lu Widlöcher ?

Laissons ces jeunes à leurs études et revenons aux choses sérieuses,

Laisser quelques traces

De mon expérience non psychanalytique de la psychanalyse.

Je ne sais combien de temps ce plongeon va durer,

Des semaines, des mois, des années ? Qu’importe, nonobstant

J’émets un souhait: travailler plus, papillonner moins.

En regardant deux photos de Freud et de Ferenczi,

M’est venue l’envie de revoir un ami perdu de vue

Et retrouvé dans le bottin en deux minutes. Je lui téléphone,

Il répond, me reconnaît immédiatement,

Il habite toujours Paris, le même appartement que jadis,

Tout seul, ses parents étant décédés maintenant.

Quarante ans de séparation c'est trop dur, trop insupportable.

Quelle idée de vouloir remuer la mémoire à ce point-là ?

À midi, nous avons déjeuné ensemble, terrifiante est cette réalité,

Cet ancien Rimbaud devenu ce qu’il est là devant moi,

Une déchirure impitoyable… Pourtant, depuis le temps,

J’en ai vu bien d’autres, alors pourquoi tant de souffrance ?

Comme toujours dans ces situations, j'ai été confronté

À deux univers : celui de la mémoire, trop affective

Et de celle de la réalité avec sa trivialité.

Nous ne sommes plus sur le même chemin, maintenant

Nous sommes étrangers l’un à l’autre, alors qu’avant

Nous étions amis, amis comme des frères…

 

Aujourd’hui, je m’en rends bien compte, pour établir

Une réelle relation avec autrui, je dois me sentir à l’aise,

Me trouver son égal quelque part, pas partout certes, un peu.

Et puis aussi trouver une pointe d'humour dans tout ça,

Car parler est avant tout un jeu ludique, pas un jeu de manipulation,

Tout le contraire, de l’oxygène, de l’amusement, de la légèreté.

En gros, j’aime qu’une relation me donne du plaisir, le reste,

Faut s’en méfier comme de la peste.

 Je me souviens avoir écrit il y a longtemps :

"J’ai rêvé que Freud n’avait jamais existé, j’étais son remplaçant et

je trônais à Paris, mon sexe à la main criant au peuple mes rêves..."

Un jour, je me suis donc identifié à Freud

- Je ne vois pas encore le rapport…

- Je me suis identifié à Freud, à son désir obsessionnel

D’avoir un ami, c’est récurrent, tout au long de sa vie,

Comme moi d'ailleurs.

- Oui, mais comment cette association s’est-elle construite ?

- … Freud à la recherche d’un ami, alors j'ai voulu faire de même.

- Veux-tu dire par là que les associations sont à l’origine de nos actions ?

- C’est à peu près certain. Que pourrons-nous tirer de cette affirmation ?

Nous le verrons plus tard, comme en cuisine, mettons cela en réserve.

- Tu m’as dit au creux de l’oreille, hier soir, que tu t’es senti coupable

Envers lui, pour toi, qu’est-ce la culpabilité ?

- La culpabilité est une difficulté à gérer.

Si je devais l’expliquer à ma mère, je lui dirais en mots simples

Quelque chose comme ça : si tu te sens coupable au sujet de quelqu’un

C’est que tu ne sais pas qu’est ce que tu peux faire avec,

Tu es dans un désordre, tu ne sais pas comment t’en sortir

De cette histoire, de ce bonhomme, de cet enfant… Tu te sens

Coupable de toutes les culpabilités d’une existence. Toutes les

Ruptures, les deuils, les séparations se sont vus concentrés sur

Cette personne, ce visage, coupable d’avoir provoqué

Cette rupture, ce deuil, quelqu’en soit les raisons.

C’est ça la chose difficile à vivre, à gérer :

On ne peut revenir en arrière…

 

Pas facile, disait Jeanne, lorsque je lui en parlais amicalement

À la sortie d’un spectacle qui nous avait emmerdés pas mal.

Elle, pensait autrement, ce qui provoquait tout de même

De sacrées conversations, pas très intéressantes à vrai dire,

Mais enfin, faut bien avoir des relations humaines…

- Revenons à nos petits lapins. Tu reconnais avoir des faiblesses,

Comme nous tous je te l’accorde, mais ne te complais-tu pas

Là dedans, parfois ?

- C’est clair, il y a de la jouissance dans la souffrance, nous le

Savons tous. Ne pas l’accepter c’est entrer dans la connerie,

Par contre le vivre c’est accepter cette part de nous étrange,

Mais nous devons rester dans la vigilance, ne pas nous installer

Dans le bonheur du malheur, car, il y a risque de maladie mentale.

- Pourquoi pas ?

- Pourquoi pas quoi ? Ça va pas la  tête chez toi, tu te rends compte

De ce que tu dis ? Moi je préfère et de loin avoir la tête sur

Mes épaules, c’est plus commode pour gérer les loups.

 

Je pense que peut-être le rêve est thérapeutique par lui-même,

Mais je n'en suis pas encore sûr. Si c'était le cas, ce serait

Un concept psychanalytique révolutionnaire, qui reposerait

La question de l'analyse et de sa façon de l'aborder.

Je proposerai volontiers de voir et d’admirer chaque rêve

En tant qu'il est une oeuvre d'art exprimé à un moment donné

Et qui mérite que l'on s'y arrête. L'analyse devrait donc

Orienter le travail vers cet aspect créatif, car tout rêve mène

À une réflexion intellectuelle d'une extraordinaire jouissance.

 

Sur la prostitution, dont je n'ai aucune expérience (pour l'instant)

J'ai imaginé que peut être il y avait quelquefois, de vraies relations

Entre client et prostitué(e) et que c'est un contrat entre deux êtres

Sur le fil du rasoir ... c'est pour ça qu'ils se rencontrent rapidement

Souvent dans un lit, symbole de l'intime, pour un "règlement de compte".

Lequel ? Lorsqu'on est au bout de la route, que le moi ne vaut plus rien

Ni pour soi-même ni pour autrui, alors le fait que quelqu'un vous regarde,

Même pour "ça" et qu'en plus, le salaire est donné, cette preuve d'intérêt,

Le plaisir que j'évoque, c'est cette porte ouverte, ce plaisir

De se reconstituer en tant que corps désirable…

Vous voyez, je n'ai pas beaucoup d'expérience...

Mais j'ai la conviction qu'en enfer, il y a des anges...

 

Avant que de quitter cette terre, je sais qu’il me manquera

Le temps nécessaire pour apprendre ce qu’il me reste à savoir.

C’est pourquoi je me dois d’abandonner cette idée, sûrement absolue

Et comme un enfant peint ou dessine librement sur du papier blanc,

Je me dois de faire le vide. Papier mâché, papier gommé, papier d’amour.

Allons, évacuons le fameux savoir avant que les siècles ne se terminent,

Partons ensemble dans des calèches d’or pour des backrooms malfamés,

Oublions ce qu’il reste encore dans nos bleues mémoires.

Ballons et serpents d’argent entremêlés, magma concupiscent,

Vif et agile de nos esprits malins crapouilloteux.

 

- Fin du premier chapitre, ils peuvent aller faire pipi les lecteurs ?

- Pas d’objection camarade, mais il faut les tenir en haleine

Si l'on veut qu’ils aillent jusqu’au bout du livre que nous écrivons.

- Menteur !

- Comment ça menteur ?

- Ben, tu le sais bien, c’est pas nous qui écrivons, c’est lui là haut

Avec son stylo et son ordinateur !

- T’es pas obligé de le dire, fait comme si c’était nous. D’ailleurs

Tu crois que parce qu’il tient la plume, nous, nous n’avons pas

Notre mot à dire ? Tu sais les enfants ils sont plus créatifs que les grands.

- OK, il nous revient maintenant de présenter la suite du programme.

- Comme à la télé ?

- Oui, mais ici, pas de blague, c’est sérieux.

- A la tété c’est sérieux aussi, qu’est-ce qu’il croit lui, mais tu sais

L’autre jour j’ai vu un philosophe qui disait aussi des choses

Que je ne comprenais pas, et ça durait, durait, que même

Je me suis endormi avec le philosophe.

- Je crois que tout le monde devrait écrire un livre, c’est drôlement excitant.

- Tu trouves ça toi ? Moi, je préférerai aller jouer à la plage

De Trouville-sur-Mer avec des copains et des copines, toutes ces histoires

C’est pas de mon âge. il y a un truc là bas, tu vois, on joue à des tas de jeux,

C’est gardé il y a un grillage et une porte métallique, l'entrée est cher

Mais mon Papa, il est riche maintenant.

- Il fait quoi dans la vie ?

- Il est tout le temps amoureux, mais il gagne pas l’argent avec ça,

Non je ne crois pas, il est représentant.

- Je l’ai vu l’autre jour ton Papa, il m’a dit qu’ils se sont rencontrés

Il y a cinq ans, mais que depuis un an, il avait un sentiment plus fort.

- C’est pas mon problème !

 

Les harengs vivent, nagent et tournent en rond, c'est étrange,

De temps à autre l'un d'entre eux revient en arrière, puis

Reprend la route comme dans un rythme perpétuel.

Il y a dans cette région montagneuse de Norvège,

Entre BERGEN et OSLO, de petites cabanes en bois louées

À un prix modique, noyées dans les arbres et le silence.

En voiture, je me suis arrêté au bord de la route,

Le vallonnement de la campagne, les églises, l’herbe et les fleurs,

La mer, le ciel... Je grimpe au-dessus de quelques rochers,

Une plate-forme bien verte m’invite à dormir. Alors je dors nu,

Je me suis déshabillé sur la pelouse encore humide.

Hier soir, je suis allé au bar pour boire un verre.

Un homme et une femme parlent un peu fort, elle est saoule,

Assise sur les genoux du monsieur, montre ses jambes. Jolies,

Très jolies ses jambes, excitantes même. Elle se mets à me regarder,

M’adresse quelques mots, s’approche de ma table et demande

Quelle langue je parle et dit : “voulez-vous faire l’amour avec moi ?”

En riant aux éclats. Elle veut s'asseoir maintenant sur mes genoux

Et répète la même phrase. Elle m'accroche du regard,

Je suis surpris d'aimer cela, je m'ouvre un peu plus, elle parle beaucoup

Et me dit être amoureuse d'un homme, mais il est marié, a quatre enfants

Et vit à Oslo. Elle n'aime ni la femme de cet homme ni ses quatre enfants,

Elle le préfère lui, elle est attachée à cet homme et pas à un autre.

Puis elle me dit avoir un enfant de seize ans, son visage pali, elle parle,

Le monsieur traduit, elle me demande mon âge, elle s'approche de moi

M'embrasse. Une grande tristesse accompagne cette tendresse.

Elle dit à nouveau : "Voulez-vous coucher avec moi ?".

 

Freud s'est planté...

Freud s'est planté sur le complexe d'Oedipe.

A mon avis, le problème essentiel de l'homme est tout autre.

Je vous propose ce texte d'une qualité médiocre

Que j'ai écrit il y a plusieurs années, corrigé

Mais jamais satisfaisant, tant pis, j'assume.

“ L'homme de type masculin sort du vagin de sa mère.

Il regarde son propre sexe, différent de celui de sa génitrice,

il accepte cette différence et vit une harmonie parfaite.

Mais un autre être est dans la maison qui a le même sexe que lui...

L’enfant s’aperçoit que cet homme est son rival :

Il couche avec sa mère, quelle horreur !

Si, la femme représente pour lui le “ plaisir ”,

L’homme, lui, représentera “l’ennemi”.

Il y a donc là un antagonisme difficile à vivre.

Alors l’homme, cet enfant devra, en se regardant tout nu,

Identifier son propre sexe à celui de son procréateur,

Qui est aussi son “pire ennemi”.

"Relisez votre Freud" me dit-on.

C'est totalement inutile, savez-vous pourquoi ?

Dans mon cas, lorsque je lis un livre, je ne me souviens de rien.

 

Texte ancien.

"Dans la nuit, un homme âgé, allongé dans son lit,

sait qu'il va mourir, il dit : "j'ai soif, donnez-moi à boire"

personne ne lui répond

"Allumez la lumière, je suis dans l'ombre, je ne vois rien"

"Je veux revoir ceux que j'ai aimé, et que j'aime encore"

"Je veux qu'ils soient là pour une dernière fois"

"Excuser le mal que j'ai pu faire"

"Je voudrai mourir en paix"

"Pourtant, je n'ai plus rien à leur dire, je veux seulement les revoir"

"Je sais maintenant que nous ne sommes plus du même bord"

"Ils vivent, je vais mourir, je n'ai plus de lendemains" mais ils dorment tous, demain ils travaillent

"allumez la lumière, je suis dans l'ombre" et l'homme reste dans la nuit, seul, tout seul, il va mourir, se détend, et meurt lentement, la lumière revient, et l'homme mort, allongé sur son lit, attend la venue de ceux qui le veilleront toute la nuit.

 

...

Faire l'inventaire comme avant la mort, comme pour lui faire un pied de nez,

Jusqu'au dernier jour, dernier instant. Mais l'inventaire de quoi ?

Je ne sais pas, découvrir à nouveau ce qui est autour de soi, faire le bilan.

Plus je vieillis, plus j'aime la vie. Comment est-ce possible ?

J'ai la conviction que conscient/inconscient ne sont pas les bons mots pour définir "la chose".

J'ai pensé souvent à rationnel/irrationnel, deux univers avec lequel nous vivons au quotidien,

Ils sont ensemble comme des frères jumeaux, ils communiquent tout le temps,

Se jouent des tours pas possibles, l'irrationnel est comme un "petit lapin"

Qui nous dit ce qu'il faut faire avec un petit sourire narquois,

Il faut s'en méfier comme de la peste, mais on ne peut s'en défaire,

Secouer le cocotier, il est avec nous en permanence.

 

Je suis inquiet ...

... Elle a trop de livres chez elle.

Quand je dis trop c'est peu dire.

Elle est noyée dans ses livres,

Et moi, je ne comprends pas bien

À quoi cela correspond ?

 

- Est-ce que tu crois que notre livre va devenir un best-seller ?

- Ah ! mais je ne sais pas ce que ça veut dire ce mot, c’est anglais dit donc !

- Te rends-tu compte que si on a un succès, il va nous faire travailler plusieurs heures par jour.

- Non, il prendra des secrétaires et il deviendra un écrivain professionnel, il recevra les journalistes, la télévision, les intellectuels, on parlera de lui partout !

- Ses idées, elles peuvent passer, tu crois ?

- Non, jamais.

- Et pourquoi donc ?

- Parce que c’est toujours comme ça, les idées ne peuvent être entendues que si c’est dit par des hommes de pouvoir.

- Et qui te dit que lui, il n’est pas intéressé par le pouvoir ?

- S’il était intéressé par le pouvoir, on le saurait, à son âge !

- C’est peut-être à cet âge-là que le pouvoir vous prend,

- Le pouvoir est une sorte de diable, on y succombe comme avec le plaisir sexuel !

- C’est quoi ça le plaisir sexuel ?

- Ce n’est pas de ton âge !

- Bon! en attendant, moi j’ai soif !

- Tu veux boire un verre de lait ?

 

L'homme, sa drogue ce sont les mots

Et pour que cela soit, il lui faut des motifs,

La raison des mots, mise en scène, préparée, programmée, attendue,

Enclenchement d'une machine infernale,  mots, verbiage,

Sensation d'ailleurs, musique prénatale,

Objets indispensables au déroulement normal de soi.

 

A Oslo, au musée d'Edward MUNCH, sur un mur il y a une grande toile,

Elle représente un soleil où chaque rayon jaune est accompagné de rouge et de vert.

Il y a la mer, la montagne, les rochers, quelques arbres, la vie est heureuse,

Mais en apparence seulement. À côté est accrochée une autre oeuvre

Une mère et ses enfants jouent sur la plage, ils sont nus, le ciel est presque bleu,

Toutefois nuageux, la campagne est à droite, les arbres à gauche, et

Tout près de la mère un enfant seul joue avec quelques fleurs. Son corps est posé là

Peint par l'artiste à cet endroit précis du tableau, il est très près de la mère.

Il la regarde donnant le sein à l'enfant, son frère, sa soeur probablement,

Impression de souffrance, de jalousie latente difficile à décrire, imperceptible.

 

L’artiste est un homme ni ordinaire ni extraordinaire.

C'est un simple chercheur travaillant dans le domaine des arts,

Recouvrant, volontairement ou non, l’ensemble des sciences...

Il a donc une fonction : celle d’apporter une vision autre, un regard, une utopie,

Que les “les autres” ne peuvent exprimer de cette manière-là.

L’artiste peintre est confronté en permanence au “résoudre”, se pose à lui

Le problème global de la toile dans ce qu’elle doit devenir une oeuvre parfaite.

 

Nous balancerons nos jambes tant qu’on le pourra

Sur la balançoire du jardin de notre enfance.

Nous chercherons le long de la rivière, des chenilles

Pour voir si c’est lumineux en plein jour et à poil,

Nous plongerons dans l’eau du bassin qu’ils viennent

D’inaugurer, les gens de la mairie. Nous serons les premiers

À y aller, chic, l’eau est bonne surtout que Juliette

A quitté la maison hier soir en disant :

Merde, je m’en vais.

Merde, je m'en vais, c'est facile à dire, faut-il encore assumer,

La voilà de retour, c'est une vraie engeance, cette fille.

 

Ma chérie,

J’ai reçu ton mail ce matin et j’ai été très emmerdé, pas tout de suite,

Après. J’étais content que ton salaud d’amant t’ait cassé la gueule.

Tu étais ma femme, tu m’as quitté pour lui, tant pis pour toi, je me suis dit

D’abord, ensuite, après, j’ai eu des remords, je me suis trouvé trivial,

Pas longtemps, un peu. Que veux-tu, nous sommes tous des salopiaux…

J’espère que tu t’en sortiras bientôt et que lui de son côté, il aura trouvé

Une autre nana, pour se faire les muscles sur ses os. Hier, j’ai eu Juliette

À la maison pour un dîner aux chandelles, mais je n’avais pas d’allumettes,

Nous avons été désemparés, je lui ai donné Freud à lire, mais la psy

C’est pas son fort, son fort à elle, c’est Rungis où son père travaille

Elle aimerait comme lui faire carrière dans les fruits et légumes.

Elle m’en a beaucoup parlé, seulement, tu me connais, ces trucs-là

Me sont tellement étrangers. Ma chérie, toi et moi, je n’arrive pas à l’oublier,

Nous avons fait nos fonds de culotte entre la Sorbonne et la Mouffe.

Des fois je te regrette, mais faut pas c’est ridicule, je me dis quand

C’est fini, c’est fini, faut savoir faire son deuil des bonnes choses.

 

Lorsque ça ne marche pas entre deux individus

Ou entre deux peuples, que peut-on faire ?

Il faut impérativement rompre avec ces fonctionnements abîmés,

Et essayer d’en trouver d'autres, moins destructeurs, plus vivables…

Mais, soyons raisonnables, il n’est pas sûr, pas certain

Qu’il exista toujours une solution, sauf celle, évidemment,

De la rupture et ceux qui me connaissent savent combien

J’en ai usé et abusé. Avis aux amateurs !

 

L’immobilier, ça fait rêver

C’est pourquoi, jadis, j’ai fait ce métier

Cela surprend plus d’un, je l’ai aimé.

J’ai vu plein de gens, de maisons,

D’histoires à raconter et aussi

Plein d’argent dépensé pour un logis

Protecteur, avenant, ouvrant la porte

À l’espoir de vivre mieux, autrement.

Il n’y a pas de sots métiers, l’essentiel

Est de le faire bien. Seulement, pour

Des raisons que je dirais plus tard,

J’ai mal viré, l’art m’a pris par la main,

Il m’a entraîné sur le chemin qui est le mien,

Il est mon meilleur ami, ma joie, ma déchirure…

- Tu vas nous faire pleurer, Germain !

- Pourquoi dis-tu ça, Machin, tu m’aimes pas ?

- Si, mais j’aimerai mieux vivre ailleurs que

Dans ce taudis de merde, mon amour.

 

Pour être déçu, il faut y avoir cru.

Croire, c’est ça la pathologie, le reste

C’est de l’eau qui coule le long d’une

Rigole,comme le sang dans les veines.

L’homme son angoisse c’est la peur de l’ennui

Et tout ce qu’il fait, tout ce qu’il construit n’est

Rien d’autre qu’une protection contre ce trou noir

Pour lui insupportable. Pour certains, il n’y a rien

De pire que la paix pour les faire peur. Ils craignent

De se trouver tout à coup face à eux-mêmes, l'angoisse

Reprendre la vie ordinaire, l’enfer, l’enfer je te dis.

A l’ennui, parfois, les hommes, c’est horrible à dire,

Mais c’est vrai, préfèrent les conflits, la mort.

J’ai écrit ces quelques lignes il y a quelques jours,

J’avais trouvé tout trivial, dur, et aujourd’hui,
j’ai udu remord, réparons et parlons du discours névrotique...

Organiser son temps est essentiel contre l’angoisse.

Travailler, c’est consacrer son temps aux autres.

En valent-ils la peine ? Merde, ça commence mal.

Dépenser de l’énergie pour une tache auquel on s’en fout, bof.

Cela ne pourrait avoir de sens que s’il y a du plaisir.

La prostitution, j’y ai pensé, seulement maintenant

C’est un peu tard et en plus d’après quelques informations

Glanées à droite, à gauche, dans la prostitution il n’y aurait pas

Spécialement de plaisir… Alors, non, faut trouver autre chose.

Travailler, sortir à heures régulières pour remplir une tâche,

Travailler pour une association, pourquoi une association ?

Non, plutôt dans un bureau, une boutique, voir des clients…

À mi-temps n’abusons pas des bonnes intentions.

Voir des gens régulièrement jusqu’à la nausée. Je ferais le tri,

Je veux voir les gens que je choisirai de rencontrer,

Je ne prendrais que ceux avec qui j’ai envie de communiquer…

Je pourrai faire psychanalyste bénévole.

Voilà ce qu’est un discours névrotique. Nous aurons l’occasion

D’y revenir plus tard, mais il faut savoir le laisser s’exprimer

Librement, sans que cela ne vous affecte le moins du monde...

Une fois la "chose" dite, vous pourrez passer à d’autres occupations.

 

La fatigue, faut pas se tromper, est un métier, et

Comme tout métier faut savoir gérer.

J’errai, dans le dédale de la médecine, à la recherche

D’une solution honorable à mon problème et comme un

Pauvre malheureux, de spécialiste en spécialiste,

Je quémandais, à qui voulait bien m’entendre,

Un mode d’emploi à ma terrible particularité.

Eux, de la fatigue ils ne savaient rien, ce n’est pas dans

Les analyses de sang, pas encore répertorié,

Alors, ils m’ouvraient leurs grands yeux bleus

Pour me montrer qu’ils n’avaient pas de réponses.

Je voulus alors acheter un lit à baldaquin avec des

Voiles blancs tout autour, des voiles blancs et en couleur aussi

Pour agrémenter ces moments-là. Je ne savais pas encore qu’ils

Allaient devenir mes meilleurs amis, mes compagnons de route,

Je pataugeais dans la gadoue, pas heureux, pas heureux du tout.

Je n’ai pas acheté le lit à baldaquin en question,

J’ai préféré écouter Maman et j’ai choisi un

Lit branché, avec une prise électrique, non remboursé par la sécu.

On me dit : ça fait un peu hôpital ta chambre.

Moi, je trouve pas. C’est là que je j’aime à me reposer

Les jambes en l’air, la tête bien droite…enfin presque

Vous savez ce que c’est, inutile de vous la faire

Lorsqu’on est rhumatisant, on est rhumatisant. Point barre.

Mais trêve de plaisanterie, j’ai découvert avec le temps

Combien la fatigue pouvait être un avantage et non un inconvénient.

En effet, de cet état, de ces maladies qui depuis longtemps

Firent de moi un être fragile… Je vous demande une minute de silence,

Merci M'sieurs-Dames, il a besoin de tant d'amour,

Le pauvre, allongé qu'il est, sur son lit électrique…

De cette fatigue, il en fit une force, faut que je vous raconte.

N’ayant donc pas assez d’énergie physique pour devenir monsieur tout le monde,

Avec ça, il dut faire quelque chose et ma foi, il y réussit tellement

Qu’au lieu de le plaindre, les gens se mirent à le jalouser,

D’abord un peu, après pas mal. Il avait compris qu’il devait accepter.

Bon, c’est facile à dire, mais faut-il encore savoir de quoi on parle.

Il accepta de ne pas avoir une journée tout entière éveillée

Comme c’est l’usage faut pas déconner. Il coupa ses journées

En plusieurs séquences, avec des moments de repos, entre.

C’est pas très original, me direz-vous, et là vous avez raison, mais lui,

Au lieu de perdre son temps avec des fioritures, allait à l’essentiel.

En gros, il faisait des choix. Des choix tellement serrés, qu’un jour….

 

La pensée artpsyenne est-elle intéressante pour l'humanité,

À défaut l'est-elle pour quelqu'un d'autre que pour lui-même ?

Qui suis-je, qui sommes-nous ?

Grandes questions sans lendemain,

Carrefour de l'inconsistance, de l'idéal à bâton rompu,

Cocasseries abasourdissantes, à bas prix,

Abats gratuits de nos tripiers en fin de parcours.

En écrivant ainsi ces mots, j'allais dire ridicules,

Je m'aperçois d'une chose bête, je suis assis là où Jean-Paul Sartre

L'était, en chair et en os, lorsqu'il avait envie d'étaler sa pensée,

De se faire voir ou de parler avec Simone, sa chérie, dont certains

Ont dit que peut-être en tant que couple, tous les deux, c'était pas terrible,

Mais vous savez les gens sont méchants, rien que pour dire,

Ils remueraient ciel et terre, enfin

C'est ce qu'elle pense Amélie, souvent.

Je ne suis pas Jean-Paul Sartre ni Simone de Beauvoir, mais eux

Sont morts et obligatoirement, tant pis ce n'est pas de ma faute,

N'écrivent plus, même s'ils le voulaient, ils ne le pourraient pas.

Alors que, moi, vivant, j'ai cet avantage sur eux, certes c'est pas terrible,

Mais maintenant j'écris à leur place, je prends ma revanche.

Je suis installé au Flore et c'est Noël. En face, il y a un schizo,
Le patron le jette poliment, tout se passe silencieusement.

 

J'éprouve de l'apaisant dû au bonheur d'écriture.

Impression d'être toujours au début d'une aventure,

Quel que soit l'art que je touche, c'est cette sensation physique qui domine,

Une jeunesse grande et impérissable me colle à la peau…

Même si parfois…

Amélie, tais-toi !

 

On a trop longtemps pensé qu’il y avait quelque part

Quelque chose d’autre en dehors de notre corps, composé lui,

Uniquement de matière, seulement que de ça et de rien d’autre.

Que l’homme ne soit que matière, qui me le contestera ?

Toutes les croyances ne sont rien d’autre que des…

Que des quoi ?

C’est Noël, partout les lumières scintillent, le bonheur rayonne,

C’est la joie, presque rien… Demain, nous irons au bois nous promener,

Notre quiétude mènera nos pas, en cadence nous trouverons

Le rythme généreux de l’enfance, à notre âge ce n’est pas sérieux.

N’oublie pas de prendre un châle, dehors il fait froid, apporte

L’appareil photo, nous cliquerons un peu, ensuite ma chérie,

Nous irons dans un bistrot parisien et nous parlerons comme il est d’usage

De tout et de n’importe quoi, de religion si tu veux.

Fais la bise à Mémé de ma part.

 

L’amour est un poids. Un poids lourd à porter, surtout

Depuis l’arrivée de Marie à la maison. Marie l’aimée.

Si, aller dormir n’a jamais été un problème pour moi

Maintenant, je ne dis pas que ce soit un calvaire, mais

J’ai de l’hésitation, car nous partageons le même lit.

Quelle idée nous avons eue là, c’est la règle, nous a-t-on assuré.

Nous avions bien entendu le choix de faire autrement,

Mais c’est délicat, vous savez, ces affaires-là.

L’amour n’est jamais simple. Tout le monde le reconnaîtra.

C’est dit. Voilà un nouveau jour, un mardi, quelle excellence.

Souvent me revient ce mot "aimer" comme une résurgence,

Une rémanence. L’amour, ce n’est sûrement pas que du bonheur,

C’est autre chose aussi, parlons-en sérieusement, pas la peine

De faire comme si. Elle me dit toujours que je ne devrais jamais

Parler d’amour, car je ne suis pas fait pour. Tu parles comme elle est

Sympa cette fille… Mon Amélie chérie, écoute-moi bien,

Si j’ai envie de parler de ça, je le fais sans même te demander ton avis,

Je suis un homme libre et je compte le rester… Enfin quoi !

 

L’humanité s’écroule et Marie toujours m’ennuie.

Hier soir, alors que nous étions confortablement

Installés devant l’écran de toutes les catastrophes

Regardant comme des millions d’hommes et de

Femmes ce qui ne nous est pas arrivé, elle,

Me fit toute une histoire au sujet de mes

Obsessionnalités concernant le thé de Chine,

Qu’elle sait très bien mes défauts depuis son

Entrée dans mon home personnel. Lui ai-je,

Moi, objecté quelques amendements sur sa façon

De voir les relations avec ses anciens amants ?

Nous les voyons arriver sans même prévenir

Et s’attablent à toutes heures du jour, pas d'la nuit,

Ça, je m’y suis refusé dès le départ, il y a des

Limites tout de même, faut pas exagérer.

Le monde s’écroule et nous voilà comme des

Idiots avec nos petites merdes de tous les jours.

Parfois, ces temps-ci, j’éprouve de la nausée.

 

Lire et écrire sont les deux mamelles de la démocratie.

L’école est le lieu pour la réalisation de ce grand projet

Bravo Messieurs, rangez vos cahiers, c’est l’heure de la récré.

L’école est une grosse Mama généreuse avec des doigts

Qui pincent les cuisses des jeunes de tous sexes confondus.

C’est une vicieuse. Pourtant, elle est ce qu’il y a de plus beau

Sur terre et il est souhaitable que tout enfant ait à sa disposition

Cette richesse à nulle autre pareille. Alors de quoi te plains-tu ?

Non, mais ! t’as déjà fait la classe, t’as déjà vu des gosses ?

De quoi tu t’mêles avec tes grosses godasses de con ?

Tais-toi oui, et laisse nous faire notre boulot, ce n’est déjà

Pas une sinécure, alors si tu viens foutre le bordel …

Non vrai, lire et écrire c’est fantastique, c’est formidable.

Seulement, pour y arriver, faut-il encore qu’à la maison

Ce ne soit pas le bordel. Papa, maman, tata, tonton,

Le loyer qu’ils n’arrivent pas à payer, les coups, les gros mots,

La télé et puis, et puis il y a les copains, ils disent, ils disent …

Ils disent quoi les copains, allez, dit le moi. Ils disent :

Si tu lis, si tu écris, t’es un P.D. C’est vrai ils disent ça,

Alors t’as pas intérêt à faire le malin, eux, c’est pas le genre

Fillettes, eux, ils savent se faire respecter, putain, mais

T’imagines pas la réalité, mon p’tit bonhomme !

La réalité…

 

Je suis spécialiste en la matière, je perds mon temps tout le temps.

Je le perds ou plutôt je ne le perds pas, je le gaspille, le grille

Comme une cigarette, le brûle comme un SDF brûle sa vie.

Et s’il ne s’agissait pas de temps, mais de perte, tout simplement ?

Une question d’écoulement voluptueux dans lequel

Je me laisse paresseusement glisser, enliser parfois.

Perte volontaire, vertige accepté au détriment d'autre chose…

Plonger dans un travail plus conséquent. Phantasme adolescent.

Comment une telle chose peut-elle persister dans ma tête ?

Qu’aurais-je donc à faire de plus ? Si je ne l’avais déjà vécu,

Probablement rêverais-je d’aller m’installer à la campagne

Comme l’on fait certains artistes du passé. Lesquels ? J’en sais

Fichtre rien, mais enfin là n’est pas mon propos, de grâce

Ne perturbez pas ma pensée, c’est déjà pas facile comme ça,

Si, en plus vous venez mettre votre grain de sel,

On n’est pas sorti de l’auberge. Donc, je disais.

M’installer à la campagne pour faire ce que je dois sans

Être tenté par la vie parisienne. Mais de cela je n’ai rien à faire

Aujourd’hui, l’important est ailleurs…

 

Puisque  la mort met un terme à la vie, nous sommes

Évidemment dans l’entre-deux, je ne dis pas en attente,

Godot l’a fait avant moi, évitons les redites, passons aux faits.

Les faits, les fêtes. Nous sommes donc le premier janvier 2005

Et j’ai décidé ce matin de dater mes écrits. Est-ce

Pour faire journal de bord ou pour me souvenir qu’un jour

J’ai écrit ces textes, lorsque plus tard j’aurai perdu la mémoire…

Mais pourquoi être inquiet, pessimiste à ce point,

Elle peut très bien rester intacte jusqu’au dernier jour.

In chala, comme dit Hamed. Croire en Dieu ça aide !

Sur la maladie d’Alzheimer, j’avais émis l’idée, il y a quelque temps,

Que c’était aussi, en plus de ce que peuvent en dire les spécialistes,

Un moyen pour ne pas devenir fou devant les "tracas" du présent,

Du passé : la mémoire devenant alors la pire ennemie. Mais,

Rassurez-vous, je n’en suis pas là, d’ailleurs j’ai fait des tests,

C’est OK, bon pour le service le bonhomme, du moins sur ce point de détail

De ma santé, sur le reste il y aurait tant à dire … Passons, c’est pas l’heure.

 

La mémoire j’en ai besoin, je veux qu’elle me serve : c’est une chérie

Qu’il faut savoir aimer en amoureux. Tiens justement, le mec à côté de moi…

Je suis installé dans un café de bourgeois. C’est là que les mots parfois

Me viennent, c’est l’avantage de Paris, des endroits comme ceux-là

Il y en a des tonnes… Je n’en profite pas assez, c’est sûr.

Le mec à côté de moi, il est puant. Pourtant lorsqu’il est entré, je

L’ai trouvé plutôt sympa, genre écrivain reconnu par les médias,

Donc pas n’importe qui, il porte un chapeau d’intellectuel, comment

Est-ce un chapeau d’intellectuel ? Je ne sais pas, mais il rend bien

Sur sa tête, genre j’habite dans le sixième, pas la peine d’imaginer

Me voir ailleurs, le jardin du Luxembourg c’est mon jardin et toutes

Ces dames sont à mes pieds.

Je suis installé près d’une d’entre elles, lui, s’en est approché pour la

Connaître depuis longtemps, d’après les mots qu’ils ont échangés, il

Est resté debout un long moment à parler avec elle, ce qu’ils disaient

Ne m’intéressaient pas des masses, moi, j’écrivais pas gêné, seulement

Au bout d’un moment, il s’est décidé à s’asseoir et à parler plus fort

Sauf lorsque son téléphone a sonné : son ex. Leur conversation

Fut très courte : non ça ira, je vais bien, ne t’inquiète pas.

C’est vrai il a bonne mine, et j’en ai pour preuve qu’il posa sur

La table un livre écrit en anglais où il était question de sexe et d’autre chose,

Mon interprète est actuellement en vacances, alors, je ne peux vous en dire plus

Sur ce bouquin, mais lui, lui parle de telle manière que toute la salle l’entende.

Il dit des choses du désir de l’homme, c’était évidemment très sexuel…

L'homme, à la cinquantaine, a toujours ce genre de comportement (sic).

Je compris très rapidement pour l’avoir entendu de sa propre bouche

"Qu’elle", son épouse, son ex, je n’ai pas pu savoir, sauf que j’ai saisi

Que tous les deux c’était pas la peine. L’autre en eut marre au bout d’un moment

Et voilà notre héros tout seul voulant se rapprocher de deux femelles en chasse.

 

Si j’étais…

Par exemple responsable de quelque chose,

Responsable d’humains, j’aimerai les convaincre

De ne pas perdre leur temps à croire en Dieu

Pour une raison simple, très simple : il n’existe pas.

Je n’ai pas l’intention de vous faire tout un exposé

D’autres avant moi s’y sont essayés, alors…

Dire "Dieu n’existe pas" n’est pas original

Et taper sur toutes les religions relève

D’un tel conformisme, monsieur,

N’avez-vous pas autre chose à dire ?

Oui,

Sur la démocratie, la laïcité.

Lorsqu’on parle de laïcité aujourd’hui, on pense

Foulard, c’est con, mais on nous l’a tellement

Mis dans la tête que ça reste, c’est complètement dingue !

La laïcité c’est l’école, mais pas seulement, c’est la télé

Les politiques, les gens neutres dans la rue, vous et moi.

La laïcité c’est l’ouverture vers les autres, l’acceptation de

Toutes les religions. La laïcité, la vraie, n’existe pas, c’est un travers

Malin de certains, je ne sais qui est à l’origine de cette foutaise,

Et de cela je m’en fous, mais ça explique pas mal pourquoi

Le monde est dans le bordel depuis toujours, car, on est bien

D’accord, on est bien dans le bordel ???

Les laïques c’est du pouvoir quand même et avant tout.

Mais du pouvoir sans la religion en devanture.

Derrière la laïcité se cache (hou, les vilains) souvent

Des hommes et des femmes de religions, sans soutanes certes,

Mais avec au cœur la volonté de maîtriser tout ce petit monde,

En expliquant qu'ils travaillent au bien de l'humanité.

Tu parles... En fait, il y a toujours des SDF dans les rues...

Voyous,

Tous des voyous,

J’vous l’dis, m’dame !

 

Le rêve.

Mode d’emploi.

Lorsque j’ai commencé à comprendre le fonctionnement de mes rêves,

J’ai saisi, pour ce qui concerne les rêves répétitifs, qu’il suffisait

De décortiquer leurs mécanismes pour qu’ils n’apparaissent plus.

Pourquoi le cerveau rêverait-il deux fois, s’il a compris qu’on a compris ?

Pour une meilleure interprétation, regardons la difficulté du jour et non celle

De la semaine d’avant ni celle d’il y a dix ans. Il ne s'agit pas de ne pas

Faire cas de ce qui s’est passé, mais avoir toujours à l’esprit que

Les problèmes du jour excitent en permanence l’utilisation, par notre cerveau,

De matériaux anciens. Nous sommes donc en possession d’une palette fabuleuse

Composée d'hommes, de femmes, d'enfants, de souvenirs proches, lointains,

De lieux… Et tout ça merveilleusement mélangé dans notre tête, bref

C'est notre passé de bordel de merde, comme dit Julien, le pauvre garçon.

Les rêves sont des films, des scénarios, des images. Ils viennent à nous

Avec bonheur et sont l’expression de notre potentialité à créer en permanence.

Ce travail qui est fait naturellement par tous les hommes de la terre,

Est toute notre richesse. Quelle magnifique particularité nous avons là.

 

Madame,

Merci pour votre petit mot, il m’a fait bien plaisir. Toutefois,

Je me dois de vous informer sur certains comportements de votre fils.

Hier, nous sommes allés ensemble dans un restaurant malien,

Dans une de ces petites rues du côté de Montparnasse,

Nous avons mangé un délicieux plat que vous auriez beaucoup apprécié

"Magoula de carottes aux fines herbes de Cannabis"

Mais, à peine le repas était-il terminé, que je sentis

Monter en lui une sorte de fièvre, due, soit à la carotte, soit au

Magoula, sorte de gingembre rouge, et, curieusement,

Malicieusement il sortit de sa poche de pantalon

Mi pervers, mi-fanfaron, les dessous roses d’une jeune fille blanche …

Madame, sur votre fils, j’ai quelques inquiétudes.

 

Monsieur Muson régnait en sa demeure en maître absolu

Le cœur plein et l’âme en fêtes, il s’amusait de son pouvoir,

Mais quand tous les musons du quartier se réunissaient dans

Les bas quartiers de la ville, résonnait alors la musique

Rappelant aux hommes de toute nature

Leur grande et belle fragilité.

 

Vous, vous travaillez dans l’art contemporain ?

C’est bien l’art contemporain, puis vous devez gagner pas mal

De tunes, hein ? Ah ça alors, l’art contemporain c’est un bon

Créneau, moi, ma sœur elle dessine, tu veux la voir ma sœur ?

Moi, je te la donne ma sœur, t’en fais c’que tu veux …d’ailleurs,

Tiens, la v'là : - Hé, tu veux parler à l’artiste, ben vient,

Soit pas timide, il va pas te manger le Monsieur, il est normal quoi…

Tu lui plais, il me l’a dit.

Allez,  viens, viens, viens, j’te dis.

 

Souvent, je me couchais de bonne heure pour pouvoir me lever tôt

Et aller à la salle des ventes de la ville de Chartres où les livres

Étaient vendus par mallettes, grosses et entières, pour quelques sous.

Après, j’allais chercher ma voiture et y jetais dans le coffre arrière

Mes achats en gros tas formant ainsi une magnifique montagne de livres,

Puis, rentrais tranquillement dans le château de ma solitude, pour

Redevenir, en fait, un enfant assoiffé de rêves.

Demain, nous n’irons pas au bois,

Nous resterons tranquillement  chez nous, à la maison

À lire le dernier livre que nous avons choisi ensemble

Celui d’Amélie Notomb, ensuite, nous irons au magasin

Acheter quelques tralalas pour la fête qu’ils organisent,

À la mémoire de Léon. Et puis, nous nous quitterons un instant,

Car le devoir m’attend : notre fille désire parler à son père

D’une chose qui lui tient à cœur… Je n’en sais pas plus.

Mireille et moi, nous sommes donc allés manger à midi

Au restaurant, tu sais, celui où nous n’allons plus maintenant,

Elle a beaucoup insisté pour nous y retrouver là-bas,

Elle a été souriante et joyeuse tout au long du repas,

Je la trouve changée depuis qu’elle vit avec son amie Juliette,

Elle fait des études aussi et elles ont un grand projet commun

Que tu ne devineras jamais, elles se présentent

Aux éliminations pour le prochain réality chaud de TF1.

Je n’ai rien dit de particulier, je voulais qu’on en parle avant,

Affaire à suivre de très près…

Ce soir, comme tu n’es pas à la maison, j’ai  acheté vite fait

Un sandwich chez Berthe la boulangère, elle a eu l’air surprise

De me voir prendre ce genre de produit, elle m’a regardé bizarrement,

Elle n’a pas l’habitude, la bougresse ! Comme je ne sais à quelle heure

Se termine ta conférence, je te laisse ce papier et vais me coucher

Car la journée a été ha-ra-ssan-te…Je te raconterai, Je t’embrasse.

 

Nous sommes là, assis, à tout jamais amis

Le feu chauffe le vin que tu nous as mis

Dans un récipient trouvé dans la cuisine.

Encore une fois il nous fera tourner la tête

Et nos sens déjà si vifs en désirs et en hésitations

Nous fera dormir comme de petits enfants.

 

Que dites-vous traître ?

J’ai du mal à vous croire, hier encore tout allait bien entre nous,

Maintenant le doute s’est installé en moi, infidèle, infidèle,

Dans quel palais avez-vous passé la nuit,

Qu’est-ce que ces traces sur votre veste, ingrat,

Quel plan encore avez-vous prodigué ?

 

Les fleurs sont là, silencieuses, les yeux grands ouverts

Sur un monde dont elles sont à l’écart.

Les choses leur apparaissent si lointaines,

Ce qui se passe autour d’elles les indiffère.

En couleurs elles projettent leurs attraits

Pour le bonheur des abeilles et des papillons.

Elles sont les gardiennes de l’âme des hommes

Demain, dimanche, j’irai à Châtenay-Malabry, au marché

Pour voir une gentille dame qui vend les fleurs de son jardin.

Paule, allez donc me faire une tasse de thé avant d’aller vous coucher

La nuit risque d’être longue.

 

Quoi de plus honorable pour un père que de vouloir marier sa fille

Et votre idée d'envisager un rendez-vous pour en parler me flatte

De pouvoir susciter quelques démarches de la part d’un père

Soucieux du bonheur de sa progéniture.

Si votre initiative s’avère concluante, alors, nous pourrions envisager

Une réunion familiale pour l’annoncer à tout le monde

Dans un cadre que nous conviendrons ensemble.

Je pense à l’hôtel Meurice ou à l’Intercontinental à Paris

Lieux que j’aime bien et qui je l’espère vous agréeront.

 

Merci beaucoup pour ton petit mot d’hier, il m’a fait bien plaisir.

Ici, ils ont arraché tous les câbles téléphoniques de la Ville,

Je ne sais pourquoi et quelles sont leurs intentions… Donc,

Si tu ne reçois pas de coup de fil de moi, ne t’inquiète pas trop,

Avec le temps, tout s’arrangera. Sinon, je suis allé à la bibliothèque

Je suis tombé sur un livre avec de très belles images dont une

Te plairait beaucoup : c’est celle d’un tableau de MATTA, tu sais

On y est allé, c’était à Beaubourg, une rétrospective, il y a quelques

Années de cela, t’en souviens-tu ?

 

Non, je ne monte pas Shakespeare dans un décor pareil,

Les installations contemporaines c’est bon pour les musées,

Ici nous sommes au théâtre, faudrait pas tout confondre.

La culture est un acte politique où les artistes donnent

Des coups dans la gueule des gens qui nous gouvernent.

 

Il n’y a rien de meilleur pour la santé que les médicaments.

Depuis quelque temps, les Experts-en-Médecine nous expliquent

Qu’il y a des effets secondaires à en consommer, les cons.

De la gueule de qui se fout-on ? Sans médicaments, moi,

Je ne suis plus là, alors, vive les laboratoires, les pharmacies, la sécu…

Et surtout, n’oubliez pas de les boire avec un grand verre d’eau.

 

Payer son déjeuner avec la carte vitale est une grande idée,

Personne n’y a pensé à ce jour… En effet, que la sécu remboursa

Les repas commis dans de bons restaurants permettraient à certains

D’être moins malades et donc, entraînerait une substantielle économie,

Les gens préfèreront passer leur temps plutôt là qu’à l’hôpital.

Affaire à suivre …

 

Le rêve de tout artiste est de retrouver l’innocence de l’enfance,

La pureté qui est en lui, bien installée à l’intérieur, au chaud,

Ne demandant qu’à sortir pour gambader dans les choses

Un peu irrationnelles de la vie courante, c’est pourquoi

Quand vous mangez des Smarties, gardez-vous les rouges pour la fin.

Je ne sais comment cela s’appelle, on avait cette chose à l’école

Quand j’étais petit, une tapette je crois, oui c'est ça je m’en souviens,

Ils s’en servaient régulièrement pour nous donner des fessées déculottées

Devant tous nos copains, nos amis et devant la femme de ménage, parfois.

Alors, nous, pour nous venger, nous les piquions et les emmenions

A la maison et nos mamans s’en servaient comme repose plats,

Pour les desserts.. Cela nous rendait gais, je ne sais pas pourquoi.

 

Faut-il ou ne faut-il pas acheter des actions Aventis ?

Comment savoir si la sécu va continuer à rembourser nos pilules

Et pour combien de temps encore ? De toute façon, ma décision est prise,

S’ils stoppent les remboursements, moi, j’arrête de payer mes impôts,

S’ils veulent jouer aux plus forts,

On verra bien qui de nous deux cèdera le premier...

Non, mais c’est vrai, il y a des limites, quand même !

 

Il était une fois, un âne qui vivait dans une prairie

Il avait une petite maison en bois avec une porte et deux fenêtres.

Sur le devant, il était inscrit « Titi », c’était son nom.

Tous les matins, Titi, notre âne, allait visiter sa voisine

Madame Hermione qui était Anglaise et dont le mari

Monsieur Hermione était Anglais également. Ils étaient amis

Depuis longtemps, depuis le jour où elle lui donna des graines de soja

Du lait de brebis, du chou-fleur et des magoulas anglais.

 

On a dit régime, donc, on s’y tient, s’il vous plait, on s’y tient.

Soyons zen. Un bol de riz blanc sur la table, puis un autre

Avec à l’intérieur des légumes cuits à la vapeur,

Carottes, petits pois frais, endives coupées en cubes,

Des baguettes chinoises et pour le dessert choisir entre un fromage

Blanc avec coulis de framboise ou une infirmière intérimaire…

 

Ah, t’en souviens-tu, lorsque nous allions chez le pâtissier

Au centre de la ville de Troyes, pour acheter les meilleurs

Gâteaux et produits sucrés, tes parents les aimaient tant ?

Puis, je t’accompagnais à la maison de retraite où ils séjournaient,

Tu descendais de la voiture pour aller leur rendre visite,

Et moi, j’allais, comme un poète, traîner mes guêtres

Dans les rues pittoresques et les cafés à jambons

En attendant l’heure du rendez-vous que nous nous étions fixé.

 

Mes frères, en ce jour miséricordieux, mettez-vous à genoux devant dieu

Présentez-lui toutes vos excuses des péchés commis cette année

Baissez la tête, léchez le sol, demandez-lui pardon, la main sur le cœur.

Prions pour que jamais notre Président ne se trouve dans la rue

Sans logement, sans café, sans revenus. Souhaitons-lui également,

Mes concitoyens, qu’il ait toujours avec lui son Raffarin dans sa poche

Pour payer à boire et à manger à tous ces malheureux qui traînent,

Ces gens de peu, ces fainéants, ces rescapés. Amen.

 

Nous avons quatorze ans, je viens te chercher chez toi

Nous dévalons la rue Lacepède pour aller rejoindre les filles

Et jouer à la marelle sur la place de la Contrescarpe,

Mais, il y en a une, elle est chieuse…

On prend la rue Mouffetard et comme des gosses

A la Doisneau, on s’amuse avec l’eau des caniveaux.

 

Tu es là à m’attendre calmement debout dans le hall

De la tour Montparnasse où j’arrive avec cinq minutes de retard.

Nous prenons l’ascenseur, nous avons quinze ans

C’est notre premier rendez-vous galant

Tu portes une sacoche à la main

Et moi, un caleçon Benetton.

Au 56e étage, au restaurant, il y a le bar où deux verres

Nous attendent et une table préparée à notre intention.

Assis, nous nous regardons pour la première fois.

Tu as sur la peau une chemise blanche de Karl Lagarfeld,

Une écharpe rouge à la Mitterrand et un pantalon noir.

 

Nous irons nous promener là où bon te semblera,

Nous parcourrons les endroits que tu connais déjà et que tu aimes,

Nous découvrirons comme des adolescents les choses de la vie,

Les coutumes des humains, nous boirons le meilleur des champagnes

Et tes lèvres assoiffées goûteront le plus blanc des nectars,

Que les poètes adorent...

Nous laisserons nos têtes tourner, le vertige nous saisir…

 

Nous, dans notre patelin, lorsqu’il neige, on ne va pas à l’école

On reste à la maison avec Martha et l’on regarde par la fenêtre

Le Monsieur d’en face faire des photos qu’il dit pour Internet.

Nous, de l’Internet on n’en a pas, c’est pour ça, peut-être,

À l’école, ils nous considèrent comme des pauvres ? Mais,

Pourtant, nous, on a la télé ?

C’est injuste !

 

Chère Martha (Argerich)

 

Je suis très heureux du courrier que vous m’avez adressé,

Ravis de vous savoir plus impliquée dans la vie quotidienne.

Vous avez pris la décision de troquer le piano au profit du balai,

Ma foi quelle bonne idée, la culture a ses limites, jouissez

De voir votre maison nettoyée comme vous le désiriez,

Profitez le plus que vous pourrez du temps que les jours nous donnent

À chaque instant, ma chère amie, allez faire vos courses

Dans quelques super marchés aux noms évocateurs :

Champion, Intermarché, Continent, Casino,

Et achetez de belles côtes de bœuf à mettre au frigo

Pour le jour où vous recevrez votre beauf et son épouse.

 

Bonjour, c’est vous Michel ?

Moi c’est Fernanda, la nouvelle femme de ménage,

Vous êtes le valet de chambre, ils m’ont dit. C’est bien,

C’est gentil chez vous. Vous êtes là depuis longtemps,

Ils sont comment les patrons ? …Monsieur il est pervers,

Oh bé, je m’étais un peu doutée, il m’a demandé si je connaissais la vie.

Chez pas pourquoi il a dit ça, enfin, moi, vous savez je suis portugaise

Alors, les hommes je sais comment c’est… Ils ont dit que je coucherais

Avec vous, ici pour deux, c’est un peu petit, non ?

 

Quelquefois, vous vous apprêtez à faire

La photo du siècle et patatrac

L’appareil vous tombe des mains, ça déclenche le ramdam,

Et ça donne un  truc bizarre tout juste à

Etre exposé au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris

 

Savez-vous pourquoi les ouvriers dans le bâtiment

Restent si longtemps à faire ce métier ?

Et bien, vous allez le savoir aujourd’hui, maintenant.

Rien n’est plus beau, pour construire un mur, que le banchage de béton

Avec la mise en place de la ferraille, ça se fait entre hommes, entre amis.

C’est donc d’amitié qu’il est question dans le bâtiment,

Qu’on se le dise !

 

Mon rêve est d’acheter une église désaffectée

Je veux dire sans Dieu à l’intérieur

Pour y mettre mon corps encore vivant et mes tableaux

J’aurais un chien de compagnie qui

Pour s’occuper un peu, serait à mon service.

J’aimerais être un tableau, une œuvre d’art exposée dans un musée

Pour voir les yeux dans les yeux le regard des gens qui me regardent.

Il faudra mettre les choses au clair avec Jean-Pierre.

On ne peut pas le laisser comme ça,

Passer son temps dans les bistrots,

A boire tout son salaire sous prétexte que sa femme

L’a quitté pour aller avec Michel Sardou.

Il doit se ressaisir, ce qu’elle voit c’est son avenir à elle,

Elle a toujours aimé le théâtre de la Porte Saint Martin,

Dont Michel est le propriétaire.

 

Ah, Ginette, Ginette.

Comme j’ai été content de revoir ton visage sur Internet
Quel bonheur Ginette, ça fait combien de temps, déjà ?

Nous deux, le Tabou, le slow-club, tu t’en souviens ?

Nous étions jeunes et beaux, bordel, la vie,

Quelle chienne. T’as gardé tes yeux d’ange, tu n’as pas changé.

Certes, nous n’avons pas fait carrière ensemble, mais, qu’importe,

C’est le destin qui l’a voulu ainsi. Je vois que tu as gardé

Le bracelet en or que maman t’a offert, merci pour cette marque

De sympathie, mais, je me dois de te dire une chose,

Ginette, je ne sais si je t’aime encore.

 

Lorsque sa femme le quitta pour trouver, auprès d’un autre,

Plus de liberté, il ne sut que faire du cadenas

Qu’il lui avait offert pour des raisons intimes.

Alors, un soir, perdu dans son désespoir,

Il fit le deuil de sa femme, et le cadenas il l’offrit à

La première valise venue qu’il croisa dans la rue.

 

Le vélo.

Quand j’étais petit, ma mère ne voulait pas que j’en fisse.

Elle avait peur de retrouver son fils étalé à terre, la figure en sang.

 

Ma très chère et tendre belle-mère qui n’est plus de ce monde

Adorait griffonner sur des feuilles de papier "des gribouillis"

Lorsqu’elle téléphonait à ses enfants chéris. Elle était retraitée,

Je l’ai toujours connue dans cet état,

Retraitée de l’éducation nationale, ex-maîtresse d’école…

 

Quand tu bois, que ce soit de la bière ou du vin blanc,

Tu arrives toujours à faire rire tonton Michel

Qui en a bien besoin, le pauvre, ne vient-il pas de perdre

Son emploi à l’usine "culotte de soie" où il occupait

Un poste de comptable à mi-temps ?

La semaine dernière, alors qu’il se promenait tranquillement

Avec ta sœur, main dans la main, dans les rues de la ville,

Un homme s’est approché d’eux et lui a demandé s’il accepterait

De tourner dans un film porno italien.

Il a refusé sur le coup, d’autant qu’il n’était pas seul.

Aujourd’hui, il se mord les doigts d’avoir jeté, l’idiot,

La carte de visite qu’on lui avait remise.

 

Pour savoir l’âge d’un arbre,

Il faut le scier.

 

Si vous passez par là et si vous ne la voyez pas,

Elle, se montrera à vous comme une pute

Qui vient vous faire l’article avec ses bas noirs,

Ses portes-jarretelles, ses nichons découverts

Et son rouge aux lèvres débordant de sensualité.

 

Ah, le printemps, il y a longtemps qu’on l’attendait,

Il pointe enfin son nez, nous allons maintenant pouvoir

Sortir un peu dehors et regarder quelle figure il nous fait.

Vous boirez bien un verre de vin, il est bon cette année

On pourra en boire à satiété, a dit Monsieur le Curé.

Comme disait tata Bertha, toujours prête à dire une bêtise,

Le monde, il ne tourne pas si mal que cela, au fond !

 

Nous avions rendez-vous avec monsieur Alezra

Directeur de "La vieille grille" à Paris

Près de la mosquée, thé et lokoum, kif à volonté,

Et ma collègue de bureau Colette,

Une pute géniale, propriétaire de "la Tomate",

Boîte de striptease à Pigalle. Le projet que j’avais,

C’était de créer un lieu culturel dans un lieu de cul…

Quand on est jeune, on traîne de drôles d’idées !

 

Chère Juliette,

C’est ton Roméo qui t’écrit cette lettre.

L’autre jour, devant ta fenêtre, je me suis installé,

J’ai cru un instant t’y voir te pâmer,

À cette idée, j’ai, tu le comprendras aisément,

Pour tes beaux yeux et ton corps tout entier, bandé

Fort, espérant qu’un jour, je pourrai communiquer

Avec toi autrement que par ce balcon.

 

Mercredi, elle est tombée dans le puits.

Lui, a essayé de la récupérer grâce au collier de perles

Qu’elle portait à son cou et qu’il lui avait offert

Pour leurs dix ans de mariage, mais, devant la difficulté,

Il alla chercher secours au petit matin, mais hélas

Il était trop tard pour récupérer le corps et

Le bracelet qui allait avec.

Alors, il alla, cahin-caha, dans quelques chemins,

Quelques broussailles, chercher du réconfort et un peu

D’entrain pour retrouver la force de monter dans le prochain

Train qui allait le mener à sa maîtresse, elle qui l’attendait

De pied ferme, une clef à la main, celle d’une nouvelle vie.

Il ne perdit pas le moral, malgré la perte de sa femme.

L’assurance l’avait convoquée au sujet de l’indemnité forfaitaire

Qui allait enfin lui donner la liberté. Il eut quelques projets,

Fit une liste des choses à faire, alla chez Castorama

Et acheta en premier un W.C. tout neuf à pile,

C’était plus cher, certes, mais aussi plus sûr pour la sécurité.

Il se fit des sandales en bois pour marcher sur

Le parquet en sapin qu’il venait de vernir avec un produit

De chez Casto, garanti dix ans, permettant l’imperméabilité

En cas d’inondation de la maison, située qu’elle était,

Pas trop loin d’une rivière, bien sympa, mais,

Qui des fois débordait dans son lit. Alors, un soir, fatigué

De porter sa misère hautaine, il déposa ses affaires et se mit à son bureau,

Fit un premier dessin puis un second, ainsi il prit plaisir au plaisir

Des choses de l’art et compris qu’il avait trouvé sa voie.

À partir de ce jour-là, la vie devint pour lui toute différente.

Il devint amoureux de la nature, lui qui ne voyait jamais

Les couleurs, tout à coup, elles apparurent à ses yeux

Sous la forme de jonquilles bien rouges qu’il se mit à aimer,

Laissant de côté et les hommes et les femmes

Pour se consacrer maintenant uniquement à sa nouvelle passion.

Il voulut alors, ingénieux ingénieur, faire l’inventaire

De tout ce qui l’entourait. Il alla dans les champs et se mit

À regarder autour de lui. Ce qu’il remarqua en ce mois de mai,

C’était l’érection de toutes ces brindilles qui allaient donner

Aux vivants le blé où je ne sais quelles autres saloperies

Leur permettant de vivre comme des cochons, polluer cette terre,

Qui ne demande rien d’autre que de vivre en paix.

Un jour, il dirigea ses pas vers le champ pour se reposer un peu,

Au pied de mon arbre, comme dit la chanson, seulement,

L’innocent ne savait pas qu’il y avait des guêpes, des abeilles

Et des araignées en libertés. Qu’il prenait des risques sérieux

De se faire piquer par ces bestioles dont il ne savait rien

Et mettaient en danger sa vie même. Enfin, il comprit

Ce qui était à comprendre : il quitta les champs.

Avec une torche à la main, il posa son pas d’homme fort

Sur le sol de l’église, éclairée par Dieu, happé qu’il fut

Par un appel divin comme Jeanne par le feu, le bucher.

Quelle ne fut sa surprise, lorsqu’il entra en ce lieu de prière

Et vit ses propres frères habillés de toile de jute proférant

Hauts et forts les mots du seigneur, honorant généreusement

La boisson que la terre secrète pour le bonheur des hommes.

Ensuite, pour enfin trouver le repos tant mérité

Ils alla dans une salle divisée en cases comme celle

De l’oncle Tom, espaces-chambres intimement séparées

Par des draps blancs permettant à la lumière de passer

Pour éviter l’angoisse de la nuit.

Il dormit paisiblement et fit quelques rêves étranges

Toutefois, il téléphona dès son réveil à son psy

Qui n’était pas là ce jour-là, comme c’est souvent le cas,

Alors, il fit une photo de son rêve et nous la proposa.

Devant notre incompétence à lui dire quelque chose de sensé,

Il se cloîtra dans un coin du jardin et pensa à quelques

Oeuvres possibles à réaliser.

Il quitta ce lieu saint en fermant scrupuleusement

La porte à doubles vantaux, laissant, en souvenir de son passage

Une lettre manuscrite disant un poème et laissant aux apôtres

Le journal gratuit du pays dont il n’avait rien à cirer.

 

Quelle place a la jeunesse dans notre société ?

C’est le thème éditorial du journal que je viens d’acheter.

Ils disent plein de trucs, mais je n’ai pas le temps de lire

Leurs conneries, je préfère siroter ma tasse de thé.

Donnes bien le bonjour à Thomas de ma part.

Thomas qui aime tant les cerises, dégustées sexuellement

Le printemps dernier, t’en souviens-tu, dans le jardin,

Nous l’avions invité à une partie cerise/cerise

Autour du livre que l’on venait d’éditer, et

Dont nous fêtions alors le succès fou.

Seulement ce jour-là, Laura n’était pas très bien,

Elle virevoltait dans la maison, passant d’un fauteuil

A l’autre sans trouver sa place quelque part,

L’échec avec son amie, Amélie, au sujet d’un projet

Qu’elles avaient d’écrire un livre sur la jeunesse d’aujourd’hui,

L’avait beaucoup contrarié. Cette Amélie, justement, que tu ne connais pas,

Etait passée un jour chez nous avec son camarade de classe

Qu’elle nous a présenté comme un créateur en herbe,

Plein de l’envie de réussir… Il nous a construit,

Pour quelques milliers de francs, le fabuleux "goutte à goutte"

Qui dans le jardin fait le meilleur effet.

Il nous a fait aussi une œuvre d’art très sympathique que

Nous avons mise dans la nouvelle maison de Martha, qui vient de

Fêter, justement, son anniversaire, hier soir à l’Opéra de Paris.

Nous n’avons pas pu y aller, car nous avions un dîner en ville.

Par ailleurs, je dois te faire part d’un événement capital

Je t’en informe afin que tu ne sois pas surpris,

Si par hasard tu venais nous rendre visite un jour. Jeanne

Vient de commencer une collection de couvercles de pots

De chambre chinois qu’elle chine dans toute la région.
Nous avons installé ces objets dans une partie du jardin,

Un l’endroit vierge, à droite des poubelles…

C’est très original, on ne voit pas ça partout…

 

À part tous ces événements forts inquiétants

La vie suit son chemin de traverse et parfois,

Je quitte tout ce beau monde pour aller me ressourcer

Dans le près d’à côté, celui de Tatisse et Édouard, qui depuis

Leurs morts est maintenant complètement en friche,

C’est plutôt triste, quand on pense aux merveilleux

Moments que nous avons passés avec eux

Du temps de papy et de mamie.

Quant à  notre petit coin, il n’y a  rien de particulier à dire,

Si ce n’est quelques ennuis avec la bouche des pompiers

Qui fait défaut actuellement, ça suinte un peu à l’extérieur,

Côté impasse, rien de bien grave, mais voilà

Trois mois qu’on réclame réparation sans avoir

Gain de cause. À se demander s’ils ne cherchent pas

A nous mettre dans l’embarras, si nous avions, Dieu

Nous en préserve, le feu dans la maison.

Monsieur Balthus vient de moins en moins pour l’entretien

Du parc et nous avons pris la décision avec Jeanne

De laisser tomber la tondeuse. Les mauvaises herbes, au fond,

Se plaisent bien chez nous, alors, pourquoi remuer ciel et terre ?

 

Quant à la propriété, elle n’a pas connu de bouleversements Substantiels.

La journée on regarde la télé, on a quelquefois

Des conversations intéressantes sur tout et n’importe quoi,

Nous avons pris quelques abonnements, des revues principalement.

Le soir, on éclaire la maison en fermant les fenêtres

Afin d’éviter les moustiques et quand la chaleur manque,

Nous allumons un feu dans la cheminée, nouvellement

Installée par notre ami Jean Paul avec l’aide d’Aladin,

Qui lui, n’a pas changé d’un iota, toujours aussi étrange.

Je ne sais nullement si tu as quelques compétences en la matière,

Ma sœur Yvette envisage de se lancer dans la peinture

En voulant se consacrer au jaune, comme Klein au bleu.

Qu’en penses-tu, crois-tu qu’elle puisse trouver

Quelques débouchés dans ce milieu, qui, je te le concède,

Ne m’inspire pas pleinement.

 

Nous avons engagé la semaine dernière, pour un essai

De quelques mois, la fille du boulanger pour nous faire le ménage,

La maison est tellement grande

Et nous avons de moins en moins la force de nous y atteler,

En plus, c’est une excellente cuisinière, elle aide Marie à

La préparation du Magoula, cette fois-ci c’en est un au citron jaune,

C’est d’ailleurs à partir de là que l’idée d’Yvette a dû germer.

Sinon, comment va Géraldine ?

Toujours aussi amoureuse de son petit mari ?

D’ailleurs d’elle, j’ai gardé une photo où

Elle avait un collier en or au cou, celui que tu as mis

Au clou, chez ma tante, à Paris, rue des Francs Bourgeois.
En fin de compte, je n’ai jamais su le fin mot de l’histoire,

Tu me diras, ce n’est pas mon problème, c’est vrai, mais,

À l’époque, ma mère avait été frappée par ta façon de faire

Avec ce bijou de famille qu’elle lui avait donné pour ses quinze ans.

Où sont-ils maintenant, et le bijou et ses quinze ans ?

La mère à Michel a perdu son chat, hier soir dans le centre

Commercial. Je me demande comment elle s’y est prise

Pour arriver à ses fins, cela fait des mois qu’elle nous annonçait

Qu’elle le jetterait à la SPA. Faut dire que dans le coin,

Ce genre d’action, vis-à-vis des voisins, c’est plutôt mal vu,

Alors le centre commercial c’était une bonne idée.

 

Elle voulait s’en défaire, car entretenir son studio devenait impossible.

Après le travail, lorsqu’elle arrivait, le chat lui tombait dessus

Pour se venger de la solitude supportée toute la journée.

Qu’il passait son temps, ce con, à griffer sur les murs et foutre le bordel partout,

A tel point qu’elle ne recevait plus personne chez elle et passait

Même tous ses week-ends à essayer de faire propre.

Quant à son Jules, il pâme, il pâme toute la semaine

Dans une usine désaffectée bizarre, qu’on ne sait pas

Au juste ce qu’ils font là dedans, il garde le moral,

Pas un mot ne sort de lui, c’est dans sa nature,

Sa maman vient de lui offrir une chemise jaune pour cet été,

Il est très content et je me demande, garde-le pour toi,

Je me demande s’il n’est pas en train de tourner autour d’Yvette ?

Pour ce qui concerne ma santé, tout va à peu près normalement,

Ils m’ont fait une radio et disent que je suis bon pour le service, 

Seulement, je ne vois pas ce qu’ils veulent insinuer par là,

Ils savent bien les salauds que je ne travaille plus depuis belle lurette.

Ils m’ont interdit la cigarette, je trouve cette décision un peu hâtive,

Ils auraient pu m'en parler avant, me préparer psychologiquement,

Je ne sais pas, je serais allé voir un psy qui m’aurait soutenu un peu.

 

J’aurais voulu habiter un ancien hôtel de passe

Comme il y en a encore dans certaines régions de France

Retranché quelque part, mais elle, elle a toujours voulu rester

Près de ses enfants, la famille, la famille, c’est sacré, qu’elle dit.

Quant à Mamie, toujours égale à elle–même, elle envisage

D’aller voir son notaire pour remettre son testament à jour.

Elle m’a fait une confidence, que je garde évidemment pour moi,

Elle envisage de déshériter mon frère à mon profit,

Ce que je trouve un peu indélicat de sa part, car il est gentil mon frère.

Je reconnais, c’est vrai et toi qui l’a côtoyé régulièrement

Tu ne diras pas le contraire, il a des qualités, mais, aussi

Des défauts et c’est ce que Mamie ne supporte pas.

Mais, tout cela me paraît pour l’instant un peu flou,

Tant qu’elle sera en vie, nous ne pourrons pas faire des projets

Très sérieux, j’entends financièrement :

Les banquiers sont très fermes quant aux instructions

Qu’ils ont tous reçus du notaire, qui lui, ne nous a

Jamais beaucoup porté dans son cœur.

Il y a quelques années, il y a eu un précédent entre lui

Et moi au sujet de ratures qu’il avait constatées dans les livres

Comptables lors de l’héritage de Papy, alors, depuis…

 

Je t’écris ces quelques mots pour te faire part des plaisirs vécus

Dans ce pays de rêve, sauf hier dans l’après-midi, je me promenais

Dans les ruelles pittoresques du village, il y a des petites boutiques

Rien de très original et comme je suis tellement curieux, je suis entré

Dans une d’entre elles et malgré toutes les précautions prises,

Ma main en passant devant ces objets de merde, a brisée un vase antique

Fraîchement sorti du four, qu’il m’a fallu payer immédiatement,

Pour éviter une perte sèche pour la vendeuse, une fille brune.

Je ne sais si l’assurance va marcher pour ce genre d’accident.
Bref, les vacances ne commencent pas trop mal, à part ce vase.

 

Nous n’arrivons pas à nous convaincre d’aller régulièrement

A l’église, d’autant que l’excuse du manque de temps ne tient pas,

On a rien à faire ici, sauf manger des platasses, comme ils disent,

Des platasses de taramas aux aubergines ou

Des platasses de tomates aux oignons rouges épicés.

C’est bon, mais, au bout d’un certain moment on se lasse

Et je regrette les plats que tu nous faisais et dont tu avais seul le secret,

Qu’ici tu ferais fortune, nous aurions dû ouvrir un restaurant, je crois,

On serait encore un couple comme tout le monde, mais, la vie

On n’y peut rien,  elle est marquante, comme dit Ginette,

Tant qu’on est vivant …Elle passe une grande partie de son temps

À avaler quelques boissons fraîches avec beaucoup de glaçons, car

Il fait toujours très chaud et elle a tendance à se déshydrater.

Pendant toute la période de vacances où nous sommes l’un près de l’autre,

J’ai décidé de l’autoriser à ne pas avoir de cadenas en permanence, je crois

Pourvoir lui faire confiance et de toute façon, les gars aux alentours,

C’est pas son genre, alors, il n’ y a pas trop de risques…

Nous prenons quelques photos pour les garder en souvenir

Plus tard, quand nous aurons des enfants, nous leur montrerons

Comment c’était nous deux, et surtout je lui constitue un presse book,

Car elle envisage pour septembre de faire de la prospection

Dans le domaine du Cinéma, elle se voit bien dans ce métier,

Pourquoi pas, lui ai je dis, hypocrite que je suis. La semaine prochaine,

Je lui remets le cadenas.

 

Trois cloches donnent directement sur notre terrasse

Est-ce le signe du Seigneur tout puissant qui veille sur nous ?

L’hôtesse de l’hôtel, une fille sympa, généreuse avec nous

Lorsqu’elle sert le petit déjeuner, mais bizarrement, pour une raison

Inconnue, préfère prendre l’échelle extérieure que l’escalier

Qui mène à notre chambre. Va savoir pourquoi ?

Nous, ça baigne, ça baigne tellement bien, que des fois,

On pourrait avoir peur : un coup de soleil, un virus

Dans l’assiette ou pire dans l’ordinateur portable que je viens

D’acheter, bref, je ne te dis que cela, les vacances, c’est chouette.

J’ai bien reçu ta lettre où tu me demandais si je m’ennuyais parfois.

À la vérité, c’est arrivé hier soir pour la première fois.

Nous sommes allés après le repas boire un verre en ville, en bas du village.

Nous sommes tombés sur des drôles de gars forts en gueule

Qui voulaient nous vendre du hachisch et comme nous,

Ce n’est pas notre tripe, ils ont voulu nous emmerder,

Mais heureusement, les flics connaissaient la chanson,

Ils sont venus nous libérer de cette emprise qui commençait à

Prendre des proportions que je n’aime pas du tout, pas du tout.

 

Par hasard, nous avons fait la connaissance d’un Monsieur d’ici.

Il a un projet de construction qu’il dit immobilier, et il

Nous a proposé, car il nous a trouvé très sympa,

De nous vendre une studette tout équipée.
Nous n’aurions pas d’argent à débourser immédiatement

C’est uniquement une prise de contact, comme il dit justement,
C’est en septembre qu’il faudra avancer la construction.

… on se tâte, on se tâte, vraiment.

Son frère, un peu plus âgé, nous a pris en aparté cet après-midi

Lorsque nous sommes revenus de la plage, il a cherché

À semer le doute en nous sur les projets de son frère.

Je ne sais s’ils s’entendent bien ces deux-là, mais, je trouve

Sa démarche embarrassante d’autant, si j’ai bien compris,

Qu'il est partie prenante dans ce projet à 50 %, le reste c’est nous,

Les acheteurs, qui devons faire le financement, sans crédits,

Car les banques, d’après les dires du vendeur,

S’opposeraient à cette construction pour des raisons troubles

Qu’il m’est difficile de te raconter par écrit.

 

De la terrasse où nous sommes, avec les fameuses trois cloches

Nous avons la chance de pouvoir être à poil, personne pour nous voir,

C’est très agréable, on en profite le plus possible, d’autant que la vue

Sur la mer et l’horizon bleu nous donne une pèche d’enfer…

Je t’adresse une photo de notre chambre vue de dos.

Les couchers de soleil, ici, c’est comme partout,

Au bout de l’horizon, il y a comme une aurore boréale, et tout près

Ça sent les poubelles, car le patron les sort le soir après la vaisselle

Et le ménage de la salle de restaurant.

Après le coucher du soleil, c’est bien,car la nuit est bien noire,

Surtout depuis que j‘ai perdu mes lunettes de vue.

Va falloir que j’en commande une nouvelle paire à la rentrée,

Je ne sais si je dois revoir mon ophtalmo ou pas, mais,

Pour l'heure, laissons ces tracasseries pour plus tard

Et profitons des vacances, avant que ça finisse.

 

Le coiffeur du village, le malheureux, est mort la semaine dernière.

Alors, ils exposent, devant son échoppe, le fauteuil qui lui a permis

De vivre jusqu’à 75 ans. C’est la coutume ici.

Il a bien profité de la vie celui-là, disent certains

Je n’ai pas bien compris ce qu’ils veulent insinuer,

Je vais demander à Ginette, elle fait une thèse sur ce sujet actuellement.

Ce que j’aime le plus ici c’est l’esprit familial qui règne

Dans ces contrées non polluées. Là, non, tout est sain, la déco simple,

Deux toiles cirées, un buffet, quelques vieilles gens, et paf.

Le décor est planté, tu peux cliquer, clique, c’est comme

Un tableau, une photo.

On boit principalement de l’eau, mais, lorsqu’on en a bu beaucoup,

On déprime un peu. Nous reviennent des idées sombres,

Le retour au boulot, les factures, les impôts,

Les rendez-vous chez les médecins, l’ophtalmo,

La révision de la voiture, déjà 100 000 Km, la femme de ménage

Qui va revenir nous faire son cinéma, alors, quand c’est trop, c’est trop,

On prend un verre de Retsina, pour nous changer les idées.

Ca y est, mon kiki, ils nous ont repiqués notre parasol,

Merde, on a payé parasol inclus, alors, le parasol doit être

Là en permanence, je veux rien savoir !

En plus pour leur film à la con

Ils nous ont inondé le jardin, celui des Poètes, sous prétexte,

D’avoir de la lumière du bon côté,

Encore une idée d’un PD d’assistant,

J’te jure le cinéma !

 

Lorsque nous sommes en vacances, nous évitons pas mal les touristes,

Le reste de l’année, c’est plus facile, ils ne viennent jamais

Là où nous sommes, il n’y a rien à glander pour eux chez nous,

Alors on a la paix. Mais, enfin, comme nous ne sommes tout de même pas

Des sauvages, il nous reste encore quelques restes d’humanité.

Nous avons fait, contre notre gré, la connaissance de Mr et Mme Tardif,

Des cons infinis, dont le mari travaille à "terre et forêts".
Bref, on préfère être seul, le plus souvent.

Je n’ai pas l’habitude d’être imbu de ma personne, mais permets-moi

De t’envoyer cette photo, sorte d’autoportrait que je trouve réussi.

Patrice Chéreau m’a contacté la semaine dernière,

Deux jours avant notre départ, pour me parler d’un film dont

Je  pourrai jouer le rôle principal. Je n’ai nullement été surpris

Par sa  demande. Pour l’instant, m’a-t-il dit, c’est trop tôt.

Je crois avoir mes chances pour ce film où il est question

D’un homme et d’une femme, moi, je serais l’homme et

La femme, il ne sait pas encore qui il choisira,

Ce n’est pas un problème pour moi, pour les scènes

D’amour, pourvu qu’il ne choisisse pas un travesti.

En attendant d’avoir de ses nouvelles, je passe mon temps

A regarder des magazines, mentalement je me prépare pour le film

Dont la fin, si j’ai bien compris, est assez sordide.

Patrice Chéreau vient de me communiquer les coordonnées

Et la photo de la fille qui doit jouer avec moi.

Il me fait part de son hésitation entre cette petite,

Un peu trop Nabokovienne dans l’âme ou sa maman comédienne,

Mais qu’il connaît trop bien, a-t-il insisté… Personnellement,

Je n’ai pas d’idée, c’est à lui que revient le choix final.

Je me plierai à sa décision, quoi qu’il en soit.

Bizarrement, il ne m’a pas adressé de photo de la mère

Il dit qu’il ne veut pas encore dévoiler l’objet de ma

Future passion amoureuse, je comprends qu’il ait quelques

Réserves, je lui fais "totale confiance", c’est le titre

Provisoire du film. J’espère seulement que ce projet aboutira.

Il m’a conseillé, en attendant, de me reposer beaucoup

Car le tournage sera long et très fatigant, alors,

J’ai pris la décision de prendre quelques heures de répit,

Au bord du lac où Jeanne a failli se noyer l’année dernière

Et j’écoute Chopin, le walkman dans les oreilles, celui que j’ai gagné

A la Fnac, je ne sais plus à quelle occasion.

 

Par je ne sais quel heureux hasard, en revenant de l’expo,

J’ai croisé la sœur de la fille qui va peut-être

Devenir ma compagne de lit, dans le film que je dois tourner

Avec Jean Pierre Mocky. En effet, les producteurs envisagent,

De le préférer à Patrice, celui-ci, leur faisant, d’après les rumeurs,

Beaucoup de caprices… Je dois suivre cette affaire de très près.

Cette enfant aime les sucettes, je trouve cela adorable,

J’espère pour elle, qu'un producteur lui fasse de bonnes propositions,

Son innocence certes en prendrait un coup, mais pas son avenir.

 

Nous connaissons tellement de moments heureux, si tu savais.

Ces nuits et ces jours privilégiés nous les passons main dans la main

À regarder dans la même direction. Ces paysages formidables défilent

Exactement comme dans les documentaires que l’on voit

Sur la chaîne "Voyage" du câble, c’est d’ailleurs eux qui nous ont

Tout organisé. Que c’est bien de s’aimer. Je me convaincs en me disant

Que Dieu est avec nous, qu’il partage notre séjour, et l’avantage,

Pardonne-moi d’être si terre-à-terre, mais enfin ça compte,

Nous n’avons pas à payer pour lui, ici c’est dieu compris.

 

La comptabilité a ses hommes, Monsieur Schreiber est le nôtre.

On ne le voit qu’une fois par semaine, ce n’est pas de trop

Quand on sait tout ce qu’il y a à faire au bureau, il a bon caractère

En général, nous n’avons pas à nous plaindre de lui, sauf,

Qu’il ne répond jamais au téléphone lorsqu’on a besoin d’une info.

Il faut reconnaître que pour lui, nous sommes des gens à part,

L’art dans son ensemble et la peinture en particulier,

Semble à notre comptable la chose la plus inutile qu’il soit.

Dans son esprit cartésien, tout cela ne mène à rien, sauf à perturber

Nos jeunes qui actuellement sont un peu sur la touche au niveau national

Tant sur le plan du travail que dans celui du divertissement.

Il dit souvent ça à leur sujet : ils ne savent plus s’amuser.
Nous avons un drôle de comptable, on le garde, on n’a pas le choix.

Il a une tendance à être obsessionnel et même que des fois,

Il va dans certains cimetières pour récolter des champignons

Qu’on ne trouve que là d’après  ce qu’il dit. Si nous avons décidé

De le garder, le doute parfois nous saisit, mais notre comptabilité

C’est très important autant que les beaux yeux de Jeannine,

Notre aide-comptable. On le gardera encore quelques mois.

On peut lui reprocher beaucoup de choses, mais sur un point

On ne peut rien dire, il n’est jamais dans les nuages,

Comme Jeannine, justement que l’on se demande pourquoi,

On la garde aussi, mais, on ne peut pas jeter tout le monde.

Seulement, il y a des limites, il va falloir qu’on y réfléchisse,

Une réunion s’impose avant la fin de l’année.

 

Heureusement, Jean-Paul, est dans notre maison la perle qui fait

Passer toutes les sales pilules qu’il faut avaler en permanence,

Les gens en général c’est épouvantable, ils ne pensent qu'à faire le mal,

Alors que Jean-Paul, lui, c’est tout le contraire, on peut même avancer

Qu’il est exceptionnel. Si j’avais une fille, je l’aurais donnée en mariage,

Comme ce n’est pas le cas, ce n’est pas la peine de bander là-dessus.

Un soir, après le boulot, nous sommes allés manger

Un lapin chasseur au restaurant du coin. La conversation a été très intéressante

Tout au long de ce moment formidable qui sort de l’ordinaire du bureau,

Bien qu’avec lui, parler d’ordinaire n’a aucun sens.

Nous avons eu des conversations captivantes, nous évitons

Les questions qui touchent au bureau, ce qui pourrait le fâcher.

De sa maman, il m’en a dit deux mots l’autre jour, mais,

Je n’ai pas insisté. Elle travaille pour le compte d’une société américaine,

C’est très obscur, je me demande s’il ne s’agit pas là d’une secte

Ils en ont tellement là-bas. Elle est chargée de faire l’inventaire

De ce qu’il y a de plus malsain en France pour un programme

De grande envergure basée sur la prolifération des actes massivement

Divulgués aux hommes de notre pays, pour nous proposer, à terme,

Une meilleure vie, un meilleur avenir. Donc, moi, sur ce sujet si particulier,

Je ne sais que lui rétorquer, j’ai préféré me taire.

 

Hier on est resté une plombe à attendre l’autobus, bien nous en a pris

D’avoir au pied de la station, un banc plastique à notre disposition

Et nous avons pu nous y installer pour parler en attendant.

C’est là, qu’il m’a confié les histoires de sa mère.

Tout ce temps-là, je l’ai écouté, mais en bâillant un peu,

J’ai eu peur qu’il le remarquât, mais heureusement non

Tant il était dans ces histoires sur l’Amérique. Après quoi,

Le bus est arrivé, il n’avait pas de ticket, moi non plus,

Et comme ils n’en vendaient plus à cause des loubards

Qui piquent la caisse, nous, on a été obligé de rentrer à pied.

En passant devant une école, il m’a parlé politique, il envisage

D’en faire dans une ou deux années, alors moi du tac au tac,

Je lui ai demandé pourquoi il attendait. Il fut surpris par ma question,

C’est la première fois qu’il réagit, je trouve cela plutôt positif.

Actuellement, il fréquente une femme à la fac, elle est mariée,

Malheureuse en ménage. J’ai l’impression qu’elle veut mettre

Le grappin dessus. Elle lui a fait une confidence, qu’il m’a confiée

Le nom de son époux ne lui convient pas du tout,

"Carafon" est son nom. Le divorce casserait enfin ce lien.

Alors, quand, il m’a parlé de cette histoire, je lui ai dit qu’il

Ne devait pas se trouver obligé, qu’il devait prendre de la distance

Face à cette situation, car il rencontrera d’autres filles dans sa vie.

 

J’ai bien peur qu’il porte en lui le poids de l’histoire de son père et

De sa mère. Ils ont divorcé quand il était tout petit, pauvre garçon,

La vie parfois s’en prend aux plus faibles et ne les lâche pas, à tel point

Que des fois, je me dis que je pourrai l’adopter, mais mon notaire

Me le déconseille, je n’ai pas compris les raisons juridiques invoquées…

C’est dommage, comme tout est compliqué ! Il m’a demandé

Si cela me ferait plaisir de l’accompagner chez lui, j’ai dit oui.

Là, j’ai tout compris, lorsque sur un mur rustique m'est apparu

Un vieux vélo, seul moyen de transport qu’il avait entre tous,

En dehors du bus et de la marche à pied. Il a un sens inné de l’organisation,

Depuis quelques années, avec une poule, il a établi une sorte de contrat

Implicite entre eux, pour avoir un oeuf à la coque tous les matins,

C’est un grand gourmand et quand il fait beau, il mange là, ici, tu vois,

Sur une planche qu’il a posée sur une autre planche, pour pas cher,

M’a-t-il dit, je ne sais si nous ferons une croisière ensemble,

Il m’apparaît très simple quant à ses besoins au quotidien.

Mais, comme chacun sait, les humains recèlent de trésors cachés,

Peut-être faudra-t-il que j’aille avec lui pécher la truite ou le saumon d’élevage…

 

Il a un grand projet qu’il aimerait réaliser très bientôt.

À partir de touffes de paille qu’il a récupérées dans le champ

Qui jouxte le théâtre, il veut en faire un tatami

Comme les Japonais avec leurs Japonaises, pour dormir sur

Une bonne base, comme il dit si intelligemment. Dans le fond,

Me suis-je dit, ce garçon n’a rien, mais pour éviter d’éprouver

De la tristesse, j’ai pensé au tatami qu’il va construire et alors

Il y aura au moins cela. Ensuite, il m’a fait visiter sa cour privée,

Comprise dans le prix de la location de son appartement zen.

Il y a un arbre fruitier, un pommier, comme il y en a des milliers

En Normandie, des pommes à cidre. Mais des pommes,

Il a tout un discours, il dit qu’il faut les manger, pas les boire.

Il faut avaler trois à quatre pommes par jour, m’a-t-il assuré

Pour avoir une longue vie, ce n’est pas le seul à le dire, je l’avais

Entendu à la télé, mais venant de sa part, ça m’a convaincu.

La conversation suivant son cours normal de conversation,

Nous avons eu à aborder un sujet délicat, celui de l’Art contemporain.

Je lui ai demandé s’il aimait. Il sait que je suis un artiste, il a dit

Avoir vu quelques peintures originales à Paris, au Musée d’Orsay,

J’ai failli avoir une apoplexie. En fait, je ne sais plus quoi faire avec lui.

 

Notre comptable, monsieur Schreiber, a pris deux semaines de vacances,
On en a profité pour contacter l’ANPE afin de voir, par hasard,

S’ils n’avaient pas un comptable sous le coude pour nous.

Ils nous ont envoyé une seule personne de la liste qu’ils avaient

Des chômeurs demandeurs d’emplois réellement motivés,

Qu’elle a dit la fille au standard d’un air un peu désabusé,

Elle nous a beaucoup choqué qu’ici nous sommes à gauche,

Alors ces remarques on les prend mal, sauf que le gars

Très jovial, très sympa, pour les comptes de notre entreprise

Il trouve qu’il y a beaucoup de travail, il nous a paru très hésitant

Et c’est Jeanne la  première à dire préférer encore Monsieur Schreiber.

 

De colère, il a voulu nous monter son cul. Dans sa démarche hasardeuse

Nous avons pu le retenir en lui offrant au titre de dédommagement

Du bois de chauffe gratuit qui pourrissait sous la fenêtre et attirait

Toutes les bestioles que l’on peut trouver dans notre putain de région.

Il n’a rien dit en partant. Ouf ! on l’a échappé belle.

Mais, à peine était-il sorti de chez nous, le voilà-t-il pas,

Pour se venger où je ne sais quoi, qu’il sort de sa camionnette à la con

Un fusil de chasse qu’il avait gagné un jour à la fête foraine

Et tire d’un seul coup, d’un seul, "Caramba" fit Jean Paul, notre héros

Au sourire si doux, sur le premier oiseau qui passait par là.

Nous, par ce terrible bruit, accourûmes au pied du mort.

Mais, trop tard. Nous pouvions retourner au bureau, avec la

Trousse de secours que Monsieur Schreiber avait gagnée

Egalement à la foire, et, pleurer en secret,

Les terribles douleurs que cette terre peut endurer.

L’affaire n’en resta pas là. Nous eûmes droit à la police,

Au commissariat, une enquête allait être menée.

Jeanne connut sa première angoisse.

Ils se justifièrent, en disant que l’Anpe ne peut pas accepter

Que l’on traite comme cela le peu de gens volontaires,

Actuellement disponible sur le marché. Nous, de notre côté,

On a fait remarquer poliment, n’avoir rien fait de mal,

Mais les gars voulaient pas savoir et nous ont invités à monter

Dans leur quatre-quatre à huit, on était un peu serré.

Lorsque la voiture démarra, j’ai perdu connaissance, je me souviens

Seulement avoir fait un rêve étrange, où il était question d’une femme

Avec une histoire à dormir debout, un cadenas

Et un arrière-goût de vacances…Je n’ai rien compris.

Au commissariat, tout s’est bien passé et rapidement,

Nous avons retrouvé la liberté  que nous avions perdue un instant.

Le commissaire, pour se faire pardonner, nous offrit un pot au bistrot d’à côté.
Il ne fait pas policier pour deux sous, j’ai du mal à croire qu’il peut être

Confronté à des loubards ou à des jeunes de quartier comme on voit à la télé.

Comme quoi, on se fait des idées sur les gens et en fait…

 

Jean-Paul est heureux, car il avance sérieusement avec son tatami,

Il est donc de retour parmi nous. Quel bonheur, quel grand bonheur

De le voir à nouveau, au bureau, nous l’avons tous fêté dans la joie,

En remerciant Dieu le plus fort qu’on a pu, et, nous avons exaucé

Un rite anglais : lorsqu’un homme revient, on arrache un arbre

Et on le met à brûler en signe de remerciement sacrificiel.

Il nous a fait part de son stage payé par l’Anpe, à Kyoto,

Sur la possible propagation des idées zen à divulguer dans le monde,

Influencé qu'il est probablement par sa mère…

La première à lui mettre le grappin dessus c’est notre aide-comptable.

Elle, de son côté, n’avance pas, elle a encore échoué son examen de

Comptable professionnel premier degré. En son absence,

Elle m’a fait quelques confidences : son cœur bâtait la chamade,

Comme on dit dans les livres, a battu la chamade pour lui

Pendant cette longue période où de Kyoto, Jean-Paul ne donnait

Aucun signe de vie. Il a bien changé, il s’est laissé pousser la barbe,

Porte une casquette qu’il a achetée pas cher là-bas.

Le week-end suivant, j’étais un peu triste de me retrouver seul,

Je sortis de chez moi pour aller faire un tour. Après avoir quitté

Mon home douillet, je me suis trouvé nez à nez avec le papa de Jean-Paul.

Il me regarda tout d’abord, hésitant, pas sûr qu’il était de

Me reconnaître, son fils lui avait longuement parlé de moi.

Le père à Jean-Paul ne ressemble pas à Jean-Paul, pas du tout,

A tel point, dans un premier temps, je me suis demandé si sa

Maman, elle qui veut changer le monde pour la raison qu’il ne

Marche pas comme elle le voudrait, si par inattention n’avait pas

Fait quelques rencontres, avant de se marier avec cet homme-ci ?

Mais, ne soyons pas médisant, admettons qu’il fut le vrai père,

Dieu seul sait la vérité, alors, cesse, s’il te plait, toutes ces supputations

Qui ne peuvent que Salir cet homme et mettre de l’huile sur le feu.

 

Ce sont eux, ce sont eux, monsieur l’agent, je les ai vus

Les voilà ils partent en moto, ce sont bien eux qui ont inscrit

Merde sur la poubelle de Monsieur Gilbert qui n’a rien

Fait de mal depuis belle lurette, vous devriez leur courir

Derrière, monsieur l’agent, vous êtes jeune beau et fort à la fois,

N’ayez pas peur comme moi, allez-y, montrez votre courage !

D’ailleurs, vous voyez, vous avez ici les traces de leur passage,

Ils ont fait l’aller et le retour dans la même soirée, ça s’est passé

Très rapidement, regardez je suis certain de ce que j’avance.

Pour vous le dire comme cela très rapidement, Monsieur Gilbert,

Il porte des bretelles rouges, tout le monde est au courant dans

Le patelin, personne ne dit rien, chacun fait ce qu’il lui plait dans

Notre coin, ce n’est pas comme ailleurs, d’après ce qu’on dit,

Ici si tu portes des bretelles, tu portes des bretelles. Seulement,

Les jeunes veulent récupérer celle de Monsieur Gilbert, car

Elles sont, d’après leurs dires, d’une grande valeur marchande,

Il y a un marché à Londres, paraît-il, nous, on n’est pas au courant,

Monsieur l’agent, mais, les rumeurs vont bon train.

Tout cela détériore sérieusement l’ensemble des humains qui

Vivent tranquillement dans ce village béni des Dieux

Depuis que le pape est venu incognito, loin des journalistes

Qui ne se dérangent jamais par là, monsieur l’agent, il ne se passe

Jamais rien ici qui intéresse les médias. L’épouse de monsieur Gilbert

Est très affectée de ce qui nous arrive, elle envisage de consulter

Un spychologue assermenté. Monsieur l’Agent, il vous reste à faire un

Rapport à vos chefs pour qu’ils viennent voir ce qui se passe

Dans ce bordel d’endroit de merde, qu’on aimerait même des fois,

Être plutôt à Paris que là.

 

Mon cher Claude,

J’ai rêvé de toi tout à l’heure, juste avant de me réveiller.

Quelle chance de te revoir après tant d’années de silence. Le rêve

M’a donc rappelé à ton bon souvenir et m’a remis dans le bain,

Je dis bien le bain, si doux, si amical de notre relation ancienne,

Et qui reste dans ma mémoire à tout jamais : la preuve, ce rêve.

Je ne te dirais pas quelle est la fonction de ce songe, ne voulant pas

Te barber avec mes théories psychanalytiques actuelles devenant de

Plus en plus obsessionnelles. Il est donc question de bain, d’atmosphère.

J’étais bien là-dedans. J’étais comme dans un bon film, un bouillon,

C’est flou, seulement des bribes d’images me reviennent en vrac.

L’endroit, un manoir, une église, un jardin, une grande salle.

Nous devions monter un décor pour un spectacle avec toi pour acteur.

Tiens, j’ai un ami acteur, plus près de mon quotidien, mais mettons

Cette association très intéressante de côté pour l’instant, sinon on ne va

Rien comprendre du tout… Il était question de mise en place de meubles

Plutôt anciens (tu as toujours aimé les meubles anciens, tu vois,

Je m’en souviens encore) dans une sorte de hangar. Le sol est une dune,

Je cherche le meilleur endroit non pas tant pour poser ces objets,

Mais pour situer de quels endroits les spectateurs auront

Le meilleur point de vue. Dans ce rêve il y a de l’amitié, du bonheur

Est-ce à dire qu’il y a chez moi actuellement ce type de besoins ?

Je crois, oui.

 

Le lauréat se leva la tête haute et avec une mine minable

Due probablement à l’absorption de l’alcool ingurgité

Tout au long de la journée, en attente qu’il était de ce moment

Inacceptable… Pourtant, il y était allé pour ne pas attrister sa famille

Qui n’avait aucun espoir en la vie, ni le matin, ni le reste de la journée.

Lorsqu’on s’approcha de lui pour lui donner le papier imprimé

Par l’imprimerie nationale incognito, il se leva et quitta la salle sans mot dire,

Personne ne l’attendait et on fit comme s’il n’était ni venu, ni pas venu,

De lui on s’en foutait complètement, comme disait souvent sa mère

En se levant de son lit après une nuit d’accalmie, une nuit différente

Des jours qu’elle vivait au quotidien avec les siens…

… Et ses seins qui gonflaient de plus en plus sous son pull,

Qu’il fallait bien qu’un jour elle s’en occupa, mais de cela

Elle ne voulait pas en entendre parler, du moins pas pour l’instant,

Tenaillée qu’elle était par la superstition : 

"Et s’il m’arrivait quelque chose pendant l’opération ?"

Se disait-elle en permanence quand elle y pensait, particulièrement

Lorsque ça lui faisait très mal en plein milieu de la nuit

Et qu’elle ne voulait pas déranger ces cons de dormeurs, ces cons d’hommes.

 

Des hommes, elle n’avait pas une image positive.

Peut-être l’avez-vous senti déjà dès les premières lignes

De ce roman qui commence comme il se terminera c'est-à-dire

N’importe comment, tout le monde le sait d’avance,

Avec lui, on ne sait où on va, ni avec elle sa mère non plus,

Ni avec les autres personnages qui finiront bien par arriver à

Un moment où à un autre dans le cadre très précis

De cette histoire qui n’en est pas une, en fait.

Il se disait souvent, qu’être là-dedans, où ailleurs,

À mi-chemin entre l'aujourd'hui et le demain, c’était sa vie

De quidam perdu dans cette ville chaotique, frileuse.

Il voulut partir pour un voyage, un grand voyage,

Et pour cela, silencieusement prépara sa valise.

Voilant à peine sa peine auprès des siens,

Fermant les yeux pour ne pas souffrir,

Afin qu’enfin de cette décision prise seule,

Il puisse un jour lever la tête sans honte.

 

Il avait décidé de tartiner des pages et des pages tous les jours

Histoire d’écrire des non-histoires, que tout le monde attendait

Ou n’attendait pas, du lundi au dimanche inclus et jours fériés

Il ne perdait pas une journée, toutes comptaient, pourtant…

Ils se sont longtemps posé la question de ce qui le motivait,

De ce qui pouvait l’encourager à continuer dans cette direction,

Dans cette tache dont on ne voyait pas quel en était l’enjeu,

Le motif de la raison à trouver sens, dans cette démarche,

Certes artistique, mais dont la finitude ne cessa de questionner

Les plus grands des intellectuels de France, pays reconnu pour

Sa chaleur humaine et sa collaboration à tous les niveaux de

L’histoire que tout le monde connaît sur le bout de la langue

Où plutôt sur le bout des doigts, comme disait sa cousine Germaine,

Qui aimait les bonbons, qu’elle aimait tant ça. Des frittes, il n’en

Mangeait jamais, la friture ne lui causait que de l’ennui gastrique,

Mais certains ont dit qu’il s’agissait plutôt de problèmes

Psychologiques issus de sa jeunesse ou de sa tendre enfance, mais,

Nous n’avons jamais voulu trop intervenir dans sa vie privée…

Seulement, voilà t’il pas qu’un jour, un vendredi, une fin d’après-midi,

Alors que le week-end arrivait à grands pas …

 

Hier soir, Jeannette, avant d’aller dans sa chambre pour dormir,

M’a posé cette question : qu’est-ce que l’art ?

Je n’ai pas attendu Jeannette pour réfléchir à ça,

Alors du tac au tac, je lui ai répondu : l’art c’est l’âme.

À ces mots-là, elle m’a regardé droit dans les yeux et

Voulut avoir plus d’infos sur la question. Je lui ai alors expliqué

Que la peinture c’est la représentation de ce qu’il y avait

À l’intérieur du peintre et qui sortait sur la toile à un moment donné.

La musique, l’écriture, le théâtre, le cinéma et tous les autres arts,

C’est toujours l’âme d’un artiste.

Je sais que ce mot-là est rarement utilisé en psychanalyse,

"L’âme" c’est pas sérieux, ça fait sentimental…

Mais revenons à Jeannette qui après réflexion me demanda :

Puisque l’art est monnayable, l’âme l’est-elle aussi ?

J’avoue, sur le coup je n’ai pas compris où elle voulait en venir,

Faisait-elle allusion aux émissions de télé de Michel Drucker,

Où à tant de saloperies actuellement sur le marché des saloperies,

Alors je lui ai dit le fond de ma pensée, je lui ai dit :

L’art ce n’est pas lié à l’argent, c’est tout le contraire,

Puisque l’art c’est l’âme, et l’âme, ma chérie, c’est personnel,

C’est ni à vendre, ni à acheter…

 

"Faut avoir des ressources bordel" me dit-elle souvent

Tous les jours c’est la même rengaine. Comment ne pas se poser

La question de savoir si dans le fond elle m’aime encore.

Elle qui reçut toute l’affection nécessaire au bon développement

De son petit cerveau, reçu tout naturellement du temps de son enfance,

Du temps de sa maman, là-bas, dans cette ville, si loin d’ici.

Je ne parlerai pas de son papa, c’était un Mac, pas un ordinateur,

Un homme vivant surtout le soir, plus à Pigalle qu’au turbin.

 

"Tôt le matin, après le petit dej.", je lui dis : je t’aime, le savais-tu ?

Elle me répond toujours avec un léger sourire que je ne sais comment interpréter.

Comment voulez-vous juger ce genre de sourire après le petit dej. ?

Mais enfin, ne restons pas enfermés dans ce genre de considération

Qui fini toujours par tourner en rond avec une personne comme elle,

Passons rapidement aux choses ordinaires de la vie ordinaire,

Passe donc l’aspirateur lui fis-je, histoire d'avoir un appart propre.

 

"J’ai peur que la tour de Babel me tombe sur la tête", ai-je rêvé l’autre jour. 

C’était exactement les mots formulés par Juliette, lorsque je m’approchais d’elle

Pour lui parler de problèmes d’argent que nous avions depuis pas mal de temps :

Les crédits s’amoncellent, les dettes auprès de la famille ne se comptent plus

Et les choses à acheter encore pour monter notre ménage sont dans la liste

Qu’elle sait très bien tenir. Je ne dirais pas que Juliette n’est pas la femme idéale.

Sur tous les points, on peut affirmer qu’elle est bien celle que j’ai toujours cherchée

Et jamais trouvée, avant. Notre rencontre, c’était un mardi ou un autre jour

Dans un quartier de Paris, je crois qu’il s’agissait de Pigalle,

Mais je n’en suis pas très sûr…

 

"Moralement ça va, mais de la force, je n’en ai pas beaucoup" et ça, c’est vrai

Ce n’est pas de la littérature, ceux qui me connaissent le savent bien,

Pas la peine de le cacher, si vous me voyez vous comprendrez, enfin

Je ne suis pas moche à ce point, seulement quand il faut y aller

Et que le corps ne suit pas comme on voudrait, alors, alors il y a de quoi

Se flinguer, sauf si vous avez le moral, comme moi.

 

"Mon corps ne sait pas suivre, le salaud", que je me dis parfois

Lorsque le moral n’est pas au rendez-vous, mais dans le fond c’est rare,

C’est même très exceptionnel, en général ça peut aller. L’autre jour,

J’étais avec Jean-Robert, un ami à Juliette, un ancien ami, un ancien amant plutôt.

Pourquoi vous le cacher, Juliette a connu d’autres hommes avant moi,

Mais depuis notre rencontre, elle m’a juré ne plus avoir besoin d’autre chose,

Qu’elle charmante enfant elle est parfois, lorsque je la prends par la main

Et qu’on se promène à Pigalle, ce quartier qu’elle aime tant,

Un reste de son père probablement. Jean Robert est charmant,

Il a deux ans de moins que Juliette, et moi, ça ne me dérange pas

Cette différence d’âge, l’essentiel c’est la fidélité, entre elle et moi, c’est bien.

 

"Parfois, pourtant, je suis comme sur du coton" quand je les vois bras dessus,

Bras dessous, comme sur un nuage blanc, un tapis d’Orient, un voyage pas cher,

Un charter tout compris, à bas prix, occasion exceptionnelle récupérée sur Internet,

Une affaire à saisir, à ne pas louper, frais en sus à rajouter au forfait,

Mais enfin on n’a qu’une vie, alors, c’est ça qu’elle dit souvent, au fond

Elle a raison, sauf que Jean Robert exagère sur un point, il aime

Se faire entretenir, mais à part ce point de détail, entre nous, c’est …

 

"De l’ouate, ça baigne". Ça baigne, mais pas tous les jours. Jean Robert

A des qualités comme tout le monde, mais aussi des défauts. Elle fait tout

Pour les atténuer, les dissoudre dans la masse, mais pourquoi

Vous le cacherai-je plus longtemps, ne sommes-nous pas entre nous,

N’ai-je pas une totale confiance en vous ? Vous saurez garder ces confidences

Pour vous et en dehors de notre cercle d’amis communs, personne d’autre

N’en saura rien. Donc, Jean Robert a quelques défauts dont un

Est d’aimer les voitures. Les BMW, le con. Sa dernière, c’en est une ancienne,

Pas les moyens d’en avoir une récente, le pauvre, faudrait qu’il travailla pour ça,

Mais enfin ne compliquons pas trop les relations amicales surtout que Juliette

Risque de me tomber sur le paletot si j’insiste. Il la bichonne, n’ayant plus

Mon amie comme avant, il compense, c’est ce qu’il a dit l’autre jour

Lorsque nous étions attablés à la terrasse d’un café de l’avenue Trudaine

Si tu ne connais pas, vas-y, c’est super !

 

"Je suis encore et toujours sur la route". Il roule, il roule, il va vite, très vite

Tout en lui donne du bonheur, pensions-nous Juliette et moi, lorsqu’un flic

Nous repère et nous poursuit avec son fusil à la main. Je suis tout en nage,

Sur le point de me réveiller, mais je n’en ai pas envie, pas tout de suite,

Je veux savoir la fin. Je n’arrive pas à me souvenir exactement du film,

À savoir si nous étions Juliette et moi seuls dans la voiture où si Jean Robert

Y était aussi, j’en ai parlé avec elle au moment du petit dej., mais elle m’a dit,

Histoire de me contrarier de bon matin, ne pas avoir fait le même rêve

Que moi cette nuit. On s’aime, mais parfois il peut y avoir entre nous,

Comme dans tous les couples, quelques différences.

 

" Rien n’est terminé, tout recommence" me dis-je souvent. Combien d’aventures

Ai-je connues dans le dédale de cette vie ordinaire ? Que dire de cette ville

Où tout est permis, tout est payant, rien n’est gratuit… Mais enfin

On n’a pas à se plaindre. Il y a tous les jours de la semaine pour oublier.

En temps normal, en temps réel, elle et moi, nous faisons nos courses

Dans les super marchés du coin, mais quand il y a Jean Robert, elle préfère

Qu’on les fît "au bon marché" c’est plus chic, ça fait tout de suite plus généreux,

Il y a la diversité des choix possibles, la qualité irréprochable.

Casino, c’est bon pour les chiens, les sans-le-sou, nous, c’est pas pareil,

D’ailleurs tu n’as qu’a voir : n’a-t-il pas une BM ? Un soir, après

Quelques verres de gin, ils aiment tant ça le gin, le soir, bref,

Ne nous étalons pas trop là-dessus, car j’en aurais des choses à dire,

Mais ce n’est ni l’heure ni le moment, un soir il me fit une confidence

Alors que Juliette était allée au Water closet :

 

"J’ai eu comme plusieurs vies" vois-tu et maintenant j’aspire à me poser,

Je pense à me marier, c’est con, mais j’y pense souvent, et moi

Du tac au tac je lui réponds, après avoir bu un grand verre d’eau :

Pour cela il te faut une femme. Tout à coup, j’ai eu mal, très mal,

Mon inconscient me jouait des tours…Je ne sais quels genres d’associations

Il a pu faire à ce moment précis de notre conversation, mais j’ai eu peur

Un instant qu’il pensa bêtement à Juliette, qu’il a aimée beaucoup,

Mais enfin j’étais arrivé à temps pour qu’ils ne s’engloutissent pas

Tous les deux dans une affaire compliquée dont ni les uns, ni les autres

En eussent été pleinement satisfaits. Dans la vie, il fit…

 

"Plusieurs emplois d’abord", mais très rapidement il comprit que ce n’était pas

Une solution pour lui, qu’il avait d’autres objectifs à atteindre et surtout,

Il avait besoin de tout son temps pour sa voiture rouge. Oui, elle était rouge.

À une certaine époque, il connut Françoise Sagan, c’était juste avant sa mort,

Mais cela ne dura pas longtemps, elle avait des problèmes d’argent paraît-il,

Alors lui évidemment… Il aurait bien voulu connaître aussi, mais cette fois-ci

Dans le sens biblique Margueritte Duras, mais il était trop jeune, elle avait disparu

Avant qu’il ne fût en âge de procréer, non que pour elle c’était essentiel,

Mais c’est une façon de dire pour ne pas offusquer certains… De la psychanalyse,

Il ne connaissait rien et me demandait si je voulais bien lui servir le fauteuil,

Alors de temps en temps, je le laissais parler, histoire de faire plaisir à Juliette

Et équilibrer cette relation un peu complexe.

 

"Et qui dit emplois, dit fonctions", c’est ça qui l’obsédait le plus, qu’il n’arrivait pas

À comprendre, bien qu’il eut à ce sujet une idée derrière la tête, mais comment faire

Pour y accéder sans avoir les clefs ? Un matin, il nous fit part d’un souci qu’il avait

Concernant la connaissance, le fameux "socle" dont nous rabâchait les oreilles

La télé Thomson, achetée à la Fnac, un jour où fut décidé que tout le matériel

Audio visuel devait être renouvelé. Ce jour-là n’était pas un jour comme les autres

Puisqu’il y eut cette décision, cette initiative qu’au demeurant nous n’étions pas

Obligés de prendre, car l’ancien matériel fonctionnait très bien, rien à dire,

C’était en ensemble "B et O" et un poste Sony.

 

"Tout a fonctionné tant bien que mal" jusqu’au jour où cela continua à fonctionner

Encore et encore sans jamais dé-fonctionner, et ma foi il s’en accoutuma

Comme on s’accoutume à tout et à n’importe quoi. Son ancien téléviseur

Était posé sur un socle rond permettant un pivotement confortable dans le cas où

Il viendrait à changer de place le siège affecté à la vision de la télé,

Bien qu’en général il préférait laisser en permanence son fauteuil au même endroit.

Son appartement, il le bichonnait sans toutefois être comme certains maniaques,

Mais enfin, il était attaché à ce qu’il soit toujours présentable dans le cas où…

 

"Je suis content quand je vois le résultat" de tes efforts lui avait dit une amie

À Juliette, un soir, étrange soir, où il reçut du monde chez lui pour une partie Pizza.

Ce n’était pas son genre ce genre de réunion, c’était Jean Robert l’initiateur,

Il en avait eu l’idée à la suite d’un feuilleton américain qu’on regardait à trois,

Étalés que nous étions sur le magnifique sofa de Serge : il nous l’avait prêté

Avant d’aller s’installer définitivement à Marrakech. Le plus désagréable de la soirée,

Ce n’était pas tant l’amie à Juliette, je l’ai supportée toute la soirée sans rien dire,

Pas même à Juliette pour ne pas faire d’histoires, par contre la Pizza,

Elle était insignifiante. Il eut rêvé faire une sublime association comme l’on fait

Parfois devant un mets. Ne lui venait pas en mémoire la madeleine de Proust,

Mais enfin lorsqu’on est à plusieurs à partager un plat commun, il eut aimé penser

À cette pizza, la première de sa vie, plus épaisse, moins fournie, de Calenzana

En Corse, pays où il n’allait plus à cause des bombes, c’est bête d’avoir

Des freins, des peurs comme ça, mais que voulez-vous on ne se refait pas.

 

"J’ai eu de la chance" de ne pas avoir reçu de bombes, pensais-je ce soir-là

Quand me revinrent les images de Calvi, du vvf… Je pensais à ce pays merveilleux

Où j’avais été en famille, avant, bien avant Juliette, lorsque j’étais un homme normal

Comme tout le monde avec une BMW route, pas la même que celle Jean Robert.

Non, c’était une d’occasion, achetée principalement pour le travail,

Car à l’époque je travaillais. Lorsque je pensais à tout cela, j’avais de la peine,

Pas de la nostalgie, mais de la peine que je ne noyais pas dans l’alcool

Comme certains, ces boissons étant encore en vente libre à l’époque,

Je me jetais à corps perdu dans la confection de pennes à la tomate

Et au piment de Cayenne, un tsunami pour l’estomac, bref,

La télé me tournait la tête, je finissais par tout mélanger.

 

Juliette vient de me faire une confidence en mangeant de la confiture

Une confidence qui fait mal aux dents : "j’aimerai partager ma vie avec lui",

Me fit-elle en me regardant droit dans les yeux, histoire de voir comment

J'allais le prendre. Il est sept heures du matin et la journée commence.

Lui, c’est un médecin et en plus, a-t-elle ajouté :

Comme cela je l’aurai sous la main au cas où…

Je suis un non-violent et la tête de Juliette, j’y tiens encore.

Seulement entendre des choses pareilles peut mener facilement

Certains devant Monsieur le Juge pour un divorce avéré.

Mais rien n’y fera, lorsqu’on s'aime, on ne s’arrête pas sur

Les phantasmes de l’aimée, on s’arrête sur autre chose.

On doit se dire que ça passera, tout passe avec le temps.

Seulement, tout ne s’arrête pas là, il y a les idées fixes,

Puis il y a la réalité, et Juliette me dit alors…

Je ne dirais rien sur ces aveux, cela restera comme un secret entre elle et moi,

Mais pour me remonter le moral et me raisonner un peu je me suis dit :

Acceptons que de temps en temps l’un de nous perde les pédales pour

Son équilibre et celui de notre union sacrée.

J’avais là assez d’arguments pour laisser faire Juliette.

 

Hier après-midi à quatorze heures, je m’installais

Dans un fauteuil de la salle Garnier, s’il vous plait, et j'ai vu là

"Wolf" d’Alain Platel, un opéra contemporain, après un moment,

Tu vois entrer un SDF, un vrai ou un acteur ? Je n’en sais rien.

Notre homme arrive avec une meute de chiens sur scène,

J’eu l’impression de revoir un film de Bunuel ou bien

De retourner en enfance avec le cirque d’hiver,

Lorsque Papa nous y amenait, c’était pas souvent.

Pendant une bonne partie du Spectacle, sorte de danse folle

Multiculturelle et sur lequel on a accroché la musique de Mozart,

Une pure merveille, un enchantement pour les yeux et les oreilles.

Subitement notre meute de chiens se met à forniquer devant un public

Bien propre, genre bobo et jeunes pas des banlieues.

Il n’y eut qu’une seule dame à avoir quitté la salle,

Les autres sont restés… tous des pervers.

Vous devez vous demander pourquoi je vous parle de cette histoire,

Ce qu’il peut bien se cacher là dessous ? Et bien, j’ai vu de mes propres yeux,

Notre SDF, récupéré dans la rue ou dans un cours de théâtre, c’est pareil,

Heureux, pas seulement parce qu’il faisait l’amour avec ses chiens,

Mais parce qu’il avait trouvé sa place dans le rôle qu’il s’était affecté.

Comme je l’ai déjà dit, tout homme va s’organiser avec ce qu’il a,

Et lui c’était ses chiens, pour d’autres ce sera autre chose…

Donc, qu’il y ait du bonheur à être SDF n’est pas fait pour me surprendre,

Mais enfin relativisons : cette population margminale nous posent sans le vouloir

La question fondamentale suivante : qu’est-ce que le bonheur ?

Les chansons ne parlent que de cela. Je devrais, avec l’expérience des ans

En savoir plus là-dessus, mais aujourd’hui je suis dans le doute.

Le bonheur, est-ce une bonne affaire juteuse, pour vendre de la musique ?

 

Laisser jouer dans l’atelier mon imaginaire, c’est là toute ma fonction d’artiste.

Parfois le pinceau m'offre une forme ressemblant à des humains.

Je me souviens être allé dans le Perche et avoir été impressionné par la nature,

Les paysages de cette région si différente de la Beauce où je vivais à l’époque.

Alors, très rapidement, au soir de ce jour-là, une toile s’est construite autour

D'un mélange subtil de ce que je voyais de ma fenêtre, associé

À l’impression de cette après-midi-là.

À ces mots, Brutus se leva brusquement de son fauteuil "Roche et Bobois"

Et alla rejoindre sa famille à Fontainebleau où à 14-15 ans il allait passer

Deux ou trois jours histoire de quitter la famille pour commencer à vivre,

Respirer autrement, essayer de survivre. Il y avait les petits hôtels-restaurants,

Les petits menus, les petites chambres, les livres qu'il emportait

Et qui racontaient des histoires de bonnes travaillant dans des hôtels.

Dans les salles assez ordinaires on servait à manger : il n’y avait jamais

Beaucoup de monde. J’étais un gosse gouttant à la liberté et à la solitude…

Déjà !

 

J’aime le temps qui passe actuellement. Le mois d’août approche et je n'ai

Aucun projet de vacances, rien d'autre à vivre que les jours qui passent

Tranquillement les uns après les autres, sans attente particulière.

Personne dont je voudrais impérieusement sa présence près de moi,

Comme c’était le cas jadis… Si de nouvelles histoires devaient se présenter

Je vous avertis, je ne veux en vivre que les bons moments, pour le reste,

Non, merci. Rien n’est plus beau dans la vie que de faire son pain

Avec de la farine, de la levure de boulanger, du jus d’orange; de l’eau de vichy.

Ne pas laisser trop lever la pâte, quinze minutes. Faire cuire, attendre

Que le pain soit refroidi pour le savourer ou le congeler éventuellement.

Que peut-il y avoir de plus extraordinaire que cet acte universel,

Pétrir tous les jours cette matière pour retrouver entre ses mains, le plaisir du touché…

 

Ne pouvant plus faire de voyages, il alla à la Fnac acheter un

Guide touristique très pointu sur tous les lieux exotiques de Paris,

Ville dont il disait à qui voulait l’entendre : "C’est la plus belle ville du monde"

C’était son point de vue en rapport à toutes celles qu’il avait visitées,

Mais sachons raison gardée, ce n’était pas un voyageur acharné.

 

Cela commença tout de suite assez mal lorsqu’il entra

Pour la première fois chez Old England, vaste magasin de là-bas,

Apporté ici, tout près de l’Opéra. Seulement, en voulant entrer

Par la porte principale, aucun groom n’étant là pour faire ce travail

Alors il faillit se casser le poignet, tellement elle était lourde à pousser

Et pénétrer à l'intérieur de ce lieu mythique et c’est là, tout à coup,

Qu’il prit conscience de son principal handicap : son manque de force.

Combien il fallait en déployer pour ce simple geste de la vie courante…

Ces doigts, il en avait besoin pour écrire ces mots, mes chers amis,

Ces mots qu’il aimait à vous dédier. Pendant plusieurs jours,

Il soigna ce bobo comme il put avec de la crème à l’arnica,

Mais rien n’y fit. Il dut laisser faire le temps.

 

Il y a quelque chose de terrifiant et d’admirable à la fois au fait

D’être malade en permanence. Si cette situation vous empêche

De faire ce que vous voulez et si votre désir d’avoir encore

Une action positive dans ce monde persiste, alors vous devez

En permanence gérer vos activités, faire des choix et parfois

Ne rien faire du tout, sommeiller, dormir, rêver. Heureusement

Ce n’est pas tout le temps comme ça, il y a des moments bénis

Où la vie devient possible et parfois même agréable.

On arrive à se sentir vivre comme tout le monde, ça fait bizarre

Lorsqu'on a perdu l’habitude, seulement ce n’est qu’un cours

Moment qui passe et on se dit, pour se remonter le moral :

Quand on ne va pas, peut-être est-ce mieux ainsi, car sinon

On risquerait de devenir con comme tout le monde…

 

Hier soir, samedi, il était un peu las, quand il prit la décision

D’aller à Paris faire un p’tit tour et prendre quelques photos

Du jardin du Luxembourg et plus si affinités… Puis, assis

À la terrasse d’un café, l’esprit ailleurs, il décida une chose

À décider depuis quelques jours déjà : parler de Lacan, Jacques Lacan.

Mais, de cet homme qu’en savait-il ? Il avait lu quelques lignes

De-ci, de-là, vu quelques reportages à la télé, entendu parlé

"D’autres qui savaient", en savaient un peu plus sur la question…

Cette idée persista tout au long de la soirée, sa décision fut prise 

De mettre fin à la lecture d'un livre qui commençait à l’ennuyer..

Il n’avait pas dans sa bibliothèque les fameux séminaires

Bien qu’il en eut un sur ses rayonnages, jadis, donné à un ami

Et non remplacé, mais surtout non édités, à cause d’une très vive

Polémique entre celui qui a les droits et les autres…  Heureusement,

On trouve ces conférences sans trop de difficultés sur Internet.

Il prit alors la résolution de ne traiter ce fameux psychanalyste,

Qu’au travers de ces textes piochés sur la toile, et ça, du Lacan,

C’est pas c’qui manque… Mais comment et pourquoi allait-il

Traiter cette affaire, cette personne qui n’avait nullement besoin de pub.

Tout le monde attendait la suite avec impatience et bienveillance.

 

Ni Dieu, ni Maître, ni Lacan, non plus. Ce n’est pas de "lui" qu’il s’agira ici,

Mais d’un moi comme étant un vous jouissant, où ces putains de mots

Se doivent de jaillir pour le plaisir et laisser panser la pensée libre,

Comme le disait si jutement ce Sacré bon Dieu de Lacan ! Evitons

De nous masturber la tête sur ce coup, il n’est qu’un alibi, mes chéris,

Un alibi à écrire. Amélie, tais-toi, laisse-moi faire.

 

Ça prend du sens, dit-il en mp3 le 11 mars 1975. Le propre

Du sens, de cette chose réelle émergente est de ne pas démontrer

La monstration du nœud. Faire la démonstration analytique de

Ce que je voudrais, mais pas sans ruses, tout doucement.

Reconnaissons, chers amis, Freud, ça dit quoi ? ça dit les noms

Du père, soit : le symbolique, l’imaginaire et le réel. C’est ça !

Parler, discourir est un accouchement, ça nomme quelque chose,

Voyez la bible, ce machin d’un père imaginé, devant nommer,

Devant donner un nom à tous les animaux pour la tradition, une

Tradition conne et puis il y a la dévotion…Une tradition se doit

D’être moins conne, un peu plus de jouir à se mettre sous la dent

Ne ferait pas de mal, c’est jouissif d’y croire. Le jouir est le point

Idéal, comme si le phallus était l’essence même du comique,

Mais les sens d’un comique triste. Faut dire que le phallus c’est

Ce qui donne du corps à … Je me souviens, il y avait un enfant

Devant le miroir... J’y ai saisi un geste, une valeur de ce que, à

Supposé ce miroir consistant dans l’unité assumée de l’image,

Ce semblant de corps prématuré, rassemblé, jubilatoire, offert,

Ce miroir joyaux, sensible, lien primordial d’un phallus ...

Trou imaginaire pour l’existence symbolique.

 

C’est la consistance, le concept du phallus, cette préfiguration

Du singe se masturbant aussi comme l’homme, il y a donc de

La singerie. La jouissance s’y exciste à la puissance deux, soit

Un sens lié au un ou au zéro, c’est à dire au pareil, voilà alors

Comment le symbolique a son poids dans la pratique analytique,

Le blablabla ou encore le verbe, ça cause. C’est que dans

L’inconstant, ça l’exciste, le réel de cet être, le parle-être que

Vous connaissez si bien maintenant : il nomme les choses.

Il me semble que je me distingue des animaux parce que je

Pense, je parle et de surcroît, j’en suis conscient. Les hommes

Rêvent de ne pas être les seuls dans ce parlage. Ils rêvent qu’il

Y ait eu au moins un Dieu qui parla, qui causa et aussi des anges,

Des commentateurs quoi, voyez la télé, par exemple. Je passe.

La parlotte, l’inouïe c’est Platon, il y fallait de l’imaginaire...

C’est quoi l’image ? qu’il disait. Pour lui la grande idée c’était le

Réel, le nom des choses, une énigme qui rend hommage au

Prestige des bancs de l’Université, pas pour nous analystes.

 

Nous, nous restons dans la pensée et ici je ne m’en prive pas,

De penser, je m’en paye une sacrée louche avec ma bouche

Et cela, je le sens, vous fatigue…Me dépêtrer de l’imbécilité humaine

Où le réel serait discernable au nom dupère, un débile mental

En vaut bien un autre, alors pourquoi pas Platon. Le

Réel c’est l’expulsé du sens, c’est l’impossible aversion du sens,

La version dans l’antisens, l’homme étant toujours là tel un Unix.

L’excistence comme une. Eh quoi Lacan exciste ? C’est ce qui se dit

Dans les couloirs... Le fabuleux message prétendu des gènes,

Le symbolique tournant en rond, inviolablement, le noeud

Ne serait pas borroméen, car pour tout dire, le trou est inviolable.

Voilà, pourquoi ne pas l’écrire, impose une compromission,

Additionner deux mots ensemble pour n’en former qu’un seul,

Au nom du père c’est le noeud, mais dénoué. Alors, de quelle façon,

Ce qui est là est nouable ou pas d’un rond ? C’est ce que fait Freud

Réduisant le nom du père à sa fonction de donner un nom aux choses…

Les conséquences, vous le sentez bien sûr, vont jusqu’au jouir, j’en

Veux pour preuve ces trois cercles annulaires se mettant dans le recul

Du cercle moyen, c’est ça un schème. La distinction du symbolique

Donné pour nom est superflue. Le noeud borroméen c’est ça, surtout

Avant sa mise à plat. Introduisant ce tiers, pour que l’autre sorte

Content dans le même rapport. Y a-t-il un ordre discernable, est-ce un tout

Concevable, ou bien, implique-t-il un ordre ? Il y a un ordre à soi-même,

la question est à laisser en suspens dans un ordre indifférent, ne pas les

Croiser, car il y a ces fameuses conséquences. Ces noeuds s’enlacent et

En coupant celui-ci, apparaissent deux oreilles enlacées, prêtes à l’enlacement.

Seulement, voilà, ce n’est pas tout, à quatre ou à trois ça fonctionne tout

Autant. N’en résulterait-il pas un beauRoméo hein ?

 

Vous devez, Pour comprendre la psychiatrie ordinaire, écouter Lacan, car

Il est à lui tout seul, une porte ouverte aux noeuds, mais sachez humbles

Citoyens qu’ils ne se libèreront jamais l’un après l’autre. Si vous coupez

Le premier, les autres resteront noués tout de même. On démonte

Le boRhuméen dans un sens, mais pas dans l’autre, ce qui évoque le concept du cycle…

J’avais dessiné jadis un noeud sans la perspective et Michel, avec la

Confusion qui le caractérise, y vit de chaque côté des oreilles un

Engendrement de noeuds : je ne sais comment il a fait, bref, je

Poursuis que pire, Dieu, dans l’élaboration que nous en donnons

Dans cet hémicycle, Dieu est la femme rendue toute, de la castraction,

Vœu (Promesse faite à Dieu) qui vient des hommes, vœu refoulé, l’ennui

C’est qu’il n’est pas... (Dans la salle il y eu à ce moment-là un grand

Silence, dans le fond, quelques bruits, mais il continua son discours)

N’exciste pas, la fable, la femme toute, qui ordonne la castration.

Rabelais, comique, l’avait bien compris, car elles ne disent rien tout

Simplement. Pour porter la castraction en l’autre, au point que le phallus,

Elle se le voudrait : qu’une femme soit phallogocentrique, aucun des

Males-ades ou sains ne peuvent en douter, seulement elle ne veut pas

Que ça lui pèse trop lourd…

 

Elle ne le donne pour autant qu’elle ne l’a pas, c’est ça le fait de l’amour.

Elles s’excistent comme symtôme, ceci apparemment dans le champ du réel,

Symboliquement parlant, bien sûr. Dessinons sur ce tableau noir pour vous

Zexpliquer, espèces d’ignares, la direction des trois éléments d’un

Noeud Borroméen. Cette forme centrifuge que vous voyez là n’est

Pas à identifier bêtement comme Michel l’a fait, c'est-à-dire en trois

Ronds, trois noeuds, même si ce n’est pas prévu dans son schéma à lui.

Je poursuis. Ce n’est pas pour rien que les imbéciles de « l’amour fou »

Ont été les surréalistes. Ils étaient saints-hommes sociaux. Si la femme

N’exciste pas, suppléons le nom de père déjà nommé de la bible, car

L’homme fait tout pour retirer son épingle du jeu, le malin, c’est alors

Qu’il nous faut toucher ce Dieu tribal symbolique, du seul fait

Implacable que c’est le signifiant un et sans trous, qui a un corps d’homme

Asexué, ce partenaire qui lui manque et lui manquera toujours sera affligé

D’un phallus qui est, ce qui lui barre la jouissance. Il lui faut comme un autre

De l’autre, pour éviter le « sang blanc » pour qu’il ne soit pas si

Différent des animaux et faire la femelle comme eux le font, à

Cause du semblant du discours, le sang du pouvoir du phallus indice un.

L’idée d’un patène de phallus, l’un le divise en savoir inconscient,

De la copulation inconsciente, tu parles mon chéri, le savoir-faire semblant,

Le baiser, comme ils disent, ce n’est pas une mauvaise formule, suçoter

Le corps signifié autre, pour en jouir comme tel, se le mettre entier ou

En morceau, né prématuré ou non, le concept ne manque pas d’attrait.

 

Lacan est-ce l’Artaud de la psychanalyse

 

« Il n’y a pas d’état d’âme » dit-il le 13 mai 1975 devant un auditoire

Consentant ouvert comme il se doit à une écoute intelligente la salle est

Comble comblée je suppose, mais pourquoi donc n’y suis-je jamais allé

A l’époque Lacan pour moi c’était un con un cochon pervers un escroc

Criant à la figure de ceux qui voulaient bien l’entendre RSI RSI comme un

Imbécile ou pire un deux trois nous irons au bois dans mon panier neuf il y a

Trois oeufs dont un est réel méritant logique peu importe le dominé heureux

Au point trois comme il se doit à savoir l’impossible passe du dire comme à

Démontrer que le pas repas du symbolique sur l’imaginaire ne donne que le

Thon, mais noué à un nombre épreuve voilà où nous en sommes des flashs

Pour déterminer la pratique impliquant comme supposé imaginaire le trou à

Nœud proie à la forme picassienne il m’a dit là je vous vois vachement

Chercher, mais moi j’ai trouvé le trou celui des souris à déterminer

L’homme dans la femme le pas de la gazelle sur le rocher comme le cercle

Mais pas toujours comme un trou inaccessible les yeux faisant alors leur métier

Pour donner des signes au chargé de passes grâce à l’usure ou se solde ce

Quelque chose de noué assez pour avoir la peau lisse à fomenter du trou

Sa conséquence s’y en racine au dernier mot dans la bouche il faut circuler

Pour la police faut passer par le trou du nœud Roméo tout en ne circulant pas

Il y a une différence entre ceci et ce nœud trou ça fait chaîne depuis qu’on fait

Des chaînes pas besoin d’user du trou puisque ça fait nœud sans faire chaîne

Mais l’un entre de telle façon qu’il infléchira l’autre à son tour et tournera en

Rond si le supposé symbolique indéfini entre en effet ouvrez les guillemets

Et c’est de cela qu’il s’agit comment se reconnaître dans ce double cercle couplé

Pour qu’un nœud soit beaur il faut que chacun des éléments soit sain et sauf

Mais cela implique bien entendu à ce qu’on oublie la trouvaille du plein trou

Qui vaille sous la condition que rien ne va plus  ce qui pour le moment

Chine textile à éluder généreusement tout de suite noué de cercles pour les

Louer d’une façon telle qu’ils ne soient pas noués s’ils passent ici comme une

Consistance identifiable et cette figure est facile à imaginer elle aura l’air d’être

Néanmoins couplée à cette consistance par chacun des éléments libres

Faudrait que les choses se disposent autrement pourtant à savoir en

Tant que montrable, car dans cette forme pour voir les autres libres et

D’abord dans la façon dont je vous mets la figure entre la droite et l’infini

Dans ce que leur rupture libère au point de vue du nœud non pas en tant que

Tel car la rupture reste sur l’élément d’après sa rupture comme bonne à jeter

Que reste-t-il un p’tit chiffon un bout de corde de rien du tout coupé ce que

Séparé d’un un de rien du tout un un une fois sectionné fait deux demis qui

Pour vous faire sentir qu’il n’y a pas de rapport sexuel rapport idée de

Proportion dont chacun sait que le parangon de la logique est à entrer dans

La figure du nœud et non du rapport des sexes à les supposé en tant que non

Noués c’est de cela qu’il s’agit dans ce que j’énonce qui se constitue nous

Le savons très bien dans ce que chacun dans sa façon de tourner en rond

Comme sexe n’est pas à l’autre noué c’est cela que ça veut dire mon nom

Apport frappant que le langage est depuis longtemps devancé les crimes des

Mathématiciens en parlant métaphoriquement de nœuds en montrant qu’ils

Impliquent ce droit élémentaire des sens matérialisés dans les nominations à

Propos de ce qui était rassemblé sur le sujet de ce que les logiciens tombaient

Du haut de mon nœud et ça ne m’a pas facilité les choses d’autant comme vous

Le savez un jour j’ai fait une figure qui s’est imposée d’elle-même fomentant

Une introduction hominale dont un quart du cercle non noué hors du jeu s’est

Mis plein dans sa simplicité dans une voie particulière qui ne va que jusqu’au

Cercle couplé qualifiable de ce que le trou impose non pas de distinction, mais

D’identification au point qu’il semble exigible de retourner dans cette trinité

À savoir d’évoquer que le réel tient dans ces thermes que j’ai déjà fomentés du

Nom de l’excistance à savoir ce qui se joue se noue jusqu’à une certaine limite

Dans le nœud et ça suppose un réel qui fait consistance tangible de ce que

La rupture relève de la consistance réduite alors à l’affectation du terme trou

Topologique hors la topologie rien de tel pour trouver le tord à sa place a deux

Trous internes avec sa chierie et externe participant du cylindre matérialisé le

Mieux par sa figure au rapport sexuel Desargues s’est avisé depuis longtemps

D’avancer une question ouverte sur le nœud beaur noué à un cercle par un

Couple à deux autres Faut il pour que ça fasse nœud voir du regard la chaîne

À la condition qu’on les voit toutes comme faisant rond ou bien voir qu’il

N’y a pas de nœuds qu’à ma connaissance Desargues de Vélasquez aux

Ménines pour me targuer de ce fameux regard sujet du tableau du prof

De normal supérieur où j’en profitais dans le même intervalle qu’ici sous

Une autre forme ne semble pas se nouer en Chine jamais Desargues ne

S’est posé la question de la forme de ces trames peu satisfaisantes du point

Au principe de la géométrie de l’autre quant au nœud et si nous étudions

Comme il se doit les mathématiques c’est d’amorcer la notion du groupe

C’est à dire par une série de trajets du groupe fondamental dont le nombre

Qui diffère pour indiquer sa structure dans ces trajets mails directs dont les

Trous entrent enfin guillerets pour défoncer ce noeud et contrairement à ce

Que vous pouvez imaginer la figure mise à plat chante distinctement bien que

Ça ne fera pas pour autant les trajets contrairement aux apparences ça n’est pas

Elle qui nous ramène au nœud beau Roméo ça fait nœud à ceci près que

Cette étape n’importe quel nœud intermédiaire nous introduira je viendrais

Que rien n’est moins naturel que de penser ce nœud qui aide la limite

Comme vicieux dans ce que le rapport des sexes sans préciser la figure comme

Rompu à ces noeuds non noués passés dans votre esprit aujourd’hui c’est de

Cela même que ces vérités premières et justement je termine c’est à savoir

Que rien n’est mis en évidence de ce qu’est le nœud boro qui implique la chaîne

Nous plaçons alors ce nœud au rang troisième de l’opération ce qui impliquera

L’expérience pour ne pas dire l’expérimentation telle que la manipulation

Des ronds de ficelle noueront les un et les autres interchangeablement et

En cela tout l’intérêt que je développerai l’année prochaine pour développer

L’ effet certain du référant Russes à savoir d’interroger cette référence

À partir de l’indivis des corps en fêtes semblables à la notion du réel et à son

Rapport à cette notion imaginaire entre être et naître au nœud à quatre que

Je viens de démontrer aujourd’hui par la droite infinie dans ce cercle qui fait

Barre inhibe tout ce qui est articulé au niveau de l’imagination errante et pas que

De cela, car dans chacun sexe en tant qui fait orifice de ce nœud dont le trou

Puise dans un orifice indépendant c’est l’inhibition à l’endroit du nœud comme

Nous pouvons le voir dans les débuts de la bible dont l’idée créationniste

Donne noms à chacun des animaux le mystique ment raconte faut arrêter un peu

Ton char père éternel croire en toi est impensable fleurs du symptôme

 

D’après « La télévision »

 

L’instinct s’impose chez les autres pour impliquer leur survie

Pour que notre pensée reste en mal d’hommes

L’inconscient ça parle de ce qui fait dépendre l’âme ça n’est pas rien ça

Suppose des fonctions de la somme du corps bien plus problématique

Dont l’âme est là de l’inconscient il ne touche que par le corps qui est

Plus raide d’y introduire, car l’homme il ne pense pas avec son âme

Une structure découpe son corps en rondelles qui n’ont rien à faire avec

L’anatomie ça dit quelque chose comme d’un poisson d’une pomme c’est

Là la différence d’où il résulte c’est stupéfiant cette dysharmonie quant à

L’âme le nous est une complaisance conforme au monde dont elle est tenue

Pour être le reflet de ce monde qui n’est que le fantasme qui soutient une

Réalité, mais il n’y a pas de raison de lui donner un tel privilège à la con

Sidérer comme une  grimace du réel

 

La guérison est une demande qui parle de la voix du souffrant

D’un qui souffre son corps l’étonnant est qu’il y ait réponse qui fait mouche

Par des mots dont l’âme est là à partir du fait que l’inconscient

Y est intéressé par la structure du langage mais attention le versant du sens

C’est celui dont on croirait que c’est le versant de l’analyse qui court à flot

Dans le bateau sexuel ce qui frappe c’est que le non-sens du rapport sexuel

Lequel est pas tant dans les dits de l’amour que dans celui du déconnage

Hurlant du bon sens commun à ceci près dans ce qui l’énonce du non-rapport

Du sexe sus déjà nommé la comédie est que la psychothérapie

Tourne court qui ramène au pire le symptôme Freud il n’a pas tracé la voie

A savoir du comment être docile à lire les rêves les mots d’esprit

Signifiants naïvement articulés verbalisés et puis dans une

Substance de la jouissance  la libido étant d’art en partant de je ne l’aime pas

Ou j’aime pas lui j’aime elle c’est pas lui qui m’aime c’est elle qui m’aime

Aimer haïr ce que découvre Freud dans l’inconscient c’est bien autre chose

En gros on peut donner un sens sexuel à tout, mais la jouissance vous savez

Je vais vous répondre, car j’ai réponse à tout c’est du discours analytique

Que j’ai fait fortune Freud n’a jamais dit que le refoulement provenait de la

Censure, car c’est lui le refoulement en premier la gourmandise …

 

Ne pas comprendre Lacan, c’est plutôt bien, j’allais dire génial, car

Il ne parle pas pour être compris. Sa démarche est justement de nous sortir de ce

Truc qu’il faut comprendre à tout prix, même si à ce jeu nous n’en sortons

Peut-être pas sain et sauf, qu’importe…Vivre c’est prendre des risques.

Il utilise le langage pour parler à notre inconscient, pense-t-il.

Seulement, cet inconscient dont nous sommes tous pourvus, je le

Rappelle pour la forme, pour ne pas l’oublier, cet inconscient n’a pas

Besoin des manipulations de ce bonhomme pour entendre quelque chose.

Alors, pourquoi Lacan m’intéresse-t-il autant actuellement ?

Si son discours ne veut pas être compris c’est que lui, il a une raison,

Une idée sur la question du comprendre en général. Sa langue relève de

L’abstraction et ça je crois connaître,

Voir ma peinture abstraite si le cœur vous en dit,

C’est pourquoi j’en profiterai ici pour caser mon avis sur

Le savoir qu’on doit avoir pour faire partie du monde des gens

Qui savent tout en évitant d’évoquer l’actualité du fameux socle

Des (connes) aisances… Lacan nous enseigne que du discours chacun

L’entend à sa manière ou ne l’entend pas de la même oreille.

Cette obligation du connaître est à casser urgemment, car

On va en crever c’est certain. Amélie, fais-moi une tasse de thé, merci.

Chacun n’a-t-il pas le droit à être ce qu’il est ? Lacan c’est

La musique d’un musicien très habile, joueur heureux de ce qui lui

Passe par la tête : il secrète par lui-même l’essence de sa propre jouissance,

Ce qui en langage normal se nomme la masturbation.

Bref, avec lui on prend le risque de se prendre la tête un moment, mais

Très rapidement, il sait nous remettre sur terre avec son RSI.

 

Survivre de Bruno Bettelheim

Depuis huit jours ce livre est là sur le bord de la table à m’attendre.

Je ne tourne pas vraiment autour, je suis dans l’évitement,

Je grille mon temps, bien qu’il soit actuellement consacré à

Un autre travail d’écriture mégalomaniaque.Survivre est capital,

Je veux dire, ce livre-là. Je l’avais acheté il y a longtemps, lu

Par endroits comme je fais si souvent, mais à cette époque-là,

Ma survivance, je ne sais si ce mot existe, qu’importe,

Vous comprenez où je veux en venir dans l’explique, elle avait

De la défaillance, une multitude de raisons m’avaient mis

Dans une situation de crise, alors un livre, celui-ci par exemple,

Pouvait servir le mental, être le catalyseur, faire la catharsis,

Puisqu’à l’intérieur on y traitait du malheur du monde

Et sur ce point-là, lui a été servi. D’une part, il a connu l’extrême

Des camps de concentration et après, les douleurs des malades mentaux

Auxquels il voua sa vie, sûrement d’une manière brillante et efficace,

D’apporter un soulagement à autrui, que lorsqu’on est dans cette situation,

Il est très difficile, pour ne pas dire insupportable de vivre

Toutes ces tensions internes, ces conflits permanents. À l’époque,

Je ne sais s’il existait des médicaments efficaces stabilisant un peu

L’animal agissant sournoisement et malveillamment en soi.

Toujours est-il, qu’aujourd’hui, je n’éprouve pas le fameux désir

Que Cipango, dans ses mines lointaines avait éprouvé. Non,

Mon envie de me remettre à cette lecture n’y est plus. Reprendre ce livre

N’a plus de sens pour moi, du moins à l’heure où je vous parle,

Car il traite de sujets dont je ne me sens pas concerné.

Voilà la situation du jour et je la trouve au fond relativement positive

Elle dit : « Tu es plus dans le vivre que dans le survivre,

                                                 Bravo mon petit, tu as gagné ! »